[26 août 1790.] 290 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. allait enlever la caisse du régiment de chez le trésorier et la déposer au quartier. M. le président du corps municipal a observé avec fermeté à ces soldats combien leur conduite était contraire à la loi, d’abord en ce qu’ils prenaient les armes, sans ordre de leurs chefs ; en second lieu, en ce qu’ils voulaient s’emparer d’ une caisse qui ne leur appartenait pas et qui ne pouvait leur être abandonnée; que leur insubordination, surtout d’après le dernier décret, dont ils avaient connaissance légale, était des plus coupables, que le corps municipal se voyait forcé de les dénoncer à l’Assemblée nationale, qui ne pourrait voir sans indignation une telle conduite. Enfin, M. le président les a sommés de mettre bas les armes et de rentrer dans le devoir; mais il ont répondu qu’ils n’en feraient rien , qu’ils avaient des ordres du régiment; et sur l’observation qu’on leur a faite, que leurs chefs n’ayant pas donné d’ordres, ils ne pouvaient en avoir reçu d’autres, ils ont répondu qu’ils continueraient, et ils sont sortis. Le corps municipal qui, en conséquence de ces troubles, avait invité le commandant de la garde nationale à se rendre au conseil, y délibérait avec lui sur le parti à prendre dans des circonstances aussi affligeantes. Pendant ce temps on a vu repasser le détachement avec la caisse, que les soldats faisaient conduire , sur une charrette, dans leur quartier. Une telle violation de toute loi et de toute subordination n’a laissé d’autre parti à prendre que d’envoyer sur-le-champ un courrier à l’Assemblée nationale. Convaincu des effets , malheureusement trop prompls , de l’exemple, le corps municipal craint que le désordre des troupes ne se communique dans toutes les classes de citoyens; les sommes considérables que les soldats ont répandues, leur ont fait des partisans dans la classe indigente et dans celle de ceux qui peuvent profiter de ces dépenses; toutes les forces sont impuissantes pour rétablir l’ordre, et la garde nationale trop peu nombreuse pour arrêter une insurrection aussi complète dans toutes les troupes. La ville est donc sur le point d’être en proie aux plus grands excès : le corps municipal ne voit de moyens de les prévenir que par la présence de quelques députés de l’Assemblée nationale. Le corps municipal, en adressant le présent procès-verbal aux députés de cette ville à l’Assemblée nationale, les invite à vouloir bien y joindre les procès-verbaux précédents, dont on leur a envoyé deux expéditions, et à peindre à l’Assemblée nationale tout le désordre qui désole cette ville et la nécessité d’y apporter un prompt remède. Fait et arrêté au conseil municipal, dix heures du soir, les jours et an avant dits. Signés : F. Poirson, Malglaive, N. *Z. Aubert, N.- F, Biaise, cultivateur ; Eslin, Chaillou, Ayet, Saladin, Lusier, F, Mandel, J. Rollin, N. Bellot, Mourot; et, par le conseil, Munet. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DUPONT (DE NEMOURS). Séance du ieudi 26 août 1790, au matin (1). La séance est ouverte à 9 heures du matin. M. Alquïer, secrétaire , donne lecture du pro| cès-verbal de la séance du mardi 24 août au matin. M. Buzot, secrétaire , fait lecture du procès verbal de la séance du mardi 24 août au soir. M. Dinocheau, secrétaire, donne également lec ture du procès-verbal de la séance d’hier 25 août. Tous ces procès-verbaux sont adoptés sans réclamation. M. Gillet de La Jacqueminière, membre du comité d'agriculture et de commerce. Messieurs, lorsque vous avez décrété, par l’article 2 de votre décret sur les postes, que le commissaire et les administrateurs prêteraient serment entre les mains du roi, votre intention n’a pas été d’ordonner un surcroît de dépense; cependant j’ai appris que l’usage des huissiers de la Chambre était d’exiger d’eux mille écus de chacun de ceui qui prêtent ce serment : le Serment ne doit pas être avili et prêté à prix d’argent; je vous demande, au nom du comité, de proscrire cet abus par une loi générale et de prononcer le décret suivant : « Il ne pourra être exigé des personnes appelées à remplir des fonctions publiques aucunes sommes, sous quelque dénomination et sous quelque prétexte que ce soit, pour les actes de prestation de serment dont elles seraient tenues, ou à leur occasion. » (Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.) M. Malouet. Je viens encore demander à l’Assemblée de s’intéresser à M. Eggss qui est toujours détenu à l’Abbaye. Je demande qu’elle ordonne son élargissement ou qu’au moins elle le renvoie par un décret devant le Châtelet. Plusieurs membres répondent que l’Assemblée n’a pas à s’occuper de cette affaire qui est du ressort de l’ordre judiciaire. L’Assemblée passe à l’ordre du jour. M. Du Châtelet. Lorsque l’acte de soumission des soldats du régiment du roi fut lu hier dans cette tribune, il s’éleva une discussion qui m’était étrangère et qui ne me permit point de demander la parole ; je la demande maintenant pour supplier l’Assemblée nationale de trouver bon que, pour le régiment du roi, qui a toujours eu une administration particulière dont j’ai été chargé depuis un grand nombre d’années, l’officier général, nommé pour examiner les réclamations des soldats, soit autorisé par le comité militaire à adjoindre, au nombre de soldats fixé par le décret dp 6 de ce mois, tel nombre' qu’il jugera û propos de membres de la municipalité, du district et des gardes nationales; ces derniers surtout, après avoir réussi, par leur zèle et leur patrio-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 août 1790.] <£91 tisme, à ramener l’ordre et la paix, ont été chargés d’appuyer les réclamations des soldats ; et c’est un motif de plus pour désirer que les députés élus ou choisis dans leur sein assistent aux comptes que le trésorier du régiment du roi sera en état de rendre, non seulement depuis six ans, conformément au décret de l’Assemblée, mais depuis 1776, époque où une nouvelle comptabilité a été établie par les ordonnances. J’ai droit et intérêt à ce qu’il soit donné la plus grande authenticité et la plus grande publicité à ces comptes. M. de Sérent. Les décrets qui prescrivent aux municipalités de ne s’immiscer en rien de ce qui concerne le régime militaire sont contraires à cette proposition. Je demande donc la question préalable sur la motion de M. Du Châtelet. (La question préalable mise aux voix est adoptée.) (L’Assemblée décide qu’il sera fait mention au procès-verbal des observations de M. Du Châtelet.) M. Pflléger, député du Haut-Rhin, demande et obtient un congé de trois semaines. Un de MM. les secrétaires lit une lettre de M. Guignard, ministre, qui envoie au président une lettre des administrateurs du département de Morbihan, concernant les dégâts commis relativement aux clôtures et afféagemenls dans le district de Ploerruel. (L’Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre et des pièces qui y sont jointes, au comité féodal.) L’Assemblée passe ensuite à son ordre du jour qui est la discussion du projet de décret proposé par le comité diplomatique , dans la séance d’hier , sur l’affaire d’Rspagne. M. Ricard (de Séalt ), député de Toulon. La moindre imprudence peut coin promettre la liberté publique; nous avons tout à espérer ou tout à craindre des circonstances. Le reconnaissance et l’honneur nous mettent les armes à la main poursoutenirnosalliés ;nous allons combattre une nation jadis notre rivale, aujourd’hui notre amie. L’Angleterre arme une escadre importante; quel peut être son objet ? J’ai peut-être raison de le demander, car on sait aussi en Angleterre que la cause des rois n’est pas celle des peuples. Les armées que je vois se mouvoir en veulent-elles à notre Constitution? L’Espagne et la Savoie font des armements dont l’histoire n’offre aucun exemple. La nation française a tous les risques à courir. Qu’importe? quelle que soit l’issue de ces grands événements, elle apprendra à l’univers qu’un peuple qui a goûté la liberté ne peut jamais redevenir esclave. Si l’Espagne est attaquée, c’est à nous à la secourir. Si sa demande n-était qu’un jeu, ou une menée pour nous entraîner dans une guerre cruelle, alors nous prouverions ce que c’est qu’une guerre commandée par 24 millions d’hommes. L’armement de 30 vaisseaux de ligne me paraît insuffisant: plus nous déploierons de forces, moins on sera disposé à nous attaquer* Jamais peuple ne montrera plus d’énergie qu’en s’armant contre les conspirateurs de la liberté publique. Dans ce noble enthousiasme, quelque chose vient. m’arrêter ; quelle qnp soit la défaveur que j’ai à redouter, eu rendant compte de mes idées, je n’oublierai jamais que le salut de ma patrie est au-dessus de toutes les considérations. Le ministre de la marine est détesté des colons et il a perdu leur confiance; il a excité les mécontentements dans les ports; et les lois pénales sont le seul bienfait qe la Constitution qu’il leur ait fait parvenir. Il est bien dur de le dire, mais, je pense que ce ministre est d’autant plus dangereux qu’il est dépositaire de la force publique. J’aurai toujours de justes sujets de crainte, tant que je qe verrai pas les amis de la Constitution à la tête de nos armées. Le roi ne demande qu’à être éclairé, mais par malheur il ne l’est pas . G’est nom de la patrie que je conjure ceux qui sont nuis dans leurs places de les abandonnera d’aiitreg plus capables de les remplir. Je conclus à ce qu'il soit fait un armement de 45 vaisseaux, dont 14 dans les ports de la Méditerranée. M. Pétlon. La question qui vous est soumise est de la plus haute importance; elle peut décider de la paix ou de la guerre. Je ne rappellerai point ici la nécessité de maintenir la paix; nos finances ne sont point encore consolidées, l’ordre public n’est point parfaitement établi et la guerre pourrait le renverser. Dans les affaires politiques ou varie nécessairement d’opinions, et souvent on voit se réaliser les moins vraisemblables: il s’agit de s’expliquer, non pas sur nos rapports commerciaux ayec l’Espagne, mais sur l’attaque ou la défense en cas de guerre. Les négociations provisoires paraissent déterminées eqtre l’Espagne et l’Angleterre, et je ne sais pas pourquoi l’Espagne continue ses armements? Si elle n’eût pas compté sur son alliance avec la France, en aucun cas elle n’eût osé l’attaquer. Dans mon opinion, il me semble qu’on peut ainsi calculer dans les cabinets; la Porte, l’Angleterre et la Suède contre la Russie, l’Espagne, leDane-marck et la France. . . . Voici un projet de décret que je crois préférable à celui du comité : « La nation française, toujours jalouse d’entretenir la paix et l’union entre l’Espagne et la France, et de resserrer entre elles des liens conformes à la justice et à la raison, déclare qu’elle se réserve de statuer sur le pacte de famille, après une plus ample instruction; elle invite le roi à interposer sa médiation pour étouffer, dans leur naissance, les germes de toute dissension. » M. JLe Déist de Botidoux. G’est sans doute une idée vraiment philosophique que de ne voir qu’une même famille dans tous les peuples. L’humanité a dicté ce beau rêve à M. l’abbé de Saint-Pierre. Vous avez fait pour cela tout ce qui était en votre pouvoir; mais tant qu’il y aura des rivalités de gloire ou de lucre entre les puissances, l’ambition des hommes formera toujours un foyer perpétuel de dissensions et de guerres. Je pense que la France ne pourrait s’isoler sans voir le terme de sa véritable grandeur. On ne peut se dissimuler les services réels que l’Espagne a rendus à ja France. De toutes les puissances, l’Angleterre est la seule que nous ayons à craindre. L’Allemagne vomirait toute sa force armée, qu'elle n’ébranlerail pas une de nos provinces. Ce n’est point à des esclaves à renverser les tours élevées par des hommes libres. Telle est notre position géographique, que nos possessions au delà des mers ne peuvent être protégées, sans que cette protection ne s’étende aux possessions espagnoles. Vous avez mis les créanciers de l’Etat sous la sauvegarde de la loyauté française ; est-il une dette plus sacrée que celle A laquelle von s vous êtes engagés par un traité solennel ? l’Angleterre, quoi qu’on en dise, regardera tou-