[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 593 sons de supprimer, la jouissance a assez indem¬ nisé les détenteurs. Lorsque la liquidation des créances prove¬ nant des domaines aliénés sera terminée, les propriétaires seront remboursés ou inscrits sur le grand-livre pour le montant du capital et des intérêts, ainsi qu’il est prescrit pour les créances exigibles sur la nation. En adoptant les mesures que nous vous pro¬ posons, nous avons pensé qu’il convenait de révoquer toutes les lois relatives aux domaines aliénés ou engagés, et à la liquidation de leur finance, et que vous deviez décréter que toutes les contestations indécises seront réglées et jugées d’après les bases que nous vous propo¬ sons : par ce moyen, vous faciliterez les opéra¬ tions des arbitres, des experts et des liquida¬ teurs qui n’auront qu’une loi à connaître, et vous éviterez les interprétations que la mau¬ vaise foi et la chicane pourraient rechercher dans les lois précédentes. Après avoir terminé la législation relative aux domaines aliénés, vous aurez à vous occuper de la réforme des lois relatives aux échanges qui ont été faits par l’ancien gouvernement, et qui ont donné lieu à une foule de dilapidations, que votre devoir vous oblige de réformer. Voici le projet de décret que votre Commis¬ sion et vos comités m’ont chargé de vous pro¬ poser. ( Suit le texte de la loi décrétée le 10 frimaire an II. Nous la donnerons à cette date, d'après le prcoès -verbal.) II. Le représentant Dubouchet se plaint d’avoir été dénoncé aux Jacobins par UN COMMISSAIRE DU CONSEIL EXÉCUTIF RELATIVEMENT A LA MISSION Qü’lL A REM¬ PLIE DANS LE DÉPARTEMENT DE SEINE-ET-Marne (1). Compte rendu du Moniteur universel (2). Dubouchet-Je demande à faire lecture d’une lettre que j’écrivais à la Convention, lors de ma mission dans le département de Seine-et-Marne. (1) La plainte de Dubouchet n’est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 1er frimaire an II; mais il y est fait allusion dans les comptes rendus de cette séance publiés par divers journaux de l’époque. (2) Moniteur universel [n° 63 du 3 frimaire an II (samedi 23 novembre 1793), p. 255, col. 2]. D’autre part, le Journal des Débats et des Décrets (frimaire an II, n° 429, p. 5) et le Mercure universel [2 fri¬ maire an II (vendredi 22 novembre 1793), p. 25, col. 1] rendent compte de la plainte de Dubouchet dans les termes suivants : I. Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets. Dubouchet, qui avait été envoyé dans le départe¬ ment de Seine-et-Marne, lit une lettre qu’il écrivait à la Convention. Il y donnait des détails des mesures révolutionnaires qu’il avait prises et du succès qu’elles avaient eu. Cependant, un commissaire du pouvoir exécutif, qui se trouvait dans le même département, le dénonça. Il espère qu’on lui rendra la justice qui lui est due. « Le représentant du peuple, etc , à ses col¬ lègues. « Les mesures ré voluticgm aires se continuent avec célérité et avec énergie. Les arrestations se multiplient. J’ai fait saisir à Fontainebleau 66 réfugiés, nobles, membres du Parlement de Paris et autres. L’esprit public s’électrise. Les sans-culottes respirent. J’ai donné des fêtes civi¬ ques aux dépens des aristocrates qui n’en ont pas profité; des contributions ont été exigées de la part des riches. Les visites domicilaires ont produit beaucoup d’argenterie armoriée. Toutes les craintes, toutes les alarmes sur les subsistances doivent se dissiper. Les récoltes ont été abondantes dans ce département. S’il n’y a point de dilapidations, le calme doit renaître avec les approvisionnements. J’ai poursuivi la vente du mobilier des émigrés. J’ai fait punir les accapareurs, accéléré l’exécu¬ tion de la taxe des denrées. L’argenterie des églises et les cloches sont à la disposition de la nation. On n’éprouve plus d’opposition de la part des paysans. Vive ta République ! vive la Convention ! vive la Montagne ! tel est le cri una¬ nime des citoyens du département de Seine-et-Marne. Voilà, mes collègues, la conduite que j’ai tenue. J’ai cependant été dénoncé aux Jacobins, par Rousselin, dont je n’ai fait qu’humilier l’or¬ gueil. La Convention renvoie le compte de Dubou¬ chet au comité de Salut public. Suit le texte du compte rendu de Dubouchet d'après un document imprimé. Compte rendu a la Convention nationale DE LA MISSION DU REPRÉSENTANT DU PEUPLE Dubouchet, envoyé dans le départe¬ ment de Seine-et-Marne et autres adja-£ CENTS, DEPUIS LE 11 SEPTEMBRE JUSQU’AU >16 NOVEMBRE (VIEUX STYLE); PAR DUBOU¬ CHET ( Imprimé par ordre de la Convention nationale (1)). Citoyens mes collègues, je viens de remplir l’importante mission dont vous m’aviez chargé. Vous m’aviez confié de grands pouvoirs, je m’en suis servi pour faire le bien, pour établir le triomphe de la liberté et de l’égalité, pour rallier autour de moi les sans -culottes, pour les rallier autour de vous, leur faire connaître leurs droits, leur faire aimer et chérir le gouvernement répu¬ blicain qu’ils avaient adopté sans le connaître. L’esprit public était dégradé et avili dans le La Convention renvoie au comité de Salut public cette lettre et les détails que Dubouchet pourra avoir à lui communiquer. II. Compte rendu du Mercure universel. Dubouchet, envoyé en commission dans le dépar¬ tement de Seine-et-Marne, annonce qu’il a rempli sa mission dans ce département. Les arrestations y ont été nombreuses : les patriotes maintenant, respirent. Toutes les administrations sont renouve¬ lées, les riches égoïstes imposés; des fêtes civiques ont été célébrées à leurs dépens. Les bataillons qui sont nombreux n’attendent plus que des armes pour partir. ( Applaudissements.) (1) Bibliothèque nationale : 20 pages in-8°, Lë’9 n° 42. Bibliothèque de la Chambre des députés : Collection Portiez (de l'Oise), t. 5, n° 10. lre SÉRIE, T. LXXIX. 38 594 [Convention nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { |" J™™™ & 17S3 département dé Seine-et-Marne; l’aristocratie, le royalisme, le modérantisme étaient partout dominants; les patriotes étaient dispersés, timides, sans chaleur et sans force ; tribunaux, juges de paix, municipalités, tout paraissait d’intelligence pour appesantir le joug, et dans nombre d’endroits, il suffisait de se montrer patriote pour être dénoncé, menacé, maltraité, incarcéré même. La faction liberticide qui s’est vue sur le point d’opprimer la liberté de son pays, avait infecté le département par les poisons périodiques; les corps administratifs eux-mêmes, divisés d’opinions, professant géné-relement des principes de modérantisme, ou incertains et chancelants, se traînaient molle¬ ment entre la République et la monarchie : les lois «étaient sans force, l’autorité sans énergie, et la contre-révolution n’aurait pas éprouvé de grands obstacles dans ce département. Les riches fermiers, les ci-devant nobles, les ci-devant seigneurs, les riches propriétaires s’étaient coalisés avec les prêtres pour égarer et asservir le peuple dans les campagnes, Dans les villes, cette coalition était renforcée par les gens de la loi, par les ci-devant robins, par les marchands, les boutiquiers, tous s’enten¬ daient pour opprimer les sans-culottes, tous s’accordaient pour tromper et endormir le peu¬ ple des villes et des campagnes; les Sociétés po¬ pulaires n’avaient qu’un simulacre d’existence; elles étaient peu nombreuses, et influencées par des meneurs aristocrates ou modérés. Un petit nombre de patriotes osaient à peine y faire entendre la voix de la raison et de la justice; calomniés, persécutés, diffamés, le mandat d’a¬ mener ou d’arrêt attendait ceux d’entre eux qui témoignaient quelque caractère, et qui voulaient réclamer ses droits sacrés et méconnus. Les prêtres n’avaient jamais fait retentir dans les B oi-disant chaires de vérité que les antiques et fastidieuses rapsodies imaginées par l’hypo¬ crisie et l’imposture, et à la réserve d’un très petit nombre d’entre eux, les ministres du culte catholique étaient les organes du mensonge et les apôtres de la servitude et de la contre-révolution. Il fallait prendre des mesures promptes et vigoureuses pour déconcerter et dissoudre cette dangereuse coalition; il fallait rallier les sans-culottes, leur faire connaître leur nombre et leurs forces, ainsi que la faiblesse, la lâcheté et la perfidie de leurs ennemis; il fallait les déli¬ vrer des aristocrates, des intrigants, des prin¬ cipaux meneurs. Tout cela a été fait, mais il était surtout important de frapper des coups de vigueur capables d’effrayer nos ennemis, de leur inspirer la terreur et l’effroi, il fallait agir, et j’avais appris que l’arbre de la liberté avait été abattu dans la paroisse de Samoy, près Fontai¬ nebleau, et cet attentat exigeait une réparation éclatante. Je me déterminai à m’y transporter; mais la ville de Fontainebleau était devenue le repaire des royalistes, des aristocrates, qui étaient venus y respirer un air jadis si délicieux pour eux, et qui s’y tenaient cachés, en atten¬ dant le moment de se montrer. Soixante-six d’entre eux furent arrêtés dans une nuit, et il y eut une circonstance assez plaisante, c’est que cinq à six de ces messieurs, après avoir prêté leur ministère pour arrêter leurs bons amis, furent eux-mêmes à leur tour obligés de livrer leurs armes, qui ne pouvaient qu’être suspectes entre leurs mains. Le lendemain l’arbre de la liberté fut replanté à Samoy, au milieu des accla¬ mations d’un peuple nombreux, et aux cris mille fois répétés de Vive la République ! vive la Con¬ vention ! vive la Montagne ! vivent les sans-culottes ! Coulommiers, ville située dans un pays fertile et abondant en toutes sortes de productions, heureux par la position, entouré de riches plaines, et des plus riants coteaux, était, devenu un des principaux foyers de la contre-révolution ; tribunal du district, juge de paix, municipalité, tout était royaliste, tout était ennemi de la liberté, tout conspirait à perdre la République ; le maire, citoyen vertueux, patriote éclairé, sans-culotte énergique, avait été forcé de se sous¬ traire à la proscription. Il existait dans Coulom¬ miers un plan de conspiration, et quelques-uns des conspirateurs sont maintenant au tribu¬ nal révolutionnaire. Tout allait à Coulommiers dans le sens de la contre-révolution, tout y marche maintenant avec énergie dans le sens du sans-culottisme, La faction liberticide, sentant la défaite prochaine, avait imaginé de planter un soi-disant arbre de la réunion : cet arbre fut coupé et jeté au feu avec des titres de féoda-et autres monuments de la tyrannie, au milieu de la bruyante allégresse qu’avait excitée une fête civique dont les aristocrates ont fait les frais sans y participer. Municipalité, juge de paix, comité révolutionnaire, commissaire natio¬ nal, tout a été renouvelé à Coulommiers. Cette ville se régénère rapidement, et se prépare à en donner des preuves. Tout le district de Rosoy a ressenti cette commotion électrique, et ces belles et riantes contrées, où les doux noms de patrie, de liberté, d’égalité étaient à peine connus, s’avancent à grands pas dans la carrière révolutionnaire. Provins, longtemps fanatisé, longtemps op¬ primé par l’aristocratie, et surtout par la robino-cratie, Provins, situé dans un pays riche et fer¬ tile, était aussi dans la servitude. Les sans-cu¬ lottes gémissaient dans la plus humiliante dépen¬ dance, la Société populaire n’avait qu’une existence précaire et passive; persécutée, avilie par la municipalité, elle était réduite au silence et n’osait s’expliquer et faire entendre le lan¬ gage de la vérité. Provins a été électrisé et régénéré; tout a été renouvelé dans cette ville, à l’ exception de l’administration du district, à qui on n’a jamais pu reprocher qu’un peu trop de timidité et de circonspection, mais qui a ré¬ paré cette légère tache depuis qu’elle a reçu l’mpulsion et l’élan du sans-culottisme, qui marche actuellement avec vigueur et sécurité, qui a rendu d’importants services, et qui en a la volonté et les moyens. Depuis mon départ de Provins, la Société populaire a été agitée par une fermentation dont les sources ne sont plus ignorées; on a cherché à égarer les sans-culottes en exagérant les principes; on a voulu les préci¬ piter dans des écarts dangereux; on a su tirer parti de leur amour pour la liberté pour les faire tomber dans la licence : on a parlé aux sans-culottes de la souveraineté du peuple, mais on s’est gardé de dire que cette souveraineté est une et indivisible, qu’elle réside dans la masse en¬ tière du peuple, et non pas dans quelques sec¬ tions particulières. Les intrigants se servent de tout pour parve¬ nir à leur but ; mais dès que leurs desseins sont connus, ils ne sont plus à craindre. A Melun, les mesures révolutionnaires ont été suivies avec la plus grande énergie : l’admi¬ nistration du département a été revouvelée [Convention nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. } fnma.re an II 595 1 ■' } 21 novembre 1793 presque en entier; eelle du district avait cou¬ vert longtemps de coupables dilapidations, sous le déguisement trompeur du patriotisme; elle a été totalement dissoute et réorganisée. Les administrateurs destitués avaient déjà pris la fuite; les scellés ont été apposés chez des fournisseurs infidèles. Un d’entre eux avait prévenu son juste châtiment en se coupant la gorge. D’infâmes déprédations ont été com¬ mises dans la fourniture des effets d’habille¬ ment et d’équipement des volontaires; on a peine à concevoir l’excès de la cupidité et de l’audace de ces vampires de l’Etat; ils avaient compté sur la contre-révolution et sur un bouleverse¬ ment total pour échapper au glaive de la loi; les malversateurs vont être poursuivis et punis, et leurs profits illicites serviront au moins d’indemnité solidaire à la nation indignement trompée et pillée par des brigandages inouïs. On a cherché aussi à exciter un mouvement d’effervescence dans Melun; des inscriptions civiques ont été déchirées, des bannières tri¬ colores enlevées, on a recherché les causes de cette nouvelle explosion de l’aristocratie; quelques arrestations faites à propos ont tout pacifié : les sans-culottes de Melun paraissaient avoir repris de l’énergie, de la vigueur et de l’ensemble. A Meaux, le fanatisme avait dominé de tout temps, d’accord avec la robinocratie ; le sans-culottisme s’est enfin manifesté, il a secoué le joug honteux sous lequel il était comprimé. Ce vaste district, l’un des plus riches et des plus importants de la République, avait été gouverné par des administrateurs qui n’étaient pas irré¬ prochables; quelques-uns de ces administra¬ teurs vont être soumis à un jury d’accusation; prévenus d’avoir participé, ou de n’avoir pas poursuivi et fait punir les énormes dilapidations qui ont eu lieu dans la célèbre abbaye de Chelles, etc. L’administration du district de Meaux, ainsi que la municipalité de cette ville, viennent d’être renouvelées; je les crois compo¬ sées de patriotes, de citoyens laborieux et capa¬ bles. Dans le département de Seine -et -Marne, les municipalités de campagne ne sont point à la hauteur de la Révolution; la plupart sont composées de riches fermiers, de suppôts subalternes de l’ancienne chicane, d’agents de ci-devant seigneurs, de valets de la liste civile, où l’on a inséré, pour la forme seulement, quel¬ ques ouvriers ou artisans ignorants et timides, elles n’ont ni la volonté, ni les moyens, ni le courage nécessaires pour faire exécuter la loi, pour instruire et guider leurs concitoyens. Un ou deux faits montreront à quel point quel¬ ques-uns de ces municipaux sont dégradés et incapables de remplir leurs fonctions avec dignité. Deux individus se présentent à moi pour réclamer en faveur d’un fermier dont les grains avaient été saisis, en passant sans acquit-à-caution sur la commune du Mouroux, près Coulommiers ; un de ces deux personnages était maître d’école de la paroisse, et l’autre était officier municipal et manouvrier gagnant ses journées chez le riche fermier dont les grains avaient été confisqués. Ce dernier l’avait forcé par des jurements et des menaces à venir me solliciter de faire relâcher les grains qui, disait - il, avaient été injustement arrêtés. Ce pauvre sans-culotte n’excita que ma pitié; mais le fermier insolent et orgueilleux, et qui, de plus, avait violé la loi, était coupable, et il fut puni. Deux ambassadeurs viennent à moi de la part d’un conseil général de commune, réclamant en faveur de son seigneur, dont le château est dans le cas d’être démoli, aux termes de la loi. Je leur objecte l’inconséquence et l’incivisme de leur démarche, et je m’aperçois en même temps qu’un des deux est revêtu d’un habit de livrée; je crois devoir le faire mettre en arrestation pour quelques heures, après avoir fait détruire les vestiges de l’ancienne servitude qui le déshonoraient. Les curés de ce département, inondé d’ailleurs de prêtres, couvert d’établisse¬ ments monastiques, ne se laveront jamais des justes reproches d’avoir propagé l’ignorance et la superstition, d’avoir laissé le peuple des campagnes dans le plus profond oubli de ses droits ; s’ils ont exercé sur lui l’influence que leur donnaient leurs lumières et leur caractère, elle n’a servi qu’à le tromper, l’abrutir et le disposer à recevoir de nouveaux sens. Plusieurs de ces curés ont été arrêtés, quelques-uns étaient con-pirateurs et ont été traduits au tribunal révo¬ lutionnaire. Un très petit nombre est patriote. Us se sont hâté? de se dépouiller de l’écorce du charlatanisme et de l’imposture; quelques-uns ont donné leur démission, et cet exemple sera suivi. Le district de Nemours avait été remis à la surveillance de mon ami, le citoyen Metfcier, dont le caractère ferme et énergique et la tête révolutionnaire ont parfaitement secondé mes vues. Ce digne coopérateur de mes travaux a réprimé, par quelques mesures vigoureuses et hardies, l’aristocratie qui avait travaillé l’opinion du peuple, notamment à Montereau ; l’ arrestation de quelques individus, les lumières et les vrais principes substitués à: propos à l’erreur dont on avait voulu les investir ont ramené les sans-culottes; et d’ailleurs, il paraît que ce district n’avait pas été aristocratisé et fanatisé au même point que les autres; et j’ai cru que l’on pouvait l’attribuer au peu de fer¬ tilité de son territoire et à la médiocrité géné¬ rale qui en est la suite, puisque l’observation a prouvé que les pays pauvres étaient en général plus attachés aux principes de la liberté et de l’égalité. Résultat de mes opérations dans le ' département de Seine-et-Marne. Subsistances. On sait que l’approvisionnement de Paris a donné, depuis quelque temps, de justes inquié tudes. Quoique entourée des plus grandes richesses territoriales, placée dans le voisinage des départements les plus abondants de la République, cette immense cité avait conçu de justes alarmes sur les subsistances. Cet état de choses tenait à plusieurs circonstances que j’ai développées, tant au citoyen Pache qu’au comité de Salut public, et dont ma correspon¬ dance peut rendre témoignage. Plusieurs de ces obstacles ne dépendaient pas de moi; mais il en est d’autres que j’ai surmontés avec courage et succès. Il était surtout important de donner une grande impulsion, d’exciter l’éveil, de faire peser la responsabilité sur la tête des administra¬ teurs, d’effrayer les fermiers avares et égoïstes, de presser l’exécution des lois sur les réquisi¬ tions qui venaient de remplacer le commerce des grains, de faire payer en nature les contri¬ butions arriérées et d’établir des greniers d’a- 59b [Convention uatiooale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES j "iro* bondance propres à rassurer le peuple, eu fai¬ sant verser dans ces greniers, outre le produit des contributions, celui d’une nouvelle réqui¬ sition de huit quintaux par charrue, que j’avais exigée de tout le département; mais il fallait aussi donner aux corps administratifs. un surcroît d’autorité, afin d’accroître leur influence sur cet objet important. Il fallait aussi éloigner F effet fâcheux des réquisitions arrachées au ministre de l’intérieur. La nou¬ velle administration des subsistances vient de prendre une détermination très sage et qui préviendra à l’avenir le désordre et la confusion, et je suis assuré que les corps administratifs se prêteront à justifier la confiance qu’elle leur témoignera. � Mais pour donner une idée de l’énergie et de l’activité que j’ai employées dans l’exécution des mesures propres à assurer l’approvisionne¬ ment de Paris, il me suffira de citer un seul fait. Arrivé à Provins, j’apprends qu’il n’y a pas un seul boisseau de grains dans les magasins de Paris; je me rends au district. Je venais de recevoir une lettre du maire de Paris, qui m’annonçait des embarras et des alarmes. Je la communique aux administrateurs; je parle avec force, j’invite, je presse, je menace. Des recherches sont faites sur-le-champ, par mon ordre, dans toute la ville; et dans l’intervalle de trois ou quatre jours, quarante mille bois¬ seaux de grains sont versés dans les greniers de la commune de Paris, et cette abondance s’est soutenue, pendant mon séjour dans le département, de la manière la plus satisfai¬ sante. Il est, je pense, important sous tous les rapports, de ne point priver les corps adminis¬ tratifs de leur surveillance sur les agents su¬ balternes. Peut-être serait -il à désirer qu’ils fussent consultés sur les mesures de détail; il est au moins certain que les réquisitions ne souffrent actuellement aucune difficulté, et il paraît que l’ordre commence à s’établir dans cette partie si importante de l’économie poli¬ tique. Les moulins locaux que l’on avait laissés dans l’inaction, tandis que l’on trans¬ portait les grains du département dans les moulins de Corbeil et de Gonesse, ont repris de l’activité; les transports par eau sont devenus faciles; les arrivages à Paris se feront avec plus d’abondance et de régularité. Le nouveau moyen des réquisitions décadaires sera suivi sans difficulté. Les subsistances sont abon¬ dantes dans le département de Seine-et-Mame, et les recensements qui ont été faits, ont été si vicieux, qu’il n’est pas possible d’y avoir égard. Mais, par rapport aux recensements, j’observerai qu’à moins d’ordonner des visites domiciliaires, il sera difficile d’obtenir sur ce point un état même approximatif de la quantité générale, puisque les recensements faits chez les fermiers, cultivateurs et propriétaires ne donneront jamais aucune notion sur celle qui est récé-lée par les particuliers détenteurs de grains, contre le but formel de la loi. Des visites domi¬ ciliaires furent ordonnées par mon collègue Maure et moi, à l’époque du mois de juillet der¬ nier, d’après les inquiétudes que nous avaient marquées les administrateurs du département, au sujet de la prétendue pénurie des grains. Dans le seul district de Rosoy, des visites domi¬ ciliaires faites chez les fermiers, meuniers et autres présumés détenteurs de grains, nous donnèrent un résultat de dix-sept mille setiers disponibles, prélèvement fait de la quantité nécessaire pour la subsistance des habitants pendant un mois. Au surplus, on attend beaucoup de la nou¬ velle administration des subsistances; puisse-t-elle réaliser ces espérances et réparer les erreurs de l’ancienne ! Il en est de cette, partie du gou¬ vernement comme de toutes les autres : les gens qui ont trop d’esprit gâtent tout; à force de multipüer, de compliquer les rouages de la machine, ils entravent ses mouvements, ou bien ils ne la font aller que par bonds et saccades, tandis que des hommes ordinaires, mais doués de quelques lumières et de beaucoup d’expérience, animés par le grand motif du salut public, vertueux par principes, fermes et énergiques par caractère, parviendront à imprimer un mouvement régulier et uniforme, à prévenir de grands abus et peut-être de grands malheurs. Militaire. i Les bataillons de la nouvelle réquisition se sont formés assez rapidement dans le dépar¬ tement de Seine-et-Mame; mais les effets d’habillement et d’équipement n’ont pas été fournis avec la même rapidité partout. Dans lo district de Melun et celui de Rosoy, les volontaires ont été habillés et équipés avec beaucoup de célérité. Déjà deux bataillons sont partis du district de Melun, pour l’armée du Nord; le bataillon de’ Faremoutiers a reçu l’ordre de partir pour la même destination. L’habillement et l’équipement de ceux de Provins est avancé; et quant à ceux de Meaux, la rareté des draps et autres effets ayant obligé l’agent militaire d’aller passer des marchés à Paris, il en est résulté des lenteurs, mais qui n’ont point ralenti l’empressement et l’ar¬ deur guerrière de ces nouveaux défenseurs de la patrie. Les deux bataillons de Nemours sont moins nombreux; mais leur courage n’est point inférieur à celui de leurs frères d’armes des autres districts. Cette valeureuse jeunesse, ani¬ mée de l’enthousiasme de gloire, pénétrée du saint amour de la patrie, n’aura point de peine à se plier à la subordination et à la discipline militaires. Ses progrès rapides dans l’art des marchés et des évolutions, étonnent ceux qui ont quelque idée de la peine qu’éprouvaient jadis ceux qui étaient chargés de dresser les tristes mannequins du despotisme. Ils mar¬ cheront avec joie contre les ennemis de la patrie; ils combattront avec intrépidité; ils seront grands et généreux dans la victoire. La République peut compter sur plus de dix mille braves volontaires dans le département de Seine -et -Marne. Contributions publiques. Dans ce département, le paiement des contri¬ butions publiques était singulièrement ralenti; les redevables ne payaient point, parce qu’on ne leur demandait rien; les recettes étaient arrié¬ rées, et les receveurs, par une suite de cet esprit d’insouciance et de modérantisme qui avait tout glacé, tout engourdi, ne pressaient point les contribuables. On a dû remarquer, depuis le commencement de la Révolution, que les départements qui étaient � les plus voisins de la révolte et de la contre-révolution, étaient aussi ceux qui n’acquittaient pas leurs impositions. J’ai enfin communiqué le mouve- [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j ai'novJmbreT:� ment à cette intéressante partie de la fortune publique. Les contributions arriérées ont été versées et le sont encore journellement dans des greniers particuliers. Déjà, dans quelques districts, le recouvrement en est très avancé. Les contribuables avaient des facultés pour payer, ils en avaient même la volonté, et ils paraissaient en attendre l’ordre formel an nom de la loi. Cette mesure va faire rentrer aussi beaucoup d’assignats de la part des non -proprié¬ taires; mais il est une espèce de contribution qui doit éprouver des non-valeurs, par la diffi¬ culté des recouvrements et l’impossibilité où se trouveront beaucoup de contribuables de s’acquitter; je veux parler de la contribution mobilière. Au reste, la Convention nationale peut être assurée que le département de Seine-et -Marne ne sera bientôt plus en arrière pour les contributions. Contribution sur les riches. En arrivant dans le département de Seine-et-Marne, j’avais fait une proclamation invitatoire aux citoyens riches et aisés, de venir au secours des familles pauvres des défenseurs de la patrie. Il était temps de rappeler aux riches le souvenir des sentiments qui doivent être chers à des Français. Depuis l’époque de la Révolution, les pauvres sans-culottes prodiguent leur sang pour la patrie; ils sont partout, toujours dans les postes pénibles et périlleux. Des milliers de sans-culottes ont succombé sous le fer des assassins contre-révolutionnaires et sous celui des assassins soudoyés par les tyrans; ils ont défendu les personnes et les propriétés des riches ; ils ont tout fait pour la liberté : les riches, au contraire, ont tout fait contre elle. Ennemi de l’égalité, accoutumé à fouler aux pieds l’humble pauvreté ; sans moeurs, sans principes, sans caractère, corrompu dès l’enfance, amolli par le luxe et les jouissances, l’homme riche détestera toujours la démocratie; il s’élancera toujours vers le passé, qui flattait son orgueil et favorisait la mollesse et la lâcheté. Les riches du département de Seine-et-Marne furent encore une fois insensibles, inhumains, barbares; mais ils furent aussi, comme à l’ordi¬ naire, imprudents, impolitiques et mauvais calculateurs. Ils pouvaient, par un mince sacrifice individuel, avoir droit à la reconnais¬ sance des sans-culottes ; ils eurent la maladresse de s’y refuser. La contribution volontaire n’avait produit tout au plus que 12 à 15,000 livres dans tout le département, et ces dons paraissent même avoir quelque chose de dérisoire. J’ai cru que je pouvais et que je devais réparer le déficit prodigieux de cette recette, en exigeant une contribution forcée; et cette contribution a eu pour bases, non seulement la fortune reconnue des citoyens riches, et aisés, mais aussi et principalement leur aristocratie, leur incivisme notoire; et certes ils n’auront pas à se plaindre, car on n’a point usé de rigueur, et la proportion a été toujours adoucie en faveur des contribuables. Au reste, une partie des sommes qui proviendront de cette contribution sera destinée à accorder un secours de 500 livres à chaque famille pauvre des défenseurs de la patrie. La Convention leur avait déjà donné la faculté d’acquérir de petites portions ou lots de terre sur les biens des émigrés; et comme la vente de ces biens est déjà, ouverte dans ce département, il leur sera sans doute plus avan¬ tageux de payer comptant ; et la trésorerie natio¬ nale recevra aussi sur-le-champ un capital qu’elle ne pourrait recouvrer qu’à des époques reculées. Vente des biens des émigrés. : La République ne peut être solidement éta¬ blie que sur les débris du trône et sur la des¬ truction totale de ses lâches et criminels suppôts. Un décret de la Convention nationale avait ordonné la vente prochaine des biens immeubles des émigrés, et à mon arrivée dans le départe¬ ment je me hâtai de prendre un arrêté portant injonction aux administrations de district de faire procéder à l’estimation de ces propriétés et par suite à leur vente et adjudication. Les formalités nécessaires ont entraîné quelques lenteurs ; cependant, dans quelques districts, des estimations et affiches de vente ont été faites. A mon départ de Meaux, le délai était expiré et l’adjudication devait se faire d’un objet assez important. Dans le district de Rosoy, des adjudications ont déjà été faites très avanta¬ geusement et aux cris de Vive la République! A Melun, sans la nécessité où je me suis vu de casser une administration de district, qui s’était rendue complice des plus infâmes dilapidations, les choses seraient encore plus avancées. Partout l’impulsion est donnée, et j’ose assurer que les biens des émigrés seront avantageuse¬ ment et promptement vendus dans le dépar¬ tement de Seine-et-Marne. Les fermiers, pro¬ priétaires, etc, ont beaucoup d’assignats, et on n’aura pas de peine à le croire, quand on saura que depuis la Révolution ils ont eu d’immenses récoltes, qu’ils ont vendu toujours fort cher leurs grains et autres denrées, que la loi du maximum qui avait fixé le prix du grain à . . . dans le département de Seine-et-Marne, n’a pas empêché qu’ils ne l’aient vendu jusqu’à 60 et 70 livres. Les fermiers sont riches, et maintenant qu’ils commencent à ne plus compter sur la contre-révolution, ils s’empres¬ seront d’acheter des propriétés territoriales dont ils sont avides ; les assignats et le numéraire métallique qu’ils avaient enfouis reparaîtront et il vaut mieux après tout, que ces riches et superbes propriétés tombent entre les mains des fermiers, puisqu’il est impossible qu’elles soient généralement morcelées et divisées. On trouvera les moyens de réprimer leur infâme cupidité; on les forcera à se montrer hommes, Français et citoyens. Démolition des châteaux forts. Dès que j’eus connaissance du décret de la Convention qui ordonne la démolition des ch⬠teaux forts, j’adressai un réquisitoire aux corps administratifs, pour presser l’exécution de cette mesure de salut public; j’invitai les Sociétés populaires à envoyer des commissaires qui, de concert avec ceux envoyés par les corps admi¬ nistratifs, se sont rendus sur les lieux pour examiner et dresser des procès-verbaux du site, de la ferme et des alentours de ces châteaux. Le district de Rosoy a vu le premier tomber un de ces repaires. Les braves volontaires de Fare-moutiers ont attaqué le château fort d’un sieur Langlois, situé à Pommeuse; et déjà, malgré des réclamations et intrigues, malgré l’énorme épaisseur des tours et donjons, cet antique monument de la tyrannie est sur le [Convention nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j î/ nombre* " 793 598 point de disparaître. Le château de Pommeuse tombe aux cris mille fois répétés de Vive la République, et les autres repaires de cette nature ne tarderont pas d’avoir le même sort. La Con¬ vention nationale, en interprétant son décret du 28, aura sans doute l’attention de ne pas en adoucir la sévérité En vain les ci-devant sei¬ gneurs réclameront, intrigueront contre ce salutaire et bienfaisant décret; tous les sans-culottes en attendent l’exécution avec impa¬ tience. Il est temps, disent-ils, que l’on ne voie plus, sous le régime de l’égalité, de somptueux et superbes palais s’élever insolemment sur. des chaumières, il est temps que les anciennes citadelles de la féodalité ne régnent plus sur le territoire de la liberté, et ne présentent plus le contraste révoltant de la triste et féroce tyrannie des nobles, insultant encore, après la destruc¬ tion, au triomphe de la liberté et du sans-culot-tisme. Comités révolutionnaires, maisons de détention. Les comités de surveillance, établis en pe¬ tit nombre dans le département de Seine -et - Marne, étaient, avant mon arrivée, totalement dans la dépendance et sous le joug des munici¬ palités; leur action était nulle : ils n’avaient ni le pouvoir ni même la volonté d’agir; aussi n’avaient-ils absolument rien fait avant la loi du 17 septembre D’après l’impulsion que j’ai communiquée, un grand nombre de ces comités se sont formes, même dans les communes de campagne ; mais il est arrivé que dans plusieurs communes leur formation a été illégale; et cet abus, qui aurait pu dégénérer en oppression con¬ tre les patriotes, a été réprimé. La plupart de ces petits comités, créés et organisés contre le texte et le but de la loi, seront supprimés ; et en attendant ils sont contenus par la surveillance générale sur tout leur district, que j’ai accordée à quelques comités sur lesquels je pouvais compter. Au surplus, les arrestations ont été nombreuses; les maisons de détention ont été établies dans des endroits salubres ; les détenus y sont traités avec humanité et sous la garde des sans -culottes; ils n’ont aucun motif légitime de se plaindre, puisque la privation d’une liberté dont ils ont tant abusé, dérive du grand intérêt du salut de la patrie. Hôpitaux militaires. J’ai visité les hôpitaux militaires, et ils m’ont paru assez bien dirigés. Les malades et les bles¬ sés paraissent contents, et aucune plainte ne s’est élevée contre les administrateurs, les offi¬ ciers de santé, les infirmiers et ministres. Tous les braves militaires qui ont versé leur sang pour la patrie au combat près de Maubeuge et dans d’autres actions, y sont traités avec tous les égards que méritent leurs services et leur généreux dévouement. Ils ont crié avec moi et avec le même enthousiasme : Vive la Répu¬ blique ! vive la Convention ! Vivent les sans-culottes ! Au reste, ces hôpitaux, et surtout celui de Saint -Faron, à Meaux, sont grands, spacieux, bien aérés; la nouvelle salle qui se forme dans l’église, sera une des plus vastes et des plus salubres de toute la République. „ î � j Progrès et état actuel de V esprit publie. L’esprit public a fait de rapides progrès dans ce département. Avant moi, le sans-culottisme y était complètement ignoré; j’ai eu le bonheur de le répandre et de l’établir partout dans mes nombreuses courses; entouré par les sans-cu¬ lottes, je leur ai fait entendre l’énergique lan¬ gage de la raison et de la vérité; je leur ai fait connaître leurs droits; je leur ai fait apprécier leur nombre, leur force, et la faiblesse et la lâcheté de leurs ennemis. Le département de Seine-et-Marne est maintenant sans-culottisé; de nombreuses Sociétés populaires se sont for¬ mées, et la raison y a fait de rapides progrès ; le fanatisme y est expirant; les curés s’empres¬ sent de donner leur démission ; d’autres ont légi¬ timé le penchant le plus doux de la nature. Tous les signes de la superstition disparaissent. Dans quelques églises, les confessionnaux ont été détruits ou enlevés, et placés au coin des rues, pour servir de guérites. Corps administra¬ tifs, municipalités, comités révolutionnaires, tout paraît formé dans le sens énergique et vigoureux que nécessitent les mesures révolu¬ tionnaires. Tout ira avec force, avec rapidité, avec succès ; l’ aristocratie en a frémi ; elle a invo¬ qué la calomnie, elle a osé réclamer même la liberté; comme si la liberté pouvait être l’apa¬ nage des conspirateurs, des traîtres qui n’ont cessé de la desservir, de l’outrager, de la calom¬ nier. Un grand mouvement est imprimé; une grande commotion vient d’être communiquée au peuple; c’est à la Convention nationale à en diriger, à en protéger les salutaires effets. Sou¬ tenons le sans-culottisme, puisque c’est lui qui défend la liberté, qui soutient la République et qui assurera son triomphe. Soyons en garde contre les dénonciations qui frappent le petit nombre des patriotes énergiques, vertueux, in¬ corruptibles, qui ont soutenu et nourri l’enthou¬ siasme du peuple pour la liberté et l’égalité. Un système de diffamation paraît être suivi, avec autant d’adresse que de perfidie, contre ceux qui ont rempli des fonctions publiques avec quelque degré d’énergie. Des dénonciations sont accueillies légèrement ; et sans examiner le degré de confiance qu’elles méritent, sans discuter le civisme, sans pénétrer les intentions, sans péné¬ trer les motifs des dénonciateurs, on cite au tri¬ bunal de l’opinion et de la censure publique des citoyens irréprochables; on répand la défiance et le découragement ; on avilit même l’autorité, qui n’est véritablement grande et respectable qu’autant qu’elle est fondée sur l’opinion et la confiance qui en dérive. Fêtes civiques. J’ai terminé la plupart de mes opérations révolutionnaires par des fêtes civiques. Rien ne m’a paru plus propre à faire chérir au peuple les principes de la régénération morale et poli¬ tique. Les impressions que ces touchantes céré¬ monies ont faites sur l’esprit de nos bons sans-culottes, m’ont paru profondes et durables. La paix, l’union, la fraternité y ont constamment régné, et je me suis assuré que ce moyen est un des plus assurés pour répandre et propager au loin l’amour de la liberté et la haine de la tyrannie. A Samoy, à Rosoy, à Coulommiers, à Provins, j’ai donné des fêtes qui ont été termi¬ nées par un banquet simple et frugal, dont les [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. J" fr™X *r«3 ' &99 aristocrates ont fait les frais, sans qu’il en ait coûté un sou à la République. Econome exact et avare de l’argent de la nation, j’avais pris, avant de partir, 3,000 livres à la trésorerie natio¬ nale,* je rendrai 300 et quelques livres qui me restent encore, après deux mois et quelques jours de séjour dans le département de Seine-et-Marne, après des courses multipliées qui m’ont coûté des frais de poste considérables, des expé¬ ditions coûteuses, mais nécessaires, et une mul¬ titude d’autres dépenses inséparables d’une mis¬ sion aussi importante. Voilà, citoyens mes collègues, l’exposé naïf et sincère de ma conduite dans le département de Seine-et -Marne. J’y ai fait le bien et je m’y suis fait de nombreux amis; mais j’ai déchaîné contre moi les turbulentes passions de la haine et de la vindicte personnelle. J’ai déjà été dé¬ noncé, et qui l’eût cru? par un homme qui se dit patriote et qxd avait été à portée de con¬ naître mes actions, de juger mes principes et mon caractère. Je le ferai encore, je m’y attends ; mais, sûr du témoignage de ma conscience, assuré d’avoir rempli ma mission suivant vos vues, je compte sur votre justice, je compte sur votre amitié, sur nos communs intérêts, puisque mes ennemis sont aussi les vôtres, sont ceux de la République que nous avons fondée et que nous soutiendrons toujours avec le même cou¬ rage, la même énergie, la même intrépidité. III. La Société populaire de Tours demande la REVISION DE TOUTES LES ADJUDICATIONS DE BIENS NATIONAUX FAITES AUX MEMBRES D’AD-MINISTRATIONS DE DÉPARTEMENTS, DISTRICTS* ET MUNICIPALITÉS ET D’UNE MANIÈRE GÉNɬ RALE, A TOUS FONCTIONNAIRES CHARGÉS DU TRAVAIL PRÉPARATOIRE DE LA VENTE OU RÉGIE DESDITS BIENS (I). Suit le texte de la pétition de la Société populaire de Tours, d’après un document des Archives nationales (2) : La Société populaire de Tours, à la Convention nationale. « Législateurs, « La Société populaire de Tours se glorifie de l’initiative du salutaire décret qui a ordonné le scrutement des fortunes de tous les fonction¬ naires publics depuis la Révolution. « Les aristocrates masqués veulent entraver la marche rapide de la Révolution, et au fana¬ tisme qui s’éteint se succèdent l’intrigue et l’am¬ bition, deux fléaux destructeurs de l’harmonie d’une République naissante. « Législateurs, acharnez-vous à la poursuite de ces deux espèces de contre-révolutionnaires, frappez, et qu’ils n’existent plus. (1) Cette pétition de la Société populaire de Tours n’est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 1er frimaire an II; mais l’original, qui existe aux Archives nationales, se trouve joint à la pétition de la même Société insérée au cours de la séance et relative à Senard. (Voy. ci-dessus, p. 573.) Il est donc à présumer qu’elle a été pré¬ sentée à la Convention en même temps que cette dernière pétition. (2) Archives nationales, carton C 285, dossier 827. « Nous avons découvert un de ces agioteurs d’une spéculation d’autant plus criminelle, d’au¬ tant plus dangereuse dans ses coups liberticides, qu’ils sont portés à l’abri de l’autorité et dans le silence des opérations administratives. « Cet abus, s’il n’était réprimé, renverserait la fortune publique, annihilerait l’hypothèque sacrée des assignats. « Ce traître ne siège plus parmi nous, nous l’avons repoussé avec horreur, et nous l’avons-livré à toute la sévérité des lois. j « Ce n’est pas assez de purger le temple de la liberté du perfide qui le souillait, il faut encore le purger des fripons qui se sont enrichis .à la Révolution ; il faut que des républicains ne laissent aucune prise à leurs ennemis; il faut que l’ombre même du soupçon ne puisse les atteindre. « Le mode d’exécution que vous venez de donner à votre décret ne laisse rien à désirer, mais il est une espèce de délit de ce genre qui occupe en ce moment la sollicitude de la Société populaire de Tours. Elle a découvert et constaté le crime d’un commis de district chargé du tra¬ vail préparatoire à la vente des biens nationaux qui, en tronquant une affiche dans le dessein d’écarter les concurrents aux enchères, est par¬ venu à se faire adjuger à bas prix un bien national très considérable. « Elle a encore dénoncé le coupable aux tri¬ bunaux qui vont en faire justice. Mais comme sa surveillance en activité continuelle sur les délits de ce genre qui ont été très fréquents est bornée aux limites de son district, et qu’il importe de donner sur cet objet, à la surveil¬ lance des Sociétés populaires une impulsion générale dans toute la République, la Société vous demande de décréter : « 1° La révision de toutes les ajudications de biens nationaux de toutes espèces qui ont été faites aux membres d’administrations, de dé¬ partements, de districts et municipalités, aux secrétaires, commis et agents de leurs bureaux, faites à tous fonctionnaires chargés du travail préparatoire des ventes ou régie desdits biens, directement ou indirectement par la voie de prête-noms ou de leurs parents ; « 2° Que les biens seront estimés de nouveau par des experts nommés ad hoc et pris dans le sein des Sociétés populaires, eu égard à leur valeur lors de la vente, pour les états desdits biens contenant leurs estimations et les prix des adjudications être remis dans un mois au comité d’aliénation de la Convention et un double envoyé aux Sociétés populaires de la situation des biens; « 3° Qu’il sera fait recherche de toutes les fraudes qui auraient pu se pratiquer dans les ventes desdits biens, soit par défaut d’estima¬ tion préalable, soit par l’inexécution de quel¬ ques-unes des formalités ordonnées par la loi, ou par des manœuvres tendantes à écarter les enchérisseurs, et à rendre nul le bienfait des enchères ; « 4° Qu’à l’avenir les administrations de dis¬ trict seront responsables de l’omission des for¬ malités ordonnées par la loi, dans la vente des biens nationaux faite aux particuliers ; « 5° Qu’il sera créé dans toutes les Sociétés populaires, une Commission de 6 membres char¬ gée du travail de la vérification desdites ventes, des états à envoyer, et d’en faire le rapport au comité d’aliénation de la Convention. « Législateurs, la dilapidation effroyable des