47 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 décembreflTSO.] en amendement que les officiers municipaux et ceux de judicacture marchent en ligne parallèle, et que la droite soit toujours accordée à ces derniers. M. Latil, député de Forcalquier. Votre constitution élève le peuple au-dessus du Roi ; balancerez-vous, Messieurs, à mettre la commune au dessus du juge ? M. le Président se dispose à faire lecture des amendements. - M. le comte de Mirabeau. Je demande pour sous-amendement que tous les amendements soient renvoyés à M. de Brezé, grand maître des cérémonies, et que nous nous hâtions de consacrer uniquement ce principe : que tous les officiers municipaux, comme véritables et immédiats représentants du peuple, auront à jamais le pas sur toute autre existence sociale. L’article du comité est mis aux voix. Il est adopté dans la rédaction suivante : « Les administrateurs de département et de district et les corps municipaux auront, chacun dans leur territoire, en toute cérémonie publique, la préséance sur les officiers et les corps civils et militaires. » L’article suivant est décrété sans discussion : « Le conseil municipal, lorsqu'il recevra les les comptes des bureaux, sera présidé par le premier élu des membres qui composeront le conseil. » Un troisième article est soumis à la discussion ; le voici : « Les juges et officiers actuellement en exercice dans les justices seigneuriales supprimées pourront être élus aux places des municipalités. » M. dé MI repoix. On a oublié dans la constitution de fixer le sort des enfants trouvés. M. Prieur propose de dire au commencement de l’article : « Les juges et tous les autres officiers de magistrature, etc. » M. Lanjuiuais pense que les officiers de judicature actuellement en exercice ne doivent pas être admis dans la première élection des membres qui formeront les municipalités; parce que, dit-il, ils se sont opposés et s’opposent chaque jour à la révolution. M. Coupé. Les magistrats ne doivent pas être exclus des places municipales, parce que les magistrats qui sont dans cette Assemblée n’ont pas moins contribué à la révolution que les professeurs en droit canon. (M. Lanjuinais, professeur en droit de l’université de Rennes, applaudit à cette plaisanterie; l’Assemblée n’imite pas son exemple.) M. Le Chapelier. Les officiers de judicature sont en exercice jusqu’à ce que vous ayez pourvu à un nouvel ordre judiciaire; je pense que les éloigner des municipalités, ce serait peut-être les engager à se relâcher sur les devoirs que leur imposent les fonctions provisoires que vous leur avez confiées. Le comité présente une nouvelle rédaction de l’article qui est décrété comme il suit : « Les juges et les officiers de justice tant des sièges royaux, même de ceux d’exception, que des juridictions seigneuriales, pourront, aux prochaines élections, être choisis pour les places des municipalités et des administrations de département et de district ; mais s’ils restent juges ou officiers de justice, par l’effet de Ja nouvelle organisation de l’ordre judiciaire, iis seront tenus d’opter. » M. le Président. Je viens de recevoir de M. le garde des sceaux une lettre que je crois devoir faire connaître à l’Assemblée. Elle est conçue en ces termes: « Des dépenses considérables, nécessitées par l’entretien de la navigation sur la Saône à l’Isle-Barbe, près de Lyon, ont fait introduire un droit de péage dont le produit leur est affecté. Depuis 1772 jusqu’au moment actuel, ce droit a successivement été prorogé de dix années en dix années ; le terme, dernièrement fixé, échoit au 31 de ce mois ; et il devient urgent d’y pourvoir. Dans cette position, l’administration du domaine propose de rendre un nouvel arrêt portant nouvelle prorogation de dix ans; mais, avant de mettre ce projet sous les yeux du Roi, M. le garde des sceaux a cru devoir en communiquer à M. le président de l’Assemblée nationale. « Ce droit produit aujourd’hui 17,80.0 livres de ferme. « Les circonstances et la position des finances ne permettent, ni de négliger ce qui sert à entretenir et faciliter la navigation, ni de laisser à la charge du Trésor public des dépenses dont on trouvait l’équivalent dans la perception dont il s’agit. L’Assemblée nationale pensera, sans doute, que le droit de péage accoutumé ne doit pas être interronmu ; cependant , comme il est vraisemblable que l’inspection d’un objet de cette nature sera par la suite confié aux soins de l’administration de département, et qu’elle avisera alors au moyen le plus utile et le moins onéreux de faire face aux dépenses d’entretien, M. le garde des sceaux pense qu’il suffirait de prononcer que la perception sera prorogée jusqu’après l’organisation de l’administration provinciale, et jusqu’à ce qu’elle ait pu faire connaître son vœu sur la durée ou l’abolition du droit de péage. « Monsieur le président de l’Assemblée nationale voudra bien sentir combien il serait urgent de prendre un parti et faire part à M. le garde des sceaux, le plus promptement qu’il pourra, du vœu de l’Assemblée. « Signé : l’ArchevêQUÊ DË BORDEAUX. « Paris, ce 29 décembre 1789. » Après une légère discussion relative à la lettre de M. le garde des sceaux, l’Assemblée nationale a porté le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que le droit de péage perçu à TIsle-Barbe, sur la Saône, près de Lyon, continuera à être perçu jusqu’à ce qu’il y ait été autrement pourvu d’après le vœu dé l’administration de département. » L’Assemblée, prenant ensuite en considération la demande de la ville de Sens, décrète que, conformément au vœu de cette ville, la première fierre du port qu’elle va faire construire, sera iosée au nom de l’Assemblée nationale, et que e nom des députés sera gravé sur une pyramide. Un nouveau décret charge M. le marquis de Chambonas de faire poser la première pierre du port de Sens, au nom de l’Assemblée, M. Castellonet continué le rapport de l’affaire [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 décembre 1789.] de Toulon. — Le comité n’a pu prendre sur cette affaire un avis déterminé; une partie des membres qui le composent a pensé qu’il fallait la renvoyer au pouvoir exécutif ; l’autre a cru qu’elle devait être renvoyée au Châtelet. La séance est levée à quatre heures. ANNEXE à la séance de P Assemblée natonale du 30 décembre 1789. Projet de décret (1), tendant à assurer la portion congrue des curés et des vicaires, et à augmenter dès à présent leur traitement , par M. Guillaume. (Cette motion a été ajournée par l’Assemblée nationale au 31 décembre, séance du matin.) L’Assemblée nationale, considérant que lorsqu’elle a, par son décret du 14 août dernier et jours suivants, aboli les dîmes, elle s’est réservé d’aviser aux moyens de subvenir d’une autre manière à l’acquit des charges dont elles sont grevées, et notamment à l’entretien des ministres des autels ; que jusqu’à ce qu'il ait, à cet effet, été pourvu au remplacement des dîmes, elleaordonné qu’elles continueraient d’être perçues suivant les lois et en la manière accoutumée; que la nécessité où elle a été depuis ce décret de s’occuper sans relâche pour le bonheur des peuples, de fixer la constitution de l’empire et de rétablir l’ordre dans ses finances, ne lui a pas encore permis, et ne lui permet même pas en ce moment, de déterminer le mode de ce remplacement; qu’ainsi les dîmes ont dû et devront encore, pendant tout le cours de l’année prochaine, se percevoir, et leurs charges s’acquitter; que, néanmoins, il est important d’empêcher que, sous aucun prétexte, les curés et vicaires congruistes puissent être privés des pensions qui leur ont été payées jusqu’à présent, et même que ces payements éprouvent le moindre retard. Considérant en outre que, par son décret du 2 novembre dernier, elle a pris rengagement solennel d’améliorer le sort de cette portion précieuse et malheureusement si peu fortunée des ministres de la religion, et que s’il n’est pas en son pouvoir de réaliser entièrement ses promesses dès à présent, il est du moins de sa justice d’employer à l’acquit d’une dette aussi sacrée tous les fonds dont elle peut disposer ; A décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. Les dîmes continueront à être payées comme par le passé, jusqu’au 31 décembre 1790, après lequel temps et en vertu du présent décret, la perception en est absolument défendue dans tout le royaume. Art. 2. Les décimateurs payeront, pendant tout le cours de l’année prochaine, aux termes ordinaires et sur le même taux que par le passé (2), (1) Ce projet de décret n’a pas été inséré au Moniteur. (2) Ce taux est en général de 700 livres pour les curés, et de 350 livres pour les vicaires. Mais suivant une déclaration du 26 juin 1686, Je parlement de Flandre est autorisé, en procédant au jugement des procès relatifs aux portions congrues, à en ordonner le payement sur le pied et ainsi que par les circonstances il estime juste et à propos. les pensions dont ils étaient tenus envers les curés et les vicaires à portions congrues, et acquitteront les autres charges des dîmes (l). Art. 3. La faculté accordée aux décimateurs par la déclaration du 30 juin 1690 et autres lois subséquentes, d’abandonner les dîmes pour se décharger de la portion congrue, est et demeure abrogée pour ceux qui n’en auront pas fait la déclaration dans une forme authentique avant le 1er janvier prochain, et ils seront tenus, nonobstant toute déclaration postérieure, au payement, pendant tout le cours de l’année 1790, des portions congrues dont ils étaient précédemment chargés. Art. 4. A défaut par les décimateurs de faire le payement desdites partions congrues aux termes accoutumés, et quelques prétextes qu’ils allèguent pour autoriser leur refus ou leur retard, après une simple sommation qui les aura mis en demeure de le faire, les municipalités du lieu où sont situées les cures sont autorisées à faire aux curés et vicaires, à portion congrue, l’avance du quartier courant de leur pension (2), même à continuer ce payement de quartier en quartier, sans qu’il soit besoin de nouvelles sommations, et à saisir, pour s’en faire rembourser, les dîmes et autres revenus des décimateurs. Art. 5. Pourront néanmoins, comme par le passé, les curés et vicaires à portion congrue se pourvoir aussi directement contre les décimateurs pour l’acquit de leurs pensions, ainsi que des autres charges des dîmes, par voies de saisie, d’opposition et autres de droit comme par le passé. Art. 6. Le comité ecclésiastique se fera rendre compte dans le plus bref délai, par le receveur général des économats et autres administrateurs pour les provinces qui ne sont pas soumises au régime des économats (3), du séquestre des biens et des revenus de tous les bénéfices consistoriaux vacants ; et, d’après le rapport que ce comité en fera incessamment à l’Assemblée, elle avisera aux moyens de répartir tout ou partie des reliquats desdits comptes entre les curés et vicaires à portion congrue par forme de supplément à leur pension. Art. 7. Pour l’exécution de l’article précédent, l’Assemblée nationale fait dès à présent défenses auxdits receveurs des économats et autres administrateurs des bénéfices consistoriaux vacants de vider leurs mains des deniers qu’ils peuvent avoir provenant des revenus des bénéfices, sinon ainsi et de la manière qui sera réglée par l’Assemblée. Art. 8. M. le président se retirera dans le jour par devers le Roi pour supplier Sa Majesté d’accorder sa sanction au présent décret et de donner les ordres nécessaires pour son exécution. (1) Telles que les réparations des églises, la fourniture des ornements, livres et vases sacrés. Edit de 1695, articles 21 et suivants. (2) Les portions congrues doivent toujours être payées de quartier en quartier, et par avance. Article 9 de l’édit de 1768. (3) Ces provinces sont l’Alsace, la Franche-Comté, la Lorraine, l’Artois, la Flandre, le Hainault et le Cam-brésis. Il y a des lois particulières pour chacune d’elles.