SÉANCE DU 29 FLORÉAL AN II (18 MAI 1794) - Nos 5 A 7 433 Cette proposition est adoptée, et le décret suivant est rendu : « Sur la proposition d’un membre, « La Convention nationale décrète la radiation des mots : en présence des détenus, insérés au premier article du décret additionnel aux décrets des 18 pluviôse et 22 floréal, rendu dans la séance du 28 floréal » (1) . 5 Un secrétaire fait lecture d’une lettre des commissaires nationaux du bureau de comptabilité, écrite au président de la Convention, pour annoncer que les rapports sur différens receveurs particuliers des finances des ci-devant généralités, sont remis au Comité de l’examen des comptes (2) . [Paris, 29 flor. Il] ((3) . « Citoyen président, Nous te prions de prévenir la Convention nationale que nous remettons aujourd’hui à son Comité de l’examen des comptes nos rapports sur ceux des citoyens Randon Hannencourt, ancien receveur général des finances de la ci-devant généralité de Poiters, exercice 1789. Parseval des Chênes, ancien receveur général des finances de la ci-devant généralité de Metz et Alsace, exercice 1787. Cassan, receveur particulier des finances de la ci-devant élection de Millau dépendant de la ci-devant généralité de Montauban, exercice 179°. Azémar, receveur particulier des finances de la ci-devant élection de Rodez, dépendant de la ci-devant généralité de Montauban, exercice 1790. Dufour, receveur particulier des finances de la ci-devant élection de Verneuil, dépendant de la ci-devant généralité d’Alençon, exercice 1790. Mahon, receveur particulier des finances de la ci-devant élection de Rozoy, dépendant de la ci-devant généralité de Paris, exercice 1790. Clusel Sauget, receveur particulier des finances de la ci-devant élection de Montluçon, dépendant de la ci-devant généralité de Riom, exercice 1790. Et Dorinières, receveur particulier des finances de la ci-devant élection d’Aurillac, dépendant de la ci-devant généralité de Riom, exercice 1790. » Michelin, Boby La Chapelle, Joinville. 6 Le même fait lecture d’une lettre du Comité de surveillance de Vedette-Républicaine (4) , qui annonce à la Convention que le citoyen Fran-(1) P.V., XXXVII, 284. Minute de la main de Bréard (C 301, pl. 1074, p. 23). Décret n° 9198. Mention dans C. Eg., n° 639; J. Paris, n° 504. Voir ci-dessus séance du 28 flor., n° 47. (2) P.V., XXXVII, 284. (3) C 301, pl. 1073, p. 16. (4) Philippeville, Ardennes. çois Roussel, fourrier au 23e régiment de cavalerie, a fait don à la patrie d’une pièce d’or et d’une pièce en argent, qu’il a trouvées sur un esclave qu’il a tué. Mention honorable, insertion au bulletin (1) . [Vedette-Républicaine, 24 flor. II] (2). « La République entière applaudit à vos travaux. Restez à votre poste, vous ne desemparerez pas que vous n’ayez achevé de rendre la France libre et heureuse. Nos frères d’armes de l’armée des Ardennes qui font vider notre territoire aux satellites des despotes couronnés et qui sont entrés dans le leur, joignent à la bravoure des braves républicains le désintéressement de vrais sans-culottes. Le citoyen François Roussel, fourrier au 23e régiment de cavalerie, qui avait fait mordre la poussière à un esclave, lui a trouvé un écu et une petite pièce étrangère; il nous l’a remis pour en faire don à la patrie et a donné la capote à un de nos frères, volontaire dans le 8e bataillon du Nord, qui n’en avait point. S. et F. » Coque, Petit, Mataigne, Tournay, Wolff, Chastelle, Pieplu. 7 Un membre donne lecture d’une pétition de la commune de Niaux, département de l’Ariège, qui dénonce l’existence de tours seigneuriales dans les environs de leur territoire, et en demande la destruction. La même commune félicite la Convention nationale sur ses succès, et l’invite à rester à son poste. Ensuite elle annonce qu’elle a renoncé à tous les cultes superstitieux, et qu’elle n’a d’autre religion que celle du plus pur républicanisme et de la Raison. La Convention nationale décrète la mention honorable de l’adresse, et passe à l’ordre du jour sur la pétition, motivé sur l’existence des lois qui ont détruit la féodalité (3) . [Niaux, 17 germ. II] (4). « Représentans d’un peuple libre, Nous vous félicitons sur vos immenses travaux, nous les chérissons et nous ne cesserons de les chérir tant que vous n’en opérérez que de pareils. Continuez, rendez-nous heureux aux dépens de notre tranquillité présente. Si nous supportons patiemment des revers c’est dans l’espoir de cueillir les doux fruits qu’enfanteront vos travaux; c’est parce que notre bonheur futur sera votre ouvrage, qu’une foudre d’élance du sommet de la sainte Montagne, qu’elle aille planer, éclater sur la tête et anéantir enfin à jamais ces esclaves de l’orgueil et de l’intérêt, indignes d’être décorés du nom français et (1) P.V., XXXVII, 285 et 324; Bin, 3 prair. (2e suppl1) ; M.U., XXXIX, 474; J. Paris, n» 504; C. Eg., n° 639; Aud. nat., n° 603; Rép., n° 150. (2) C 302, pl. 1089, p. 19. (3) P.V., XXXVII, 285; B«", 29 flor. et 2 prair. (suppl1); Ann. R.F., n° 171; J. Fr., n° 602. (4) C 302, pl. 1098, p. 22. SÉANCE DU 29 FLORÉAL AN II (18 MAI 1794) - Nos 5 A 7 433 Cette proposition est adoptée, et le décret suivant est rendu : « Sur la proposition d’un membre, « La Convention nationale décrète la radiation des mots : en présence des détenus, insérés au premier article du décret additionnel aux décrets des 18 pluviôse et 22 floréal, rendu dans la séance du 28 floréal » (1) . 5 Un secrétaire fait lecture d’une lettre des commissaires nationaux du bureau de comptabilité, écrite au président de la Convention, pour annoncer que les rapports sur différens receveurs particuliers des finances des ci-devant généralités, sont remis au Comité de l’examen des comptes (2) . [Paris, 29 flor. Il] ((3) . « Citoyen président, Nous te prions de prévenir la Convention nationale que nous remettons aujourd’hui à son Comité de l’examen des comptes nos rapports sur ceux des citoyens Randon Hannencourt, ancien receveur général des finances de la ci-devant généralité de Poiters, exercice 1789. Parseval des Chênes, ancien receveur général des finances de la ci-devant généralité de Metz et Alsace, exercice 1787. Cassan, receveur particulier des finances de la ci-devant élection de Millau dépendant de la ci-devant généralité de Montauban, exercice 179°. Azémar, receveur particulier des finances de la ci-devant élection de Rodez, dépendant de la ci-devant généralité de Montauban, exercice 1790. Dufour, receveur particulier des finances de la ci-devant élection de Verneuil, dépendant de la ci-devant généralité d’Alençon, exercice 1790. Mahon, receveur particulier des finances de la ci-devant élection de Rozoy, dépendant de la ci-devant généralité de Paris, exercice 1790. Clusel Sauget, receveur particulier des finances de la ci-devant élection de Montluçon, dépendant de la ci-devant généralité de Riom, exercice 1790. Et Dorinières, receveur particulier des finances de la ci-devant élection d’Aurillac, dépendant de la ci-devant généralité de Riom, exercice 1790. » Michelin, Boby La Chapelle, Joinville. 6 Le même fait lecture d’une lettre du Comité de surveillance de Vedette-Républicaine (4) , qui annonce à la Convention que le citoyen Fran-(1) P.V., XXXVII, 284. Minute de la main de Bréard (C 301, pl. 1074, p. 23). Décret n° 9198. Mention dans C. Eg., n° 639; J. Paris, n° 504. Voir ci-dessus séance du 28 flor., n° 47. (2) P.V., XXXVII, 284. (3) C 301, pl. 1073, p. 16. (4) Philippeville, Ardennes. çois Roussel, fourrier au 23e régiment de cavalerie, a fait don à la patrie d’une pièce d’or et d’une pièce en argent, qu’il a trouvées sur un esclave qu’il a tué. Mention honorable, insertion au bulletin (1) . [Vedette-Républicaine, 24 flor. II] (2). « La République entière applaudit à vos travaux. Restez à votre poste, vous ne desemparerez pas que vous n’ayez achevé de rendre la France libre et heureuse. Nos frères d’armes de l’armée des Ardennes qui font vider notre territoire aux satellites des despotes couronnés et qui sont entrés dans le leur, joignent à la bravoure des braves républicains le désintéressement de vrais sans-culottes. Le citoyen François Roussel, fourrier au 23e régiment de cavalerie, qui avait fait mordre la poussière à un esclave, lui a trouvé un écu et une petite pièce étrangère; il nous l’a remis pour en faire don à la patrie et a donné la capote à un de nos frères, volontaire dans le 8e bataillon du Nord, qui n’en avait point. S. et F. » Coque, Petit, Mataigne, Tournay, Wolff, Chastelle, Pieplu. 7 Un membre donne lecture d’une pétition de la commune de Niaux, département de l’Ariège, qui dénonce l’existence de tours seigneuriales dans les environs de leur territoire, et en demande la destruction. La même commune félicite la Convention nationale sur ses succès, et l’invite à rester à son poste. Ensuite elle annonce qu’elle a renoncé à tous les cultes superstitieux, et qu’elle n’a d’autre religion que celle du plus pur républicanisme et de la Raison. La Convention nationale décrète la mention honorable de l’adresse, et passe à l’ordre du jour sur la pétition, motivé sur l’existence des lois qui ont détruit la féodalité (3) . [Niaux, 17 germ. II] (4). « Représentans d’un peuple libre, Nous vous félicitons sur vos immenses travaux, nous les chérissons et nous ne cesserons de les chérir tant que vous n’en opérérez que de pareils. Continuez, rendez-nous heureux aux dépens de notre tranquillité présente. Si nous supportons patiemment des revers c’est dans l’espoir de cueillir les doux fruits qu’enfanteront vos travaux; c’est parce que notre bonheur futur sera votre ouvrage, qu’une foudre d’élance du sommet de la sainte Montagne, qu’elle aille planer, éclater sur la tête et anéantir enfin à jamais ces esclaves de l’orgueil et de l’intérêt, indignes d’être décorés du nom français et (1) P.V., XXXVII, 285 et 324; Bin, 3 prair. (2e suppl1) ; M.U., XXXIX, 474; J. Paris, n» 504; C. Eg., n° 639; Aud. nat., n° 603; Rép., n° 150. (2) C 302, pl. 1089, p. 19. (3) P.V., XXXVII, 285; B«", 29 flor. et 2 prair. (suppl1); Ann. R.F., n° 171; J. Fr., n° 602. (4) C 302, pl. 1098, p. 22. 434 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE d’exister sur le sol d’un peuple libre. Que le glaive de la loi tombe sur la tête orgueilleuse des despotes qui ne désirent vivre que pour nous redonner des ordres ou des fers. Ordonnez et nous sçaurons exécuter et faire exécuter tous les sages décrets qui émaneront de vos pouvoirs. Faites disparaître jusqu’au moindre signe du despotisme dont nous vous parlons avec horreur, et le peuple n’étant plus offusqué par la vue des objets qui sentent encore les chaînes, se rendra à l’envi et de plus en plus digne de marcher sur le sol chéri que nous habitons. La commune de Niaux au nom de laquelle nous vous parlons est à la vérité dans les meilleurs principes, et à la hauteur de la révolution. Mais un point manque à ses désirs, à son bonheur. Les tours bâties sur les ci-devant châteaux mettent des entraves à sa fidélité; un coup de main qui n’est pas peu important, Représentans, manque à votre grand œuvre, c’est un abus à réformer qui nous offusque les yeux et nous rappelle le souvenir de nos malheurs, de l’esclavage; vous avez aboli la féodalité, et cependant il en reste encore des signes qui sont ces tours sur les ci-devant châteaux; existeraient-elles pour enorgueillir les ci-devant et leur faire espérer de les mettre dans la suite en usage et à notre préjudice ? Existeraient-elles pour nous rappeler le triste souvenir des chaînes et du joug sous lequel nous avons si longtemps gémi, et courbé nos têtes, dignes d’un autre traitement ? C’est un objet dont l’aspect seul de son ombrage nous jette l’effroi dans l’âme; ces signes de féodalité sont à nos yeux ce qu’est l’eau sous les yeux de l’hydrophobique. Représentans tant qu’il existera des signes de féodalité, tant qu’il existera des ci-devant seigneurs, il existera des malveillans, des ennemis implacables de la République. Décrétez la démolition de toutes les tours bâties sur les ci-devant châteaux et autres indistinctement, et nous en accélérerons l’exécution; nous oterons bientôt de devant nos yeux toutes ces marques de servitude, ce qui autrefois a été l’objet de nos douleurs. Notre ci-devant seigneur a toujours méprisé les invitations de la municipalité qui l’a exhorté souvent à détruire toutes les tours qui sont sur son ci-devant château; il a méprisé même les invitations des administrateurs de ce district, il y tient trop pour obéir à une simple invitation, il faut qu’une loi expresse l’y soumette; sans doute qu’il obéira à vos décrets ou du moins nous saurons nous-mêmes en assurer l’exécution. Que ces pervers ne soient point épargnés, qu’ils soient traités comme eux et leurs semblables qui ont abandonné honteusement leur patrie nous traiteraient s’ils pouvaient rentrer dans leurs honneurs qu’ils désirent avec tant d’ardeur. Qu’aurions-nous à espérer ? Nous ne devrions nous attendre qu’à des fers, qu’à d’indignes traitemens au gré de ces tyrans. Périsse à jamais cette race infernale ! Anéantissez les ci-devant seigneurs, cette race féodale et tyrannique qui n’a que trop longtemps existé sur notre territoire. Ne craignez pas de charger votre conscience en leur faisant subir les peines portées par les loix des 8 et 13 ventôse dernier. Vraiment ces loix bienfaisantes pour le patriotisme, doivent tomber principalement sur les si-devant seigneurs. Que le patriote indigent se soutienne au dépens de l’aristocrate riche, voilà les moyens d’affermir la liberté; ne doutez point un seul instant que les ci-devant ne soient ennemis de la révolution, ne doutez pas encore qu’ils n’eussent partagé la joie avec les conspirateurs, les traîtres qui voulaient détruire la représentation nationale. Si la trame qu’ils avaient ourdie avait eu l’effet qu’ils en attendaient, et si ces charlatans en patriotisme ont fait paraître qu’ils étaient charmés de la découverte de cette conspiration, l’affliction s’est secrètement emparé de leur cœur. Décrétez, Représentans, que les loix du 8 et 13 ventôse seront communes à tous les ci-devant seigneurs (ceux qui ont donné par leurs actions des preuves très convaincantes du plus pur patriotisme exceptés). Voilà quels sont nos vœux, veuillez nous satisfaire, rendez les mêmes loix communes aux prêtres parce que ce ne sont que des loups affamés, toujours prêts à dévorer les droits sacrés de l’homme. Qu’à la paix nous ayons la satisfaction de les voir embarquer les uns et les autres au plus fort de la tempête et qu’un vent fatal dirige à son gré le vaisseau qui sera chargé de ce fardeau si nuisible au genre humain, et le sol de la liberté sera purgé de toutes les immondices qui l’infectent. Plus de calotins, plus de sergens séducteurs; le fanatisme n’a plus lieu dans cette commune, la Raison est la seule adorable et l’adorée; nous n’avons plus de curé. L’argenterie de notre église vient d’être envoyée à la monnaie pour servir à un usage plus utile; elle augmentera les forces de la liberté pour faire plus tôt mordre la poussière à l’esclavage, le linge de notre église vient d’être envoyé au district pour servir au secours de nos frères blessés; la décade prochaine sera le jour où les prétendus saints vont devenir la proye des flammes; sans doute qu’ils ne feront pas comme Sidrach, Misach et Abde-'nago, ces trois jeunes seigneurs qui se conservèrent sains et saufs dans la fournaise ardente où Nabuchodonosor les avait fait jeter; notre église vient d’être dédiée à la Raison; depuis cette époque les décades se célèbrent au préjudice des dimanches (vieux style); le peuple se rend exactement à toutes les assemblées de décade qui se tiennent au temple de la Raison, pour s’y pénétrer de l’amour des loix. Accordez-nous la maison ci-devant curiale pour servir aux séances de la municipalité et pour l’établissement de l’instruction publique. Nous n’avons aucun local qui nous appartienne, ni aucun même dans la commune qui soit propre pour les faire servir à ces deux objets. Accélérez l’envoi du plan et des livres élémentaires pour l’instruction publique. Nous vous félicitons du courage et de l’énergie que vous avez montrés à déjouer les complots liberticides qui s’étaient formés dans votre enceinte et dans la capitale. Grâces vous soient rendues, généreux montagnards, d’avoir sauvé encore une fois la patrie. Des scélérats, ennemis jurés de la révolution et couverts du masque du patriotisme, voulaient nous replonger dans l’abi-me où un sort mille fois plus malheureux qu’il n’était avant 1789, nous attendait. Vous avez sçu prévoir et pénétrer les infâmes desseins de ces parricides, et tandis qu’ils nous forgeaient de nouvelles et fatales chaînes, le glaive de la loi les a atteints. 434 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE d’exister sur le sol d’un peuple libre. Que le glaive de la loi tombe sur la tête orgueilleuse des despotes qui ne désirent vivre que pour nous redonner des ordres ou des fers. Ordonnez et nous sçaurons exécuter et faire exécuter tous les sages décrets qui émaneront de vos pouvoirs. Faites disparaître jusqu’au moindre signe du despotisme dont nous vous parlons avec horreur, et le peuple n’étant plus offusqué par la vue des objets qui sentent encore les chaînes, se rendra à l’envi et de plus en plus digne de marcher sur le sol chéri que nous habitons. La commune de Niaux au nom de laquelle nous vous parlons est à la vérité dans les meilleurs principes, et à la hauteur de la révolution. Mais un point manque à ses désirs, à son bonheur. Les tours bâties sur les ci-devant châteaux mettent des entraves à sa fidélité; un coup de main qui n’est pas peu important, Représentans, manque à votre grand œuvre, c’est un abus à réformer qui nous offusque les yeux et nous rappelle le souvenir de nos malheurs, de l’esclavage; vous avez aboli la féodalité, et cependant il en reste encore des signes qui sont ces tours sur les ci-devant châteaux; existeraient-elles pour enorgueillir les ci-devant et leur faire espérer de les mettre dans la suite en usage et à notre préjudice ? Existeraient-elles pour nous rappeler le triste souvenir des chaînes et du joug sous lequel nous avons si longtemps gémi, et courbé nos têtes, dignes d’un autre traitement ? C’est un objet dont l’aspect seul de son ombrage nous jette l’effroi dans l’âme; ces signes de féodalité sont à nos yeux ce qu’est l’eau sous les yeux de l’hydrophobique. Représentans tant qu’il existera des signes de féodalité, tant qu’il existera des ci-devant seigneurs, il existera des malveillans, des ennemis implacables de la République. Décrétez la démolition de toutes les tours bâties sur les ci-devant châteaux et autres indistinctement, et nous en accélérerons l’exécution; nous oterons bientôt de devant nos yeux toutes ces marques de servitude, ce qui autrefois a été l’objet de nos douleurs. Notre ci-devant seigneur a toujours méprisé les invitations de la municipalité qui l’a exhorté souvent à détruire toutes les tours qui sont sur son ci-devant château; il a méprisé même les invitations des administrateurs de ce district, il y tient trop pour obéir à une simple invitation, il faut qu’une loi expresse l’y soumette; sans doute qu’il obéira à vos décrets ou du moins nous saurons nous-mêmes en assurer l’exécution. Que ces pervers ne soient point épargnés, qu’ils soient traités comme eux et leurs semblables qui ont abandonné honteusement leur patrie nous traiteraient s’ils pouvaient rentrer dans leurs honneurs qu’ils désirent avec tant d’ardeur. Qu’aurions-nous à espérer ? Nous ne devrions nous attendre qu’à des fers, qu’à d’indignes traitemens au gré de ces tyrans. Périsse à jamais cette race infernale ! Anéantissez les ci-devant seigneurs, cette race féodale et tyrannique qui n’a que trop longtemps existé sur notre territoire. Ne craignez pas de charger votre conscience en leur faisant subir les peines portées par les loix des 8 et 13 ventôse dernier. Vraiment ces loix bienfaisantes pour le patriotisme, doivent tomber principalement sur les si-devant seigneurs. Que le patriote indigent se soutienne au dépens de l’aristocrate riche, voilà les moyens d’affermir la liberté; ne doutez point un seul instant que les ci-devant ne soient ennemis de la révolution, ne doutez pas encore qu’ils n’eussent partagé la joie avec les conspirateurs, les traîtres qui voulaient détruire la représentation nationale. Si la trame qu’ils avaient ourdie avait eu l’effet qu’ils en attendaient, et si ces charlatans en patriotisme ont fait paraître qu’ils étaient charmés de la découverte de cette conspiration, l’affliction s’est secrètement emparé de leur cœur. Décrétez, Représentans, que les loix du 8 et 13 ventôse seront communes à tous les ci-devant seigneurs (ceux qui ont donné par leurs actions des preuves très convaincantes du plus pur patriotisme exceptés). Voilà quels sont nos vœux, veuillez nous satisfaire, rendez les mêmes loix communes aux prêtres parce que ce ne sont que des loups affamés, toujours prêts à dévorer les droits sacrés de l’homme. Qu’à la paix nous ayons la satisfaction de les voir embarquer les uns et les autres au plus fort de la tempête et qu’un vent fatal dirige à son gré le vaisseau qui sera chargé de ce fardeau si nuisible au genre humain, et le sol de la liberté sera purgé de toutes les immondices qui l’infectent. Plus de calotins, plus de sergens séducteurs; le fanatisme n’a plus lieu dans cette commune, la Raison est la seule adorable et l’adorée; nous n’avons plus de curé. L’argenterie de notre église vient d’être envoyée à la monnaie pour servir à un usage plus utile; elle augmentera les forces de la liberté pour faire plus tôt mordre la poussière à l’esclavage, le linge de notre église vient d’être envoyé au district pour servir au secours de nos frères blessés; la décade prochaine sera le jour où les prétendus saints vont devenir la proye des flammes; sans doute qu’ils ne feront pas comme Sidrach, Misach et Abde-'nago, ces trois jeunes seigneurs qui se conservèrent sains et saufs dans la fournaise ardente où Nabuchodonosor les avait fait jeter; notre église vient d’être dédiée à la Raison; depuis cette époque les décades se célèbrent au préjudice des dimanches (vieux style); le peuple se rend exactement à toutes les assemblées de décade qui se tiennent au temple de la Raison, pour s’y pénétrer de l’amour des loix. Accordez-nous la maison ci-devant curiale pour servir aux séances de la municipalité et pour l’établissement de l’instruction publique. Nous n’avons aucun local qui nous appartienne, ni aucun même dans la commune qui soit propre pour les faire servir à ces deux objets. Accélérez l’envoi du plan et des livres élémentaires pour l’instruction publique. Nous vous félicitons du courage et de l’énergie que vous avez montrés à déjouer les complots liberticides qui s’étaient formés dans votre enceinte et dans la capitale. Grâces vous soient rendues, généreux montagnards, d’avoir sauvé encore une fois la patrie. Des scélérats, ennemis jurés de la révolution et couverts du masque du patriotisme, voulaient nous replonger dans l’abi-me où un sort mille fois plus malheureux qu’il n’était avant 1789, nous attendait. Vous avez sçu prévoir et pénétrer les infâmes desseins de ces parricides, et tandis qu’ils nous forgeaient de nouvelles et fatales chaînes, le glaive de la loi les a atteints. SÉANCE DU 29 FLORÉAL AN II (18 MAI 1794) - Nos 8 ET 9 435 Gardez le poste qui vous est confié jusqu’à ce que les tyrans soient exterminés. Vive la République, vivent les représentants du peuple français. Vidalot (maire), Galy (agent nat.), Amiel, Vidalot, Vidalot, Vidalot. 8 Un autre membre fait lecture d’une adresse des habitans de la commune de Tauriac, département du Bec-d’Ambès, qui annonce le plus parfait dévouement à la chose publique. Ces habitans agriculteurs, au nombre de 240 seulement, ont déposé à leur maison commune, pour leurs frères qui défendent la République, 120 chemises de toile de leur crû, 5 paires de bas, 12 mouchoirs, 2 bonnets de coton, 25 liv. de charpie, plusieurs bandes à compresses, 2 fusils de calibre, 3 paires de pistolets d’arçon, un cheval estimé 700 liv., et 50 liv. en assignats. Ces braves habitans de la campagne disent qu’un d’entre eux, chirurgien, a pris sous sa bienveillance la mère d’un défenseur de la patrie, infortunée et d’un grand âge, pour lui administrer tous les secours que l’humanité peut prodiguer dans un pays de républicains. La Convention décrète la mention honorable et l’insertion au bulletin de cette généreuse commune (1). [Tauriac, 2 flor. II] (2). «La commune de Tauriac, district de Bourg, département du Bec-d’Ambez croyait avoir laissé dans l’oubli le plus profond le trait d’héroisme et de patriotisme de leurs concitoyens. Mais cédant aux invitations qui sont faites par les Sociétés populaires de ne laisser rien ignorer à la sainte Montagne, s’empressent, Citoyens, de vous faire part de ce qui s’est passé dans sa commune. Le citoyen Bellaumeau, officier de santé, n’ayant aucun bien connu, s’empressa d’exciter un jeune homme à voler au secours de la patrie lors de l’enrôlement volontaire, qui seul cultivait un petit bien appartenant à l’épouse dudit officier de santé; il partit soudain et laissa sa mère âgée de 70 ans sans secours ni moyens d’existence. Elle conçut un tel chagrin en l’absence de ce fils unique, seul espoir qu’elle avait en ce monde, qu’elle en tomba malade. Cet officier de santé lui prodigua non seulement les secours que son état lui permettait mais encore tous ceux que la nature réclame en pareille matière. Il lui a prodigué bouillon, viande, pain, vin. Il a plus fait, il faut le dire; étant devenue tout-à-fait infirme et faisant tout sous elle, il a pris soin de la nettoyer 2 fois par jour, de fournir son linge pour l’entretenir propre. Enfin elle a succombé aux maux qui la dévoraient; il lui a rendu les derniers services que l’amour de la patrie exige. Tels sont, Citoyens représentants, les traits d’humanité du citoyen Bellomeau qui n’a jamais démenti le serment qu’il a fait d’exécuter les lois et d’être utile à ses concitoyens. (1) P.V., XXXVII, 285; Bin, 2 prair. (suppl‘); Audit, nat., n° 608. (2) C 302, pl. 1089, p. 18. Cet exemple n’a pas laissé que de produire un bon effet dans cette commune qui n’est composée que de 240 foyers occupés par des citoyens agriculteurs, qui, ayant su par un décret que nos défenseurs manquaient de linge, se sont empressés de porter sur le bureau municipal 120 chemises de bonne toile de ménage, 5 paires de bas neufs, 12 mouchoirs de poche, 2 bonnets de coton blanc, 20 livres de charpie, plusieurs grandes bandes et compresses, 2 fusils de calibre et 50 livres en assignats, 3 paires de pistolets d’arçon, un cheval estimé 700 liv., donné par le citoyen Balode (ci-devant) qui a eu le malheur de naître ainsi sans jamais en avoir suivi les principes et exemples. Tels sont les citoyens de la commune de Tauriac qui ne démentiront pas le serment qu’ils ont fait de vivre libres ou mourir ». Cathelineau (off. mun.), Chapeau (notable), Audoin, Rulleau, Gombaud, Bardin, Bara-teau, Rousseau [et 2 signatures illisibles]. 9 Un secrétaire donne lecture d’une lettre écrite par la Société populaire du Havre-Marat (1) à la Convention nationale, pour lui annoncer plusieurs traits de bravoure et d’humanité dont le républicanisme seul peut s’honorer. Les faits sont sortis du courage de plusieurs ouvriers de la marine, qui ont sauvé la vie à dix personnes qui alloient être engloutis dans les eaux, en sortant d’une frégate pour aller au port : les noms de ces citoyens ouvriers sont Cottin fils, Cambrière, Désenips, Morel et Val-marin. La Convention nationale décrète la mention honorable de cette action généreuse, et renvoie la lettre au Comité d’instruction publique (2). [Le Havre-Marat, 22 flor. II] (3). « Citoyens représentans, Tous les traits qui honorent l’humanité et qui caractérisent la générosité d’âme doivent être mis en évidence dans une République qui veut que les mœurs de ses habitans soient régénérées. Il est doux pour les enfans d’une grande famille d’apprendre qu’un de leurs frères s’est signalé par quelque vertu civique. L’envie du bien et l’abandon de soi-même pour le bien général ne peuvent se perpétuer que par de bons exemples. C’est d’après ces principes que la Société populaire et républicaine du Havre-Marat s’empresse de vous transmettre ce qui s’est passé sous ses yeux le 12 floréal; ces faits en couvrant de gloire les individus qui en sont les auteurs ne manqueront pas de trouver des imitateurs partout où il y aura des âmes sensibles et généreuses. Le 12 floréal, jour du départ de la frégate « La Seine », le pont qui sert de communication (1) Seine-Inférieure. (2) P.V., XXXVII, 286; Bin, 29 flor.; Rép., n° 151; Mess, soir, n° 639; Mon., XX, 510; J. Lois, n° 598; Audit, nat., n° 604; J. Mont., n° 23; J. Paris, n° 505; Batave, n° 458; J. Perlet, n° 604; J. Sablier, n° 1326; J. Fr., n° 602; M.U., XL, 13; Rép., n° 151; J. XJniv., n° 1639. (3) F17 1022, doss. 16. SÉANCE DU 29 FLORÉAL AN II (18 MAI 1794) - Nos 8 ET 9 435 Gardez le poste qui vous est confié jusqu’à ce que les tyrans soient exterminés. Vive la République, vivent les représentants du peuple français. Vidalot (maire), Galy (agent nat.), Amiel, Vidalot, Vidalot, Vidalot. 8 Un autre membre fait lecture d’une adresse des habitans de la commune de Tauriac, département du Bec-d’Ambès, qui annonce le plus parfait dévouement à la chose publique. Ces habitans agriculteurs, au nombre de 240 seulement, ont déposé à leur maison commune, pour leurs frères qui défendent la République, 120 chemises de toile de leur crû, 5 paires de bas, 12 mouchoirs, 2 bonnets de coton, 25 liv. de charpie, plusieurs bandes à compresses, 2 fusils de calibre, 3 paires de pistolets d’arçon, un cheval estimé 700 liv., et 50 liv. en assignats. Ces braves habitans de la campagne disent qu’un d’entre eux, chirurgien, a pris sous sa bienveillance la mère d’un défenseur de la patrie, infortunée et d’un grand âge, pour lui administrer tous les secours que l’humanité peut prodiguer dans un pays de républicains. La Convention décrète la mention honorable et l’insertion au bulletin de cette généreuse commune (1). [Tauriac, 2 flor. II] (2). «La commune de Tauriac, district de Bourg, département du Bec-d’Ambez croyait avoir laissé dans l’oubli le plus profond le trait d’héroisme et de patriotisme de leurs concitoyens. Mais cédant aux invitations qui sont faites par les Sociétés populaires de ne laisser rien ignorer à la sainte Montagne, s’empressent, Citoyens, de vous faire part de ce qui s’est passé dans sa commune. Le citoyen Bellaumeau, officier de santé, n’ayant aucun bien connu, s’empressa d’exciter un jeune homme à voler au secours de la patrie lors de l’enrôlement volontaire, qui seul cultivait un petit bien appartenant à l’épouse dudit officier de santé; il partit soudain et laissa sa mère âgée de 70 ans sans secours ni moyens d’existence. Elle conçut un tel chagrin en l’absence de ce fils unique, seul espoir qu’elle avait en ce monde, qu’elle en tomba malade. Cet officier de santé lui prodigua non seulement les secours que son état lui permettait mais encore tous ceux que la nature réclame en pareille matière. Il lui a prodigué bouillon, viande, pain, vin. Il a plus fait, il faut le dire; étant devenue tout-à-fait infirme et faisant tout sous elle, il a pris soin de la nettoyer 2 fois par jour, de fournir son linge pour l’entretenir propre. Enfin elle a succombé aux maux qui la dévoraient; il lui a rendu les derniers services que l’amour de la patrie exige. Tels sont, Citoyens représentants, les traits d’humanité du citoyen Bellomeau qui n’a jamais démenti le serment qu’il a fait d’exécuter les lois et d’être utile à ses concitoyens. (1) P.V., XXXVII, 285; Bin, 2 prair. (suppl‘); Audit, nat., n° 608. (2) C 302, pl. 1089, p. 18. Cet exemple n’a pas laissé que de produire un bon effet dans cette commune qui n’est composée que de 240 foyers occupés par des citoyens agriculteurs, qui, ayant su par un décret que nos défenseurs manquaient de linge, se sont empressés de porter sur le bureau municipal 120 chemises de bonne toile de ménage, 5 paires de bas neufs, 12 mouchoirs de poche, 2 bonnets de coton blanc, 20 livres de charpie, plusieurs grandes bandes et compresses, 2 fusils de calibre et 50 livres en assignats, 3 paires de pistolets d’arçon, un cheval estimé 700 liv., donné par le citoyen Balode (ci-devant) qui a eu le malheur de naître ainsi sans jamais en avoir suivi les principes et exemples. Tels sont les citoyens de la commune de Tauriac qui ne démentiront pas le serment qu’ils ont fait de vivre libres ou mourir ». Cathelineau (off. mun.), Chapeau (notable), Audoin, Rulleau, Gombaud, Bardin, Bara-teau, Rousseau [et 2 signatures illisibles]. 9 Un secrétaire donne lecture d’une lettre écrite par la Société populaire du Havre-Marat (1) à la Convention nationale, pour lui annoncer plusieurs traits de bravoure et d’humanité dont le républicanisme seul peut s’honorer. Les faits sont sortis du courage de plusieurs ouvriers de la marine, qui ont sauvé la vie à dix personnes qui alloient être engloutis dans les eaux, en sortant d’une frégate pour aller au port : les noms de ces citoyens ouvriers sont Cottin fils, Cambrière, Désenips, Morel et Val-marin. La Convention nationale décrète la mention honorable de cette action généreuse, et renvoie la lettre au Comité d’instruction publique (2). [Le Havre-Marat, 22 flor. II] (3). « Citoyens représentans, Tous les traits qui honorent l’humanité et qui caractérisent la générosité d’âme doivent être mis en évidence dans une République qui veut que les mœurs de ses habitans soient régénérées. Il est doux pour les enfans d’une grande famille d’apprendre qu’un de leurs frères s’est signalé par quelque vertu civique. L’envie du bien et l’abandon de soi-même pour le bien général ne peuvent se perpétuer que par de bons exemples. C’est d’après ces principes que la Société populaire et républicaine du Havre-Marat s’empresse de vous transmettre ce qui s’est passé sous ses yeux le 12 floréal; ces faits en couvrant de gloire les individus qui en sont les auteurs ne manqueront pas de trouver des imitateurs partout où il y aura des âmes sensibles et généreuses. Le 12 floréal, jour du départ de la frégate « La Seine », le pont qui sert de communication (1) Seine-Inférieure. (2) P.V., XXXVII, 286; Bin, 29 flor.; Rép., n° 151; Mess, soir, n° 639; Mon., XX, 510; J. Lois, n° 598; Audit, nat., n° 604; J. Mont., n° 23; J. Paris, n° 505; Batave, n° 458; J. Perlet, n° 604; J. Sablier, n° 1326; J. Fr., n° 602; M.U., XL, 13; Rép., n° 151; J. XJniv., n° 1639. (3) F17 1022, doss. 16.