[Assemblée national#.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 juillet 1789.] 273 M. Ctattltiler a fait rapport de la contestation élevée par le sieur Graffard, chargé delà délibération et des mémoires de la ville de Perpignan, sur la validité des pouvoirs des députés des communes du Roussillon : l'Assemblée a décidé unanimement que l’opposition ne pouvait être admise, et que les pouvoirs attaqués étaient valables. Il a été rendu compte, au comité de vérification, de l’examen qu’il a fait des pouvoirs présentés par M. le marquis de Saint-Simon et M. le comte de Culant, députés d’Àngoulême: ces pouvoirs ayant été trouvés en bonne forme, MM. de Saint-Simon et de Culant ont été admis d’une voix unanime. Un des membres de l’Assemblée a fait une motion tendant à l’établissement d’un comité spécialement chargé de recevoir les mémoires qui lui seraient présentés sur le commerce, et de préparer la discussion de ces matières : l’Assemblée a renvoyé à la prochaine séance la discussion de cette motion. M. le Président a annoncé que l’Assemblée se réunirait demain à l’heure ordinaire. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE DUC DE LIANCOURT. Séance du samedi 25 juillet 1789 (1). MM. les secrétaires rendent compte des adresses des villes de Brionne en Normandie, de Morlaix, de Beauvais, de Pontivy, de Saint-Malo, d’Ambert en Auvergne, d’Antonne, d’issoudun, d’Abbeville, de Chalon-sur-Saône et de plusieurs autres villes. Toutes expriment les sentiments du plus vif patriotisme et d’admiration pour la conduite de l’Assemblée nationale. M. le Président dit à l’Assemblée qu’hier au soir, au sortir de la séance, un député de la commune de Paris lui a remis une lettre signée de divers membres du comité permanent de cette ville, avec un paquet contenant trois lettres ouvertes et une autre cachetée, à l’adresse de M. le comte d’Artois -, ensemble le procès-verbal dressé par le district des Petits-Augustins, d’après lequel il paraît que ces pièces ont été saisies dans la nuit du 22 au 23, sur M. le baron de Castelnau, passant sur le Pont-Royal. M. le président ajoute qu’il a respecté l’inviolabilité du secret des lettres, qu’il ne s’est permis d’en lire aucune, et qu’ayant pris sur lui d’interpréter les sentiments de l’Assemblée, ne pouvant dans ce moment la consulter, il a renvoyé, en présence de MM. les députés, les paquets et le procès-verbal au comité permanent. Il dit qu’il pense que l’Assemblée ne veut ni ne peut se mêler des détails de la police de la ville de Paris et de ses districts. Quelques députés élèvent la question de savoir si l’Assemblée a ou n’a pas le droit de faire ouvrir ces paquets. Plusieurs membres invoquent le principe de (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. lte SÉRIE, T. VUI. l’inviolabilité du secret des lettres confiées à la poste. D’autres , en convenant du principe, pensent qu’il peut être modifié, et qu’on doit admettre une exception l’injustice et du despotisme du ministère. li est indigne d’une nation qui aime la justice, et qui se pique de loyauté et de franchise, d’exercer une telle inquisition. M. le comte de Mirabeau. Est-ce à un peuple qui veut devenir libre à emprunter les maximes et les procédés de la tyrannie? peut-il lui convenir de blesser la morale, après avoir été si longtemps victime de ceux qui la violèrent ? Que ces politiques vulgaires qui font passer avant la justice ce que, dans leurs étroites combinaisons, ils osent appeler Y utilité publique ; que ces politiques nous disent du moins quel intérêt peut colorer cette violation de la probité nationale. Qu’apprendrons-nous par la honteuse inquisition des lettres? de viles et sales intrigues, des anecdotes scandaleuses, de méprisables frivolités. Croit-on que les complots circulent par les courriers ordinaires ? croit-on même que les nouvelles politiques de quelque importance passent par cette voie? Quelle grande ambassade, quel homme chargé d’une négociation délicate ne correspond pas directement, et ne sait pas échapper à l’espionnage de la poste aux lettres? C’est donc sans aucune utilité qu’on violerait les secrets des familles, le commerce des absents, les confidences de 1 amitié, la confiance entre les hommes. Un procédé si coupable n’aurait pas même une excuse, et l’on dirait de nous dans l’Europe : en France, sous le prétexte de la sûreté publique, on prive les citoyens de tout droit de propriété sur les lettres qui sont les productions du cœur [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 juillet 1789.] 275 et le trésor de la confiance. Ce dernier asile de la liberté a été impunément violé par ceux mêmes que la nation avait délégués pour assurer tous ses droits. Ils ont décidé par le fait, que les plus secrètes communications de l’âme, les conjectures les plus hasardées de l’esprit, Jes émotions d’une colère souvent mal fondée, les erreurs souvent redressées le moment d’après, pouvaient être transformées en dépositions contre des tiers ; que le citoyen, l’ami, le fils, le père, deviendraient ainsi les juges les uns des autres, sans le savoir; qu’ils pourront périr un jour l’un par l’autre; car l’Assemblée nationale a déclaré qu’elle ferait servir de base à ses jugements des communications équivoques et surprises, qu’elle n’a pu se procurer que par un crime. L’Assemblée ne prend aucune détermination et passe à l’ordre du jour. MM. Pons, curédeMazamet; Chabannettes, curé de Saint-Michel ; Gausserand, curé de Rivière, députés du clergé de la sénéchaussée de Toulouse, lisent et remettent sur le bureau la déclaration suivante : « Les soussignés, députés du clergé delà sénéchaussée de Toulouse, déclarent qu’ils n’ont jamais signé aucune protestation contre les opérations de l’Assemblée nationale, mais seulement une déclaration expositive de leur mandat, et une réserve purement relative aux droits de leurs commettants, d’avoir des représentants à ladite Assemblée ; que depuis l’anéantissement de leur mandat par la réunion totale et consommée des ordres, ils ont opiné et opineront toujours. A Versailles, le 25 juillet 1789, et ont signé : Pons, curédeMazamet; Ghabannettes, cure de Saint-Michel; Gausserand, curé de Rivière. » M. le Président annonce le regret que lui a marqué M. le comte de Douzon, député de la noblesse de Moulins, de ce que sa santé ne lui permet pas de continuer son service, et la nécessité où il est d’appeler son suppléant. Les pouvoirs de M. de Livré, député de la sénéchaussée du|Maine, à la place de feu M. Heliand, ont été admis ainsi que ceux des députés du bailliage de Sedan, sur la représentation qu’ils ont faite des pièces qui en établissent complètement la légitimité. M. Barrère de Wleuzac fait le rapport des pouvoirs des députés du clergé du Béarn. D’après l’avis du comité, l’Assemblée admet les députés nommés, quoique la constitution du Béarn semble n’admettre d’autre députation que celle faite en corps d’états. M. Salomon fait aussi le rapport des secondes députations nommées par le pays d’Aunis et Sar la ville de Montpellier. Elles sont rejetées. éanmoins les membres de ces secondes députations obtiennent, comme suppléants, la permission d’assister aux assemblées, sans séance ni voix délibérative, à la tribune des suppléants. Une députation de la ville de Dieppe est introduite. Un de ses membres fait lecture de l’adresse des habitants de cette ville, ainsi qu’il suit : « Nos seigneurs, réunis après des efforts longtemps infructueux, les représentants de la commune de la ville de Dieppe ont arrêté d’une voix unanime, de déposer dans le sein de cette Assemblée nationale, comme dans celui de la patrie, les sentiments de son admiration et de sa recon-naisance. « Pénétrés de la vérité des principes qui doivent être la base de la constitution d’un peuple libre, ils n’ont pu lire qu’avec enthousiasme vos sublimes arrêtés des 17, 18 et 20 du mois dernier. Us les regardent, avec la France entière, comme les premiers fondements de son bonheur, le Palladium de sa liberté ; ils y adhèrent d’esprit et de cœur, comme à tous ceux qui en ont été la suite et la conséquence nécessaire. « Convaincus, Nosseigneurs, qu’un ministre honnête homme et citoyen est le présent le plus précieux que le ciel, dans sa bonté, puisse faire à un Roi juste ; les fidèles Dieppois ont déploré la disgrâce de ceux qui réunissaient tous leurs efforts pour entretenir, dans le cœur du meilleur des Rois, le feu sacré de l’amour qu’il avait voué à ses peuples dont on osait calomnier l’attachement et la fidélité. Un jour de plus, peut-être, et le sang de nos frères allait couler sur les échafauds ; leurs cendres se confondre avec ceux des ennemis des lois et de la patrie ; et le Français être réduit à dévorer en silence des larmes qui auraient passé pour de nouveaux crimes 1 « Ils se sont évanouis comme un songe, ces jours de tristesse et le deuil; tous les obstacles sont surmontés, toutes les difficultés vaincues. Votre courageuse fermeté a franchi la barrière qui nous rendait le trône inaccessible ; vous avez déchiré le voile épais qui dérobait au monarque l’auguste et sainte vérité. Il se précipite dans vos bras, des cris d’allégresse se font entendre de toutes parts ; des larmes d’attendrissement et de joie coulent de tous les yeux ..... Les descendants de ces fidèles Dieppois, qui donnèrent au grand Henri des témoignages si éclatants de zèle et d’amour, renferment dans un seul mot les sentiments dont ils sont pénétrés pour le prince qui l’a pris pour modèle ..... Daignez proclamer qu’ils le chérissent comme leur liberté, et le respectent comme vos décrets. « Encore quelques efforts généreux, Nosseigneurs, le peuple français est le premier peuple de l’Univers; son Roi, le plus puissant des monarques: etce grand ouvrage, le fruit de votre patriotisme et de vos lumières, transmet vos noms immortels à la postérité la plus reculée. Nos descendants, libres et heureux par vous, fixant leurs regards sur l’histoire de ces jours mémorables, s’écrieront, dans les transports de leur admiration et de leur reconnaissance : Nos ancêtres, sans patrie, gémissaient sous un joug insupportable ; étouffé par les intérêts particuliers, l’intérêt général était oublié, ou méconnu. La voix de la raison s’est fait entendre-, bientôt tous les ordres de l’Etat se sont réunis ; les ministres des autels ont donné les premiers le grand exemple des sacrifices ; une brave noblesse s’est empressée de marcher sur leurs pas, et les représentants d’un grand peuple, tous animés du même esprit, tous dirigés vers le même but ont travaillé de concert à la régénération de cet empire. L’autorité royale devait être une ; quelques mains ambitieuses et perfides paraissaient vouloir y porter atteinte, en la partageant; leurs criminelles entreprises ont été repoussées: la majesté du trône a repris tout son éclat, et maintenant le peuple français vit heureux, sous son ombre et et à l’abris des lois ! Signé : Augustin Lagriely, le marquis Lecorbeil-ler, Pelst, Frederik Jeay, Bienaimé, J. -P. Blan-quet, Demittiere, Jacques de Laporte, Dufraine l’aîné, Rouyer, Seille, Louis Thorel, Castel le jeune, Robert, de Gornoy dit Jacquiest, Pierre le Mounier, J. Petit-Père, N. Porion, Joseph le Mou.