394 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 décembre 1190.] sitions, le pacte fédératif fut juré entre les deux corps, à la face du ciel, sur la place d’Hesdin. Le procès-verbal de ce serment vous a été lu et vons y avez applaudi ; l'Assemblée a même décrété que son président en témoignerait sa satisfaction au répiment de Royal-Champagne. Le témoignage flatteur de l’Assemblée nationale fut suivi presque immédiatement de l’ordre du ministre de quitter Hesdin. Cet ordre parut à la garde nationale une punition pour ses frères confédérés, et elle s'opposa au départ; les cavaliers l’envisagèrent sous le même point de vue et envoyèrent un de leurs adjudants à Paris. 11 se présenta aux trois comités réunis. Le résultat de la négociation qui eut lieu avec le ministre à celte époque fut que l’ordre du départ serait suspendu, et que les comités, de leur côté, écriraient au régiment qu’il se rendait coupable en n’obéissant pas aux ordres du roi. Depuis l’époque du pacte fédératif jusqu’au milieu de juin, il n’y eut pas le moindre mouvement dans Hesdin. Ce fut alors seulement que les cavaliers firent des réclamations pour ce qui pouvait leur être dû. Elb-s furent d’abord mal reçues : les chefs consentirent ensuite à entrer en compte, les soldats se relâchèrent sur plusieurs points, et ce compte fut soldé pour une somme de 5 à 6,000 francs. — Le 1er août, les officiers rendirent un repas à la garde nationale et à la municipalité ; il fut précédé de la promotion de M. (Mille au grade de sous-lieutenant. L'Assemblée nationale venait de rendre un décret qui défendait toute promotion jusqu’à nouvel ordre; les cavaliers crurent voir dans la promotion de M. Odille une infraction à ce décret. — Le régiment se rassemble sans armes le lendemain devant la porte du major, et déclare qu’il ne reconnaîtra point M. Odille, pas plus que M. Fongard, promu à la place de maréchal des logis. « M. Point, adjudant, invoque le décret sur lequel était fondée toutela résistance durégiment, ui se sépara après cette déclaration. — Le corps es officiers députe à Paris pour dénoncer cet acte de rébellion ; le régiment y députe de son côté MM. Point et Chevreuil. Un décret du 7 août improuvele régiment, qui devait commencer par obéir. — Deux jours avant ce décret, M. Fournez, député à l’Assemblée nationale et commandant du régiment de Royal-Champagne, écrivit aux officiers de ce corps que le décret qu’ils sollicitaient du comité militaire serait sévère. Il leur conseillait de se mettre sous la protection de la municipalité, pour être à l’abri de la fureur des cavaliers, etc... La municipalité d’Hesdin se met dans un état de défense formidable, fait braquer quatre canons devant la maison commune, fait réparer une grande quantité de cartouches, etc... a garde nationale est instruite de ces préparatifs, s’en indigne et obéit, et la municipalité calomnie jusqu’à l’obéissance de ceux dont l’opinion n’est pas la sienne; elle écrit à M. Biandos pour lui demander une troupe suffisante pour faire exécuter le décret présumé de l’Assemblée nationale. « La demande de la municipalité est accueillie par le commandant de la ci-devant province d'Artois, et il lui envoie trois cents hommes. Plusieurs témoins affirment dans l’information qu’à cette époque la tranquillité n’était pas troublée... — L 'information volumineuse que nous avons eue sous les yeux ne devrait nous représenter que des faits postérieurs au 14, parce que le décret du 14 avait effacé tous les faits antérieurs; cependant cette information confond toutes les dates. Je vais vous faire l’histoire des opérations qui ont produit l’immense volume des pièces qui nous ont été produites, et peut-être penserez-vous que nous ne devons pas nous en occuper. .............. « Je me résume. Il n’y a eu dans le régiment de Royal-Champatrne aucune insubordination depuis fe 14 août, jour de la proclamation des décrets. Les sous-officiers et cavaliers chassés ont été punis sans cause, et punis par un acte arbitraire. Des cartouches infamantes leur ont été distribuées en violation des décrets de l’Assemblée nationale. Les officiers municipaux d’Hesdin à l’instigation des officiers des régiments de M. Biandos, deM. Fournez, ont provoqué cet acte arbitraire. La municipaiitéqui, au désir des officiers, s’est mise en avant, a de son chef, et au risque de porter le trouble et l’incendie dans la ville, tout préparé d’avance : elle a fait venir des troupes réglées pour une exécution militaire qui ne la concernait pas , elle a provoqué un ordre pour casser et chasser de leurs corps des militaires, comme si la police d’un corps militaire avait été de son ressort ; elle a disposé cette exécution, elle y a présidé; elle a, pour la consommer, fait parcourir à la maréchaussée les territoires des communes voisines, à quatre lieues de distance ; le commandant de la province lui-même n’a agi qu’en sous-ordre; elle a usurpé le pouvoir militaire dans toute sa plénitude ; et lorsque les honnêtes citoyens dont elle compromettait la sûreté ont osé témoigner une opinion contraire à de pareilles mesures, elle les a outrageusement inculpés. « Cette conduite de la muncipalité est d’autant plus répréhensible que, dans tous les temps, elle a tracassé la garde nationale, soit en l’empêchant de délibérer sur les objets qui la concernaient, soit en favorisant des projets qui tendaient à la dissoudre, soit en entrant dans tous les détails de service nécessaire pour exécuter ses réquisitions. Eu dernier lieu elle a fait proclamer une défense aux citoyens de sortir en armes hors du service, c’est-à-dire avec leurs sabres, puisqu’ils n’ont pas de fusils. La violation des décrets est démontrée, le mépris qu’en a fait le ministre est évident, le tort qu’a occasionné ce grand délit n’est pas douteux. Les ministres sont responsables, ils le sont dans tous les temps de leur vie, et quoique M. La Tour-du-Pin ait donné sa démission, il ne doit pas moins compte à la nation de la gestion de sa place. Nous devons à la nation un grand exemple : un ministre a prévariqué; il faut que ses pareils apprennent que la responsabilité n’est pas une chose vague. Des soldats ont été chassés ignominieusement et sans cause; il faut que l’armée sache que la justice nationale est égale pour tous. Voici l’instant de démontrer que l’ancien système est en effet anéanti, que vous lui avez substitué le règne de la loi; voici l’instant de faire voir aux soldatsqu’en leur accordant de correspondre avec l’Assemblée nationale vous ne leur avez pas accordé un vaia droit; qu’en leur promettant de punir leurs officiers lorsqu’ils manqueront à la loi vous ne leur avez pas fait une vaine promesse. » M. le rapporteur propose, en terminant, un projet de décret portant en substance que les congés délivrés aux sous-officiers et cavaliers du détachement de Royat-Ghampague sont nuis et de nul effet; qu’ils toucheront leur solde jusqu’à leur replacement ; que le roi sera prié de les incor- [11 décembre 1790.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. porer dans la maréchaussée, conformément à la demande qu’ils en ont faite et suivant l’ordre de leur ancienneté et de leurs grades respectifs ; que l’Assemblée improuve M. La Tour-du-Pin, ci-devant ministre de la guerre, et qu’elle improuve pareillement la conduite de la municipalité, en ce qu’elle a excédé les bornes de son pouvoir. M. du Châtelet. Je déclare que je ne discuterai point la question ; le rapport que vous venez d'entendre vous en a déjà lassés : mais je vous demanderai par quel étrange renversement de principes il suffit, depuis quelque temps, d’exercer une autorité quelconque, civile ou militaire, pour avoir des torts, et pourquoi les subordonnés, quelque coupables qu’ils soient, ont toujours raison lorsqu’ils résistent à l’autorité de leurs chefs.. . Vous avez décrété comme article constitutionnel l’égalité; et quand vous ne l’auriez pas décrétée, les décrets immuables de la nature l’avaient établie; mais ce principe ne détruit point celui de la subordination... Personne ne respecte plus que moi la profession des armes; deux militaires du même âue, de la même valeur, sont égaux à mes yeux. Jadis les grades supérieurs n’étaient accordés qu’aux classes privilégiées ; cependant il fallait avoir rendu quelques services à l’Etat. Si vous ôtez toute considération aux chefs, si vous ne les soutenez, vous détruirez la subordination... Je respecte les soldats-citoyens répandus sur toute la face du royaume pour la défense de leurs foyers ; mais ce n’est pas le nombre des troupes, c’est la discipline qui fait la force des armées manœuvrières. . . Je demande que, conformément au principe qui constitue le roi chef suprême de l'armée, vous ne vous occupiez pas davantage de cette affaire, et que vous prononciez qu’il n’y a pas lieu à délibérer. M. Robespierre. Des punitions ont été prononcées sans jugement; donc il y a de l’arbitraire, de l’oppression. La forme dés congés délivrés aux cavaliers de Royal-Champagne est illégale ; elle eût été considérée comme telle, même sous l’ancien régime. Les congés devaient dégager purement et simplement les soldats de leur service, et contenir témoignage de bonne conduite et bons services. Au contraire, les congés dont il est ici question intimaient aux soldats l’ordre d’aller chez eux. Ce sont très réellement des lettres d’exil; c’est une flétrissure terrible, arbitraire. Il est impossible que cet acte d’oppression vous soit dénoncé, et que vous ne prononciezpas la restitution de leur état à d< s soldats qui en ont été arbitrairement dépouillés. Il n’y a aucune déposition précise, aucune accusation contre eux; l’information ne contient aucun fait qui indique l’insubordination. Vous voyez, au contraire, que le prétexte d’insubordination a été l’un des moyens qu’on a employés pour expulser du corps les soldats les plus patriotes, les pins amis de la Constitution. Quelques mesures qu’on ait prises pour les provoquer, soit par un système combiné d’oppressions, soit par l’intermédiaire de quelques-uns de leurs camarades, ils ont constamment persisté dans la subordination, dans la fidélité à la loi. Ne pouvant réussir par les moyens que je viens d’indiquer, on a recours au despostime ministériel. Vous ne pouvez vous empêcher de rendre justice à ceux qui en ont été les victimes. . . Quant à la municipalité, vous avez vu qu’elle s’est mise à la tête du parti antirévolutionnaire, qu’elle a provoqué les actes abitraires exercés 395 contre les cavaliers, qu’elle a usurpé le pouvoir militaire, et vous devez l’improuver... La garde nationale d’Hesdin est réduite aujourd’hui à un tel point d’avilissement qu’elle n’obéit plus à ses chefs, qu’elle est l’esclave du maire, qui s’est mis à sa tête, qui a réuni à ces fonctions celle de commandant de la garde nationale, pour protéger le parti contre-révolutionnaire. Vous devez un grand exemple de justice à l’armée ; j’appuie le projet de décret de vos comités. M. d’Estourmel. Ce projet de décret contient deux dispositions dont l’une tend à improuver la conduite du ministre et l’autre la municipalité. Vous vous rappelez que c’est en vertu du décret du 7 août que deux commissaires du roi furent envoyés sur les lieux; or, à coup sur, on ne peut trop s’en rapporter à ces deux citoyens connus par leur patriotisme, puisque tous les deux ont été nommés présidents de leur départements. Je demande, par amendement, d’improuver votre comité militaire. M. de Noailles. J'appuie la motion. M. d’Estourmel. Au reste, ces improbations ne signifient rien : ce qu’il importe à l’Assemblée, c’est de rendre justice à qu’il appartient; mais pour ce, il faut que des hommes prévenus soient jugés. Comment peut-il donc arriver que l’on vous propose de faire entrer les soldats du régiment de Champagne dans la maréchaussée avant de s’être innocentés. Il faut donc un conseil de guerre qui condamne les coupables, soit les soldats, soit les officiers. Quant à la municipalité, je demande qu’il soit sursi jusqu'au jugement de la cour martiale. M. de Marinais. Le rapporteur a inculpé les commissaires envoyés à Hesdin ; il vous a dit qu’ils avaient effrayé les soldats, qu’ils n’avaient pas reçu les dépositions qui leur étaient favorables ou qui inculpaient les officiers. Eh bien ! ces commissaires sont d’excellents citoyens, puisqu’ils ont été nommés présidents de deux corps administratifs... On vous propose de rendre justice aux soldats, de les faire replacer dans la maréchaussée. Si l’Assemblée se mêle de juger les délits militaires, elle donnera à l’armée une forme monstrueuse d’où il résultera la dissolution de la monarchie. Je demande que les cavaliers de Royal-Champagne soient jugés par une cour martiale. M. de Noailleg. Lorsque vous avez agité la question de savoir s’il était utile de déclarer à l’Europe entière que les agents du pouvoir exécutif n 'avaient plus la confiance de la nation, j’ai été un de ceux qui ont voté avec le plus de zèle, dans vos comités ou dans le corps constituant, en faveur de cette disposition. Aujourd’hui qu’un de ces mêmes agents, éloigné des fonctions ministérielles, est inculpé dans cette Assemblée sans preuves suffisantes pour établir une dénonciation et jugé sans avoir été entendu, je croirais manquer à un devoir sacré si je différais de prendre sa défense. Vos comités réunis vous présentent un décret qui renfi rme trois dispositions : la première improuve la conduite de M. La Tour-du-Pin, ci-devantmiuistre de la guerre ; la seconde improuve la municipalité d’Hesdin ; la troisième ordonne au président de se retirer par-devers le roi pour le prier de destiner les premières places de la