420 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. I » que l’autorité de Bouchotte est au-dessus de celle de la Convention? Nous, représentants d’un grand peuple, trembler devant les bureaux d’un ministre!... Je demande qu’il soit mandé séance tenante à la barre pour rendre compte de l’inexécution du décret. S’il eût fait son de¬ voir, 1,000 de nos frères ne gémiraient pas dans les fers. L’opinant est vivement applaudi. Sa propo¬ sition est décrétée. Y. Compte rendu de l’Auditeur national (1). Un commissaire des guerres, admis à la barre, présente une pétition au nom de 1,000 soldats et officiers de santé qui, retenus dans les hôpi-tauxe de Mayence lors de l’évacuation de cette place par les troupes de la République, récla¬ ment avec instance l’exécution du décret qui ordonne l’envoi des fonds nécessaires pour payer leurs dépenses, et sans lesquels ils ne peuvent recouvrer leur liberté. Le pétitionnaire s’est plaint d’avoir fait pour cet objet des démarches infructueuses auprès des agents du ministre de la guerre et il a exposé que d’excellents soldats étaient ainsi loin de leur patrie, sans chemises, sans bas, sans souliers et enfin dans le plus affreux dénuement. Bourdon (de l’Oise) s’est fortement élevé contre une telle négligence qu’il a attribuée au mauvais esprit qu’il voit régner dans les bureaux du ministre de la guerre, et il a de¬ mandé que ce ministre fût appelé séance tenante, dans le sein de la Convention, pour lui rendre compte des motifs de l’inexécution du décret qui, s’il eût été exécuté, aurait déjà procuré la liberté à mille de nos frères retenus à Mayence. Cette proposition a été décrétée. VI. Compte rendu du Mercure universel (2). Un pétitionnaire, le citoyen Potiers, se plaint que, malgré qu’un décret eût enjoint au ministre de la guerre de faire passer des fonds pour retirer nos frères restés malades à Mayence depuis quatre mois, rien n’a été fait. Bourdon. Je suis étonné que l’on garde un morne silence lorsqu’il s’agit de délivrer des sommes pour retirer plus de 400 de nos frères retenus prisonniers à Mayence, et l’on ne s’écrie point : « Nous gémissons sous la bureaucratie d’un ministre. !» Qu’est-ce donc que l’autorité du ministre Bouchotte? Est-ce donc qu’elle est au-dessus de la Convention. Quoi ! l’on n’ose pas dire ici qu’il viole la loi. (Applaudissements très vifs.) Quoi ! nous, représentants du peuple, nous tremblerions devant la bureaucratie du (1) Auditeur national [n0 448 du 24 frimaire an II (samedi 14 décembre 1793), p. 3.] (2) Mercure universel jj24 frimaire an II (samedi 14 décembre 1793), p. 380, col. 1]. ministère, (non! Non! dit~on.) A quel point d’avilissement serions-nous donc réduits ! Je demande que le ministre de la guerre soit mandé à la barre, séance tenante. L’Assemblée décrète que le ministre se ren¬ dra dans le sein de la Convention séance tenante. AINEXK î A la séance de la Convention nationale du 33 frimaire an II. (Vendredi 13 décembre 1 VOS). Comptes rendus, par divers journaux, de la discussion à laquelle donna lieu la motion de renouveler les membres dn comité de Saint public (1). I. Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets (2). L’ordre du jour appelait le renouvellement du comité de Salut public. Simond. Je demande que, dans ce moment où l’Assemblée est très complète, le Président mette aux voix si le renouvellement du comité de Salut publio aura lieu. Jay Sainte-Foy. La motion qui fut faite hier de renouveler le comité de Salut public, est d’une trop haute importance pour qu’on la con¬ firme sans qu’elle soit sérieusement discutée. Ce changement, prenez-y garde, n’est pas comme celui d’une garde ou d’une patrouille; c’est le déplacement du centre du mouvement révolutionnaire imprimé à la France; et, quant à moi, je ne crois pas que vous y deviez persister. Voici les motifs de mon opinion. Je jette d’abord mes regards sur ce qui s’est passé depuis peu de temps. Quelques semaines se sont à peine écoulées depuis que nous avons vu la Révolution marcher d’un pas égal, com¬ biné et vraiment utile. La justice du peuple se signale partout contre ses ennemis, l’égide de l’inviolabilité, dont de perfides mandataires du peuple voulaient se servir contre le peuple lui-même, a été brisée; les chaînons du fédéra¬ lisme, projetés dans le Midi, ont été dispersés; la contre-révolution a partout été déjouée; ses fauteurs sont partout reconnus, poursuivis et frappés. Je ne dis pas que tous ces succès soient dus au comité de Salut public; je sais ce que nous devons à l’énergie du peuple; mais nous ne pouvons cependant nous dissimuler que le comité n’ait secondé les mouvements populaires pour les mesures énergiques et vraiment révo¬ lutionnaires qu’il a proposées et que vous avez prises. Si je regarde dans l’avenir, je vois l’aristo-(1) Voy. ci-dessus, même séance, p. 406, le compte rendu de la même discussion par le Moni¬ teur. (2) Journal des Débats et des Décrets (frimaire an II, n° 451, p. 324). [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { J® J�mbre ' 1793 421 cratie, qui n’avait pas encore reçu une chique¬ naude légale, soumise à des lois sévères et vain¬ cue par la liberté, dipsaraître journellement du sol de la République; je vois les puissances étrangères perdant leurs espérances avec leurs moyens, car elles n’ont plus, comme autrefois, un parti dans la Convention, la nomination de nos généraux, la faculté de jeter de la défaveur sur nos assignats; je vois les derniers efforts de nos ennemis se brisant à chaque instant contre la force, l’énergie du peuple français et l’amour qu’il porte à la liberté; et cette force, cette énergie, je les vois parfaitement secondées par l’invariabilité des mesures prises par la Conven¬ tion et par la suite qu’elle y met. Il est un objet de dessus lequel nous ne devons jamais détourner nos regards, c’est que les ennemis de la liberté cherchent à l’attirer entre deux écueils également redoutables : un patrio¬ tisme exagéré, et un modérantisme coupable; et je vous demande quelle époque on a choisi pour renouveler le comité de Salut public. Etait-ce donc le moment opportun? Est-ce au moment où les puissances étrangères em¬ ploient leurs dernières ressources? Est -ce au moment où de grandes opérations sont prêtes d’être exécutées? Est-ce au moment où Tou¬ lon va tomber? Est-ce au moment où le Midi va signaler son amour pour la liberté sous les murs de cette commune coupable? Est-ce au moment où nos armées du Nord et de la Moselle sont en présenoe de l’armée ennemie? Est-ce, dis-je, dans ce moment qu’il peut être avanta¬ geux de faire des changements au milieu de vous? Que pourraient désirer de plus Pitt et Cobourgî Pour moi, je ne le vois point. Mais ce n’est pas tout. Par là vous jetteriez dans la nation de la défiance, je ne dis pas seu¬ lement sur les membres du comité, mais encore sur les grandes mesures qu’il a méditées, qui vous ont été soumises et que vous avez adoptées. On supposerait que votre comité n’a plus votre confiance; on exciterait l’imagination du peuple sur ce renouvellement inopiné. Il y a plus encore : le comité de Salut public ne vous a pas encore rendu compto de sa con¬ duite et de la mission que vous lui avez donnée. Il connaît toute la vérité; il la dira un jour; mais si vous le changez, vous le dispensez du compte qu’il doit vous rendre, et même, d’avance, vous en dispensez tous ses successeurs. Vous plaindriez-vous du nouveau comité? Il vous dirait que l’ancien avait pris de mauvaises mesures, et qu’il n’était plus temps de les corri¬ ger. Vous plaindriez-vous de l’ancien? Il vous dirait : « Nos mesures étaient bonnes ; elles ont été mal exéoutées : on en a méconnu l’objet. » Ainsi vous n’auriez aucune responsabilité. Je conclus d’abord à ce que ceux qui ont des griefs contre quelques membres du comité de Salut public aillent les déposer au comité de Sûreté générale. On a feint d’élever des doutes sur la durée de l’existence du comité pour amener la disposi¬ tion que vous avez faite. Mais qui ignore donc que cette existence est précaire? En conservant le comité, la Convention le crée continuelle¬ ment ; et vous n’avez pas besoin de le renouve¬ ler pour donner l’exemple de l’exercice d’un pouvoir dont personne ne doute. Je demande, en conséquence, l’ordre du jour. Plusieurs membres demandent la prorogation des pouvoirs et le rapport du décret rendu hier. (Décrété.) II. Compte rendu de l'Auditeur national (1). Il avait été décrété hier, à la fin de la séanoe, qu’il serait procédé aujourd’hui au renouvelle¬ ment du comité de Salut public. L’heure étant arrivée, quelques membres ont demandé qu’il fût à cet effet procédé à l’appel nominal. Granet a demandé le rapport du décret qui ordonnait le renouvellement ou que l’on procé¬ dât à l’appel nominal, pour savoir quels étaient ceux qui voulaient ce renouvellement. Jay Sainte-Foy a combattu aussi cette mesure dans laquelle il a vu de grands dangers pour ia chose publique dans les circonstances où se trouve la France. « Ce n’est pas seulement, a-t-il dit, le comité de Salut public qu’on vous propose de renouve¬ ler, mais c’est encore le centre du gouvernement. A-t-on donc oublié que c’est depuis l’existence du comité de Salut publie qu’on a vu le plus grand exemple de justice populaire qu’ait donné la terre, je veux dire la punition de mandataires infidèles? A-t-on oublié que la chaîne du fédéra¬ lisme a été brisée du nord au midi, que Marseille, que Lyon, ces villes superbes qui prétendaient rivaliser la représentation nationale, ont suo-combé sous les coups de la puissance du peuple? A-t-on oublié les victoires de Dunkerque et de Maubeuge? A-t-on oublié tous les triomphes qui ont signalé les efforts des républicains sur les aristocrates de l’intérieur et leur armée de la Vendée? « C’est sans doute le courage et l’énergie du peuple français qui ont produit ces grandes choses; mais enfin, n’est-ce pas à la prudence et à l’énergie des mesures du comité de Salut public que l’on doit la direction de ses mouvements su¬ blimes? N’est-ce pas à lui que l’on doit l’éloi¬ gnement des traîtres, qui, à la tête de nos armées et dans nos places fortes, donnaient à l’ennemi extérieur l’espoir de nous vaincre par trahison, ne pouvant tenir à la force des armes d’un peuple combattant pour la raison et la liberté ? Ne voit-on pas que leur système aujourd’hui est de nous affaiblir en secouant, parmi nous, les brandons de la discorde ? « Est-ce donc au moment où nos ennemis jouent de leur reste, où l’infâme ville de Tou¬ lon va tomber sous les efforts des républicains, où les rebelles de la Vendée sont journellement battus, où nos armées sont en présence, que l’on doit ainsi légèrement renouveler un comité qui tient les rênes du gouvernement et qui im¬ prime une terreur salutaire à tous nos ennemis ? Si vous le renouvelez dans de telles circons¬ tances, ne craignez-vous pas qu’on dise qu’il avait perdu votre confiance, et que, par suite, toutes les mesures qu’il a prises ne soient bl⬠mées. « Ne voyez-vous pas qu’en lui substituant de nouveaux membres avant qu’il vous ait rendu compte de sa conduite, vous le dispensez de toute responsabilité, parce qu’il pourra vous (1) Auditeur national |n° 448 du 24 frimaire an II (samedi 14 décembre 1793), p. 3],