24 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 39 DANTON. Sans doute nous désirons tous voir mettre à exécution le vaste plan que vient de vous soumettre le comité de salut public ; sans doute le moment n’est pas éloigné où l’on ne rencontrera plus un seul infortuné dans toute l’étendue du territoire de la République ; mais comme c’est par la jouissance qu’on attache l’homme à sa patrie, je crois qu’il serait bon de faire promptement un essai des grandes vues du comité. Citoyens, il existe dans la République beaucoup de citoyens qui ont été mutilés en défendant la cause du peuple ; ne croyez-vous pas utile de leur accorder des terres aux environs de Paris, et de leur donner des bestiaux, afin de mettre en activité, sous les yeux même de la Convention, cette colonie de patriotes qui ont souffert pour la patrie ? Alors, citoyens, tout soldat de la République se dire : « Si je suis mutilé, si je perds un membre en défendant les droits du peuple, je sais le sort qui m’attend : déjà plusieurs de mes frères jouissent des services qu’ils ont rendus ; j’irai grossir leur nombre et bénirai sans cesse les fondateurs de la République. » Je demande que le comité de salut public combine l’idée que je viens de soumettre à l’Assemblée, afin que nous ayons la satisfaction de voir bientôt ceux de nos frères qui ont bien mérité de la patrie en la défendant manger ensemble, et sous nos yeux, à la gamelle patriotique. (1) On demande à aller aux voix sur le champ. (2) Sur la proposition d’un membre [DANTON], » La Convention nationale charge son comité de salut public de lui faire incessamment un rapport sur les moyens de faire jouir les citoyens blessés en défendant la patrie, qui ne possèdent pas une propriété suffisante pour exister, d’une portion de terre nationale assez (1) Mon., XIX, 611; J. univ., n° 1562. Variante des Débats (n° 530, p. 185) : DANTON. Il n’est aucun de nous sans doute qui ne désire fortement de voir arriver la Convention au but qu’elle se propose dans tous ses travaux, le bonheur du peuple français. Oui, sans doute, il n’y auroit bientôt plus de malheureux sur le territoire de la république. Mais comme c’est par l’espoir de la jouissance immédiate que l’on attache plus particulièrement l’homme qui défend sa patrie au sol qui Ta vu naître, je desi-rerois que nous fissions un essai de la mesure qui vous est proposée en distribuant sur-le-champ à ceux de nos frères d’armes qui sont revenus mutilés des frontières, les terres et les bestiaux disponibles en ce moment aux ouvriers de Paris, de manière que bientôt la Convention puisse aller en corps visiter cette colonie nouvelle, et que chacun de nous puisse aller manger à la gamelle patriotique dans la chaumière de ces citoyens. Alors le citoyen, en prenant ses armes pour voler à la défense des frontières, se dira : je suis sûr de la récompense qui m’est promise si je suis mutilé, et il sera plus tranquille. Je demande que le comité de salut public combine cette idée, et vous en fasse rapport. Mention ou extraits dans M.U., XXXVII, 222 ; Batave, n° 382; J. Fr., n° 527; J. univ., n° 1561; Mess. soir, n° 563. (2) Débats, n° 530, p. 186. considérable pour y élever leur famille, et d’indiquer ce qui leur sera indispensable pour former et faire prospérer leur établissement » (1) . 40 Les administrateurs du directoire du district de Bourg (2) écrivent à la Convention que ce district a procédé la veille à la vente de onze petits effets de biens nationaux estimés 25,896 liv., et qui ont été vendus 59,695 liv. ; ils annoncent que, par leur zèle, ils obtiendront les mêmes succès dans la vente des autres biens d’émigrés. ( Applaudissements ). Mention honorable, insertion au bulletin (3). 41 La société populaire régénérée des sans-culottes de la commune d’Amboise instruit la Convention nationale que les reflets du fanatisme ont disparu ; que leurs frères des campagnes sont éclairés à présent ; qu’ils travaillent tous à la fabrication du salpêtre. Les membres de cette société se plaignent de ce que deux administrateurs sont venus les calomnier à la barre de la Convention nationale ; ils assurent ensuite qu’il n’est pas de mesure révolutionnaire et de salut public qu’ils ne prennent pour l’affermissement de la République. Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoi au représentant du peuple à Tours (4). 42 Les administrateurs du district révolutionnaire de Clermont-Oise assurent que l’hydre du fanatisme est abattue. Un seul ci-devant saint « fameux par ses prétendus miracles, ennuyé de vivre isolé et sans adorateurs, a pris le parti de se ranger sous les drapeaux de l’égalité » ; nous vous en adressons le bras, disent les administrateurs à la Convention nationale ; il est accompagné de 336 marcs 9 onces 3 gros d’argenterie dont il fait partie. C’est le quatrième envoi que nous faisons à la monnoie : nous y avons joint un reste de cuivre pesant 1,820 livres, lesquelles jointes à un envoi fait à Amiens, de 10,574 1., forment un total de 12,394 liv., que nous avons fourni dans les fonderies nationales, pour aller porter la mort aux tyrans couronnés. Vive la République ! vive la Montagne qui Va créée ! (5) . (1) P.V., XXXIII, 421 (Nous avons cru devoir placer ce texte à la suite du décret présenté par Saint-Just, ainsi que la discussion l’exigeait). Minute de la main de Danton (C 292, pl. 945, p. D-Décret n° 8287. Reproduit dans M.U., XXXVII, 232; J. Paris, n° 429. Copie dans AFn 28, pl. 227, p. 32. (2) Départ* du Bec-d’Ambez. (3) P.V., XXXIII, 423. Bin, 13 vent.; M.U., XXXVII, 231; C. Eg., n° 563. (4) P.V., XXXm, 423. Bin, 14 vent.; M.U., XXXVII, 253. (5) P.V., XXXIII, 423-24. J. Sablier, n» 1175. SÉANCE DU 13 VENTÔSE AN H (3 MARS 1794) - N°" 43 A 45 25 [Clermont-Oise, 11 vent. II] (1). « Citoyens représentans, L’hydre du fanatisme est abattu ; sa dernière tête ne tient plus et ses dépouilles amoncelées Hans notre magasin, vont, après avoir passé par le creuset national, servir à consolider notre liberté. Un seul ci-devant saint, fameux par ses prétendus miracles, ennuyé de vivre isolé et sans adorateurs, a pris le parti de se ranger sous les drapeaux de l’égalité. Nous vous en adressons le bras, accompagné de 336 marcs 9 onces 5 gros d’argenterie dont il fait partie. Nous vous observons que c’est le quatrième envoi que nous faisons à la Monnoie. Nous y avons joint un reste de cuivre pesant 1,820 livres, lesquelles jointes à un envoi fait à Amiens de 10,574 livres, forment un total de 12,394 livres que nous aurons fourni dans les fonderies nationales pour aller de suitte vomir la mort contre les tyrans couronnés, mitrés et crossés. Vive la République, Vive la Montagne qui l’a fondée, » Lefevre, Warée, Genaille, Duvivier. 43 Les membres du conseil général de la commune de La Redorte, district de Carcassonne, ont fait passer la somme de 450 liv. pour les frais de la guerre et donnent avis qu’ils ont déposé au district des habits et autres objets pour nos défenseurs ; ils invitent la Convention nationale de rester à son poste jusqu’à ce que tous les tyrans soient vaincus. Mention honorable, insertion au bulletin (2). [La Redorte, 24 pluv. II. Au C. de S. P.] (3) . « Citoyens frères et amis, C’est avec la plus vive douleur que les citoyens de notre commune se sont vus privés de pouvoir fournir en nature les objets demandés en capotes, roupes et redingotes par les représentants du peuple près l’armée des Pyrénées-Orientales pour nos braves frères d’armes qui combattent sur cette frontière les esclaves du tyran espagnol. Les rustiques travaux de nos champs ne permettent point de charger nos épaules de pareils habits qui ne sont propres qu’aux citoyens qui habitent des grandes communes et dont les affaires sont uniquement dans les Cabinets et dans les magasins. Cependant, Citoyens, nos cœurs ne sont point sourds aux cris de notre mère patrie, et en bons Républicains qui aimons la liberté et l’égalité que nous avons juré de défendre aux périls de notre vie, nous nous empressons de venir déposer entre vos mains une somme de 450 livres, fruit de nos modiques épargnes. Nous remettrons également aujourd’hui entre les mains des administrateurs du district de Carcassonne, un habit et une paire de souliers neufs, que nous consacrons pour nos braves frères (1) C 293, pl. 960, p. 14. (2) P.V., XXXin, 424. (3) C 293, pl. 966, p. 15. d’armes qui défendent nos foyers ainsi que la somme que nous vous faisons passer, si le Comité de Salut public le juge à propos. Nous eussions désiré ardemment que ce petit sacrifice eut été plus considérable. C’est sans vanité, Citoyens, que nous osons vous dire que la petite commune de la Redorte n’a jamais été ingrate envers nos frères d’armes, dans la levée de 300.000 hommes, nous avons donné à dix volontaires de notre commune, pour leur témoigner notre juste reconnaissance de leur dévouement généreux, la somme de 400 livres et 10 habits neufs. Puissions-nous faire de nouveaux sacrifices pour maintenir autant qu’il sera en nous la République une et indivisible, faites agréer Citoyens à la Convention nationale nos remerciements sur ses glorieux et pénibles travaux, dites-lui que les Montagnards sans culottes de cette commune l’invitent à rester à son poste jusqu’à ce que le dernier des tyrans soit écrasé, et que notre République une et indivisible soit affermie sur les débris des trônes renversés. Vive la République, Vive la Montagne, l’invincible Montagne. S. de F. » Molinié (maire), Jougla, C. St Just (ou C. Sajust), Bouty, Mabic, J. Cannes (secrét. greffier). P. S. Nous vous prévenons que nous avons remis à l’administration du district de Carcassonne 63 livres de cuivre, 2 calices avec leurs patènes, un encensoir avec la navette et un reliquaire en argent, le tout provenant du culte. 44 La société populaire de Compïègne demande à changer de nom ; elle craint que celui qu’elle porte ne rappelle le séjour du tyran qu’elle déteste, et celui de la tyrannie qu’elle abhorre. Elle demande que cette commune porte le nom de Marat-sur-Oise. Mention honorable, insertion au bulletin, renvoi aux comités des division et d’instruction publique (1) . 45 [CLAUZEL], rapporteur du comité de surveillance des vivres, habillemens et charrois militaires, propose, au nom du comjté, et la Convention adopte les deux décrets suivans : CLAUZEL. Citoyens, par votre décret du 25 vendémiaire, vous avez établi des Inspecteurs pour surveiller aux armées les différens services des charrois militaires, vous avez déterminé leurs fonctions et fixé leur traitement à 4500 1. par an. Par un autre décret du premier de ce mois, vous avez porté ce traitement à 9000 1.. Les dépenses excessives auxquelles ces agents de la République sont continuellement exposés, vous ont déterminés à leur rendre cette justice. Ils demandent à présent quand ce traitement a dû commencer à courir. (1) P.V., XXXm, 424. Bin, 14 vent.