[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 septembre 1791.] 737 M. Robespierre... c’est que, dans les circonstances où nous sommes, il était impossible au plus habile des accusateurs de l’assemblée électorale de Paris de marquer quelle était la forme employée pour constater ce délit, quel était le point où finissaient le droit et la jurisprudence de l’assemblée électorale de Paris. Les lois nouvelles ne sont pas encore assez clairement défi-nies;on n’est point familiarisé par l’expérience avec leur exécution, ou plutôt elles n’existenl pas. Je prétends donc que vous ne pouvez pas donner une marque d’improbation à l’assemblée électorale de Paris; je prétends qu’il n’y a qu’un seul objet à faire, c’est de faire protéger, de faire respecter l’enceinte du lieu ou délibèrent les assemblées électorales, voilà le seul objet digne de l’Assemblée, le reste doit être abandonné. M. d’André. Je ne saurais assez m’étonner de l’hérésie constitutionnelle que le préopinant vient de prononcer; et, en effet, j’ai été bien surpris d’entendre juger sur l’intention. Je croyais que dans notre nouvelle Constitution il n’y avait plus que les faits et les preuves d’après lesquels désormais un citoyen serait accusé. M. Robespierre. Je n’ai pas dit cela. Plusieurs membres : Si ! si ! M. d’André. J’ai l’honneur de prier le préopinant, qui a déclamé tout à son aise, de me laisser raisonner au mien. (. Applaudissements .) On a dit que l’intention de l’huissier était d’arrêter dans l’assemblée électorale, et après avoir voulu juger l’intention, on a voulu également juger par les faits. Hé bien ! Messieurs, je dis, moi, qu’on ne doit juger personne sur son intention. Le préopinant a dit de plus que, sous le règne de la liberté, on ne devait point attenter à la majesté du peuple; cela est très vrai, mais je voudrais bien savoir si, sous le règne de la liberté, le principal caractère de la véritable liberté n’est pas essentiellement l'obéissance à la loi. M. Robespierre. La loi permet-elle de violer les assemblées électorales ? Un membre : Laissez donc. M. d’André. Il n’y a point de véritable liberté sans l’obéissance à la loi ; personne ne peut me contester ce point-là. Qu’est-ce que l’obéissance à la loi ? C’est que, lorsqu’un jugement est rendu suivant la loi par les organes et les ministres de la loi, ce jugement reçoive son exécution. En fait d’ordre judiciaire, toutes les fois qu’on exécute un jugement rendu, l’homme libre n’attend pas qu’on le prenne au collet pour le mener en prison: il s’y rend de lui-même; voilà la véritable liberté et l’obéissance à la loi. {Applaudissements.) Je m’en vais à présent vous expliquer ce qui est un attentat contre la liberté : c’est d’arrêter un homme qui n’est point décrété de prise de corps {Applaudissements.) ; c’est de le faire garder pendant six heures par des fusiliers ; c’est de l’interroger quand on n’en a pas le droit; c’est de le garder en charte privée; c’est non seulement d’arrêter un huissier contre lequel on a parlé, mais d’arrêter encore son commis, son clerc, qui n’était pour rien dans cette affaire; voilà les véritables attentats à la liberté. Ainsi, sans exa-i™ Série. T. XXX. miner les faits, je dis que le préopinant va évidemment contre la Constitution. A présent, je dis que c’est précisément au moment où nous nous séparons; c’est précisément quand nous allons rentrer dans la classe des citoyens, quand nous allons être dépouillés de toute l’inviolabilité qui nous avait mis à l’abri de toule espèce d’attaque, que nous devons donner le plus grand exemple, je ne dis pas d’attachement à la Constitution, mais de la fermeté invariable pour la faire exécuter. {Applaudissements.) Comment voulez-vous qu’on respecte votre Constitution si vous-mêmes vous la violez, si vous-mêmes vous laissez attenter à la liberté ? si, sous le prétexte de ces grands mots de majesté, de représentants du peuple, de liberté, qui, bien analysés, se réduisent à rien dans la personne des électeurs, si, dis-je, sous prétexte de ces grands mots, on favorise les abus de pouvoir les plus arbitraires, je dirai que ce serait nous conduire à l’anarchie la plus complète, que de placer la représentation du peuple dans tout autre corpsque dans le Corps législatif, car tout le reste n’est qu’une délégation. Les électeurs ne sont pas représentants du peuple, et remarquez où vous mènerait ce système. Quatre-vingt-trois assemblées électorales, se disant assemblées représentatives du peuple, délibéreraient isolément l’une de l’autre, et quel frein opposer à des gens nouvellement revêtus de la confiance publique ! Ce sont là des principes incontestables, et nous n’avons que faire des belles phrases que le préopinant aurait pu coudre ailleurs. Je dois instruire l’Assemblée d’un fait particul lier, mais important, pour la décision de cette affaire. Lorsque l’huissier Damiens est entré dans l’enceinte de l’assemblée électorale, les élec tions du jour étaient finies, d’après un arrêté par lequel les électeurs étaient convenus de ne procéder à aucune nomination après 3 heures ; la très grande majorité des électeurs n’y étaient plus. Cette circonstance rend plus illégale encore la conduite de ceux qui étaient restés. Je pense qu’il ne faut pas agir avec trop de rigueur, mais je crois qu’il est à propos que M. le président, en répondant à la lettre du corps électoral, — car le corps électoral nous ayant écrit, il faut répondre, -—lui dise que l’Assemblée nationale a pensé que le corps électoral était sorti des bornes que la Constitution lui a données. Plusieurs membres : La discussion fermée ! (L’Assemblée ferme la discussion.) Plusieurs membres demandent la priorité pour la dernière motion de M. d’André. M. Eianjulnais. Il n’y a pas de décret qui donne la police aux corps électoraux hors de l’intérieur de la salle de leur assemblée. Je demande qu’il soit décrété que l’Assemblée nationale improuve la conduite des électeurs du département de Paris, par rapport à l’huissier Damiens et à son commis, et renvoie cet huissier et son commis à se pourvoir devant les tribunaux, ainsi qu’il appartiendra. Plusieurs membres demandent la priorité pour la motion de M. Lanjuinais. (L’Assemblée, consultée, accorde la priorité à la motion de M. Lanjuinai3.) il