[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] 15 RAPPORT ET PROJET DE DÉCRET SUR QUELQUES FAVEURS A ACCORDER A LA MAIN-D’ŒUVRE NATIONALE Présentés au nom du Comité d’Agriculture et de Commerce, Par M. GOUBARB, Député de Lyon. (Imprimés par ordre de l’Assemblée nationale.) Messieurs, L’ancienne administration avait senti la nécessité de modifier, pour l’intérêt de notre main-d’œuvre, les tarifs qui paraissaient conservatoires de cette main-d’œuvre. C’est ainsi que, nonobstant les droits imposés à la sortie des laines pour l’étranger, celles qui en avaient été importées n’acquittaient aucun droit lorsqu’elles y repassaient. L’administration s’était déterminée à cette mesure par la conviction où elle était que, pour favoriser l’abondance d’une matière première dont nous n’avons pas des quantités suffisantes, il faut laisser, à l’étranger qui nous l’apporte, la facilité de retirer celles dont il ne trouve point en France un débouché conforme à ses spéculations. C’est ainsi que cette administration avait permis aux fabricants de Reims d’envoyer filer à Cliaspierre, pays étranger, la partie de laines nécessaires à leurs manufactures, et qu’ils ne pouvaient pas faire filer en France. Elle eût accordé la même faculté aux fabricants de Sedan, pour les laines qu’ils envoient filer dans le duché de Luxembourg, si, alors, ils en avaient eu besoin. C’est d’après le même principe qu’il avait été permis aux retordeurs en fil du département du Nord d’envoyer blanchir ces fils à l’étranger, et de les rapporter. C’était par le motif d’une utilité également reconnue, qu’il avait été obtenu pour la manufacture intéressante et unique de mousseline qui s’est établie et soutenue à Tarare, département de Rhône-et-Loire, sans aucun secours du gouvernement, et qui entretient plus de 500 métiers et de 3,000 ouvrières, de ne payer que des droits modératifs sur la quantité de coton de nos colonies, que ses entrepreneurs n’envoient filer en Suisse que faute de trouver en France des cotons filés du même genre. L’ancienne administration était également dans l’usage d’admettre au retour, moyennant le droit de 1 0/0 de la valeur, les toiles, étoffes et chapeaux fabriqués dans le royaume, qui revenaient de l’étranger, faute d’y avoir été vendus. Votre comité d’agriculture et de commerce, qui n’a insisté sur la conservation des droits de traites aux frontières, que parce qu’ils étaient et seront encore longtemps la sauvegarde de notre industrie, de notre pêche et de notre navigation, ne peut pas être plus rigoureux sur ces objets que l’ancien gouvernement. Le but du tarif que vous avez décrété est d’augmenter votre main-d’œuvre; et vous la détruiriez si, sous prétexte de vouloir procurer de l’accroissement à votre filature, vous réduisiez à l’inaction les manufactures intéressantes qui, dans l’état actuel, ne peuvent pas faire donner en France cette première main-d’œuvre. Vous ne voudrez pas non plus, Messieurs, priver les entrepreneurs de nos manufactures d’étoffes, toiles et chapeaux, de la faculté dont ils ont joui jusqu’à présent, de pouvoir faire rentrer dans le royaume les objets de leur fabrication que des causes d’avarie, faillite, ou autres semblables, forceront d’y faire réimporter. Il ne s’agit que de prévenir les abus qui pourraient résulter de ces facilités. Le moyen bien naturel d’éviter ces abus consiste à réserver aux ministres de l’intérieur et des contributions publiques réunis la faculté d’accorder ces permissions. Les intérêts évidemment opposés de ces deux ministres, don! l’un a le déparlement du commerce et des manufactures, l’autre celui de l’impôt, sont un sûr garant que, quand ils s’accorderont sur Futilité d’une demande, il ne pourra en résulter d’inconvénients ni pour nos manufactures, ni pour le Trésor public. Je vous propose en conséquence, Messieurs, avec confiance, tant sur ces objets, que sur d’autres de même nature, le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu 16 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] le rapport de son comité d’agriculture et de commerce, décrète ce qui suit : Art. lor. « Les laines étrangères filées continueront d’être réexportées à l’étranger, en franchise des droits. Art. 2. « Les fabricants de draps de Sedan et les manufacturiers de Reims continueront de jouir de l’exemption de droits sur les laines qu’ils enverront filer à l’étranger, et qu’ils feront rentrer en France. Art. 3. « Les entrepreneurs des retordoirs de fil dans le département du Nord pourront envoyer ces fils à l’étranger, pour y être blanchis et ensuite réimportés dans le royaume en franchise. Art. 4. « Les fabricants de mousseline à Tarare, département de Rbône-et-Loire, sont autorisés à envoyer chaque année, en Suisse, une quantité de vingt milliers pesant de coton en laine des colonies françaises d’Amérique, à la charge de donner leur soumission de rapporter dans l’année le produit desdits cotons en fil de coton, qui soit au moins du numéro 50. « Lesdites exportations et réimporlations seront faites en franchise de tous droits. Art. 5. « Les habitants de la commune du Rois-d’A-mont, département du Jura, jouiront de la faculté de réexporter en franchise les bois qu’ils auront importés pour être façonnés. Art. 6. a Le retour des étoffes, toiles, chapeaux et autres objets de même nature fabriqués dans le royaume, et qui seront rapportés de l’étranger à défaut de vente, pourra être accordé par les ministres de l’intérieur et des contributions publiques réunis, dans les cas où ils le jugeront convenable. Art. 7. « Le pouvoir exécutif réglera le mode d’exécution des faveurs accordées pour les articles précédents, et il prendra toutes les précautions nécessaires à empêcher qu’il en soit abusé. »