106 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Tandis que les administrateurs de Haute-Garonne se fédéralisaient avec les contre-révolutionnaires du Midi, Alard provoqua, dès le 20 juin, un arrêté du district de Rieux, qui ne reconnaissait que la République une et indivisible, ni d’autre centre d’autorité que la Convention nationale. Il refusa de députer à l’assemblée départementale, et de transmettre aux communes les arrêtés liberticides des corps constitués de Toulouse et autres écrits de la Gironde. Dès ce moment, il encourt la haine des fédéralistes; mais qu’importe au républicain de compter des ennemis ? Son devoir est toujours en première ligne. Dans la mission qu’il a remplie, Alard a eu a combattre une coalition qui avait le fanatisme pour moyen, et pour but l’anéantissement de l’esprit public. Il a été dénoncé par des ci-devant prêtres, par des administrateurs dfestitués, par des amis de contre-révolutionnaires, par des parents d’émigrés. Qu’on l’accuse d’avoir élevé l’opinion au niveau des bons principes; d’avoir défendu les patriotes; d’avoir imprimé la terreur dans l’âme des scélérats; d’avoir prêché la haine des rois; d’avoir propagé l’instruction dans les campagnes; d’avoir fait reclure 400 suspects; d’avoir rendu la liberté à des sans-culottes qui l’avaient perdue pour quelques erreurs qui leur appartenaient moins qu’à des aristocrates ou à des prêtres fanatiques; d’avoir rétabli l’union parmi des citoyens; d’avoir fondé des sociétés populaires; d’avoir enfin combattu à mort le fédéralisme. Tels sont cependant les résultats de ses travaux. Ils vous sont attestés par des administrations, des tribunaux, des comités de surveillance, des communes et un grand nombre de sociétés. Ne nous étonnons donc pas si Alard obtint les honneurs de la dénonciation de la part de Fabre d’Eglantine. Oui, ce fut d’Eglan-tine, ce digne ami de l’ex-baron de Marguerites, qui, par une suite de ce machiavélisme affreux que respirait son âme, et toujours fidèle à son système de fomenter des germes de division d’un bout de la République à l’autre, imagina de faire un crime à Alard d’avoir frappé la superstition dans une contrée où elle dominait. Ce fut sans doute aussi d’Eglantine qui jugea convenable d’envelopper dans la proscription le chef de la force révolutionnaire, en le qualifiant de chef du conseil privé d’Alard; expression ironique consignée dans le décret, et qui, par cela même, devenant injurieuse à la dignité nationale, fut évidemment surprise à la Convention. S’il était besoin, citoyens, d’autres considérations en faveur d’Alard, nous pourrions en puiser dans la correspondance tenue par les représentants du peuple avec le comité de salut public; nous vous dirions qu’il a constamment réuni la confiance des représentants qui se sont succédé dans l’Ariège; nous vous dirions que ses travaux sont d’autant plus à apprécier qu’à cette époque il n’existait pas d’organisation du gouvernement révolutionnaire; nous vous dirions que l’accusation d’Alard a été un triomphe pour l’aristocratie. Ne souffrez pas, citoyens, que le patriotisme soit comprimé. Vous venez de déjouer la plus affreuse des conspirations. C’est en déclamant contre les patriotes, qu’ils désignaient sous les titres d’immoraux, d’athées, d’Hébertistes et d’ultra-révolutionnaires, que les triumvirs et leurs complices opéraient la contre-révolution. Mais en revanche, ils ralliaient autour d’eux les ci-devant nobles, les ex-prêtres, les muscadins, les agioteurs, et même jusqu’aux dévotes. Ils avaient sans cesse à la bouche les mots de justice, de probité et de vertu. Ils se disaient les amis de la morale publique, et l’aristocratie était là, toujours prête à s’emparer des plus saines maximes pour les dénaturer, afin quelles devinssent en ses mains un instrument contre-révolutionnaire. Les têtes des tyrans ont tombé. La République s’élève majestueusement sur la ruine des trônes. Les victoires s’amoncellent autour de la liberté. Il ne nous reste, pour la consolidation de notre triomphe, qu’à défendre avec courage ce faisceau d’union et de fraternité qui fait le désespoir des tyrans et de tous les ambitieux. Ces réflexions nous ont paru s’allier à l’intérêt d’un citoyen longtemps opprimé; car lui aussi a éprouvé l’injustice du dernier tyran qui vient de tomber sous le glaive de la loi. Vous en pénétrez le motif : il fallait des prêtres à Robespierre, au lieu qu’Alard n’en voulait point. Nous nous résumons en deux mots : depuis l’aurore de la révolution, Alard s’est déclaré pour elle; il a fait la guerre aux aristocrates, et les aristocrates le dénoncent; il a bravé les poignards des fédéralistes, et il est en butte à leur vengeance; il a démasqué des prêtres fanatiques, et ceux-ci ont voulu l’immoler; mais il a répandu l’instruction parmi le peuple; il a soutenu les patriotes : ce sont aussi les patriotes qui vous parlent pour lui. Les comités m’ont chargé de vous présenter le projet de décret suivant : [voir texte ci-dessous ( 1)] Un membre [DUBARRAN] , au nom des comités de salut public, de sûreté générale et des décrets, fait un rapport après lequel la Convention rend le décret suivant : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de salut public, de sûreté générale et des décrets, déclare fausses et calomnieuses les inculpations portées contre le citoyen Alard, député suppléant du département de Haute-Garonne; décrète en conséquence qu’il est admis aux fonctions de représentant du peuple français. Le présent décret sera inséré, avec le rapport de Dubarran, dans le bulletin de correspondance, et envoyé d’ailleurs en la forme ordinaire à toutes les municipalités de la République (2). [Applaudissements] (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 391-393; Bm, 20 therm. (suppl1); J. Mont., n° 96; Ann. R.F., n° 245; J. Fr., n° 678; J. Paris, n° 581; F.S.P., n° 395; J. S. -Culottes, n° 535; J. Perlet. n' 680; Rép., n° 227; Audit, nat., n° 679; Mess. Soir, n° 714. (2) P.V., XLIII, 5. Minute de la main de Dubarran. Décret n° 10 218. M.U., XLII, 267; J. Lois, n° 677; C. univ., n° 946; Débats, n 0 682. 106 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Tandis que les administrateurs de Haute-Garonne se fédéralisaient avec les contre-révolutionnaires du Midi, Alard provoqua, dès le 20 juin, un arrêté du district de Rieux, qui ne reconnaissait que la République une et indivisible, ni d’autre centre d’autorité que la Convention nationale. Il refusa de députer à l’assemblée départementale, et de transmettre aux communes les arrêtés liberticides des corps constitués de Toulouse et autres écrits de la Gironde. Dès ce moment, il encourt la haine des fédéralistes; mais qu’importe au républicain de compter des ennemis ? Son devoir est toujours en première ligne. Dans la mission qu’il a remplie, Alard a eu a combattre une coalition qui avait le fanatisme pour moyen, et pour but l’anéantissement de l’esprit public. Il a été dénoncé par des ci-devant prêtres, par des administrateurs dfestitués, par des amis de contre-révolutionnaires, par des parents d’émigrés. Qu’on l’accuse d’avoir élevé l’opinion au niveau des bons principes; d’avoir défendu les patriotes; d’avoir imprimé la terreur dans l’âme des scélérats; d’avoir prêché la haine des rois; d’avoir propagé l’instruction dans les campagnes; d’avoir fait reclure 400 suspects; d’avoir rendu la liberté à des sans-culottes qui l’avaient perdue pour quelques erreurs qui leur appartenaient moins qu’à des aristocrates ou à des prêtres fanatiques; d’avoir rétabli l’union parmi des citoyens; d’avoir fondé des sociétés populaires; d’avoir enfin combattu à mort le fédéralisme. Tels sont cependant les résultats de ses travaux. Ils vous sont attestés par des administrations, des tribunaux, des comités de surveillance, des communes et un grand nombre de sociétés. Ne nous étonnons donc pas si Alard obtint les honneurs de la dénonciation de la part de Fabre d’Eglantine. Oui, ce fut d’Eglan-tine, ce digne ami de l’ex-baron de Marguerites, qui, par une suite de ce machiavélisme affreux que respirait son âme, et toujours fidèle à son système de fomenter des germes de division d’un bout de la République à l’autre, imagina de faire un crime à Alard d’avoir frappé la superstition dans une contrée où elle dominait. Ce fut sans doute aussi d’Eglantine qui jugea convenable d’envelopper dans la proscription le chef de la force révolutionnaire, en le qualifiant de chef du conseil privé d’Alard; expression ironique consignée dans le décret, et qui, par cela même, devenant injurieuse à la dignité nationale, fut évidemment surprise à la Convention. S’il était besoin, citoyens, d’autres considérations en faveur d’Alard, nous pourrions en puiser dans la correspondance tenue par les représentants du peuple avec le comité de salut public; nous vous dirions qu’il a constamment réuni la confiance des représentants qui se sont succédé dans l’Ariège; nous vous dirions que ses travaux sont d’autant plus à apprécier qu’à cette époque il n’existait pas d’organisation du gouvernement révolutionnaire; nous vous dirions que l’accusation d’Alard a été un triomphe pour l’aristocratie. Ne souffrez pas, citoyens, que le patriotisme soit comprimé. Vous venez de déjouer la plus affreuse des conspirations. C’est en déclamant contre les patriotes, qu’ils désignaient sous les titres d’immoraux, d’athées, d’Hébertistes et d’ultra-révolutionnaires, que les triumvirs et leurs complices opéraient la contre-révolution. Mais en revanche, ils ralliaient autour d’eux les ci-devant nobles, les ex-prêtres, les muscadins, les agioteurs, et même jusqu’aux dévotes. Ils avaient sans cesse à la bouche les mots de justice, de probité et de vertu. Ils se disaient les amis de la morale publique, et l’aristocratie était là, toujours prête à s’emparer des plus saines maximes pour les dénaturer, afin quelles devinssent en ses mains un instrument contre-révolutionnaire. Les têtes des tyrans ont tombé. La République s’élève majestueusement sur la ruine des trônes. Les victoires s’amoncellent autour de la liberté. Il ne nous reste, pour la consolidation de notre triomphe, qu’à défendre avec courage ce faisceau d’union et de fraternité qui fait le désespoir des tyrans et de tous les ambitieux. Ces réflexions nous ont paru s’allier à l’intérêt d’un citoyen longtemps opprimé; car lui aussi a éprouvé l’injustice du dernier tyran qui vient de tomber sous le glaive de la loi. Vous en pénétrez le motif : il fallait des prêtres à Robespierre, au lieu qu’Alard n’en voulait point. Nous nous résumons en deux mots : depuis l’aurore de la révolution, Alard s’est déclaré pour elle; il a fait la guerre aux aristocrates, et les aristocrates le dénoncent; il a bravé les poignards des fédéralistes, et il est en butte à leur vengeance; il a démasqué des prêtres fanatiques, et ceux-ci ont voulu l’immoler; mais il a répandu l’instruction parmi le peuple; il a soutenu les patriotes : ce sont aussi les patriotes qui vous parlent pour lui. Les comités m’ont chargé de vous présenter le projet de décret suivant : [voir texte ci-dessous ( 1)] Un membre [DUBARRAN] , au nom des comités de salut public, de sûreté générale et des décrets, fait un rapport après lequel la Convention rend le décret suivant : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de salut public, de sûreté générale et des décrets, déclare fausses et calomnieuses les inculpations portées contre le citoyen Alard, député suppléant du département de Haute-Garonne; décrète en conséquence qu’il est admis aux fonctions de représentant du peuple français. Le présent décret sera inséré, avec le rapport de Dubarran, dans le bulletin de correspondance, et envoyé d’ailleurs en la forme ordinaire à toutes les municipalités de la République (2). [Applaudissements] (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 391-393; Bm, 20 therm. (suppl1); J. Mont., n° 96; Ann. R.F., n° 245; J. Fr., n° 678; J. Paris, n° 581; F.S.P., n° 395; J. S. -Culottes, n° 535; J. Perlet. n' 680; Rép., n° 227; Audit, nat., n° 679; Mess. Soir, n° 714. (2) P.V., XLIII, 5. Minute de la main de Dubarran. Décret n° 10 218. M.U., XLII, 267; J. Lois, n° 677; C. univ., n° 946; Débats, n 0 682.