546 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 2) A l’emploi de capitaine au 10e régiment de cavalerie, Bonnot, aide-de-camp du général Moreau. Il a conduit le premier bateau à la nage au passage du détroit du Cacische le 10 thermidor, lors de la prise de l’île de Cadzand. 3) A la lieutenance du même régiment, Boullé, sous-lieutenant et doyen du 7e régiment de dragons : cet officier chargeant seul 6 tirailleurs ennemis à Maconi, en sabra deux; les 4 autres feignirent de se rendre, mirent bas les armes, et s’approchèrent de Boullé qu’ils démontèrent : celui-ci se relève, en sabre deux autres, et un dragon qui accourt tue les 2 derniers. 4) A la sous-lieutenance du même régiment, Michel Manu, dragon au 17e régiment. Plusieurs actions attestent son courage. A l’affaire de Niederothenback, il tua un hussard ennemi, et emmena son cheval. A l’attaque de Weyersheim, il tua 4 fantassins du corps de Rohan, et reçut 2 coups de feu. La veille de la prise de Lauterbourg, il tua un hussard autrichien, prit son cheval, et arracha un dragon du 11e des mains des ennemis. A Frankendal, il prit un dragon ennemi et son cheval, retourna ensuite au combat, tomba sur un corps d’infanterie, le dispersa, et s’empara du cheval du commandant. 5) A la sous-lieutenance du 5e régiment de chasseurs, Charles-André Meda, gendarme de l’escadron des hommes du 14 juillet. Lors de l’expédition de la commune, dans la nuit du 9 au 10 thermidor, il est le premier qui ait fait feu sur les traîtres Couthon et Robespierre. Le présent décret sera inséré au bulletin (1). [Applaudissements] . 52 Un membre [OUDOT] entretient la Convention d’un acte de bravoure resté dans l’oubli, sans doute parce qu’il appartient à un sans -culotte et à un homme modeste, qui, quoique dans le plus pressant besoin, attendait, sans les solliciter, et avec patience, les bienfaits de la nation qui lui avoient été promis. Michel Cabieu, sergent des milices gardes-côtes de la compagnie de la commune d’Ouistreham, apprend, le 12 juillet 1762, qu’une escadre anglaise, mouillée à l’embouchure de la rivière de l’Orne, département du Calvados, avoit le dessein de brûler 15 vaisseaux français chargés de bois de construction, et que 50 soldats avoient débarqué sur la rive gauche de l’Orne. Cabieu se porte seul dans la nuit à l’entrée du village d’Egsterham, couvert par un canal de (1) P.V., XLIII, 200-201. Rapport de Barère. Décret nu 10 389. Reproduit dans B1", 25 therm.; Moniteur (réimpr.), XXI, 483; Débats, n°692, 451; F.S.P., n° 405; J. Paris, n° 590. Ann. R.F., n° 257. 30 pieds de largeur : le seul tambour de sa compagnie l’avoit suivi. Bientôt l’intrépide sergent apperçoit la troupe anglaise qui prolongeoit le canal; il s’avance à l’autre rive, fait feu sur les ennemis, gagne rapidement un autre poste, renouvelle son feu; il voit que les Anglais sondent le canal; alors il prend le ton imposant d’un commandant, ordonne à 100 hommes de sa troupe de tourner l’ennemi, et ensuite le feu de bataillon : cette ruse intimide l’ennemi, qui fuit et laisse quelques morts : ainsi Cabieu préserva du feu 15 vaisseaux français et son village (1). OUDOT : Citoyens, je vais vous entretenir d’un acte de bravoure qui a été connu de l’Assemblée constituante, et qu’elle avait promis de récompenser avec la générosité d’une grande nation. Mais cet acte de courage est resté dans l’oubli, sans doute parce qu’il appartient à un sans-culotte, et à un homme modeste, qui, quoique dans le plus pressant besoin, attendait sans les solliciter, et avec patience, les bienfaits de la nation qui lui avaient été promis. La Convention nationale entendra sans doute avec satisfaction le récit de cette action héroïque. J’ose dire qu’elle est aussi brillante que celle d’Horatius Codés, qui, seul, arrêta les ennemis de Rome sur le pont du Tibre. Le 12 juillet 1762, une escadre anglaise, mouillant à l’embouchure de la rivière de l’Orne, dans le Calvados, avec le dessein de détruire 15 vaisseaux français chargés de bois de construction, fit les préparatifs pour exécuter ses projets hostiles. Elle mit à terre, pendant la nuit, 2 détachements de soldats, pour protéger l’attaque que les chaloupes armées allaient entreprendre. Le détachement qui avait débarqué à la droite de la rivière surprit le poste qui veillait à la garde de la batterie, tua 7 soldats, en prit 16, mit les autres en fuite, et s’empara de la batterie. Cinquante soldats qui avaient débarqué à l’autre rive s’emparèrent aisément de la batterie, qui n’était gardée que par un matelot canonnier invalide et 7 vieillards qui eurent le bonheur d’échapper à la faveur de l’obscurité; mais, avant que d’abandonner leur poste, ils avaient tiré 2 coups de canon qui avaient mis en alarme les habitants du village d’Ouistreham, situé sur la rive gauche de l’Orne. Ce beau village, peuplé de pêcheurs intrépides, avait perdu presque tous ses habitants par la guerre; les uns avaient péri, les autres avaient été faits prisonniers. Mais tandis que les femmes et les enfants s’occupaient d’enlever leurs meubles et de cacher leurs bestiaux, Michel Cabieu, sergent des milices gardes des côtes de la compagnie d’Ouistreham, se porte seul à l’entrée du village, couvert par un canal de 30 pieds de largeur; le seul tambour de sa compagnie l’avait suivi; mais il ne tarda pas à le quitter pour aller prendre soin de sa famille et de ses effets. (1) P.-V., XLIII, 201-202. 546 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 2) A l’emploi de capitaine au 10e régiment de cavalerie, Bonnot, aide-de-camp du général Moreau. Il a conduit le premier bateau à la nage au passage du détroit du Cacische le 10 thermidor, lors de la prise de l’île de Cadzand. 3) A la lieutenance du même régiment, Boullé, sous-lieutenant et doyen du 7e régiment de dragons : cet officier chargeant seul 6 tirailleurs ennemis à Maconi, en sabra deux; les 4 autres feignirent de se rendre, mirent bas les armes, et s’approchèrent de Boullé qu’ils démontèrent : celui-ci se relève, en sabre deux autres, et un dragon qui accourt tue les 2 derniers. 4) A la sous-lieutenance du même régiment, Michel Manu, dragon au 17e régiment. Plusieurs actions attestent son courage. A l’affaire de Niederothenback, il tua un hussard ennemi, et emmena son cheval. A l’attaque de Weyersheim, il tua 4 fantassins du corps de Rohan, et reçut 2 coups de feu. La veille de la prise de Lauterbourg, il tua un hussard autrichien, prit son cheval, et arracha un dragon du 11e des mains des ennemis. A Frankendal, il prit un dragon ennemi et son cheval, retourna ensuite au combat, tomba sur un corps d’infanterie, le dispersa, et s’empara du cheval du commandant. 5) A la sous-lieutenance du 5e régiment de chasseurs, Charles-André Meda, gendarme de l’escadron des hommes du 14 juillet. Lors de l’expédition de la commune, dans la nuit du 9 au 10 thermidor, il est le premier qui ait fait feu sur les traîtres Couthon et Robespierre. Le présent décret sera inséré au bulletin (1). [Applaudissements] . 52 Un membre [OUDOT] entretient la Convention d’un acte de bravoure resté dans l’oubli, sans doute parce qu’il appartient à un sans -culotte et à un homme modeste, qui, quoique dans le plus pressant besoin, attendait, sans les solliciter, et avec patience, les bienfaits de la nation qui lui avoient été promis. Michel Cabieu, sergent des milices gardes-côtes de la compagnie de la commune d’Ouistreham, apprend, le 12 juillet 1762, qu’une escadre anglaise, mouillée à l’embouchure de la rivière de l’Orne, département du Calvados, avoit le dessein de brûler 15 vaisseaux français chargés de bois de construction, et que 50 soldats avoient débarqué sur la rive gauche de l’Orne. Cabieu se porte seul dans la nuit à l’entrée du village d’Egsterham, couvert par un canal de (1) P.V., XLIII, 200-201. Rapport de Barère. Décret nu 10 389. Reproduit dans B1", 25 therm.; Moniteur (réimpr.), XXI, 483; Débats, n°692, 451; F.S.P., n° 405; J. Paris, n° 590. Ann. R.F., n° 257. 30 pieds de largeur : le seul tambour de sa compagnie l’avoit suivi. Bientôt l’intrépide sergent apperçoit la troupe anglaise qui prolongeoit le canal; il s’avance à l’autre rive, fait feu sur les ennemis, gagne rapidement un autre poste, renouvelle son feu; il voit que les Anglais sondent le canal; alors il prend le ton imposant d’un commandant, ordonne à 100 hommes de sa troupe de tourner l’ennemi, et ensuite le feu de bataillon : cette ruse intimide l’ennemi, qui fuit et laisse quelques morts : ainsi Cabieu préserva du feu 15 vaisseaux français et son village (1). OUDOT : Citoyens, je vais vous entretenir d’un acte de bravoure qui a été connu de l’Assemblée constituante, et qu’elle avait promis de récompenser avec la générosité d’une grande nation. Mais cet acte de courage est resté dans l’oubli, sans doute parce qu’il appartient à un sans-culotte, et à un homme modeste, qui, quoique dans le plus pressant besoin, attendait sans les solliciter, et avec patience, les bienfaits de la nation qui lui avaient été promis. La Convention nationale entendra sans doute avec satisfaction le récit de cette action héroïque. J’ose dire qu’elle est aussi brillante que celle d’Horatius Codés, qui, seul, arrêta les ennemis de Rome sur le pont du Tibre. Le 12 juillet 1762, une escadre anglaise, mouillant à l’embouchure de la rivière de l’Orne, dans le Calvados, avec le dessein de détruire 15 vaisseaux français chargés de bois de construction, fit les préparatifs pour exécuter ses projets hostiles. Elle mit à terre, pendant la nuit, 2 détachements de soldats, pour protéger l’attaque que les chaloupes armées allaient entreprendre. Le détachement qui avait débarqué à la droite de la rivière surprit le poste qui veillait à la garde de la batterie, tua 7 soldats, en prit 16, mit les autres en fuite, et s’empara de la batterie. Cinquante soldats qui avaient débarqué à l’autre rive s’emparèrent aisément de la batterie, qui n’était gardée que par un matelot canonnier invalide et 7 vieillards qui eurent le bonheur d’échapper à la faveur de l’obscurité; mais, avant que d’abandonner leur poste, ils avaient tiré 2 coups de canon qui avaient mis en alarme les habitants du village d’Ouistreham, situé sur la rive gauche de l’Orne. Ce beau village, peuplé de pêcheurs intrépides, avait perdu presque tous ses habitants par la guerre; les uns avaient péri, les autres avaient été faits prisonniers. Mais tandis que les femmes et les enfants s’occupaient d’enlever leurs meubles et de cacher leurs bestiaux, Michel Cabieu, sergent des milices gardes des côtes de la compagnie d’Ouistreham, se porte seul à l’entrée du village, couvert par un canal de 30 pieds de largeur; le seul tambour de sa compagnie l’avait suivi; mais il ne tarda pas à le quitter pour aller prendre soin de sa famille et de ses effets. (1) P.-V., XLIII, 201-202. SÉANCE DU 25 THERMIDOR AN II (12 AOÛT 1794) - Nos 53-54 547 Bientôt l’intrépide sergent aperçoit la troupe anglaise qui prolongeait le canal; il s’avance à l’autre rive, crie : Qui vive ? fait feu sur les ennemis, gagne rapidement un autre poste, renouvelle son cri et son feu, et toujours par son agilité se préserve du feu de l’ennemi qui, dirigeant ses coups vers l’endroit où l’on avait tiré, ne pouvait l’atteindre. Cabieu s’aperçoit que les Anglais sondent la profondeur du canal; alors il prend le ton imposant d’un commandant, ordonne à sa troupe de faire feu de bataillon. La prudence détermine les Anglais à se coucher ventre à terre; mais Cabieu réfléchit bientôt que les Anglais ne seront pas dupes longtemps de sa ruse guerrière; il a recours à une ruse nouvelle : il ordonne à son aide-major de prendre 100 hommes et de tourner le village, pour gagner le pont et attaquer l’ennemi en queue, tandis qu’il va le charger en tête; l’ennemi intimidé se relève et se détermine à la retraite; mais elle n’est pas assez rapide au gré de Cabieu; il prend la caisse que le tambour avait laissée près de lui, bat la marche, et, frappant à coups redoublés sur un petit pont de bois, imite par le mouvement rapide de ses pieds celui d’une troupe nombreuse qui se précipitait sur le passage. Les Anglais battent la retraite autant que leur permet le fardeau des morts et des blessés qu’ils remportent avec eux. Un officier anglais, atteint de plusieurs coups, avait eu la cuisse cassée; la douleur que lui causait cette grave blessure ne permit pas à ses camarades de l’emporter dans leur fuite; ils abandonnèrent cet infortuné à la générosité des Français. Leur attente ne fut pas trompée; lorsque la renaissance du jour eut permis au brave sergent de reconnaître le terrain, il prodigua ses soins généreux à son ennemi vaincu; il se montra aussi prévenant et aussi empressé à le secourir qu’il avait employé de fermeté pour le combattre. Cet officier fut réclamé; une chaloupe parlementaire se présenta, et proposa pour sa rançon 16 prisonniers que les Anglais avaient faits à l’autre bord. Ainsi Cabieu donna la liberté à ces 16 prisonniers; il sauva les 15 bâtiments chargés d’une cargaison précieuse qui était l’objet de l’expédition des Anglais; il préserva son village de l’incendie auquel il était destiné poùr éclairer et favoriser l’attaque des Anglais; cette entreprise échoua par sa prudence et par sa fermeté. Tel est à peu près le récit qui fut fait à l’Assemblée constituante, le 4 septembre 1790. Cette action brillante, après avoir excité les applaudissements qu’elle méritait, fut renvoyée au comité des pensions : elle y est demeurée ensevelie, et personne ne s’en est occupé depuis; et ce que vous aurez peine à croire, c’est que 100 livres de pension, que le tyran Louis XV avait royalement accordées à l’homme le plus vertueux, au militaire le plus intrépide de ce qu’on appelait alors le royaume, ne sont plus payées depuis 18 mois. J’ai vu, dans les derniers jours de ma mission dans le Calvados, ce vénérable sergent; je l’ai engagé à me faire parvenir les pièces vérificatives de son action éclatante. Ce n’est que depuis quelques jours que le directeur des fortifications (Desprès), l’un de ceux à qui je les ai demandées depuis, me les a adressées. Je demande que la proposition que je fais de lui accorder une pension de 1200 livres soit renvoyée au comité des secours, pour faire incessamment son rapport. Je demande qu’il lui soit accordé sur-le-champ, et par provision, une somme de 600 livres; je demande enfin que le nom de général Cabieu, qui lui a été attribué depuis son action par ses concitoyens, soit donnée à la commune d’Ouistreham qu’il a sauvée; cette commune, qui porte un nom anglais, ne perdra pas au change (1). [ Vifs applaudissements ] Le rapporteur termine par un projet de décret qui est adopté en ces termes : Un membre, après avoir fait le récit de l’action éclatante de Michel Cabieu, sergent des gardes-côtes de la compagnie d’Ouistreham, département du Calvados, demande qu’il lui soit accordé, 1) une pension de 1 200 livres; 2) un secours provisoire de 600 livres, non imputable sur sa pension; 3) que le nom de général Cabieu , qui a été atttribué par ses concitoyens à ce brave sergent, soit donné à la commune d’Ouistreham qu’il a sauvée de l’incendie. La Convention nationale décrète que la trésorerie nationale fera passer au receveur du district de Caen la somme de 600 livres, qui sera payée au citoyen Michel Cabieu, par forme de secours provisoire, non imputable sur sa pension, renvoie les pièces et les autres propositions relatives au citoyen Cabieu aux comités de liquidation et de la guerre pour faire un rapport sur l’augmentation de pension à accorder à ce brave militaire. Décrète en outre, que le rapport qui vient de lui être fait, sera inséré au bulletin de correspondance (2). 53 Jean Kriek, général de division, demande le paiement de ses appointemens pendant le temps de son arrestation, et la faculté de continuer ses services. Renvoi au comité de la guerre (3). 54 Le citoyen Souchet, de Bellac, département de la Haute-Vienne, a reçu cinq blessures graves à l’armée; il demande de passer (1) Moniteur { réimpr.), XXI, 480-481; J. Fr., n°687; M.U., XLII, 415; Ann. R. F., n° 254; Ann. pair., n° DLXXXIX; J. Sablier, n° 1495; Audit, nat., n° 688; C. Eg., n° 724; J. Mont., n° 105; Débats, n°691, 435. (2) P.-V., XLIII, 202. Rapport de la main de Oudot. Décret n° 10 388. Reproduit par Én, 28 therm. et 30 therm. (2e suppl1). (3) P.-V., XLIII, 202.