[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 septembre 1791.] 395 veulent bien entrer dans le détail que demande votre lettre, pour vous dessiller les yeux. « Que parlez-vous de devoirs et d’attachement, lorsque vous n’êtes que des traîtres à votre roi, à votre patrie et à vos parents ? Vous avez beau vous parer du vain titre de défenseurs des droits de la monarchie , nous connaissons mieux que vous qu’aucune des bases de l’Etat monarchique des Français n’est ébranlée. Vous nous rappelez ce que nous devons au roi : notre premier devoir a toujours été de le servir toutes et quantes fois il ne se servirait de son autorité qu’en suivant le code des lois. 11 le fait aujourd’hui; c’est pourquoi nous sommes tous décidés à mourir plutôt que de souffrir que des lâihes séditieux, comme vous, ne reviennent pour taire revivre le despotisme détruit. « Vous dites que le roi est dans les fers. Il y était, lorsqu’il était entouré d’une horde pernicieuse de vos semblables, qui empêchaient la vérité d’approcher de son trône; mais, maintenant, il n’y a que de véritables Français qui sont auprès de lui, qui, comme des entants respectueux et soumis, démontrent avec énergie à leur père, les écarts où sa trop grande confiance pourrait le conduire. « Aucuns Français ne désirent et ne travaillent pour l’anarchie (cela est démontré). Nous ne craignons aucun des malheurs affreux que vous nous annoncez. Craignez plutôt, vils séducteurs ; vous serez vous-mêmes les victimes de vos tentatives. Le résultat de vos sottises sera la haine et le mépris d’une nation entière, si elle a la bonté de vous pardonner ce que votre avidité de carnage ne pardonnerait pas si vous étiez vainqueurs ; mais c’est ce qu’on est sur que vous ne serez jamais. « Nous nous rappelons toutes le bonnes et belles actions qu’ont faites les princes du sang de Bourbon. Ils en feraient encore, si leurs grands cœurs n’étaient entourés de la vermiDe qui les ronge. Il est inutile de vous dire que cette vermine c’est vous-mêmes. ( Vifs applaudissements.) * Il nous paraît singulièrement étonnant que le mot d’ honneur sorte encore de vos bouches. Comment! après ce que vous venez de faire, vous voudriez, vous autres lâches et déshonorés, vous servir du nom d’honneur pour engager des braves gens qui ne se sont jamais écartés de ce titre d’honneur, à commettre l’action la plus déshonorante ! « Vous traitez nos braves officiers demeurants de factieux et d 'imbéciles. Que ne sommes-nous à portée, hommes indignes d’avoir jamais porté le nom de Français, de réprimer cette insulte par le châtiment qu’elle mérite. Venez nous attaquer, lâches ; ce seul propos nous prêtera des forces pour vous faire connaître, par votre destruction, toute l’indignation que vous nous inspirez, vous et vos braves soldats que vous avez séduits. « Ces braves soldats ont un louis en masse et un sac complet : eh bien I nous autres, nous avons aussi un louis; en outre, nous avons l’estime et les secours de tous les Français; et vous, vous avez, en compensation, la haine et le mépris de l’univers entier. {Applaudissements.) « Est-il possible que vous parliez d’attachement de votre part, d’estime et d’amitié de la nôtre, lorsque nous savons tous que vos actions n’ont jamais eu pour but que la séduction ; et que, si vous avez employé des marques de patriotisme pour attirer notre estime, ce n’a jamais été que pour nous faire mieux tomber dans l’abîme où vous vous êtes plongés vous-mêmes? « Vous nous dites d’aller à vous, et que vous ne nous faites pas vos adieux. Vous faites bien. Nous irons aussi à vous ; mais ce sera avec des bouches qui vous feront connaître, avec du feu, les sentiments des grenadiers du 72* régiment. » (1 Suivent les signatures.) (L’Assemblée ordonne l’impression de la lettre deM. Desgranges et delà réponse des grenadiers.) Une députation composée du maire et de deux officiers municipaux de la commune d'Avignon (1) est introduite à la barre. L'orateur de la députation s’exprime ainsi : Messieurs, Le maire-et deux officiers municipaux de la ville d’Avignon viennent présenter à l’Assemblée leurs hommages respectueux. Depuis longtemps, le peuple avignonais ne cesse de manifester le désir le plus ardent d’être réuni à la nation française, son ancienne famille. Les malheurs qu’il a éprouvés et qu’il éprouve encore, dont la principale cause réside dans son incertitude sur son sort, n’ont pas ébranlé sa constance. Un nouveau vœu émis sous les yeux de MM. les médiateurs, avec autant d’humanité que d’enthousiasme, en offre l’éclatant témoignage. Eh! qu’on ne dise plus que c’est la terreur qui l’a dicté ; il était écrit dans tous les cœurs : notre amour pour la France et l’ambition de vivre sous vos lois ne peuvent être révoqués en doute que par les ennemis de la Constitution et de la liberté. Daignez, Messieurs, interroger les sages médiateurs que vous nous avez envoyés pour nous apporter la paix, ils vous diront qu’il ne manque aux Avignonais que le nom de Français, et qu’ils soupirent avec la plus vive ardeur après le moment où iis pourront s’en glorifier. Nous vous conjurons, augustes représentants de la nation, de ne pas différer plus longtemps notre bonheur; la justice, l’humanité, notre intérêt, celui des départements qui nous entourent, l'intérêt de la France, nous osons le dire, sollicitent en notre faveur. Nous n’entretiendrons pas l’Assemblée des malheurs qui nous sont personnels. Nous passerons sous silence le traitement aussi injuste que cruel, ue des officiers municipaux, nos collègues, et 'honnêtes citoyens éprouvent dans ce moment. Nous devons nous taire sur des maux que des intérêts particuliers ont causés pour ne nous occuper que de l’intérêt général, celui du peuple avignonais, qui réside tout entier dans sa réunion à l’Empire, qui seule peut sauver notre malheureuse patrie : voilà quel est aujourd’hui l’unique objet de nos réclamations. Vous avez bien voulu, Messieurs, vous imposer la loi par votre dernier décret, de n’exercer les droits de la France sur Avignon et le Comtat que lorsque les Avignonais et les Gomtadins auraient posé les armes ; leur respect pour votre volonté a dissipé les armées et mis tin aux hostilités. Le moment de prononcer est donc venu. Vous pourriez, Messieurs, exercer les droits de la nation sans le concours de notre volonté; et lors-(1) MM. Richard, maire, Descours et Bernard, officiers municipaux. 396 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 septembre 1191.] que nous vous le demandons avec instance, qui pourrait vous arrêter encore ? Si l’Assemblée nationale différait de .prononcer ou si elle ne prenait qu’une détermination provisoire, que les ennemis de notre bonheur ne s’attendent pas à nous voir rentrer dans l’esclavage ; ils verraient renaître la guerre civile ; ils la verraient se propager dans les départements voisins, et c’est peut-être l’objet de leurs souhaits. Fermez, Messieurs, l’oreille à leurs discours perfides et mensongers ; ils voudraient vous persuader ce qu’ils ne croient pas; que la crainte a arraché au peuple avignonais son vœu pour la réunion à l’Empire français. Ce peuple a donné assez de preuves de son courage, pour qu’on ne puisse pas attribuer sa détermination à un motif aussi bas. La seule crainte qu’il connaisse est celle que vous puissiez vous refuser à ses vœux; et s’il éprouvait ce funeste revers auquel il est bien loin de s’attendre, toujours digne du glorieux nom de Français qui lui est dû, et qu’il ambitionne de porter, il préférerait la mort à la honte de reprendre des fers qu’il a brisés. ( Applaudissements .) M. le Président. Messieurs, les vœux que vous renouvelez avec tant de constance pour votre réunion à la nation française vous rendent bien dignes d'être comptés au nombre de ses concitoyens. Déjà cette adoption est formée dans nos cœurs ; mais c’est à la justice seule à la consommer. L’Assemblée nationale examinera sans délai, et avec la plus scrupuleuse impartialité, si, dans les principes rigoureux qu’elle a adoptés et dont elle ne s’écarte jamais, elle peut seconder vos vœux et son propre penchant. Elle attendait le concours de vos vœux réunis pour procéder à cet examen ; elle désire qu’il soit non équivoque ; elle vous accorde les honneurs de la séance. M. Coroller du lloustoir. Je demande l’impression de l’adresse des députés de la ville d’Avignon . M. l’abbé Pcrrier. 183 citoyens d’Avignon ont signé une protestation qui paraît en ce moment, par laquelle ils prétendent que les membres de la députation d’Avignon n’ont pas les pouvoirs nécessaires ; ensuite, ils vous inculpent, Monsieur le Président, parce que vous êtes juge des pouvoirs qu’ont ces messieurs. Je vous prie de vouloir bien vous expliquer afin d’éclaircir les doutes. Je n’ai jamais abusé de la parole dans l’Assemblée ; je n’ai jamais cherché à y mettre le désordre ; mais enfin il est un terme où il faut que tout aboutisse. Un membre : Lorsque des personnes se présentent à l’Assemblée sûrement munies des pouvoirs qui attestent leur mission, il est incroyable que des membres de cette assemblée qui d’habitude ne prennent point de part à nos délibérations et qui viennent tout récemment encore de protester contre la Constitution, osent venir jeter ici le désordre, sous prétexte que les députés admis à la barre n’ont pas de droits à la mission qu’ils remplissent. M. Charles de Cameth. Permettez-moi, Monsieur le Président, de dire au préopinant qu’il fait à une réclamation obscure beaucoup plus d’honneur qu’elle ne mérite. Nous devons croire que, quand vous avez annoncé ce matin que ces personnes se présenteraient, quand les ministres du roi ont prié l’Assemblée et que l’Assemblée a promis de s’en occuper, quand toutes les formes ont été remplies, certes les inculpations de certaines personnes contre les députés d’Avignon ne méritent pas plus d’attention qu’elles n’en ont mérité il y a 6 ou 8 mois, lorsqu’on a traité l’affaire. Quant à l’impression demandée, je] crois que ce serait une déuense inutile, l’affaire d’Avignon étant à l’ordre du jour de la séance de demain, et l’opinion publique étant suffisamment formée depuis longtemps sur cette grande question. Je me bornerai donc à demander que mention soit faite au procès-verbal de l’adresse des députés de la commune d’Avignon et le renvoi de cette adresse aux comités diplomatique et d’Avignon. (La motion de M. Charles de Larneth est mise aux voix et adoptée.) Une députation d'artistes géographes est introduite à la barre . L'orateur de la députation s’exprime ainsi : Messieurs, Les auteurs de V Atlas national de la France ont fait hommage à l’Assemblée, il y a 18 mois, des preuves de leurs travaux, et lui ont présenté les premières feuilles de leur atlas, dont le système tend à l’accélération du cadastre. Ils veulent, en effet, présenter une carte de la France tellement détaillée, qu’on y voie les départements divisés en districts, les districts en cantons, les cantons en municipalités, avec les propriétés de chaque municipalité, en indiquant jusqu’aux coupes particulières des bois. Ce travail, qui, depuis longtemps, nous occupait dans le silence, vous a paru si important, Messieurs, que vous avez chargé le comité de Constitution de l'examiner pour vous en faire le rapport. Les commissaires adjoints à ce comité, pour la division du royaume, ont voulu prendre, par eux-mêmes, une connaissance approfondie de ce que les auteurs de l’atlas ont fait, et de ce qui restait à faire pour remplir leur objet ; ils ont vu une quantité énorme de plans particuliers, dont le rassemblement, fait depuis longtemps, sur des bases qui ont paru sagement combinées, montre la possibilité de l’exécution la plus prompte. MM. les commissaires, dans deux premiers avis, ont applaudi aux travaux préparatoires, dont le résultat a été offert gratuitement à chaque district et à chaque département. Pour mettre de l’ordre dans leurs travaux, les auteurs de l’atlas nouveau, avant de passer à des développements secondaires, se sont attachés aux points principaux, aux cartes des départements : l’Assemblée en a permis l’exposition dans la salle de ses séances. Nous venons, Messieurs, en lui renouvelant nos hommages, en lui témoignant notre reconnaissance, lui offrir la suite de la carte des départements que nous lui avons promis d’adresser à tous les corps administratifs. Nous sommes à plus de moitié de cette portion de nos travaux : et l’activité que nous y mettrons permet de penser que, dans quelques mois, celte partie touchera à sa fin. Nous avons fait de plus un petit atlas, dont nous faisons hommage à l’Assemblée ; nous désirons qu’elle daigne l’honorer de sa protection. ( Applaudissements . )