[Assemblée nationale.] ARCHIVES P ARLEMENTAIRES. [28 février 1791.] 572 et dont les moyens d’exécution sont impraticables ; et cette idéeest si généralement sentie dans celte Assemblée... Plusieurs membres à gauche : Non ! non ! M.de Cazalès... que, malgré quelques applaudissements mendiés aux tribunes, la très grande majorité s’est d’abord réunie à celte opinion. Plusieurs voix à gauche : La lecture! M. de Cazalès. Une preuve bien sensible de cette vérité, c’est que dans la liste de parole qui est entre tes mains de M. le Président, il n’y a personne d’inscrit en laveur du projet ; tout le monde est contre. On vous a dit avec raison qu’il serait déshonorant pour l’Assemblée de souffrir la lecture d’une loi qu'on vous annonçait d’avance être contraire aux principes de la Constitution. ( Murmures prolongés à gauche.) Je demande que des factieux ne m’empêchent pas de parler. ( Murmures prolongés.) M. Gourdan. Quand M. d’Eprémesni! est venu lire à ta tribune un plan de contre-révolution, on l’a bien écouté. M. de Cazalès. Je demande que l’on mette aux \oix la question de savoir si l’on entendra ou si l’on n’emendra pas la lec ture du projet de loi ; et, pour ma part, je demande, je réclame, j’appuie la négative. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il sera fait lectuie du projet de loi.) M. Ce Chapelier, rapporteur. Voici le texte du projet de loi : « Article 1er. — Dans les temps de trouble et lorsque l’Assemblée nationale aura décidé q u’il y a lieu à la présente loi, elle sera mise en vigueur pour le temps qui sera déterminé par une proc!amation expresse. « Art. 2. Il sera nommé par l’Assemblée nationale un conseil de (rois personnes qui exer-cerontsi ulementsurledroit de sortir du royaume et sur l’obligation n’y rentrer un i ouvoir dictatorial... » {Murmures prolongés ; bruit.) M. de Mirabeau. Je demande la parole. M. Ce Chapelier, rapporteur. La loi n’est qu’en trois articles; ainsi vous n’aurez pas besoin de beaucoup de patience pour l’entendre . Nous pensons que, s’il peut en exister une, c’est celle-là; car elle seule est exécutable. Je relis l’article 2 : « Ait. 2. Il sera nommé, par l’Assemblée nationale, un con-eilde trois personnes qui exerceront seulement sur le droit de so tir du royaume et sur l’obligation d’y rentrer un pouvoir dictatorial ; il désignerais Français abseirs, qui seront tenus de rentrer dans le royaume, sous peine d’être traiti s comme rebelles, et il ne seradom é de permission de sortir de France que par la même autorilé. « Art. 3. Les rebelles seront déchus de tous droits de citoyens français; les revenus deleurs biens seiout confisqués; et ils seront de plus déclarés incapables de remplir aucune fonction. > ( Tumulte prolongé.) Plusieurs membres : La question préalable ! M. Goupil de Préfeln. Je vous présenterai une loi en quatre articles qui n’aura rien d’inconstitutionnel et surtout qui n’apportera pas un pouvoir dictatorial. M. d’André. Je demande la question préalable sur cette abominable loi ; si vous ajournez un tel projèt, si vous laissez en suspens l’oniniou que vous devez énoncer sur une pareille matière, vous ferez fuir dans l’instant tous les Français du royaume... ( Murmures et applaudissements.) MM. d’ Aiguillon et de Broglie. Je demande la parole. Plusieurs membres à droite : Qu’on donne la parole à M. de Broglie. Plusieurs membres : La question préalable. M. Gonpilleau. Demandez l’ajournement de la question au fond. M. d’André. Monsieur le Président, rappelez donc à l’ordre M. d’Aiguillon et toutes ces voix qui m’interrompent. M. le Président. J’entends demander de toute part la question préalable. M. Lévis de Mirepoix. Je fais la motion expresse que la chose soit décidée sans désemparer. M. de Mirabeau. Monsieur d’André, j’ai demandé la parole pendant la lecture du projet de loi. M. d’André. J’ai beaucoup de plaisir à vous entendre parler et je vous cède la parole. Mais, avant de l’abandonner, je prie l’Assemblée de rappeler à l’ordre ces Messieurs {V orateur désigne l'extrême gauche) qui le troublent sans cesse. {Applaudissements.) M. de Mirabeau. La formation de la loi et sa propo ition même ne peuvent se concilier avec les ex' ès du zèle, de quelque espèce qu’ils soient; l’excès du zèle est aussi peu fait pour préparer la loi, que tout autre exi ès. Ce n’est pas l’indignation qui doit proposer la loi; c’est la réflexion qui doit la porter. L’Assemblée nationale n’a point fait au comité de Constitution le même honneur que les Athéniens lirent à Aristide, qu’ils laissèrent juge de la moralité de son projet. Mais le frémissement qui s’est fait entendre à la lecture du projet du comité a montré que vous étiez aussi bons juges de cette moralité qu’Aristide, et que vous aviez bien fait de vous en réserver la juridiction. Je ne ferai pas au comité l’injure de démontrer que sa loi est digne d’être placée dans le code de Bacon, mais qu’elle ne pourra jamais entier parmi les décrets de l’Assemblée nationale de France. Ce que j’entreprendrais de démontrer peut-être, si la discussion se portait sur cet aspect de la question, c’est que la barbarie même de la loi qu’on vous propose est la plus haut-preuve de l’impraticabilité de cette loi. ( Applaudissements à droite et dans une partie de la gauche.) Plusieurs membres à gauche; Non ! non ! M. de Mirabeau. J’entreprendrai de démon-