I Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juillet 1790.1 607 et je demande que l’instruction soit poursuivie, en ordonnant toutefois que le jugement ne pourra être exécuté sans que préalablement l’Assemblée nationale n’en ait eu connaissance . M. Vernier. M. l’abbé Maury excelle dans l’art d’égarer l’opinion. Pour le moment je me borne à rappeler un arrêt de la cour des aides, rendu le 28 mai, qui assujettit les citoyens nouvellement enclos dans les barrières à payer le gros et le détail pour les vingtièmes. M. Poignot. L’opinant a été mal renseigné, car le fait qu’il avance est inexact. La cour des aides mérite au contraire toute confiance. La discussion est close et le décret suivant est rendu: «L’Assemblée nationale, ayant entendu son comité des rapports, décrète que la procédure criminelle commencée le 24 février dernier, sur la réquisition du procureur général de la cour des aides de Paris, concernant l’incendie des barrières, au mois de juillet 1789, et renvoyée à l’élection, demeurera comme non avenue; que défenses seront faites, tant à ladite cour des aides qu’aux officiers de l’élection, d’y donner aucune suite; que les personnes arrêtées ensuite des décrets rendus dans cette procédure, et non prévenues dans d’autres délits, seront mises en liberté, et que le président se retirera par devers le roi, pour supplier Sa Majesté de donner les ordres nécessaires pour l’exécution du présent décret. Les deux Fribourgeoisqui étaient retenus sur les galères de France et dont un décret de l’Assemblée a ordonné l’élargissement demandent à être reçus à la barre. Une opposition marquée à cette demande se manifeste. M. Robespierre demande la parole en faveur des Fribourgeois. M. l’abbé Millet obtient la parole et dit: Messieurs, il est inutile de vous représenter que les deux forçats qui demandent à être admis à la barre ne sont libres que par votre décret qui ordonne l’élargissement des forçats étrangers et que par conséquent ils sont sous le sceau du crime qui les a fait mettre aux galères. Mais ce qui n’est pas indifférent, c’est de vous faire observer que les ordonnances du roi, qui ne sont point annulées, défendent aux forçats sortis des galères d’approcher de la capitale et du lieu où réside Sa Majesté, à plus de dix lieues de distance; que par conséquent les forçats sont infracteurs de la loi ; je demande donc qu'ils ne soient point admis et qu’on passe à l’ordre du jour. Cette proposition est mise aux voix et pres-qu’unanimement adoptée. La séance est levée à dix heures du soir. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE PELLETIER. Séance du vendredi 2 juillet 1790 (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. M. Robespierre, secrétaire , présente une rédaction plus étendue du procès-verbal de la séance du mercredi 30 juin. M. Moreau réclame contre la teneur du second article additionnel (art. 24) relatif au traitement du clergé actuel qui ne rend pas axacte-ment l’intention de l’Assemblée. M. Chasset, rapporteur, dit que le rédacteur du procès-verbal s’est borné à transcrire le texte même de l’article tel qu’il a été décrété par l’Assemblée et qu’il n’y a pas lieu de le modifier. M. le Président met le procès-verbal aux voix. Il est adopté sans changement. M. l’abbé Mouglns de Roquefort propose, avant de passer à l’ordre du jour, d’ajouter à l’article 26 du décret sur le traitement du clergé actuel, une disposition particulière par laquelle tous procès actuellement existants relativement aux réparations à faire aux bâtiments ecclésiastiques seraient anéantis. M. Camus rappelle que l’Assemblée a décidé que tout article additionnel sur la matière serait renvoyé au comité ecclésiastique. Il demande, en conséquence, l’ordre du jour qui est prononcé. M. Populus, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du jeudi matin 1er juillet. 11 est adopté. M. le Président. M. l’abbé Grégoire demande la parole pour une motion sur les lettres de cachet - (Mouvement de surprise.) M. l’abbé Grégoire. Je crois nécessaire de vous dénoncer des abus qui ne vous sont pas connus. Malgré vos soins il existe encore des Français embastillés, en pays étranger, en vertu d’ordres arbitraires émanés de l’ancien ministère français. Il y en a, dit-on, encore dans le Wurtemberg, à Sprandau, à Stettin, en Poméranie. J’ai une requête pour l’Assemblée, envoyée de cette dernière ville par un Français. Voici sa lettre, que je tiens; je vais vous en lire des passages. « . . . . ........ Je suis un homme timbré ou je ne le suis pas. Dans le premier cas, pourquoi me fait-on une pension dont je ne dois jouir que chez l’étranger? Pourquoi pas dans ma patrie? N’y a-t-on pas des petites maisons et des médecins assez habiles pour rétablir un cerveau dérangé? Si je ne le. suis pas, pourquoi m’éloigne-t-on de ma patrie ? Me défend-on d’écrire et de parler à qui que ce soit? Ou je suis un fourbe, un scélérat, qui s’est rendu coupable des plus grands crimes; ou je ne suis rien de tout cela. Dans le premier cas est-il naturel de faire une pension à un tel homme? Pourquoi ne pas le faire ramener en France pour le punir comme il le mérite et servir d’exemple? Dira-t-on que c’est pour ménager l’honneur de la famille? un fourbe, un imposteur ne déshonore jamais une famille dont il n’est pas, et en fût-il cent fois, les fautes sont personnelles. S’il n’est pas tel, pourquoi ne pas le laisser jouir des droits de l’homme ? O Sire I ô mes augustes compatriotes, serai-je donc le seul qui ne participera pas aux sacrifices que vous avez faits pour rendre vos sujets, vos compatriotes heureux! Non, sans doute, jugez-moi, 608 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juillet 1790.] condamnez-moi, faites-moi mourir sur un échafaud, si je le mérite, ou rendez-moi à ma patrie, si vous m’en trouvez digne; c’est tout ce que je souhaite et désire ardemment, avec la plus profonde vénération, Sire, et à vous, augustes membres de l’Assemblée nationale, le très soumis sujet. « Alex. G... « A Stettin, le 24 avril 1790, au fort de Prusse. » M. l’abbé Grégoire poursuit ; Au moment où nous venons de conquérir la liberté, étendons ce bienfait à tous nos frères innocents. Je demande que le comité des lettres de cachet soit chargé de prendre des renseignements sur cet objet, au bureau des affaires étrangères, pour en rendre compte, s’il est possible, avant la fédération du 14 juillet. (Cette motion est adoptée.) M le Président. Le comité des finances demande à rendre compte d’une réclamation formée par le commissaire des guerres résidant à Toul, contre ladite ville. M. Vernier, rapporteur. La ville de Toul a payé jusqu’ici, au commissaire des guerres, qui réside dans son sein, une somme de 400 livres pour son logement. Elle refuse au sieur de l’Epi-neau, commissaire des guerres actuel, de solder cette dette obligatoire pour les années de 1788 et 1789. Votre comité des finances, ayant reconnu le bien fondé de la réclamation du sieur de l’Epineau, vous propose un décret en conséquence. M. Goupil de Préfeln. Je suis surpris qu’on veuille prononcer d’une manière aussi sommaire sur une affaire qui concerne les officiers municipaux et les intérêts de la ville de Toul. C’est sur une délibération de la municipalité qui refuse le crédit qu’on vous propose de décider sans examen comme sans enquête, alors que votre comité ne possède même pas un texte de ladite délibération, puisqu’elle a été refusée par la municipalité. Il n’y a pas lieu en ce moment d’examiner si la municipalité était en droit de refuser copie de ses délibérations, mais si en fait elle a refusé cette communication. Or, la chose est constante : sur quel document le comité peut-il dont justifier le décret qu’il vous a proposé? Je demande que l’affaire soit renvoyée ou à l’assemblée administrative, ou au directoire du département dans lequel la ville de Toul est située. M. Vernier. J’ai dans ma main deux lettres qui prouvent que la municipalité de Toul est suffisamment instruite et qu’elle n’élève de mauvaises chicanes que pour ne pas remplir ses obligations. M. Goupil. Je demande l’ajournement jusqu’à plus ample information. M. le Président met l’ajournement aux voix, qui est repoussé. Le projet de décret est ensuite adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, décrète que les 400 livres payées jusqu’ici par la ville de Toul au sieur de l’Epineau, commissaire des guerres, pour logement, seront encore acquittées pour les arriérés de 1788 et 1789. » M. Camus, au nom du comité des pensions, fait un compterendu des travaux du comité et des règles générales à établir pour les pensions. M. Camus, président du comité des pensions. L’Assemblée nationale a remis à aujourd’hui le rapport du comité des pensions sur quelques objets importants. Je vous présenterai des vues générales sur le plan de travail. Le comité a cherché à découvrir les abus; le mal était grand, il ne se le dissimulait pas; pour le guérir, il fallait en connaître toute l’étendue, quel était l’état des pensions, quelles étaient les règles d’après lesquelles elles étaient accordées, quels étaient les abus dans cette partie; tel est le travail auquel il a dû se livrer. Il a vu des lois multipliées qu’il n’a pas craint d’étudier dans tous leur détail, parce que tout ce qui a été accordé contre les lois doit être anéanti. Il vous sera bien libre de faire des grâces, mais on n’aura pas le droit de faire des réclamations relativement aux abus; vous devez en avoir été effrayés; il n’est pas de fraudes qu’on n’ait employées, de cabales qu’on n’ait mis en mouvement, de ressorts qu’on n’ait fait agir pour spolier le Trésor public. La même personne réunissait sur sa tête une multitude de pensions à prendre sur différentes caisses, et toujours ces grâces étaient accordées à ceux qui les méritaient le moins. De vieux militaires, qui avaient versé leur sang pour la patrie, restaient sans récompenses. Un soldat, après avoir fait prisonnier le général ennemi, reçut en récompense 200 livres de pension; un canonnier, criblé de coups au combat que livra la Belle-Poule, reçut 6 livres par mois; les intrigants et les courtisans obtenaient tout, tandis que ceux qui avaient des titres légitimes resiaient dénués de toute espèce de secours. Ce n’était pas là le seul abus; une multitude de titres étaient accumulés sur la même tête, c'est ce qui fait que cette dépense monte à 30 millions, quoiqu’elle n’ait été évaluée qu’à 28 par le compte qui vous en a été rendu; et si ont y joint les grâces et gratifications, nous trouvons une somme de 58 millions. Cette somme vous paraît bien considérable; mais vous cesserez d’être surpris, lorsque vous apprendrez que la même personne recevait une somme égale sous treize titres différents. Vous verrez, par exemple, sur l’état des pensions des personnes attachées à la reine, tant en pensions, autant en traitement, autant en bougies blanches, autant en bougies jaunes, etc. Les objets que nous avons calculés ne comprennent pas encore tous les dons et gratifications ; on avait donné des portions de contrat sur des emprunts. Rappelez-vous l’édit de création de rente à 4 et demi pour cent pour un capital de 160 millions, à l’effet de rembourser les anticipations; la vérité est que ces anticipations n’ont pas été acquittées, mais qu’on s’est servi de ce capital pour donner de l’argent à qui bon semblait. Cet emprunt se trouve aujourd’hui porté à 211 millions, et il n’est pas encore fermé. Demandez où a passé cet argent? il est impossible d’en reconnaître aucune trace. Il est encore un autre article sur lequel il ne nous a pas été possible de nous procurer des renseignements; nous savons qu’il existait des titres de prêts faits à quelques particuliers et que ces prêts n’ont pas toujours été rendus très exactement. Un particulier est débiteur de 200,000 francs, le terme de l’échéance est arrivé, il ne peut payer; il offre de donner 10,000 livres par année, sans intérêt jusqu’au remboursement total. Ce petit calcul