[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 septembre 1791.] Kgn Je ne dois pas dissimuler à l’Assemblée nationale que, dans les circonstances présentes, il y aurait de l’imprudence à compter entièrement sur ces moyens. Les départements qui, jusqu'à présent, m’ont fait connaître leurs besoins sont : la Dordogne, la Lozère, le Cantal, le Lot-et-Garonne, les Landes, le Gers, les Basses-Alpes et les Basses-Pyrénées. Plusieurs départements se sont adressés à l’Assemblée ; la plupart demandent qu’on leur fasse des avances de fonds, quelques-uns sollicitent des grains en nature, le Gantai en particulier déclare que, sans un secours de ce genre, les terres ne seront pas ensemencées, et en effet sa situation est telle que, ne pouvant rien tirer des départements voisins qui sont loin d’avoir du superflu, n’ayant d’ailleurs que peu de capitaux, il est exposé à manquer de ce qui lui est nécessaire pour subsister cette année, et il ne peut assurer sa subsistance à l’avenir si l’on ne vient efficacement à son secours. Ces différentes choses présentent plusieurs questions plus délicates et plus importantes les unes que les autres. Fera-t-on des avances aux départements qui en réclament? Dans quelle mesure et par qui ces avances seront-elles faites ? Four-nira-l-on des grains à ceux qui sont hors d’état de s’en procurer par eux-mêmes? Quels fonds emploiera-t-on pour cette fourniture ? Sur quels fonds les dépenses seront-elles assignées ? Dans quelle forme s’effecluera-t-elle ? En s’occupant de résoudre ces questions, et quelque parti qu’elle prenne à cet égard, l’Assemblée nationale aura encore à s’occuper de la libre circulation, sans laquelle tous les soins, tous les efforts, toutes les dépenses deviendraient inutiles. Quand l’Assemblée a consacré cette liberté, par ses décrets, elle en a fait un des objets de sa Constitution ; elle a voulu qu’on poursuivît et qu’on punît, comme perturbateurs du repos public, ceux qui se permettraient d’y porter atteinte. Bientôt, sans doute, le progrès des lumières, l’usage de la liberté, l’habitude de la soumission aux lois mettront la libre circulation des subsistances au rang des premiers devoirs dont le peuple sentira la nécessité. Mais le souvenir trop récent du passé, un sentiment exagéré de crainte, un reste d’agitation, qui se manifeste encore, ne permettent pas de compter sur cette sécurité, soutenue de cette espèce d’abandon qui peut seul favoriser ce genre de circulation. Une disposition contraire, de la part du peuple, souvent décourage ceux qui seraient tentés d’entreprendre ce commerce; cependant, ce n’est que par l’intervention du commerce que les grains peuvent être exportés des lieux où ils sont abondants dans ceux où ils sont rares, et que la circulation pourrait s’y rétablir. Je penserais donc qu’il serait essentiel de rassurer les commerçants en leur procurant une espèce de garantie qui ne leur laissât aucun risque à courir que ceux qui résulteraient de la nature même des choses ; il me semble qu’on remplirait ce but en rendant une loi qui porterait qu’en cas de pillage ou de violence exercés relativement à la circulation des grains, celui qui aurait éprouvé le dommage en serait indemnisé par la nation. La nation s’indemniserait ensuite elle-même en imposant l’indemnité sur le département où le pillage aurait été commis : le département ferait porter cette charge sur le district, le district sur la municipalité, de manière qu’en dernière analyse le poids en retomberait et sur les auteurs et sur ceux qui, pouvant et devant l’empêcher, n’y auraient pas mis obstacle. Du reste, toutes les précautions deviendront moins nécessaires à mesure que les effets de la Révolution pourront se développer ; un des biens les moins indisputables qu’elle doit produire est de rendre à l’agriculture et au commerce les capitaux et les bras qu’un luxe impie et une foule de charges et d’emplois inutiles leur enlevaient depuis trop longtemps; et le moment n’est pas trop éloigné où le sol de la France cultivé par des mains libres, après avoir subvenu aux besoins des habitants, offrira encore un superflu aux spéculations du commerce; mais il faut pourvoir aux besoins actuels, il faut faire cesser les inquiétudes, il faut empêcher que l’ordre public soit troublé; ces grands intérêts sont dignes d’occuper l’Assemblée nationale. Jusqu’à présent, elle a renvoyé à son comité des finances les diverses demandes qui lui ont été faites à ce sujet; je la supplie de vouloir bien charger ce même comité de prendre une connaissance générale de l’état des choses et de lui proposer incessamment des mesures capables de répondre à l’importance et à l’urgence d’un objet qui touche de si près à la tranquillité publique. {Applaudissements.) (L’Assemblée ordonne le renvoi du mémoire du ministre de l’intérieur aux comités de commerce et d’agriculture et des finances.) M. le Président annonce l’ordre du jour de la séance de demain. La séance est levée à trois heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. THOURET. Séance du lundi 12 septembre 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal delà séance du dimanche 11 septembre, qui est adopté. M. Camus. Il arrive journellement à Paris un grand nombre de députés élus à la prochaine législature, qui manifestent le désir d’assister aux téances de l’Assemblée nationale. Je demande que, sur le vu de leur certificat d’inscription sur les registres des archives de l’Assemblée, ils soient admis dans les tribunes actuellement abandonnées au public. M. Chabroud. J’observe qu’il est plus convenable que ces députés soient admis dans le sein de l’Assemblée, je veux dire dans l’amphithéâtre du côté droit, qui est toujours à moitié vide. {Applaudissements.) M. Bouche. J’appuie la proposition de M. Chabroud ; mais je voudrais que, pour la liDerté et la sûreté des opinions, la place des nouveaux députés fût séparée de l’Assemblée. Il y a beaucoup de place, il est vrai, dans cette extrémité de la salle. {Il montre le côté droit), mais on dit que l’air y est contagieux {Rires et applaudissements.) ; peut-être cependant est-il bou de les y admettre : iis purifieront la place. {Rires.) (1) Celte séance est incomplète au Moniteur. 504 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 septembre 1791.] (L’Assemblée, consultée, décrète que les députés à la législature prochaine pourront se placer au haut de l’amphithéâtre dans l’intérieur de la salle du côté droit du président.) M. Gossin, au nom des comités de Constitution et d'emplacement. Plusieur s membres de l’Assemblée sont tombés dans une erreur grave, relativement au décret qui a été rendu hier pour la suppression des alternats entre les départements. Le dernier article du projet que j’avais présenté exceptait provisoirement de la disposition générale le département du Cantal, jusqu’au moment où la législature pût fixer définitivement le chef-lieu de l’administration. M. Estagnol demanda alors que cette exception particulière fût rayée, ou que tous les alternats fussent conservés. On m’a dit aujourd’hui qu’ayant adopté cet amendement, l’Assemblée a conservé tous les alternats. Il y a dans cette opinion une erreur de fait ; car l’Assemblée n’a décrété que l’amendement que j’avais adopté ; et j’atteste n’avoir adopté hier d’autre amendement que celui qui tendait à rejeter l’exception proposée pour le département du Cantal. M. Hébrard. Je crois que les localités ont fait réellement excepter de la mesure générale le département du Cantal, pour lequel il a été décrété que l’alternat ne cesserait qu’à la fin de son exercice à Aurillac, époque à laquelle la législature pourrait fixer le chef-lieu d’administration, d’après le vœu spontané et éclairé par l’expérience, des administrés. Cette exception que plusieurs membres avaient voulu étendre à tous les départements alternants, ne se trouve plus dans le décret. J’en demande le rétablissement : les localités rendent indispensable une épreuve entre les deux villes de Saint-Fiour et d’Aurillac. (L’Assemblée, consultée, décrète que l’exception portée dans l’article 4 du décret adopté hier sur les alternats ne concerne que le département du Cantal.) M. lieclere, au nom du comité des assignats. Messieurs, votre comité des assignats a l’honneur de vous représenter que l’approche de l’hiver et le besoin pressant des fonds rendent indispensablement nécessaire l’accélération de la fabrication des assignats qui restent à faire pour compléter la somme dont vous avez ordonné l’émission. Il n’y a d’autre moyen d’accélérer cette fabrication que de diminuer le nombre des petits assignats. Les nouvelles formes qu’il faudrait pour terminer la fabrication des divisions intermédiaires entre 50 et 100 ne seraient faites que dans 1 mois ou 5 semaines; déplus, les coupons de 200 et de 300 livres sont infiniment désirés par le commerce; les premiers assignats de cette coupe étant presque tous sortis de la circulation, on pourrait en fabriquer pour de plus grosses sommes à la fois et commencer sur-le-champ la fabrication du papier avec les formes de 4 à la feuille qui devaient servir à ceux de 100 livres mais qui ont été réprouvées comme un peu plus petites que celles des premiers assignats de cette espèce. Le comité des assignats vous propose, en cou-. séquence, le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des assignats, décrète qu’au lieu de fabriquer des assignats de 90 livres, de 80 livres et de 70 livres, pour 150 millions, faisant partie de 600 millions décrétés le 19 juin dernier, ladite somme sera convertie en assignats de 2 et de 300 livres, jusqu’à la concurrence de la somme de 75 millions pour chaque sorte, lesquels seront fabriqués sur les formes d’assignats de 100 livres etde50livres de4jàlafeuille,ci-devantdéposéesaux archives de l’Assemblée, et qui, à cet effet, en seront tirées et envoyées à la manufacture par les commissaires, qui y feront insérer en chiffres la valeur de l’assignat et le millésime 1791. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Prugnon, au nom du comité d'emplacement, propose un projet de décret relatif à la translation des religieuses de la Visitation de Belley. Ce projet de décret est mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, après avoir ouï son comité d’emplacement, et sur l'avis du ministre de l’intérieur, décrète que la translation des religieuses de la Visitation de Belley, ordonnée par le décret du 4 juillet de cette année, sera effectuée de leur consentement dans la maison ci-devant occupée par les cordeliers de la même ville, de la manière et aux conditions portées par ce décret. » (Ce décret est adopté.) M. Aarin, au nom du comité des rapports , présente un projet de décret relatif aux élections des sieurs Chevrier et Meiller aux places de juges des tribunaux de Pont-de-Veyle et d’ Ambérieux. Ce projet de décret est mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, décrète que, sans avoir égard à l’arrêté du directoire du département de Saône-et-Loire du 7 mai 1791, qu’elle déclare comme non-avenu, celui du directoire du département de l’Ain du 5 février dernier aura tout son effet; en conséquence, que les élections des sieurs Chevrier et Meiller, aux places de juges des tribunaux de Pont-de-Veyle et d’Ambérieux, sont les seules qui soient bonnes. » (Ce décret est adopté.) M. Alexandre de Beauharnais, au nom du comité militaire. L’Assemblée a chargé son comité militaire de s’occuper d’une nouvelle forme de brevets pour les officiers , et d'engagements pour les soldats. Je suis chargé de vous soumettre la nouvelle forme que le comité militaire a cru devoir adopter. Je crois devoir vous donner l’indication des très légers changements qui ont été faits, avec les motifs qui les ont déterminés. Voici, Messieurs, quelle était l’ancienne forme: « Aujourd’hui ..... 178., le roi étant à...... prenant une entière confiance dans l’expérience à la guerre, la vigilance, la bonne conduite, le zèle, la fidélité et affection à son service, dont a donné des preuves le ..... du régiment ..... , Sa Majesté l’a établi dans la charge de colonel de ce régiment, vacante par ..... pour en faire les fonctions, et commander ce régiment sous l’autorité de Sa Majesté, et sous celle de M. le prince de Gondé, colonel général de son infanterie française et étrangère, ainsi qu’il lui sera ordonné pour le service de Sa Majesté, par elle ou ses lieutenants généraux, et en jouir aux honneurs, autorités, prérogatives, prééminences et droits attachés à ladite charge : cependant Sa Majesté a ordonné à tous ceux à qui il appartiendra, de le recevoir, et le faire reconnaître eu ladite