612 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { 1"� embreS Les citoyens A. Quesnel et Dautun abdiquent les fonctions sacerdotales (1). Suit la déclaration du citoyen Dautun (2). Hommage à la raison sur V autel de la patrie. « Après m’être bien convaincu que l’erreur et l’illusion ne sauraient faire le bonheur de la so¬ ciété, je me suis déterminé à rendre cet hom¬ mage solennel à la raison et à la vérité. « Il ne sera peut-être pas indifférent au pro¬ grès de la raison, de la bouche d’un prêtre pour lequel il n’y a rien eu de caché dans son état, parce que longtemps victime des préjugés de son éducation, et par un concours de circons¬ tances qui lui est propre, il n’est aucune des fonctions du ci-devant apostolat qu’il n’ait long¬ temps exercée en qualité de supérieur de sémi¬ naire et de plusieurs communautés religieuses de Vun et de Vautre sexe, de vicaire général, d’official et chef de missions d’un grand diocèse, et qui, depuis la Révolution, s’est refusé à l’épiscopat, parce qu’il ne se sentait pas le courage d’en¬ seigner ce qu’il ne croyait plus. « Voici le résultat de ses observations, de son expérience et de son intime conviction : « Tout intermédiaire entre l’homme et la di¬ vinité est pur charlatanisme. « Toute religion révélée est une invention humaine, c’est une imposture dans son principe, un tissu de superstitions dans ses effets. « De toutes les superstitions, là religion ca¬ tholique est la plus superstitieuse; elle me pa¬ raît aussi la plus incompatible avec le régime de la raison et de la liberté, parce qu’elle absorbe l’âme tout entière, et l’asservit dans toutes ses facultés. « Parmi ses dogmes, les uns sont simplement absurdes, les autres sont cruels et barbares. « Sa morale est presque toute exagérée. En plusieurs points elle est opposée aux lois impres¬ criptibles de la nature, au bon ordre des sociétés ; elle est, en d’autres, impossible à pratiquer, et par conséquent tyrannique pour les malheureux qui s’y croient obligés. Ce qu’elle a de louable appartient essentiellement à la religion natu¬ relle. « Ses cérémonies sont d’un ridicule que l’ha¬ bitude la plus invétérée peut seule rendre sup¬ portable à l’observateur, mais que la postérité aura de la peine à peindre. « Ses enseignements et ses pratiques, et sur¬ tout ses sacrements, semblent faits exprès pour pousser l’homme fort à l’athéisme et l’homme faible au désespoir ; ils poursuivent celui-ci toute sa vie et s’acharnent encore sur lui aux der¬ niers instants de son agonie, pour lui faire boire goutte à goutte le calice de la mort que la na¬ ture prépare à tous, mais qu’elle a soin, d’ordi¬ naire, d’envelopper ou des douceurs de la lé¬ thargie ou de l’insouciance du délire, ou du consolant espoir de la guérison. Le prêtre s’op¬ pose obstinément, cruellement à ce bienfait, et il veut rendre en tout la nature marâtre. « Malgré tous ces titres du fanatisme à l’exé¬ cration du genre humain, ce monstre guettait les hommes avec une telle adresse, à toutes les avenues de la vie, qu’il était bien difficile à (11 Procès-verbaux de la' Convention, t. 26, p. 17. (2) Archives nationales, carton C 285, dossier 827. l’homme ordinaire de lui échapper, et au plus adroit de lui arracher sa proie lorsqu’une fois il l’avait saisie. « Cette gloire était réservée à la force des principes de la Révolution française; et, dès à présent, je lui rends cet hommage que, sans elle, malgré la conviction pleine et entière que l’étude de la philosophie avait portée, depuis quelque temps mon âme, jamais peut-être je n’aurais eu le courage de la (sic) manifester cette convic¬ tion. Je me contentais, hélas ! de soulever et d’alléger, autant que je le pouvais, le fardeau des chaînes que je voyais peser sur les esclaves de la superstition qui me donnaient leur con¬ fiance; au heu de leur aider à les secouer et à les briser, ie ne me figurais pas ce bienfait pos¬ sible, tant le despotisme et la superstition affais¬ sent les ressorts de l’âme. « Grâces immortelles aux héros de notre Ré¬ volution, qui ont électrisé de toutes parts et communiqué leur énergie, me voilà pour tou¬ jours dans le sein de la nature, sous l’empire de la raison; m’y voilà ouvertement, franche¬ ment, sans ménagement aucun pour le fanatisme que j’ai trop longtemps ménagé, par amour pour ma propre tranquillité, j’en conviens à ma con¬ fusion, et par excès d’égards pour quelques-uns de ces fanatiques de bonne foi qui me sont chers et que j’aurais contristés. Mais que sont quel¬ ques individus, ai-je dû me dire, en comparai¬ son de la masse de la société, qu’il importe de purifier du levain pestilentiel de la superstition? « Sans plus tarder, j’abdique toutes les fonc¬ tions d’un sacerdoce imaginaire, et je reconnais que : « S’il existe une intelligence infinie qui soit l’âme de cet univers, comme j’en ai l’irrésistible et douce conviction, elle ne ressemble en rien à cette chimère jalouse, capricieuse, vindicative cruelle et pétrie de contradictions, que les re¬ ligions factices appellent Dieu, qu’elles encen¬ sent dans leurs temples. « L’Etre suprême n’a d’autre temple que l’U¬ nivers. « Tous les hommes sont ses prêtres. « Tous les cœurs honnêtes sont ses autels. « Les actions vertueuses sont les seules pra¬ tiques, les seuls sacrifices qui puissent lui plaire. « Sa loi n’a qu’un précepte, le voici : Sois heureux sans nuire au bonheur de tes semblables, et fais d autrui ce que tu voudrais qu’on te fît. « Avec de telles idées, qu’on appellera reli¬ gion, si l’on veut, on n’a besoin d’autre morale que de celle que la nature inspire; d’autre dogme, que de celui de la souveraineté du peuple réuni en société, de la liberté, de l'égalité, ou s’il en faut quelque autre, ce ne peut être que celui-ci, qu’un philosophe précurseur de notre Révolution a consacré, dogme à graver sur tous les édifices destinés à l’instruction : Il ne faut tenir pour certain que ce que l’on conçoit claire¬ ment et distinctement. « Frères et amis, je viens de soulager mon âme. Je finis par avouer que ce n’est que de ce moment que je regarde la Révolution comme consommée en moi; que ce n’est que de ce mo¬ ment que je me sens vraiment fibre et homme de bien, digne de soutenir les regards de ma conscience et ceux du public. « Ames sensibles, passionnées pour le bonheur de vos semblables, loin d’insulter à cet aveu, vous lui applaudirez. « Puisse cette démarche de ma part étouffer tous les germes de superstition que j’ai eu le [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. fnmaivre a? H B13 J I 21 novembre 1793 malheur de contribuer à disséminer dans la so¬ ciété. Je demande acte de ma déclaration pour lui donner toute la publicité que j’ai donnée à l’erreur. « Vive la République, une et indivisible ! « Fait à Paris, le 26 brumaire, l’an II de la République française. « Dautun. » Compte rendu du Bulletin de la Convention (1). Vite députation de la section des Champs-Ely¬ sées a été admise à la barre. L'orateur. Citoyens représentants, ce que n’ont pu les philosophes pendant plusieurs siècles, etc. (Suit le texte de l'Adresse de la section des Champs-Elysées que nous avons inséré ci-dessus d'après un document des Archives nationales.) Dautun, membre de la députation, ci-devant supérieur de séminaire et de plusieurs commu¬ nautés religieuses de l’un et de l’autre sexe, a dit : (Suit un résumé de la déclaration de Dautun que nous avons insérée ci-dessus d'après un do¬ cument des Archives nationales.) Sur la proposition d’un membre du comité de sûreté générale, le décret suivant est rendu : « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu son comité de sûreté générale et de sur¬ veillance [Voulland, rapporteur (2)], décrète que le passeport dont est muni Julien (de Toulouse), commissaire de la Convention nationale à la manufacture de papiers de Courtalin, est déclaré nul; ordonne à toutes les autorités constituées, civiles et militaires, et à tous les citoyens de la République, de saisir et conduire au comité de sûreté générale Julien (de Toulouse ), mis en état d’arrestation par décret du 28 brumaire (8). » Compte rendu du Moniteur universel (4). Voulland, au nom du comité de sûreté générale. Vous avez confirmé avant-hier par un décret l’arrestation de quatre de vos membres, ordon¬ née par le comité de sûreté générale. L’un de ces quatre députés mis en état d’arrestation, est Julien (de Toulouse); il était, à cette époque, chargé d’une commission de votre part, et par conséquent muni d’un passeport ; à l’aide de ce passeport il a su se soustraire à la poursuite des gendarmes chargés de l’arrêter. Il est à craindre qu’il ne parvienne, par le même moyen, à sortir du territoire de la République. Le comité vous propose le projet de décret suivant : (Suit le texte du projet de décret que nous avons inséré ci-dessus d'après le procès-verbal. ) Ce décret est adopté, (1) Bulletin de la Convention du 2e jour de la lre décade du 3e mois de l’an II (vendredi 22 no¬ vembre 1793). (2) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 282, dossier 786. (3) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 17. (4) Moniteur universel [n° 64 du 4 frimaire an II {dimanche 24 novembre 1793), p. 258, col. 2]. On procède à l’appel nominal pour le renouvel¬ lement du bureau. Sur 205 votants, Romme réu¬ nit 164 suffrages et est élu Président. Roger Ducos, Richard et Reverchon sont élus secré¬ taires, le premier à la pluralité de 44 voix, le second à celle de 65, et le troisième à celle de 68 (1). La séance est levée à 10 heures. (2). Signé : P. A. Laloi, Président; Merlin (de Thionville), Bazire, C. Duval, Fourcroy, Philippeaux, Frecine, Secrétaires PIECES ET DOCUMENTS NON MENTIONNÉS AU PROCES-VERBAL, MAIS QUI SE RAP¬ PORTENT OU QUI PARAISSENT SE RAP¬ PORTER A LA SEANCE DU 1er FRIMAIRE DE L’AN II (AU SOIR) (JEUDI 21 NO¬ VEMBRE 1793). I. PÉTITION D’UN CITOYEN CHARGÉ DE DOUZE ENFANTS (3). Compte rendu du Mercure universel (4).] � On renvoie au comité des secours la pétition d’un citoyen chargé de 12 enfants, qui demande que la patrie vienne au secours de sa famille. II. Motion des commissaires inspecteurs de LA SALLE RELATIVE A LA CRÉATION D’UNE Commission pour la réception des effets d’or et d’argent provenant des églises (6 Compte rendu du Mercure universel (6). Le rapporteur du comité des inspecteurs de la salle, après avoir fait observer à l’Assemblée que le comité ne peut suffire à recevoir la multi¬ tude immense des effets d’or et d’argent pro¬ venant des églises et des dons patriotiques, propose de créer une Commission de six citoyens, connus par leur civisme et pris hors du sein de la Convention, pour subvenir à ce sujet. (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 18. (2) Ibid. (3) La pétition de ce citoyen n’est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 1er frimaire an II, au soir; mais il y est fait allusion dans les comptes rendus de cette séance publiés par le Mercure uni¬ versel et le Journal de Perlet. (4) Mercure universel [3 frimaire an II (samedi 23 novembre 1793), p. 38, col. 1]. (5) La motion des commissaires inspecteurs de la salle n’est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 1er frimaire an II, au soir; mais il y est fait allusion dans le compte rendu de cette séance, publié par le Mercure universel et par le Journal de Perlet. i? (6) Mercure universel [3 frimaire an II (samedi 23 novembre 1793), p. 37, col. 2].