[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 avril 1791.] g03 (L’Assemblée, consultée, décrète l’ordre du jour sur le projet de décret du comité et renvoie l’adresse des maîtres des postes au pouvoir exécutif.) M. Voidel, au nom des comités des recherches et des rapports. Messieurs, sur le compte sommaire qui fut rendu, le 20 décembre dernier, des événements malheureux qui s’étaient passés à Aix, le 14 du même mois, vous décrétâtes que le roi serait prié de faire passer à Aix et dans le département un nombre de troupes suffisant pour y rétablir la tranquillité, et d’envoyer trois commissaires civils dans ladite ville, pour jusqu’à ce qu’il fût autrement ordonné être chargé de la réquisition de la force publique, conjointement avec 3 membres dans chacun des 3 corps administratifs. Ce décret, qui n’accordait pas de pouvoirs aux commissaires, qui les mettait même dans l’impossibilité d’être utiles en les subordonnant aux corps administratifs, c’est-à-dire, qui les mettait dans une minorité décidée d’un conseil de surveillance, a excité plusieurs mouvements et beaucoup d’inquiétude dans le département. Vous voyez que ces commissaires étaient bornés à la simple fonction de requérir la force publique, et qu’ils ne pouvaient la requérir qu’après s’être concertés avec les 3 membres de chaque corps administratif, c’est-à-dire 9 membres qui pouvaient s’y opposer, ce qui réduisait les commissaires à la plus absolue nullité. Les commissaires n’ayant pu tirer de leur mission les fruits que vous attendiez, ont écrit aux ministres pour demander leur rappel; et voici la lettre que les ministres ont écrit à l’Assemblée le 18 mars dernier : « Messieurs, les malheureux événements qui ont agité la ville d’Aix, ont déterminé l’Assemblée nationale de s’occuper des moyens d’y rétablir la tranquillité. Elle a décrété le 20 décembre dernier, que le roi serait prié de faire passer à Aix et dans le département des Bouches-du-Rhône, un nombre de troupes suffisant. « Pour cet effet, elle a envoyé trois commissaires civils, jusqu’à ce qu’il en ait autrement ordonné, pour y être, conjointement avec trois membres choisis dans chacun des trois corps administratifs, par le directoire et le conseil municipal, chargés de la réquisition de la force publique. Sa Majesté a sanctionné ce décret et a donné les ordres nécessaires pour son exécution. « Les commissaires envoyés à Aix ont rempli leur mission avec tout le zèle qu’on pouvait attendre d’eux, et la tranquillité paraît établie dans cette ville; mais ces commissaires représentent qu’étant bornés à la réquisition de la force publique, selon les termes du décret, leur présence dans ce département est désormais inutile, et iis demandent leur retour. « Cependant nous ne devons pas laisser ignorer à l’Assemblée qu’il existe une procédure commencée relativement à des crimes de lèse-natîon ; que l’envoi de cette procédure, ordonné par le décret du 5 janvier dernier, vient d’être effectué, et que l’examen qui en sera fait par l’Assemblée pourra donner lieu à des dispositions ultérieures. « Nous devons aussi observer qu’aucunes poursuites n’ont été faites et nous laissons à la sagesse de l’Assemblée à décider si dans cet état de chose il convient d’accorder aux commissaires la permission de revenir. Nous attendons, pour proposer au roi de leur répondre, que l’Assemblée nationale ait bien voulu s’expliquer. « Nous sommes, etc. « Signé : DUPORT, DE LESSART. » Votre comité, Messieurs, après avoir jeté un coup d’œil sur la procédure d’Aix, de Marseille et de Toulon, a cru que non seulement la présence des commissaires pouvait encore être utile dans le département des Bouches-du-Rhône, mais qu’elle y était absolument nécessaire. Il prépare dans le moment actuel le rapport général des événements qui se sont passés dans les départements des Bouches-du-Rhône et du Var; mais jusqu’à ce que ce rapport ait été mis sous vos yeux, il est essentiel d’avoir sur les lieux des personnes de confiance qui veillent au maintien de la tranquillité publique; en conséquence, votre comité m’a chargé de vous présenter le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait au nom de ses comités des rapports et des recherches, décrète que les commissaires civils envoyés à Aix par le roi, en exécution de la loi du 24 décembre dernier, sont autorisés à requérir la force publique tant à Aix que dans toute l’étendue du département des Bouches-du-Rhône pour maintenir et rétablir la tranquillité publique, à se transporter à cet effet dans tous les lieux du département où ils croiront leur présence nécessaire et faire toutes proclamations qu’ils jugeront convenables. Le roi sera prié de donner dans le jour les ordres nécessaires pour l’exécution du présent décret. » Ce décret, Messieurs, est calqué sur celui que vous avez rendu pour les commissaires que vous avez envoyés dans le département du Bas-Rhin et qui y ont produit, comme on le sait, le meilleur effet possible. M. Bouche. Je vais vous soumettre quelques-unes de nos réflexions. Je ne disconviendrai point de la nécessité qu’il y a que le département des Bouches-du-Rhône ait dans son sein des commissaires civils ; mais. Messieurs, les commissaires civils qui ont été envoyés, hommes honnêtes et excellents citoyens que j’estime et que j’honore infiniment, ont eu le malheur de ne pas mériter la confiance publique. Dans cet état de choses, si vous allez les revêtir d’un pouvoir plus étendu, vous allez certainement alarmer les peuples, vous allez persuader malheureusement des choses qu’ils ne font que soupçonner et, si une fois ce qu’ils soupçonnent se réalise dans leur imagination, jugez. Messieurs, jugez des malheurs qui en peuvent résulter. M. d’André. Je demande que M. Bouche prouve que les commissaires n’ont pas la confiance publique, car moi je soutiens que les commissaires qui sont à Aix ont la confiance de tous les honnêtes gens. M. 'Voidel, rapporteur. Et moi, je le soutiens aussi. M. Bouche. L’interpellation de M. d’André peut être à sa place, et il a droit de me demander les preuves de ce que j’avance. 11 est pourtant des choses, et celle-ci est du nombre, oùon ne peut pas publiquement donner des preuves. Plusieurs membres ; Oh 1 oh! 504 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 avril 1791.] M. Bouche. Je n’ai à vous rapporter que des lettres particulières, qui, je le sais, n’ont aucun caractère. Je n’ai à vous offrir qu’une opinion que la commune a manifestée. Je ne puis pas vous rapporter des preuves émanées des corps administratifs; mais certainement vous ne pouvez pas vous refuser à une crainte qui est généralement répandue. L’étendue des pouvoirs que M. Voidel donne à ces commissaires me fait trembler sur les événements. Je suis d’avis qu’il y ait des commissaires; mais, Messieurs, mon opinion formelle est que, sur la demande faite par les commissaires civils qui sont actuellement dans le département des Bouches-du-Rhône, vous les rappeliez, et que cependant le roi soit prié d’en envoyer d’autres avec telle étendue de pouvoirs que l’Assemblée jugera convenable. M. d’André. J’ai des lettres particulières qui m’annoncent qu’on est très content des commissaires. M. Mougins qui fait un signe annonce qu’il est du même avis que moi. Ainsi, s’il y a de part et d’autre des lettres pour et contre, il faut croire plutôt le bien que le mal ; il ne faut pa; faire l’injustice à des gens qui se sont bien conduits de les rappeler pour en envoyer d’autres. Ainsi je demande qu’on rejette la proposition de M. Bouche par la question préalable et qu’on mette aux voix la proposition de M. Voidel. M. Mougins de Roquefort. Ils n’ont pas la confiance des malveillants ; mais je crois qu’ils ont la confiance de tout ce qu’il y a d’honnêtes gens. Je demande par amendement qu’il soit dit que, sur la réquisition qui peut leur être faite, ils s i transporteront dans le département du Var, oour y maintenir également la paix : voilà quel èst mon amendement. M. de Sinéty. Je demande que le décret soit remis à la séance de ce soir, pour raison. Plusieurs membres : Aux voix ! Aux voix ! (L’Assemblée, consultée, écarte par la question préalable la motion de M. Bouche et adopte l’amendement de M. Mougins de Roquefort.) M. Voidel, rapporteur. En conséquence, voici la rédaction du projet de décret : « L’Assemblée nationale, sur la proposition qui lui en a été faite au nom de ses comités des rapports et des recherches, décrète : « Que les commissaires civils envoyés à Aix par le roi, en exécution de la loi du 24 décembre dernier, sont autorisés à requérir seuls la force publique, tant à Aix que dans toute l’étendue du département des Bouches-du-Rhône, pour maintenir et rétablir au besoin la tranquillité publique; se transporter, à cet effet, dans tous les lieux du département où ils croiront leur présence nécessaire, et faire toutes proclamations qu’ils jugeront convenables. Pourront aussi, les-dits commissaires civils, se transporter dans le département du Yar, pour y exercer les mêmes fonctions, quand ils en seront requis par les corps administratifs. « Le roi sera prié de donner dans le jour les ordres nécessaires pour l’exécution du présent décret. » (Ce décret est adopté.) M. liebrun, au nom du comité des finances. Messieurs, vous ayez ordonné que les renies sur l’Hôtel de ville attachées aux fabriques, écoles et collèges pauvres des paroisses et autres établissements seraient payées dans les districts; le comité des finances vous propose d’ordonner que, pour l’année 1790 seulement, ces rentes seront payées comme par le passé à l’hôtel de ville. Voici notre projet de décret : « L’Assemblée nationale décrète que les rentes dues par l’Btat aux fabriques, écoles et collèges pauvres des paroisses et autres établissements, dont le payement, aux termes du décret du 13 octobre, doit se faire dans les districts, seront payées pour l’année 1790 seulement, par les payeurs de l’hôtel de ville. » (Ce décret est adopté.) M. Lebrun, au nom du comité des finances. J’ai l’honneur d’observer encore à l’Assemblée, à l’égard des gages et taxations qui avaient été livrés en 1745 et dans les années antérieures à des officiers de justice, pour être autorisés ensuite à les vendre à des particuliers, que leur remboursement avait été ordonné en 1787 ou 1788 et qu’il a été suspendu par les circonstances. Vous avez décrété au mois d’octobre que ce remboursement serait opéré et cependant ces ofli ciers ne sont point encore admis à la liquidation. Je prie l’Assemblée de vouloir bien ordonner que le renvoi en sera fait au comité de liquidation et je propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que son comité de liquidation lui proposera incessamment un projet de décret pous le remboursement des augmentations de gages et taxations créées au denier 18, et au-dessous. » (Ce décret est adopté.) M. Vernier, au nom du comité des finances, propose le projet de décret suivant : « L’Assembléo nationale, sur le rapport de son comité des finances, autorise les membres composant le directoire du département du Bas-Rhin à imposer sur les contribuables dudit département, en la présente année, la somme de 153,930 livres ; laquelle somme réunie à celle de 206,070 livres qu’ils ont à recouvrer, soit sur l’imposition des routes, soit sur d’autres objets, formera celle de 360,000 livres, qui leur est nécessaire, tant pour le remboursement de 240,000 livres d’avances faites aux ci-devant administrateurs, que pour frais de l’administration actuelle ; de telle sorte que lesdits frais soient à l’avenir payés chaque année, et qu’ils ne puissent être rejetés sur les suivantes; le tout à charge de rendre compte de l’emploi des sommes à imposer, ainsi que de celles à recouvrer. » (Ge décret est adopté.) M. l’abbé Bourdon. Déjà, plusieurs fois, on a représenté qu’ü était moralement et physiquement impossible que les électeurs s’assemblassent fréquemment sans qu’il fût pourvu à leurs dépenses. L’Assemblée a chargé son comité de Constitution de lui présenter ses vues à cet égard ; il ne l’a pas encore fait. Cependant, les élections deviennent tellement multipliées que, dans certains départements, les électeurs, et principalement ceux des campagnes, sont fatigués et ne peuvent y suffire. Pendant qu’on procède à la nomination d’un membre de la Cour de cassation, un évêque donne sa démission et de nouvelles élections sont rendues nécessaires. Je sais bien que cet inconvénient n’est que passager et n’aura pas lieu à l’avenir; mais, ac-