576 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (4 septembre 1790. temps? Les grandes productions de la nature, les plus durables productions sont lentes : prenons garde de trop nous hâter en formant l’homme, ce chef-d’œuvre de l’univers, le premier des êtres mortels. Ne soyons pas empressés, comme autrefois, de jeter un jeune homme dans le monde ; soyons jaloux qu’il y paraisse le corps fortifié, le cœur plein de généreux sentiments, l’esprit orné de belles et solides connaissances. Il faut qu’il étudie sérieusement1 les langues anciennes, ou il vaudrait mieux qu’il les abandonnât absolument : une étude superficielle de ces langues serait un temps perdu. Réformons l’université de Paris qui a besoin de réforme; mais conservons soigneusement ce qu’elle a reçu de bon de nos excellents esprits, et établissons une correspondance entre les études delà capitale et celles des provinces; afin qu’elles soient partout uniformes. Les provinces enverront leurs meilleurs sujets dans les écoles de Paris, et les écoles de Paris fourniront des maîtres aux principales écoles distribuées dans le royaume, qui en donneront à celles de leur arrondissement. Les excellentes études de la capitale y jetteront une splendeur qui attirera de toutes parts les habitants de nos provinces, et même les étrangers. L’empire que la ville d’Athènes s’était acquis par les armes, n’a duré que deux siècles, avec assez peu d’étendue; l’empire dont elle a été redevable à son goût pour les sciences, les lettres et les arts, a subsisté bien avant le siècle d’Alexandre, jusque sous les derniers empereurs. Elle voyait accourir chez elle, de toutes les parties du monde, des hommes faits, et des jeunes gens qui s’empressaient d’y venir pour y acquérir des connaissances, ou pour y perfectionner leurs talents. Grâce à l’esprit et au goût qui la distinguaient mille provinces lui payaient tribut et lui rendaient hommage. On croyait n’avoir reçu une belle éducation que quand on avait passé plusieurs années à Athènes. Nous pourrons prétendre à ce glorieux empire : le Français est naturellement vif et ardent; la Révolution actuelle lui a imprimé un nouveau degré d’activité; qu’il soit dirigé par de bonnes études, et il peut espérer plus de succès et de gloire qu’il n’en a obtenu sous le plus fastueux et le plus absolu des monarques. Au lieu d’amuser et de corrompre, comme autrefois, les peuples de nos provinces et de l’Europe entière, par un cercle mobile de fêtes et de modes passagères, par les futiles productions d’un luxe frivole, le Parisien fera chérir partout son caractère aimant et vertueux. Des études propres à fortifier ce caractère et convenables à une nation libre ; des sources fécondes ouvertes de toutes parts pour le progrès des [sciences et des arts, embelliront à tous les yeux le séjour de la capitale. Sa gloire présente est d’avoir produit la Révolution, et son plus beau triomphe sera de la faire aimer et adopter par toute la terre. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 4 SEPTEMBRE 1790. Vœu de la commune de Tours sur l'émission de deux milliards d'assignats non-monnaie (1). Du 3 septembre 1790. Extrait du registre des délibérations du conseil général de la commune de Tours. Le secrétaire-greffier a rendu compte qu’en conséquence de la délibération du conseil municipal du 31 août dernier, il a fait et envoyé des lettres et billets d’invitation pour se trouver aujourd’hui à cet hôtel, deux heures de relevée, à MM. les membres composant le conseil général de la commune de cette ville; à MM. du bailliage et siège présidial, bureau des finances, eaux et forêts, élection, grenier à sel, consuls, marchands, fabricants d’étoffes d’or et soie ; et à MM. de cette ville, ces différents corps, avec prière de nommer des députés pour assister à ladite assemblée; à M. Huet de Vaudour, inspecteur des manufactures de Touraine; et à MM. de l’état-major de la garde citoyenne de cette ville, avec indication, par lesdites lettres et billets d’invitation, de l’objet de ladite assemblée. Après rappel fait, tant des membres du conseil général de la dite commune, que de MM. les députés des corps et autres ci-dessus dénommés, M. le président a dit : que la présente assemblée avait été convoquée à l’effet d’y donner lecture d’une lettre écrite par MM. Gauthier et Valette, députés de la province à l’Assemblée nationale, à M. de Fontenay, chargé de la correspondance de la municipalité auprès de mesdits sieurs les députés, icelle datée du 29 août dernier, par laquelle ils lui mandent que la question ayant été agitée dans l’Assemblée nationale, sur les moyens de rembourser la dette exigible de l’Etat, montant à près de deux milliards, il a été proposé de les payer en quittances de finance, transmissibles de gré à gré ; et 2° en as -ignats-mon-naie, ce qui a d’abord donné lieu à deux autres questions; l’une de savoir si l’on admettrait les quittances de finance ou les assignats-monnaie. 2° Si ces effets auraient intérêts et quels ils seraient; que ces questions ont ensuite été réduites au point de savoir si on adopterait ou non les assignats-monnaie; que cette décision ayant paru de la plus grande importance à l’Assemblée nationale, elle n’a point voulu la porter sans une longue et préalable discussion à laquelle elle a fixé pour terme le 10 septembre, dans l’intention qu’elle pût connaître l’opinion publique à cet égard, et même consulter-quelques unes des principales villes du royaume; en conséquence, mesdits sieurs Gauthier et Valette, terminent leur lettre par engager la municipalité de convoquer le conseil général et autres personnes qu’elle croirait convenable, notamment dans le commerce et les manufactures, afin qu’elle pût manifester l’opinion de la ville de Tours sur cette question; pourquoi M. le président, après lecture donnée par le secrétaire-greffier de ladite lettre, a prié l’assemblée de délibérer et donner son avis sur le contenu d’icelle. (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. [Assemblée nationale.] Après que MM. les députés des différents corps ci-dessus, à l’exception de MM. des eaux et forêts ont été qui ne se sont pas présentés à rassemblée, entendus et l’affaire ayant été. discutée par mesdits sieurs les députés, sur ce: ouï le procureur de la commune, le conseil de ladite commune s’est retiré dans la salle à côté et là il a été mis en question de savoir si, conformément à la lettre de MM. Gauthier et Valette, ci-dessus datée, les assignats-monnaie seront adoptés oui ou non. Sur cette question on a été aux voix et vingt ont été pour que les assignats-monnaie soient rejetés et quatre pour l’acceptation. On a ensuite mi3 en question de savoir de quelle manière on pourra acquitter la dette nationale : sur cette question le conseil a été unanimement d’avis de la payer en assignats non-monnaie. Il a été aussi mis en question de savoir si ces assignats seront dans tous les cas, de gré à gré, négociables et libres sans restriction, ou s’ils seront forcés dans le cas de remboursement de contrats seulement. Sur cette question, on est allé aux voix et dix-sept ont été pour qu’ils soient libres sans restriction, et sept ont été pour qu’ils soient forcés dans ledit cas de remboursement de charges ou de contrats. Plusieurs des membres du conseil ayant proposé d’aller aux voix sur la question de savoir si les-dits assignats porteraient intérêts, ou s’ils n’en porteraient point; et au cas d’intérêts quelle en serait la durée et sur quel pied ; les voix ayant été prises, quatorze ont été pour que lesdits assignats porteraient intérêts à 3 0/0 pendant trois ans seulement; et dix, pour que l’intérêt soit porté à 4 0/0 pendant ledit temps de trois années. Au moyen de ce que dessus, l’affaire dont est question étant terminée sans aucune réclamation, le conseil de la commune est rentré dans la salle d’assemblée, où M. le maire, après la séance prise, a annoncé à tous les assistants la décision ci-dessus à laquelle on s’est empressé d’applaudir avec acclamation, ce qui a prouvé que le vœu général de l’assemblée était rempli . Il a été observé que MM. de Fontenay et Car-tier-Roze, ofliciers-municipaux ; Dutemps, notable ; de Gourbière, directeur des finances ; Duprat, aîné, négociant ; Gouin, l’aîné, pour MM. du commerce ; Roze-Àbraham, pour MM. des fabricants; Deiaunay, Bûcheron et Baignoux, ce dernier membre du district, ont prononcé à l’ouverture de la séance des discours et fait des motions pour et contre l’émission des assignats, lesquels ont été, par les motifs y contenus, applaudis et discutés à la satisfaction des spectateurs, notamment des différents corps assemblés qui ont, par leurs députés, donné leur avis, Il a été constaté que MM. les membres des directoires du département d’Indre-et-Loire et ceux du district qui ont été convoqués à la présente assemblée, n’ont point nommé de députés; que MM. Ansault, Baignoux et Bodin, membres du district, auxquels on a demandé, ainsi qu’à M. So-reau, procureur-syndic dudit district, s’ils étaient venus comme députés, ont dit n’être à l’assemblée que comme citoyens. M. de Fontenay a été prié d’envoyer à MM. Gauthier et Valette copie de la présente délibération, contenant le vœu de la ville, relativement aux assignats et en même temps de les prier d’engager la députation de Touraine à s’opposer le plus fortement possible à ce qu’il fût mis dans la circulation aucuns assignais au-dessous de 200 cents livres; mais que plutôt ils sollicitent l’accélération des fabrications de monnaie de billon, 1" SÉRIE. T. XVIII. [4 sep tcmbre 1790.] qui rempliraient à peu près le même objet sans être susceptibles d’aucuns inconvénients. Signé sur le registre : Mignon, maire ; Rousse-reau, Aubry, Valette, Gotlereau, J.-M. Jahan. F. Gartier-Roze, Hubert, Viollet-Vauguère, Heûri de Fontenay et Martin, officiers municipaux; F.-T. Coullon, avocat-procureur de la commune ; Demezil, substitut ; F. Audebert-Gartier, Pasquin, Abraham-Pillet, notables. Par Messieurs du corps municipal : J.-L. Jacquet, secrétaire-greffier . TROISIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 4 SEPTEMBRE 1790. Adresse à Messieurs de l' Assemblée nationale , par la section de Notre-Dame , sur l'objet des assignats. Messieurs, la section de Notre-Dame a donné non pas une décision ni un arrêté, mais une simple opinion sur l’objet des assignats et de la monnaie de billon que vous avez ajournée ; elle s’y est déterminée sur le désir de plusieurs de Messieurs les députés de connaître l’opinion publique à cet égard; et tous les citoyens de cette section attendront la loi avec l’empressement, le respect, la soumission qui vous est due à tous les titres possibles. Les citoyens qui ont opiné pour le refus d’un intérêt aux porteurs des assignats futurs, malgré les motifs pour en accorder un quelconque pendant un temps, ne se sont déterminés que pour engager les créanciers de l’État à acquérir plus promptement des biens nationaux : il a fallu que ce motif-ci fût bien pressant, pour ne pas céder aux idées contraires qui lui ont été exposées. La section vous supplie, Messieurs, d’agréer les extraits ci-joints , pour vous les soumettre. Ils contiennent ses opinions et les idées pour et contre. Elle ne peut attendre de vous, Messieurs (elle le répète), que la loi la plus juste; celles que vous avez faites jusqu’à présent, sont autant de garants de celles que vous donnerez pour le salut de la patrie. Nous sommes avec le plus profond respect, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs. Les citoyens de la section de Notre-Dame , Signé : OüDET, président ; Teisson, secrétaire . Ce 4 septembre 1790. Extrait des délibérations des assemblées de la section de Notre-Dame du jeudi 2 septembre 1790. Monsieur le président a dit : Messieurs, j’ai convoqué votre assemblée pour deux objets qui m’ont paru si intéressants, que le commerce, la stabilité de la Révolution, la libération de la dette nationale actuellement exigible, et conséquemment le salut de la patrie peuvent en dépendre. L’Assemblée nationale les ayant considérés sous le même point de vue dans ses séances des 27, 37 ARCHIVES PARLEMENTAIRES.