[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 décembre 1789.] 47 1 m’a point paru rentrer directement dans le plan du travail de notre comité, consacré principalement aux matières féodales. Espérons d’ailleurs qu’élevant ses vues beaucoup au-dessus de ces localités minutieuses, l’Assemblée nationale anéantira bientôt par un décret universel toute inégalité dans les partages: osons croire qu’égaux par leur naissance, les enfants du même père auront bientôt des droits égaux à sa succession, au moins ab intestat. Je terminerai donc ici ces discussions peu attrayantes, en vous suppliant de les honorer de la plus sérieuse attention. Songez, Messieurs, combien il importe de fixer par une décision précise et prompte, le sort de quantité de citoyens, que leur patriotisme et leur honnêteté ont jusqu’à présent garantis des excès, trop multipliés dans d’autres provinces (1). Signe : BAUDOUIN DE MâISONBLANCHE. 4e ANNEXE. Projet de décret sur les domaines congéables (2) par M. Baudouin de Jllaisonblanche, député de Lannion et Morlaix et membre du comité féodal (3). L’Assemblée nationale considérant que les propriétés sont sacrées, qu’ainsi nulle atteinte n’y saurait être portée sans ébranler les fondements de l’ordre social , Considérant que l’application de ces maximes aux domaines congéables, usités dans les départements du Morbihan, du Finistère et des Côtes-du-Nord, ne permet pas d’autoriser les colons à dépouiller le foncier de la propriété de ses héritages, par le rachat des prestations convenan-cières ; L’Assemblée nationale voulant néanmoins améliorer le sort des cultivateurs et leur procurer les avantages compatibles avec la justice, décrète ce qui suit : CHAPITRE PREMIER. Art. 1er. La tenure à domaine congéable est une convention licite, comme telle, maintenue et permise dans tout le royaume; en conséquence, les fonds et les rentes convenancières sont, de leur nature, non rachetables par les colons, qui, après l’expiration de leurs baillées, demeurent sujets au congément de leurs droits superficiels, sans pouvoir le provoquer. Art. 2 Néanmoins la déshérence ou reversion de la tenure au profit du foncier, usitée en roture par le décès du domanier sans enfants, le droit de lots et ventes sur l’aliénation des superficies, (1) Lorsque les comités ou l’Assemblée nationale auront établi des bases sur les dîmes, la banalité de moulins, les lods et ventes même, les rentes et les corvées féodales, je leur soumettrai de nouvelles réflexions sur l’application de ces règles aux domaines congéables, pour lesquels il faudra nécessairement des modifications, si on laisse subsister ce régime en le réformant. (2) Ce projet de décret n’a pas été inséré au Moniteur. (3) Ce projet est susceptible d’amélioration, même en faveur des colons, sans préjudicier aux fonciers, et l’auteur va s’en occuper; mais il croit convenable d’exposer ses premières vues, dont il ne s’écartera pas. (Note de M. Baudoin de Maisonblanche.) quoique mobiliers à l’égard du foncier, l’affectation du convenant au seul juveigneur en succession, l’exhérédation à cet égard des autres enfants et des héritiers collatéraux, la disposition qui prive la veuve du tenancier du douaire sur la tenure, et toutes les autres singularités de Fusement de Rohan, sont abolis pour l’avenir. Les convenants de ce territoire se régiront désormais par le droit commun des domaines congéables, sans qu’on puisse à l’avenir faire de concessions convenancières aux clauses du même usement. Art. 2 (1). Par exception purement temporaire à l’article précédent : 1° les fonciers, en Rohan, recueilleront, pour une seule et prochaine fois seulement, la déshérence des tenues possédées par les colons actuellement sans enfants et qui n’en auraient pas dans la suite; 2° le mode usuel de partage sera observé pour les successions directes échues, ou les premières à échoir seulement (non pour les collatérales) entre le juveigneur, soit maintenant marié, soit veuf ayant des enfants, ou même les enfants qui le représentent, soit enfin démissionnaire, quoique non marié, et les autres cohéritiers. Art. 3 (2). A l’égard des colons actuels de Rohan qui ont des enfants, pour toute indemnité envers leur foncier des suppressions ci-dessus prononcées, ils lui payeront une somme égale à une levée de leurs redevances convenancières, corvées non comprises; et ce payement sera par eux fait, de moitié, dans les deux années prochaines, à compter du 1er janvier 1791. Art. 4. La sujétion du convenancier, en Poher, au payement des frais de son congément, est aussi abolie, sans indemnité. Tout congédiant sera tenu aux frais légitimes d’instances, de prisage et de remboursement. La revue continuera d’être aux frais du requérant ; mais pour l’une et l’autre estimation les parties pourront aftider un seul expert. Art. 5. Les domaines de Cornouailles et tous autres sont déchargés de la cueillette des rôles rentiers de leur foncier, sans que la présente disposition préjudicie à la solidité des redevances sur chaque tenure. Art. 6. Les colons pourront enclore de haies et fossés convenables, et défricher les landes et terrains incultes dépendants et faisant partie intégrante de leurs tenures, sans néanmoins empiéter sur les chemins publics. Ils seront exempts, sur les productions de ces terres, de tous champarts et dîmes : à leur sortie par congément, ils seront remboursés de leurs engrais, cultures et clôtures. Art. 7. Tout droit de suite et de stus et engrais pratiqué dans Brourec, est aboli ; ces objets seront prisés à leur juste valeur avec le surplus des droits convenanciers du domaine congédié. Dans tous les domaines congéables, en quelque territoire qu’ils soient situés, le colon sera tenu de laisser sur les lieux, et le congédiant de lui rembourser la moitié des pailles de la récolte, des fumiers, à l’estimation d’un ami ou d’un expert, à communs frais pour cette partie seulement, si la tenure a été judiciairement prisée avant la récolte. Art. 8. Les baillées ou assurances de jouir auront leur cours entier au profit des coions, (1) Deux articles à discuter, dans l'hypothèse où l’on juge à propos d’accorder une indemnité aux fonciers, en Rohan. (2) Cet article mérite un examen sérieux. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [9 décembre 1789.] 47 2 hors le cas néamoins de la vente sur simples bannies à défaut de payement. Le foncier ne pourra les interrompre, même pour se loger dans la tenue ; et l’acquéreur du fonds d’un convenant les entretiendra, pourvu que la date n’en soit point suspecte de fraude, sauf son recours vers son vendeur, ainsi qu’il appartiendra. Art. 9. Le préciput au treizième, accordé par Fusement de Goello à l’aîné, sur les convenants, dans une partie de son territoire est aboli, tant péur les droits convenanciers, que pour les héritages même ; et le partage égal aura lieu entre les héritiers. Cette disposition est étendue à Fusement de Porhoet, qui est pareillement anéanti : les héritages de son ressort seront divisés également, et comme les autres biens, tant en directe qu’en collatérale. Art. 10. Néanmoins dans l’un et l’autre de ces territoires l’exception temporaire établie par l’article 2 ci-dessus, en faveur des juveigneurs, aura lieu pour les aînés actuels qui se trouvent dans les mêmes circonstances. CHAPITRE il. L’Assemblée nationale, après avoir ainsi rétabli Funiformité des domaines congéables, autant qu’il est possible, passant à la réforme des abus jusqu’ici communs à tous, décrète : Art. 1er. Les fonciers et les colons pourront convenir librement de baillées à longues années, jusqu’à 36 ans et au-dessous, mais pas moindres de neuf, sans être sous ce prétexte, assujettis à aucun droit ci-devant féodal, même aux lods et ventes sur le prix des superficies en premier démembrement de fonds. Art. 2. Les convenanciers que l’on voudra congédier, en seront préalablement et littéralement prévenus par le foncier ou son cessionnaire, six mois avant l’assignation en congément. Après cet avertissement, les colons auront la liberté de faire toutes améliorations de culture, toutes réparations d’édifices existants, sans pouvoir reconstruire les édifices en ruines, ni en bâtir de nouveaux, abattre aucun arbre, intervertir ni altérer les soles. Art. 3. Dans les prisages en congément n’entreront les blés, foins et autres productions pendantes par racines et devant être en maturité à la Saint-Michel lors prochaine: jusqu’auquel terme Jes colons en disposeront, ainsi que de la jouissance des logements, sans dégrader les objets prisés, dont ils recevront le prix en sortant de la tenue, à la déduction des redevances et des charges par eux dues proportionnellement à leur possession. Si parmi les terres prisées il s’en trouve qui, après leur dépouillement avant la Saint-Michel, soient, par l’usage du pays ou la nature des soles, destinées à une culture dont la récolte tombe après ce terme, mais dont la préparation est urgente, le congédiant, sans attendre ce délai, pourra les préparer et cultiver à son profit. Art. 4. L’action en congément sera portée par-devant le juge de paix du canton de la situation de la tenure : il en connaîtra, ainsi que de la nomination des experts, de leur prestation de serment, qu’ils pourront mettre sans assignation à eux, ni à la partie ; il décernera même tous actes nécessaires pour le remboursement; mais en quelque état que la cause devienne contentieuse l’uDe ou l’autre des parties pourra en requérir le renvoi au tribunal du district. A défaut de ce réquisitoire et dans tous les cas, le juge de paix statuera dans cette matière, à la charge de l’appel au même tribunal. Art. 5. Les convenanciers seront libres défaire en nature, ou de payer en argent, à l’appréciation qu’en fera le tribunal du district, de 10 ans en 10 ans, les corvées réelles dont leurs domaines sont chargés. Les abonnements néanmoins faits à cet égard par les litres particuliers de plusieurs convenants, subsisteront et seront exécutés. Art. 6. Outre les fruitiers et les mort-bois, qui continueront de leur appartenir exclusivement, les colons auront la moitié indivise des bois fonciers et à merrain, qu’ils planteront et éléverout à l’avenir sur les fossés ou dans l’intérieur des terres. Les rabines et avenues extérieures aux champs, ainsi que les bosquets, sont réservés aux propriétaires, comme au passé. Art. 7. Pour l’exécution de l’article précédent, et afin de constater les bois futurs, chaque municipalité, dans les pays de convenants, fera, sans frais, dans les deux ans prochains, un état double des arbres actuels fonciers, contradictoirement avec les parties intéressées : desquels doubles par elles signés, si elles le savent ou le veulent, et de l’officier municipal, ou du notable spécialement commis à cet effet, l’un sera remis au foncier, ou à sou agent, l’autre au colon qui aura requis l’opération. Art. 8 (1). Déclare déchus de l’avantage du présent décret les domaniers qui, sous les six années prochaines, n’auront pas commencé, sans fraude, à planter les fossés sur leur tenue aux endroits convenables et non nuisibles à l’agriculture, ou n’aurpnt pas, soit élevé des plans, soit formé des semis ou pépinières. Tout successeur par vente ou congément n’en jouira pas moins de l’usage des bois qu’il élèvera. Art. 9. Défenses sont faites, tant aux fonciers qu’aux colons, d’abattre aucun des arbres ainsi plantés ou élevés, qu’à l’âge convenable, et qu’après en avoir fait la déclaration spéciticative au greffe de la municipalité, où elle sera reçue sans frais. Au surplus les cointéressés se préviendront mutuellement pour marquer entre eux des arbres de même valeur. En cas de discussion à cet égard, le juge de paix du canton et ses assesseurs y statueront par un jugement sans forme de procédure, et avec célérité. Au surplus, le présent décret ne pourra préjudicier aux colons qui, par des titres particuliers, ont des droits plus étendus aux bois à merrain. Art. 10. Les domaniers qui prétendront avoir besoin de granges gerbières pour amasser ou conserver leurs récoltes, et ne s’accorderont pas sur ce point avec le propriétaire, présenteront leurs mémoires et leur titres au directoire du département, qui, sur l’avis du directoire du district, après communication au foncier, et sans frais, autorisera ces constructions, s’il y a lieu d’après la consistance et les localités du convenant, et en réglera les dimensions, les matériaux et la bâtisse, même par fixation de prix, ou par suppression du droit de rebâtir d’autres édifices ruinés ou inutiles, suivant les circonstances ; d’après quoi et conformément à cette décision, les tenanciers seront remboursés des mêmes granges, en cas de congément. Art. 11. Les déclarations convenancières ne seront à l’avenir exigibles que de 30 ans en 30 ans au plus, et même d’un nouveau colon, quelles (l) Cet article mérite examen. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 décembre 1789.] que soient les mutations de superliciaires et de fonciers: parce qu’aussi les titres récognitoires fournis depuis les 30 ans, et à fournir après ce terme, seront exécutoires de plein droit dans cet intervalle, sans qu’il soit besoin de formalités judiciaires pour les faire déclarer tels, sous prétexte de mutations. Art. 12. Nulle action de simple lésion, même ultramédiaire, ne, sera reçue dans les tribunaux pour modicité de la rente convenancière, ou du prix des droits superliciels détachés du fonds par le propriétaire. Les instances pendantes à ce sujet, et non jugées en dernier ressort, demeurent éteintes et supprimées, sans autres jugements ni procédure, que pour les dépens, sur un avenir à l’audience. Art. 13. Attendu la multiplicité survenue depuis deux siècles, des possessions par héritage dans les campagnes de la Basse-Bretagne, la présomption de la tenure universelle des terres à domaine congéable, érigée en loi pour leur territoire par quelques usements, n’existe plus et ne sera plus légale : en conséquence, celui qui prétendra la foncialité d’un ténement occupé par autrui, sera tenu d’en administrer la preuve, autre que cette simple présomption, et par des titres au moins énonciatifs. Il en sera également usé, par les mêmes motifs, au sujet de la présomption introduite par Fusement de Daoulas, que les terres de son ressort sont tenues à simple ferme. Art. 14. Les droits convenanciers continueront d’être mobiliers à l'égard du foncier, et d’être réputés immeubles entre les colons et à l’égard des tierces personnes. CHAPITRE III. L’Assemblée nationale considérant d’ailleurs que l’application de ses décrets sur les droits ci-devant féodaux et les rentes foncières exige quelques éclaircissements spécialement relatifs aux domaines congéabies afin d’en faciliter l’intelligence et l’exécution, décrète : Art. 1er. Les fonciers sont maintenus dans le droit de chasser sur leurs domaines congéabies, dans les saisons et de la manière permises par la loi. L’Assemblée nationale n’entend pas néanmoins interdire aux colons la faculté naturelle d’écarter et tuer le gibier qui dégraderait leurs semailles et leurs moissons. Art. 2. Toutes les banalités de four, de moulin et autres, auxquelles les colons pouvaient être sujets, même envers leur foncier, sont abolies sans indemnité; et les redevances dont eux ou leurs convenants auraient été chargés pour abonnement de ces banalités, sont éteintes sans rachat, à compter de la publication des décrets du mois d’août 1789. Art. 3. A compter de la même époque, les tenanciers des fours et moulins banaux, à domaine congéable, sont pareillement déchargés de la portion de leurs redevances correspondante à la banalité supprimée : ils continueront seulement d’en payer une quotité proportionnelle à la jouissance, tant du terrain des mêmes fours et moulins, dont les superficies leur appartiennent, que des terres et autres objets qui y seraient d’ailleurs annexés. 11 leur sera aussi, et en même proportion, fait raison des sommes par eux comptées pour baillées, suivant le temps qui en restait encore à courir. Art. 4. S’il s’élève des discussions sur cette réduction, pour y procéder sans frais ni formalités 473 judiciaires, le directoire du district nommera d’office un expert non suspect, qui, sur les mémoires et offres des parties, dressera son procès-verbal. Le coût en sera supporté par la partie dont les offres vu la prétention de redevances plus ou moins fortes s’écarteront davantages du résultat de la ventilation. La revue sera admise, mais aux frais du requérant; et elle décidera sans retour la fixation de l’arrentement. Art. 5. Les colons, qui payent des rentes foncières en acquit du propriétaire du convenant, pourront les racheter sur liquidation contradictoire avec lui; et ils auront reprise des capitaux par eux déboursés en cas de congément, si mieux n’aime le foncier reconnaître et leur continuer les mêmes rentes sur le fonds jusqu’au rachat. Art. 6. L’Assemblée nationale déclare non con-venanciéres, mais foncières perpétuelles et rache-tabfes aux termes de ses précédents décrets, les rentes dues par les possesseurs de teuures qualifiées à domaine congéable, qui ont acquis le droit de ne pouvoir être jamais congédiés, soit qu’ils l’aient obtem pour lin principal ou par une augmentation de redevances, soit quiis l’aient stipulé pour une commission ou nouveauté périodique que le foncier ne puisse refuser, ou par quelque autre voie. Art. 7. Déclare aussi non foncières, mais créées à prix d’argent et perpétuellement réductibles et franchissables au taux de leur origine, les rentes constituées par des contrats, dans lesquels le propriétaire d’un héritage en retient la possession, à titre de colon, et simule l’aliénation du fonds au prêteur, avec obligation, à des redevances prétendues convenancières. Néanmoins les tiers acquéreurs de pareilles routes ne peuvent être recherchés, sous le prétexte de cette simulation. Art. 8 et dernier. Au surplus l’Assemblée nationale ordonne que, dans deux mois, son comité féodal lui présentera, sur les matières convenancières, un projet d’instruction, conforme aux bases et aux dispositions précédentes, pour être par elle examine, et après son admission, servir de droit commun aux domaines congéabies, sans avoir égard aux usements particuliers qui, dès à présent, demeurent abolis. 5e ANNEXE. Observations relatives au droit féodal de la province de Bretagne sur les droits féodaux supprimés sans indemnité, et projet d’évaluation des rentes et droits qui ont été déclarés rachetables, par Gagon-Duchenay, député de Dinan et membre du comité féodal (1). Messieurs, mes observations n’ayant pour objet que tes droits féodaux de la province de Bretagne, je crois devoir commencer par en donner ici une idée, parce qu’ils ne sont pas les mêmes dans toutes les provinces du royaume, et que ce qui peut s’appliquer à la féodalité de la province de Bretagne peut souffrir des difficultés dans une autre. Je ne parlerai point des droits et rentes couve-nancières, connus en quelques parties de la Basse-Bretagne, sous les noms d ’usement de Rohan, (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur.