70 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. S «wMcpmbvo r;i3 de Paris, la Convention ne fait pas, vis-à-vis d’eux, user d’autant de fermeté que vis-à-vis des Pétitionnaires des différents départements. « La Convention nationale décrète que dans le « Bulletin » de demain, les réponses du Prési¬ dent de la Convention aux pétitions des députés du club des Cordeliers et des citoyennes dont les maris sont arrêtés comme suspects, seront rap¬ portées dans leurs propres termes, ainsi que le présent décret, et les motifs qui l’ont déterminé; « Décrète, en outre, que la Commission du « Bulletin » sera renouvelée (l). En conséquence, il sera ouvert une inscription libre pour tous ceux des membres qui voudront se livrer à la surveillance de la rédaction du « Bulletin »- La Convention nommera sur la liste d’inscription. « Cette Commission, en entrant en exercice, prendra des mesures pour que ses bureaux ne soient composés que de patriotes purs et fidèles à leurs devoirs (2). » Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets (3). Bourdon (de l’Oise) fait remarquer à la Con¬ vention que, nonobstant le décret d’hier, les réponses faites par le Président : 1° aux femmes qui demandaient la liberté de leurs maris; 2° aux députés de la Société des Cordeliers, n’ont point été insérées au Bulletin d’aujour¬ d’hui, « Si c’est l’effet de l’erreur, dit Bourdon, il faut la rectifier sur-le-champ ; si c’est malveil¬ lance, il faut la punir. Je demande donc Je renvoi, au comité de correspondance, pour la rectification de l’erreur ou pour le changement des rédacteurs. » Homme. Le Bulletin de la Convention est signé par cinq membres de cette Assemblée, qui n’y jettent point un coup d'œil, ou dont une partie sont en Commission dans les dépar¬ tements. Le travail important de la rédaction est donc abandonné à des commis ou négligents, ou inaptes. Je demande qu’il soit ouvert une liste, où pourront s’inscrire volontairement ceux d’entre nous à qui ce travail pourrait plaire, et parmi lesquels la Convention choisira pour former (1) L’auteur de la motion est Romme, d’après la minute du décret qui existe aux Archives, carton C 286, dossier 849, (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 11. (3[ Journal des Débats et des Décrets (nivôse an II, 459, p. 1). D’autre part, le Journal de la Mon¬ tagne [n» 39 du 2 nivôse an II (dimanche 22 dé¬ cembre 1793), p. 308, col. 2] rend compte de la motion de Bourdon (de l'Oise) dans les termes sui¬ vants : « Bourdon (de l'Oise) se plaint de ne point voir dans le Bulletin du jour les deux réponses sages et fermes du Président, aux pétitions des Cordeliers et des femmes des détenus suspects. Cette omission des rédacteurs, malgré le décret qui en ordonnait l’insertion, lui semble d’autant plus répréhensible, qu’elle pourrait contribuer à réveiller d’anciennes préventions contre Paris, et à ressusciter dans les départements l’esprit de fédéralisme, qui s’y éteint heureusement. Il demande le rétablissement des deux réponses avec les motifs qui les ont, déterminées (Adopté.) » la Commission de rédaction du Bulletin. Il est temps, enfin, que cet ouvrage devienne aussi patriote qu’utile. En adoptant la mesure que je propose, vous gagnerez à la manière dont il sera surveillé, et à l’esprit dans lequel il sera rédigé. Il faut aussi que la Commission soit auto¬ risée à épurer les bureaux de pétitions et de correspondance. Les propositions de Romme et de Bourdon (de l’Oise) sont adoptées. (Suit le texte du décret que nous avons inséré ci-dessus, d’après le procès-verbal.) Un secrétaire fait lecture d’une lettre du repré¬ sentant du peuple près l’armée du Rhin, conte¬ nant les détails des traits de bravoure, de géné¬ rosité et de dévouement de plusieurs volontaires de cette armée. Renvoi au comité d’instruction publique (1). Suit la lettre d’Ehrmann (2). Ehrmann, représentant du peuple près les armées du Rhin et de la Moselle, à la Convention nationale. « Sarrebrück, le 24 frimaire, l’an II de la République française, une et indivisible. « J’ai écrit, il y a quelques jours, à la Con¬ vention, citoyens collègues, pour lui faire part de mes opérations politiques ; je ne puis quitter Sarrebrück sans vous faire connaître oe que votre frère convalescent a vu chez ses frères d’armes malades. « J’ai visité les différents hôpitaux d’ici; ceux des blessés offrent à un homme sensible des jouissances indicibles. Je ne finirais pas, si je voulais entreprendre de vous peindre tous les traits de courage et de vertu que j’y ai appris, et qui paraissent élever oes braves guerriers au-dessus de la qualité d’hommes. Je ne puis cependant m’empêcher d’en mettre quelques-uns sous vos yeux, quand même je m’exposerais à répéter oe que mes collègues Soubrany et Richaud vous ont peut-être déjà dit. « Bourday, du 1" bataillon de Rhône-et-Loire, natif d’Angers, département de la Mayenne-et-Loire, fut terrassé par un boulet qui le blessa grièvement au côté droit et lui ôta toute connaissance pendant un quart d’heure. Revenu à lui, il aperçoit un hussard ennemi qui s’avance vers lui à toute bride; il se relève avec peine sur son séant, ramasse une carabiné qu’il trouve sous sa main, ajuste et tue ce hussard. Au moment où il allait l’achever, deux autres hussards rouges viennent fondre sur lui pour venger la mort de leur camarade; ils sont attaqués par deux de nos carabiniers qui leur font mordre la poussière, s’emparent de leurs chevaux et de celui du hussard qu’avait tué le brave Bourday qui, à l’aide des carabiniers, gagna une forêt voisine, (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p, 12, (2) Archives nationales, carton Ç 293, dossier 958, pièce 3. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES j lar nivôse an ït y J l 21 décembre 1703 « La Torgeon, soldat au 13e régiment de chasseurs, natif de Blénean, département de l’Yonne, a eu le bras emporté d’un biseaïen, lors de la première attaque. On voulait le porter sur une voiture : Je n’ai pas besoin de secours, dit-il fai encore un bras au service de la Bépu - blique. Il se tint de l’autre bras, et il monta gaie¬ ment sur la voiture. « Verpy, soldat au 4e bataillon de la Haute-Saône, compagnie Magnet, natif de Ferrières-Leret-sur-Saône, s’avançait en tirailleur à la pointe du jour et dans un brouillard épais qui le séparait de ses camarades; il se trouva bien¬ tôt seul, entouré d’un escadron ennemi. Il tire son coup, les hussards tombent sur lui pour le tailler en pièces; sans baïonnette, il pare de son fusil les coups redoublés qu’ils lui portent; mais ce héros brave cette lâche cohorte en ne cessant de se défendre comme il peut, malgré qu’il ne lui restât que deux doigts d’une main et quatre de l’autre, et qu’il eût reçu quinze coups de sabre à la tête et, qu’en outre, il fût blessé d’un coup de feu, lorsqu’une balle lui perça le cou et le traversa, en paralysant tout son corps. Ce fut dans oet état que ses camarades le trouvèrent lorsqu’ils repoussèrent cet amas de brigands. Les blessures commencent à se guérir, mais de tout son corps il n’a que la tête de libre qu’il ne cesse de remuer pour s’entre¬ tenir gaiement avec ses camarades : il plaisante sur son état et engage tout le monde à l’aider à faire danser bientôt la carmagnole à ces bougres de hussards prussiens. « Caillet, soldat au 54° régiment, compagnie Devent, natif de Mâcon, département de Saône-et-Loire, eut la jambe emportée d’un boulet à l'affaire du 9 frimaire, devant Kaiserlautern ; il la ramassa et revint à cheval; après le pan¬ sement, il se mit à crier : « Vive la République ! » J’ai trouvé, à côté de son lit, Marie Blaisin, son aimable et tendre épouse, qui ne le quitte que pour donner des secours aux autres blessés; comme ces fonctions si douces pour une si belle âme ne lui permettent pas, de vaquer à son état de vivandière pour gagner sa vie, mes collègues Soubrany et Richaud ont ordonné qu’elle serait traitée comme infirmière; je l’ai rassurée sur la crainte qu’elle avait d’être séparée de son mari, s’il devait être transporté dans un autre hôpital, Ce brave militaire m’a dit, avec une naïveté vraiment touchante, que sa chère com¬ pagne était enceinte et que, ne pouvant plus servir dans l’armée, il procurerait à la Répu¬ blique des petits républicains à deux: jambes qui se battraient à sa place contre les enne¬ mis de sa patrie. Je lui ai promis que la Répu¬ blique aurait soin de ses dignes rejetons. « Joseph Pérès, lieutenant au 1er régiment des carabiniers, compagnie de Torelle, ayant vingt années de service, eut la jambe fracassée d’un éclat d’obus, après avoir exterminé plu¬ sieurs cavaliers ennemis. Quand on la lui eut coupée, il témoigna un vif désir de me parler. Ses paroles se bornèrent à se plaindre du malheur qu’il avait de ne pouvoir plus com¬ battre pour le salut de la République. Mais, après ce que je lui eus dit qu’un artiste de Paris lui ferait une jambe de bois avec laquelle il pour¬ rait continuer son service, le chirurgien ap¬ puyant ce que j’avançais et lui en donnant les preuves, il oublia aussitôt ses douleurs, en nous témoignant qu’il brûlait d’impatience de com¬ battre de nouveau les esclaves de la tyrannie. « Je finirai par une observation qui m’a frappé. Parmi les blessés, il n’y en a eu qu’un qui m’ait témoigné un peu d’inquiétude sur son sort à venir; je l’ai rassuré aisément, Les autres, oubliant leurs blessures, ne parlaient que du grand besoin qu’ils avaient d’être équipés de nouveau pour entrer en campagne. L’un d’eux appuyait sa demande en me montrant son habit qui tombait en lambeaux, suite des coups de sabre qu’il avait reçus : « Approchez, riches et vils égoïstes, et rougissez. » « Il faut rendre justice aux officiers de santé et autres employés qui soignent les blessés; aucun malade ne s’est plaint de négligence dans le service, et la chirurgie de la nation fran¬ çaise reste toujours au niveau de son artil¬ lerie. « J’ai trouvé, dans les salles des galeux, des désordres causés en partie par le local qui ne peut être bien gardé, et en partie par la mauvaise volonté de quelques individus qui n’obéissent pas au régime prescrit par les officiers de santé; j’ai tâché d’y remédier autant qu’il est pos¬ sible, Cette partie mérite toute l’attention des braves sans-culottes par la facilité d’abus en tous genres qui peuvent s’y glisser. « Je suis sur le point de partir pour Stras¬ bourg rejoindre mes collègues, et j’espère que l’air natal me débarrassera entièrement des accès de fièvre nerveuse qui me tourmente encore. « Ehrmann. « P, 8. La Convention nationale apprendra avec plaisir, par la lecture de la lettre ci-jointe, ue la Société populaire de Fénétrange vient de onner une marque de son dévouement aux sentiments qu’inspire l’humanité envers nos braves frères d’armes; son don patriotique est d’autant plus précieux que nous avons le plus grand besoin de charpie dans nos hôpitaux. » Un membre du comité de la guerre [Gos-suin (1)] présente un projet de décret dont l’ob¬ jet est de prévenir la dilapidation des chevaux réunis par la réquisition pour la remonte de la cavalerie. La Convention ordonne l’impression et la dis¬ tribution de ce projet, et en fixe la discussion à la séance de demain (2). Compte rendu du Journal de Perlet (3). Gossuin au nom du comité de la guerre, pré¬ sente un ‘projet de décret tendant à mettre à la disposition des représentants du peuple près les armées, et du ministre de la guerre unique¬ ment, les chevaux propres aux remontes qui sont dans les dépôts de la République, Il pro¬ pose de punir, de six ans de fers, quiconque contreviendrait à cette disposition, On en décrète l’ajournement. (1) D’après la minute du décret qui existe aux Archives nationales, carton G 286, dossier 849, (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p, 13. (3) Journal de Perlel fn° 456 du 2 nivôse an II (dimanche 22 décembre 1793), p. 170],