BAILLIAGE DE CHATEAU-THIERRY. CAHIER De Vordre du clergé du bailliage du Château-Thierry. Nota. Ce cahier manque aux Archives de l’Empire. Nous l’avons fait demander sans succès à Château-Thierry et à Laon. Nos recherches continuent et nous l’insérerons dans le Supplément qui terminera le recueil des cahiers, si nous parvenons à le découvrir. CAHIER De plaintes , doléances et remontrances que Vordre de la noblesse de Château-Thierry , assemblé en la ville du Château-Thierry , le 1er mars 1789, conformément à l’ordonnance de M. le lieutenant général dudit bailliage , en l'absence . de M. le grand bailli dudit lieu, rendue en exécution des lettresde convocation des Etats généraux, données par Sa Majesté le 21 janvier dernier , entend être très-humblement présentées à Sa Majesté par sou député aux Etats généraux (1). La noblesse du bailliage de Château-Thierry, pénétrée de ce qu’elle doit à la justice et à la magnanimité du Roi, et usant des droits imprescriptibles dont ce prince, plus jaloux d’une autorité raisonnable et du bonheur de ses sujets que de l'excès d’un pouvoir arbitraire, daigne lui-même ressaisir la nation française, déclare, conformément à la protestation dont acte lui a été donné au procès-verbal de comparution des trois Etats dudit bailliage, le 10 du présent mois de mars : CONSTITUTION DE LA MONARCHIE. Art. 1er. Que la France est un gouvernement purement monarchique, et que le Roi, souverain chef et seigneur des Français, n’est subordonné qu’à la loi fondamentale du royaume. Art. 2. Que la loi fondamentale du royaume est celle qui fixe les principes sacrés et inviolables de la constitution française, et celle qui, étant accordée par le Roi sur le vœu et avec le consentement des Etats généraux de la nation, devient également sacrée et inviolable. Art. 3. Qu’aux seuls Etats généraux du royaume appartient le droit imprescriptible de consentir ou de refuser les impôts, et de concerter avec le Roi les lois qui, par la réunion de l’assentiment de la nation qu ils représentent et par la sanction du , Roi, deviennent lois fondamentales du royaume. et que nulle cour n’a jamais été et ne peut jamais être autorisée à les suppléer à cet égard. Art. 4. Que le Roi est seul revêtu du pouvoir (l) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat. législatif, limité néanmoins par les lois constitutionnelles et fondamentales du royaume, Qu’il est pareillement seul revêtu du pouvoir exécutif, qu’il tient des mains de la nation, et qu’il violerait son serment s’il en abusait. Art. 5. Que, par la loi fondamentale et à jamais inviolable du royaume, la personne du Roi est toujours sacrée, et le droit à la couronne héréditaire dans sa maison, de mâle en mâle, l’ordre de primogéniture gardé, à l’exclusion des hiles. Art. 6. Que la constitution à jamais inviolable des Etats généraux consiste : 1° dans le pouvoir indépendant des trois ordres de l’Etat, le clergé, la noblesse et le tiers, c’est-à-dire dans le droit de chacun de ces ordres; d’opiner et de décider librement et séparément sur ce qu’ils pensent convenir au bien de l’Etat et à leurs intérêts particuliers, sauf à eux, dans le cas d’une division d’opinions, à se rapprocher par les voies que chacun d’eux approuve, et qui ne sont pas contraires à leur indépendance mutuelle; 2° dans leur union indissoluble avec le Roi qui les préside, dont la sanction fait la loi, et dont l’autorité l’exécute. Art. 7. Que le clergé et la noblesse occupent en France, entre le Roi et le tiers-état, des rangs intermédiaires qui ne peuvent jamais être confondus, qui tiennent essentiellement à la constitution du gouvernement des Français, et dont le droit honorable de préséance doit être également conservé par le Roi, et respecté par le tiers-état. Art. 8. Que la noblesse �française est un corps essentiellement indivisible, qu’elle est primor-dialement fondée sur le droit inaltérable de la naissance, et que les titres, les grades ne sont que les illustrations particulières des familles qui les obtiennent. Art. 9. Que tous les Français sont essentiellement libres, c’est-à-dire qu’ils n’ont d’autre maître que la loi, d’autre chef que le Roi ou ceux qui le représentent, d’autres juges que les tribunaux approuvés par les Etats généraux établis par le Roi, et que nul Français ne peut être privé de sa liberté qu’aux termes delà loi, et pour être, à l’instant, remis entre les mains de ses juges naturels. Art. 10. Que la sûreté, la tranquillité, la propriété et l’honneur de tous les Français sont pareillement sous la sauvegarde de la loi, et inviolables comme leur liberté. Art. 11. Que tous les Français, de quelque ordre qu’ils soient, ont un droit égal aux récompenses publiques, chacun dans son ordre et suivant son grade dans la profession qu’il exerce, et sont également assujettis aux peines portées par la loi. Art. 12. Que tous les usages, de quelque espèce qu’ils soient, sous quelque nom et sous quelque forme qu’ils se soient établis, sont nuis de toute [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Château-Thierry. J 059 nullité s’ils sont contraires à la constitution et aux droits ci-dessus établis des Français, et que toute loi civile, criminelle et bursale, qui n’a pas encore reçu l’approbation des Etats généraux, ne peut être réputée irrévocable, tant qu’elle n’aura pas obtenu le consentement des futurs Etats généraux, de concert avec le Roi. Art. 13. Que les lois fondamentales sur la représentation de chaque ordre aux Etats généraux étant la liberté et l’égalité, les députés de la noblesse dudit bailliage doivent être élus par la totalité des gentilshommes propriétaires et domiciliés dans son ressort, et selon le rapport exact de la population du bailliage à celle des autres bailliages du royaume. Que les mêmes principes doivent être suivis pour la nomination des députés du clergé et du tiers -état, quand la proportion entre le nombre de leurs représentants et de ceux de la noblesse aura été déterminée par le vœu libre des Etats généraux. Art. 14. Que si une constitution aussi raisonnable avait toujours été saintement respectée, le royaume ne serait pas dans la détresse et dans la confusion où il se trouve, et que les violations faites aux droits ci-dessus exposés sont la première et la plus grave des doléances que la noblesse dudit bailliage charge son député de faire entendre, en son nom, aux Etats généraux. Art. 15. Que la constitution étant à la fois et le seul fondement solide de tout Etat, et le premier de tous les remèdes pour les maux qui travaillent présentement la France, et le seul moyen d’éviter à nos descendants de pareils malheurs, le député delà noblesse du bailliage est spécialement chargé de faire tous ses efforts pour que les Etats généraux ne s’occupent d’aucun autre objet avant d’avoir donné à la constitution des bases qui ne permettent plus de l’enfreindre. Art. 16. La noblesse dudit bailliage est dans la ferme résolution de ne consentir aucun impôt avant que le redressement porté en l’article ci-dessus 11’ait été délibéré. Elle enjoint expressément à son député de le déclarer en son nom aux Etats généraux ; en conséquence, elle le charge spécialement de faire entendre auxdits Etats généraux la nécessité : 1° d’obtenir du Roi une déclaration des droits de la nation et des droits individuels des Français ; 2° d’y faire insérer la doctrine contenue en chacun des treize� premiers articles ci-dessus; 3° de statuer, en tête de cet acte solennel et synallagmatique, que les droits qui y sont établis sont imprescriptibles, inaliénables� -inhérents à l’existence de la nation et à l’existence individuelle des Français. Art. 17. Et pour consolider et perfectionner l’exercice continuel et légal desdits droits, la noblesse dudit bailliage demande très-humblement au Roi, et charge spécialement son député aux Etats généraux d’obtenir : 1° Le retour périodique des Etats généraux à une époque qui soit toujours concertée à chaque tenue des Etats généraux entre le Roi et lesdits Etats, et indiquée à la première séance de leur seconde session, sauf les cas qui, dans l’intervalle de la séparation desdits Etats, exigeraient une convocation extraordinaire. 2° Que cette époque ne puisse jamais être reculée au delà du terme de cinq ans, à compter du jour de l’indication. 3°' Qu’au même instant où l’époque des nouveaux Etats généraux sera indiquée, les lettres de convocation pour les assemblées générales d’élection des nouveaux députés soient délivrées et adressées à qui de droit et dans la forme qui sera adoptée par le règlement que les Etats généraux détermineront conjointement avec le Roi, concernant ladite convocation et lesdites assemblées générales. 4° Que les Etats généraux assemblés aient le droit de se proroger pendant l’espace de deux ans, à des termes fixes qui ne puissent jamais être reculés, mais seulement rapprochés par le Roi dans des cas extraordinaires, et que chaque session ne puisse être prolongée au delà du terme de trois mois. 5° Que, dans leur première session, les prochains Etats généraux s’occupent du règlement relatif aux assemblées générales d’élection, comme étant, lesdites assemblées, la base de la représentation de la nation, et par conséquent l’un des points fondamentaux de la constitution. Art. 18. 6° Que, pour empêcher l’oubli de la loi et pour en réclamer l’exécution, les parlements, ou toutes autres cours souveraines qu’il plaira au Roi de créer, et qui seront consentis par les Etats généraux , soient établis, chacun dans le ressort qui lui sera attribué, dépositaires inviolables du registre de la loi, et tenus d’y inscrire les édits passés en conformité des délibérations des Etats généraux, dont copie sera annexée à cet effet audit registre; que lesdites cours ne puissent rien changer, retrancher, ajouter ou interpréter, ni souffrir qu’il y soit rien changé, corrigé, ajouté ni interprété que par le concours réuni du Roi et des Etats généraux; et que l’inscription de la loi sur ledit registre et la certification dudit enregistrement soient nécessaires avant de promulguer la loi et d’en exiger l’exécution. 7° Que lesdites cours souveraines soient pareillement dépositaires inviolables du registre des lois judiciaires et des lois particulières , sur lequel ils seront tenus d’inscrire lesdites lois, après néanmoins que le projet en aura été communiqué à un comité composé de membres choisis dans lesdites cours et des jurisconsultes les plus habiles, sauf le cas de dérogeance : 1° aux lois fondamentales du royaume, lesquelles, en tout état de cause , lesdites cours souveraines seront tenues de garder et conserver dans leur .intégrité; 2° aux coutumes municipales, lesquelles ne peuvent être corrigées ni changées que du consentement des Etats particuliers assemblés des pays qui y sont soumis, et que l’inscription desdites lois sur ledit registre et la certification dudit enregistrement soient nécessaires avant de les promulguer et d’en exiger l’exécution . 8° Que lesdites cours souveraines et les membres qui les composeront , établis à l’effet ci-dessus, ne soient amovibles que par le concours réuni de la volonté du Roi et de la décision des Etats généraux dûment appelés. 9° Que lesdits tribunaux soient tenus de représenter aux Etats généraux dûment assemblés, les registres des lois à eux confiés , et d’en rendre compte auxdits Etats généraux dans leur première session. Art. 19. 10° Que, pour parvenir à une juste et égale répartition proportionnelle des impôts qui seront accordés pour les besoins de l’Etat par les Etats généraux, statuer sur les moyens les plus sûrs et les moins dispendieux d’en faire la recette, et sur l’envoi le plus prompt au trésor royal du montant des sommes qui en proviendront, ensemble pour administrer les travaux et dépenses de l’intérieur de chaque province et s communauté, et les fonds attribués à cet effet; 660 {Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {Bailliage de Château-Thierry. J comme aussi pour rechercher et faciliter tout ce qui peut contribuer à la prospérité desdites provinces et communautés, il soit établi, par une loi irrévocable dans chaque ville et dans chaque communauté, des assemblées municipales, librement élues par le suffrage général de tous les habitants , propriétaires et domiciliés; que les seigneurs et les curés en soient membres nécessaires dans les paroisses de campagne; que le clergé et la noblesse y fournissent dans les villes un membre de chaque ordre, que chaque ordre élira séparément; qu’en suite desdites assemblées municipales, il y ait des assemblées d’arrondissement librement élues, et dont lesdites assemblées municipales soient élémentaires, formées d’un nombre ' de communautés suffisamment restreint pour qu’elles puissent se correspondre facilement, et tellement adaptées, que toutes les relations nécessaires de ces communautés entre elles soient concentrées dans ledit arrondissement; enfin, qu’au-dessus desdites assemblées d’arrondissement, il y ait des Etats provinciaux ou administrations provinciales, composés avec le même soin ci-dessus recommandé pour la composition des assemblées d’arrondissement, dont lesdites assemblées d’arrondissement soient élémentaires, et dont les membres choisis par chacun des trois ordres de l’Etat séparément soient, ainsi que dans les assemblées d’arrondissement, dans la proportion qui sera, ainsi que la forme, fonctions et règlements desdites assemblées, déterminées par le Roi et par les prochains Etats généraux du royaume, à la sagesse et à la décision desquels la noblesse dudit bailliage s’en rapporte sur tous les détails d’un établissement dont le vœu lui est commun avec tous les autres bailliages du royaume; recommandant en outre les droits d’assistance, et même, en l’absence des seigneurs , le droit de présidence des gentilshommes fieffés et non fieffés, domiciliés dans les paroisses. Art. 20. Que, pour garantir à tous les Français la liberté individuelle, leur sûreté et leur tranquillité, les lettres de cachet soient supprimées. Art. 21. Que la liberté delà presse soit pareillement accordée, sauf les modifications que le Roi et les Etats généraux jugeront à propos d’y apporter. Art, 22. Que le dépôt des lettres confiées à la poste soit à jamais déclaré et rendu inviolable. Art. 23. La noblesse dudit bailliage ne croit pas devoir entrer dans d’autres détails sur les mesures à prendre par les Etats généraux pour fixer les principes de la constitution et assurer les droits de la nation et les droits individuels des Français, persuadée que le patriotisme le plus pur, l’amour et le dévouement que tout Français doit à son Roi, et que Louis XVI mérite plus qu’aucun autre, éclaireront la conscience des députés de tous les ordres ; elle s’en rapporte à la sagesse de cette solennelle assemblée pour suppléer les articles qui auraient besoin ae plus de développement, et charge son député d’y accéder conformément à l’esprit et à l’intention des articles ci-dessus établis. FORTUNE PUBLIQUE. Art. 24. La constitution française une fois assise sur des bases inébranlables, le vœu le plus pressant de la noblesse dudit bailliage est la restauration de la fortune publique; il n’est point de sacrifices qu’elle ne soit disposée à faire pour y parvenir. C’est pour en donner une preuve éclatante, qui a été imitée par l’ordre du clergé de ce bailliage, et qui doit exciter les ci'oyens de tous les ordres à s’animer du même patriotisme, que, renonçantjà ses privilèges en matière d’impôt, dont une possession aussi ancienne que la monarchie et des titres formels avaient fait un droit positif, elle s’est soumise et charge son député aux Etats généraux de déclarer en son nom qu’elle se soumet à supporter par égalité, avec les autres ordres des citoyens, toutes les impositions présentes et à venir qui seront consenties par les Etats généraux. Art. 25. Mais attendu qu’il est impossible de calculer la quotité des tributs qu’exigent les besoins de l’Etat, sans connaître avec certitude les détails : 1° de la dépense nécessaire dans chaque département, 2° de la nature et du montant au vrai de la dette du Roi, la noblesse dudit bailliage n’accorde à son député aux Etats généraux ses pouvoirs pour consentir aucuns impôts que dans le cas où, par l’entière communication de toutes pièces et documents propres à constater la connaissance desdits détails et par des délibérations que chacun des trois ordres pourront seuls juger suffisamment approfondies, lesdits Etats auront atteint le véritable terme de la proportion à mettre entre l’étendue des subsides à accorder et celle des besoins indispensables du trésor public. Art. 26. Et parce que, dans une matière aussi compliquée, dont les éléments sont si divers et si mélangés, l’œil le plus exercé a peine à se reconnaître; que, d’ailleurs, les comptes rendus par les différents ministres des finances se contredisent dans leurs tableaux, dans leurs résultats, et dans les exposés qui tendent à en démontrer l’exactitude, en sorte que ces comptes ont laissé dans les esprits des préventions qui ajoutent à la difficulté inévitable dans de si grandes affaires, la noblesse dudit bailliage croit devoir charger son député aux Etats généraux de demander que les assertions opposées de ces différents comptes soient éclaircies par toutes les voies que lesdits Etats et le Roi jugeront convenables. Art. 27. Pareillement, comme un préalable nécessaire, avant que le député de la noblesse dudit bailliage puisse consentir aucun nouvel impôt, elle demande que Sa Majesté veuille bien accorder que le trésor public et les diverses caisses qui en dépendront ne soient confiés qu’à des officiers qui seront tenus d’en rendre compte à la nation assemblée toutes les fois qu’elle le requerra, et que les ministres et ordonnateurs de chaque département soient pareillement responsables, envers la nation, de la gestion des deniers dont la disposition pourra leur être attribuée. Art. 28. Et cependant la noblesse dudit bailliage donne pouvoir à son député de consentir, dès à présent, en son nom, mais pour un an seulement, à compter du terme où expirera l’année courante, et sur le pied de la répartition actuelle, la levée et perception de toutes les impositions et droits actuellement établis. Art. 29.Quelie que soit l’étenduedu déficit actuel de la fortune publique, et par conséquent quelle que soit l’étendue des nouvelles charges qu’il s’agira d’ajouter aux anciennes, la noblesse dudit bailliage charge son député de demander formellement en son nom : 1° Que le Roi soit très-humblement supplié de vouloir bien fixer lui-même les fonds nécessaires pour entretenir sa maison domestique et sa maison militaire sur le pied qui convient à la majesté du monarque des Français, et proportionné, s’il est jamais possible, à l’amour et à la recon- [États gén. 1789. Cahiers.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Château-Thierry.] 661 naissance que Louis XVI mérite éternellement de la nation française ; que ce soit le premier fonds fait sur les tributs fournis par la nation. Art. 30. 2° Qu’après avoir établi dans chaque département la plus stricte économie, c’est-à-dire après avoir opéré la réduction la plus sévère de toute, dépense inutile ou mal combinée, et fixé largement la dépense des objets nécessaires dans chaque département, à l’effet de quoi il convient que les Etats généraux entrent, dans tous les détails, et en déterminent le règlement avec le Roi, il soit fait un fonds suffisant pour chacun desdits départements, et notamment pour entretenir sur le pied le plus respectable l’armée de terre et la manne. Art. 31. 3° Qu’indépendamment des fonds de la maison du Roi et de chaque département, il soit fait un fonds permanent à la fixation duquel seront ajoutés tous les ans : 1° les reliquats et bonis de toutes les caisses des divers départements, ceux de la maison du Roi exceptés , la dépense annuelle assignée sur lesdites caisses entièrement prélevée ; 2° les bonifications éven-tüelles que pourront produire les impositions à établir, en sus du montant de l’assignat de leur évaluation, lequel fonds sera administré comme tous les autres, à l’exception de celui de la maison du Roi, par des officiers comptables envers la nation assemblée, et destiné pendant la paix à l’amortissement de la dette constituée, et pendant la guerre à la dépense extraordinaire qu’elle occasionne. Art. 32. 3° Que tous les fonds ci-dessus désignés et assignés pour la dépense permanente de la nation ne puissent jamais être détournés de la destination prescrite, soit à titre de renversement, soit à titre d’hypothèques de nouveaux emprunts, et que la loi qui l’ordonnera soit déclarée loi fondamentale du royaume. Art. 33. 4° Le Roi ayant manifesté aux yeux de tous ses peuples la volonté entière où if est de les soulager, en ordonnant et arrêtant dans son service personnel les économies et les retranchements dont il pouvait être susceptible, et ayant encore annoncé que de nouveaux sacrifices personnels ne lui coûteraient jamais, le député de la noblesse dudit bailliage fera entendre aux Etats généraux la nécessité de supplier très-humblement le Roi qu’il veuille bien accorder que sur le fonds fixé pour la dépense de sa maison, il soit par Sa Majesté fixé et arrêté un fonds de réserve pour subvenir à ses dépenses extraordinaires. Art. 34. 5° Qu’outre les fonds ci-dessus, et à titre de dépense annuelle et permanente, il soit fait un fonds fixe, lequel ne pourra jamais être augmenté, pour le payement des pensions accordées aux citoyens de tous les ordres qui, après avoir bien servi la patrie, se trouveront, soit par l’état de leur fortune, soit par le rang auquel ils auront été élevés, dans le cas d’en avoir besoin , à la charge : 1° que l’état desdites pensions accordées par le Roi sera remis à la nation assemblée à chaque tenue des Etats généraux, lesquels auront pouvoir de le continuer ou de le réduire suivant la nature des services et conditions requises ; 2° que le montant des fonds desdiles pensions soit divisé graduellement, et chaque pension proportionnée à un taux fixé par un règlement qui ne pourra varier que par le concours réuni de la volonté du Roi et du consentement des Etats généraux; 3° que nul citoyen ne puisse jouir à la fois de plus d’une pension, ni obtenir celle assignée à un taux supérieur à son grade et à son rang dans l’Etat ; mais que, dans le cas où il aurait rendu de nouveaux services, et où il serait élevé à un nouveau grade et à un nouveau rang, qu’il soit susceptible de la pension qui y sera assignée, en remettant celle qu’il avait obtenue dans son premier grade. Art. 35. Que par rapport à la dépense des travaux publics, de quelque espèce qu’ils soient, annuelle ou accidentelle, les Etats provinciaux aient seuls, chacun dans leur district, l’arbitration , perception, répartition et administration des fonds qu’ils jugeront nécessaire d’y attribuer, lequel ne puisse cependant être imposé que de deux manières, savoir : 1° sur les fonds territoriaux de toute nature situés dans leur arrondissement, et jamais au delà du douzième des impositions supportées par lesdits fonds; 2° aux entrées des villes et jamais sur les marchandises voiturées, mais à raison de tant par roue ou par cheval attelé. Art. 36. La noblesse dudit bail liage charge spécialement son député de consentir en son nom la consolidation de la dette contractée au nom du Roi ou au comptedu trésor royal, soit par le clergé, soit par les Etats particuliers des provinces, soit par quelques villes, quelques corporations et quelques particuliers que ce soit du royaume ou étrangers; en conséquence, de requérir que ladite dette soit réputée à l’avenir dette nationale, et de protester contre le déshonneur, contre l’injustice et contre le préjudice incalculable de toutes délibérations qui y seront contraires. Art. 37. A l’égard des pensions actuelles, dont la masse énorme et la distribution arbitraire et presque toutes de faveur, sont un objet de réclamation universelle, la noblesse dudit bailliage charge son député de demander : 1° que les pensions de retraite, accordées pour service militaire et services dans la maison domestique du Roi, celles des veuves et enfants desdits officiers, leur soient payées sur le pied du brevet originaire et sans retenue ; 2° qu’à l’égard de toutes les autres pensions, révision en soit faite par les prochains Etats généraux ; qu’ils aient pouvoir de supprimer et de réduire celles dont les titres ou la proportion seront jugées par eux en être susceptibles. Art. 38. La noblesse dudit bailliage charge son député de demander : 1° qu’il soit fait un fonds annuel égal au montant des rentes perpétuelles et viagères consolidées, et à la somme additionnelle, que la liste des pensions actuelles, arrêtées par les Etats généraux, fixeront pour l’état futur des pensions, et de tâcher qu’à l’avenir les fonds soient faits avec assez d’exactitude non-seulement pour rendre invariables les époques fixées des payements, mais aussi pour faire le rapprochement des parties qui se trouvent arriérées, de manière que l’acquit des rentes et des pensions ne souffre plus le retard qui a été si préjudiciable jusqu’à présent au crédit national et a l’intérêt des particuliers. Art. 39. 2° Que ledit fonds soit versé, ainsi que le fonds permanent pour l’état futur des pensions, entre les mains des mêmes officiers chargés de toucher et employer le fonds et les renversements destinés à l’amortissement des rentes perpétuelles. Art. 40. 3° Que ces officiers soient ceux de la nation et responsables envers elle ; en conséquence, que leur caisse soit réputée caisse nationale. Art. 41.4° Qu’ils soient également responsables et des fonds qui leur sont confiés, et de l’exactitude ponctuelle des payements qui y seront affectés. Art. 42. 5° Qu’ils le soient pareillement du compte exact des reliquats et des bonis que les Agg [États gên. 1789. Cahiers.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [Bailliâgè de Château-Thierry.] caisses des divers départements pourront produire, la dépensé annuelle desdils départements prélevée, à l’effet de quoi ils seront autorisés à en compter tous les ans, au nom de la nation, avec les ordonnateurs desdits départements. Àrt. 43. 6° Que, pour assurer le versement entre leurs mains des bonifications éventuelles que pourront produire les impositions à établir en sus du montant de l’assignat de leur évaluation, tous régisseurs, receveurs, administrateurs, etc., établis par la nation et par lés États provinciaux, seront tenus de compter avec eux des produits de leurs recettes, et de les verser dans la caisse nationale, d’où ils seront distribués aux divers départements. Art. 44. 7° Que les comptes des produits desdites recettes, ceux desdits versements, soient toujours au Compte général que les administrateurs de ladite caisse nationale rendront à la nation assemblée à chaque tenue des Etats généraux. Art. 45. Que si, outre la responsabilité des administrateurs des fonds publics, outre la consolidation de la dette nationale et de l’exactitude ponctuelle du payement des rentes et des pensions, et enfin, outre le fonds annuel d’amortissement, il était possible d’établir une banque nationale, universelle dans tout le royaume et à l’abri égalementde toute invasion de l’a part des ministres inhabiles, et de toute extension exagérée, il semble à la noblesse dudit bailliage que le crédit national serait établi aussi solidement qu’il serait possible, que la facilité que cette banque donnerait aux affaires du commerce accroîtrait les ressources publiques, rabaisserait l’intérêt de l’argent, sans compter la diminution des frais du transport de l’argent des provinces dans la caisse nationale, et elle charge son député d’en proposer l’idée aux Etats généraux, et danslecas oùle projet en serait adopté, de soumettre pareillement aux lumières de cette auguste assemblée s’il conviendrait d’unir ou de disjoindre la caisse à la banque nationale. Art. 46. Après avoir expliqué ses sentiments sur les opérations préliminaires dont la noblesse dudit bailliage pense que les Etats généraux doivent s’occuper avant toutes choses, elle croit de son devoir de charger son député d’exposer ses vues sur la réformation des impositions et des droits actuellement établis, sur l’inégale contribution des différentes provinces et villes du royaume, enfin sur la nature et sur la forme des tributs nécessaires, soit pour remplacer ceux qui méritent d’être proscrits, soit pour suffire aux besoins actuels de l’Etat ; en conséquence, elle charge son député de déclarer en son nom au Roi et aux Etats généraux : 1° Qu’en se soumettant à payer également, avec les citoyens de tous les ordres, les impositions qui seront consenties par les Etats généraux, elle n’entend point exposer la demeure des gentilshommes à l’inquisition et aux fouilles des employés des aides ; que ce n’est pas seulement l’espèce d’avilissement que les formalités inséparables de la perception des aides occasionnent, qui Rengage à en demander la suppression, mais surtout le poids accablant dont cet impôt grève le peuple, et le malheur continuel des amendes, des emprisonnements et de l’habitude de la fraude auquel il le condamne sans cesse; 2° Que son éloignement des pays où l’appât presque irrésistible pour le misérable de la contrebande sur le sel, nécessite des punitions si rigoureuses et si multipliées, que les peines afflictives les plus infamantes, loin d’y donner de la honte, sont devenues une espèce de recommandation, ne l'empéche pas de sentir vivement la nécessité de réformer la gabelle ; que cet impôt, qui n’a cessé que par une longue habitude de le supporter, de paraître le plus désastreux de tous dans le pays même où ü s’exécute le plus facilement, prive en outre l’agriculture d’un des moyens qui contribueraient davantage à sa-prospérité, et frappe par conséquent sur la fortune publique autant que sur les particuliers ; 3° Que les droits sur le tabac exciteraient la même réclamation si son usage n’était pas d’une nécessité moins dispendieuse ; 4° Que les impositions personnelles, savoir : la taille et ses accessoires, l’impôt représentatif des corvées, et la capitation des nobles et privilégiés, ont le vice d’une répartition si arbitraire, que c’est moins encore par leur quotité, quoiqu’elles soient portées aü plus haut terme, qu’elles accablent le peuple et grèvent les nobles et privilégiés, que par cette injustice inséparable de leur nature ; 5° Que, par rapport aux droits des aides, si l’on considère : 1° qu’à l’exception de quelques provinces pourvues de vignobles qui en sont exemptes, ils suivent, dans toute l’étendue du royaume, les denrées sur lesquelles ils frappent , 2° que leur vexation ne se fait particulièrement sentir que dans les campagnes, on doit être porté à conclure que, Sans supprimer entièrement cet impôt, il serait facile de réformer ce qu’il a d’accablant et de vexatoire : un abonnement avec les propriétaires des vignes, avec les fabricateurS des boissons autres que le vin, et avec les bouchers, perçu au lieu de la situation des vignes, de la fabrication des boissons autres que le vin, et de l’étal des bouchers, par les collecteurs des autres impositions des paroisses, des droits d’entrée perçus à la porte seulement des villes considérables, aboliraient la plus grande partie des frais de perception, détruiraient à jamais l’inquisition et les vexations que la forme actuelle desdits droits nécessite, donneraient vraisemblablement au produit de l’impôt une valeur à peu près égale à celle que le trésor royal touche aujourd’hui; et quand il serait nécessaire de chercher ie remplacement d’une portion du produit desdits droits, la noblesse dudit bailliage charge son député de représenter très-humblement au Roi et de faire entendre aux Etats généraux que la cessation du désespoir des peuples est sans doute préférable à cet inconvénient; 6° Que, par rapport à l’impôt de la gabelle, en respectant, soit dans l’exemption, soit dans la modération dudit impôt dont jouissent certaines provinces du royaume, une propriété qui doit toujours être sacrée aux yeux mêmes de ceux qui en souffrent, la noblesse dudit bailliage espère que ces provinces, plus touchées que jamais des avantages de leur union avec la France, et des besoins de l’Etat, animées par un patriotisme qui ne doit plus être concentré dans leur sein, et auquel le Roi donne un objet et des espérances plus vastes par le rétablissement de la constitution française, sentiront la nécessité de réformer dès à présent les vices odieux de la gabelle, et qu’ils ne peuvent l’être sans leur adhésion au système qui sera adopté par le Roi et par les Etats généraux, et elle charge à cet égard son député aux Etats généraux d’insister sur les motifs pressants qui doivent y déterminer; 7° Qu’elle pense que, quelle que soit la réformation des droits des aides et des gabelles qui sera adoptée par le Roi et par les Etats généraux, ces deux impôts pèseront toujours de la manière 1$ [Etats géîi. 1789, •Càhièrsv] ARCHIVES PÂRlElENÏÀÎRfeL [Hailliagè dfe plüs défavorable à la fortune publique, sur l’agriculture; qu’en conséquence, elle charge son député aux Etats généraux de proposer que le fonds libre qui proviendra de l'extinction successive des rentes viagères soit successivement employé, d'abord à la modération, -et-enfin à la suppression totale de ces deux impôts désastreux. 8° Que, de quelque manière que l’on envisage la question des impôts à établir, il n’y aquecêüx sur les fonds et les droits sur les consommations dont la perception n’expose point à l’injustice d’une répartition arbitraire ; que l’impôt sur les fonds territoriaux doit être le plus ménagé de tousi, et fixé à un taux qui ne puisse jamais être augmenté : 1° parce que, pesant directement sur l’agriculture, il s’oppose nécessairement à la reproduction, et tarit la source primitive des richesses ; 2° parce que, frappant sur le produit net du propriétaire foncier, lequel ne débite les denrées qui proviennent de sa terre que par la main de ses fermiers et au prix toujours commandé dü marché, il grève cette classe de citoyens plus que les autres; 3° parce que le seul moyen de fixer et d’encourager les espérances du cultivateur est de lé mettre, par l’invariabilité du calcul de cette charge, dans le cas de pouvoir compter avec certitude sur le fruit de ses travaux; 4° que celui qui serait perçu sur les bois ne peut être porté au taux de celui à imposer sur les antres fonds territoriaux, non-seulement parce que les bois sont déjà grevés de droits d’entrée fort considérables, mais encore parce que le débit en est soumis à une taxe de police qui s’oppose, beaucoup plus que la loi du marché sur les grains, à la distribution de cet impôt sur les consommateurs ; Que les droits sür les consommations coûtent, à la vérité, des frais de perception plus considérables que ceux de l’impôt sur les fonds ; xhàis que la répartition indirecte et nécessaire qui s’en fait sur l’universalité des consommateurs en allège le fardeau, et y introduit une égalité de contribution qu’on ne peut se flatter d’obtenir d’aucune autre manière. 9° Qu® les propriétaires des rentes constituées sur le Roi ou sur particuliers, avec stipulation de la non retenue des impositions, ne peuvent faire valoir envers l’Etat cette clause dérogatoire à l’obligation inséparable de leur titre de citoyens, de contribuer à la dépense publique au prorata de leur fortune; qü’en conséquence la noblesse dudit bailliage change son député de requérir que toutes les rentes soient imposées au même taux que le produit net qui constitue la rente de la terre. 10° Que les fonds empiôyés en industrie et en négoce doivent d’autant plus être assimilés à l’imposition sur la terre et sur les rentes, que le débit des ouvrages travaillés et des marchandises assurent nécessairement aux artisans et aux négociants le recouvrement de l’impôt dont il convient qu’ils fournissent l’avance ; qu’à la vérité il faut distinguer, dans leurs bénéfices, la rente naturelle de leurs fonds, et celle qui n’est que la récompense de leurs travaux et des risques qü’ils courent ; que cette dernière doit être exempte de tout impôt, sans qüoi le travail et le commerce, privés de la sûreté et d’une partie des bénéfices qui en font l’attrait, ne pourraient plus être exercés; que, pour atteindre à la connaissance desdits fonds, dont la rente naturelle est imposable, ensemble à celle des capitaux dont le négoce secret a toujours échappé aux recherches des percepteurs, la noblesse dudit bailliage pense qh’un droit de timbre, appliqué Uniquement sur le commerce de l’argent , et dégagé de toutes inquisitions sur les opérations journalières et sur les actes libres inséparables de l’adrmûistratioii des fôrfu-nes et du commerce des choses nécessaires à la vie, paraît nécessaire à établir, et offre une ressource avantageuse pour les besoins actuels de l’Etat, en même temps qu’il égalise la contribution dés citoyens aüx charges publiques, et quelle que soit l’avance à fournir par le contribuable, elle sérâ toujours de nature à être reprise, par lés débits, sûr l’Universalité des consommateurs; 11° Que toutes immunités de villes et dé corporations, ensemble tous privilèges particuliers, doivent désormais céder au principe d’égalité, de contribution aux charges publiques entré tous les citoyens ; 12:° Que le clergé devant, par suite dü thème principe, être assimilé, sur ses fonds, à l’imposition des fonds appartenant aux autres ordres ; que les impositions personnelles de la taillé ét les accessoires de l’impôt représentatif des Corvées et de la capitation sûr les nobles et privilégiés devant être abolies; que l’économie dé là perception dé l’impôt sür les fonds exigeant qu’il soit perçu sur un seul et même rôle, et par le même collecteur, il Convient qüe ledit impôt soit • composé de la somme représentative des décimés du clergé, de la taille et ses accessoires, de là capitation des nobles et privilégiés, des vingtièmes, et enfin de la somme additionnelle que les Etats généraux jugeront nécessaire d’imposer pour les besoins actuels dé l’Etat; mais que, soit que ledit impôt soit perçü sur les propriétaires directement, soit qu’il soit assis sur les cultivateur�, il sera nécessaire, quand la forme de la perception sera décidée, d’ordonner la raison réciproque que les propriétaires et les fermiers devront se faire en Conséquence sur le prix de leurs haute; qu’à l’égard de l’impôt représentatif des corvées, si le Roi et les Etats généraux; jugent à propos d’en laisser l’arbitration et la perception aux Etats généraux, il sera nécessaire que le rôle en contienne la distinction, et que les propriétaires et les fermiers s’en fassent la raison réciproque, conformément au règlement qu’exigera la forme de la perception de l’impôt sur les fonds ; 13° La noblesse dudit bailliage charge so'n député de requérir formellement que les’ Seigneurs et les curés, le représentant des gentilshommes fieffés ou non fieffés, et des ecclésiastiques bénéficiers, puissent par eux-mêmes ou par leurs fondés de pouvoirs, assister, avec les autres membres des municipalités, â là répartition dudit impôt; 14° Elle demande qüe, pour parvenir à régalifê si désirable entre toutes les provinces, et à üh arrondissement raisonnable, gui comprenne les districts dont les rapports nécessaires sont établis par la situation des lieux et par lé même genre d’intérêt et de Culture, il soit fait, dans le, cours des prochains Etàts généraux, une nouvelle distribution des provinces du royaüme ; 1 5° Qu’il Soit agité aux Etats généraux si des impositions sur le luxe, tel que sur le nombre des domestiques et des chevaux dans les villes, tel qüe les droits d’entrée plus considérables sur leâ marchandises étrangères de luxe, sont praticables sans inconvénients ; ils tendraient à la décharge des classes les moins fortunées, au soulagement de l’agriculture, à laquelle ils restitueront des bras qui lui sont nécessaires,, et ils encourageront les manufactures nationales, etc. ; on ne peut nombrer lëurs avantages ; ... 16® Que la qtieàtiôn du rèCüiëihent des bârrierêS 664 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Château-Thierry.] soit examinée et décidée aux prochains Etats généraux ; 17° Qu’il soit fait un nouveau tarif pour les droits de contrôle, lequel rétablisse l’égalité proportionnelle dans leur perception, et mette un terme à toutes les incertitudes de cet impôt, qui occasionnent, par une multitude de décisions nouvelles, qui toutes se contrarient, un trouble et des abus incalculables ; 18° Que l’examen des frais de toutes les régies et des bénéfices de tous les régisseurs, fermiers et administrateurs, soit fait avec la plus scrupuleuse attention par les Etats généraux, et que lesdits frais et bénéfices soient modérés au simple nécessaire ; 19° Que la question de l’aliénation des domaines, proposée en 1787 à l’assemblée des notables, soit débattue aux prochains Etats généraux, et décidée pour le plus grand avantage du Roi et de la nation. Art. 47. La noblesse dudit bailliage donne pouvoir à son député, après que tous les objets ci-dessus auront été réglés, de consentir, en son nom, aux impôts, à la forme de perception et à la durée d’iceux, tels qu’ils seront consentis également, libremeut et séparément, par les trois ordres qui composeront les prochains Etats généraux. JUSTICE. Art. 48. La noblesse dudit bailliage, considérant combien l’emploi déjugé dans un tribunal honore celui qui l’exerce avec probité et désintéressement, propose la suppression de la finance attachée à l'obtention de cet emploi distingué dans la société, et remet à la sagesse des Etats généraux à décider si cette proposition ne pourrait pas même s’étendre jusque sur les charges inférieures de judicature, échelons par lesquels il faut passer pour arriver au sanctuaire de la justice que l’on réclame. Art. 49. Que, partant du même principe (que l’emploi de juge honore celui qui l’exerce), la noblesse désire que Je titre précieux de membre de son ordre soit accordé par le souverain, seul dispensateur de ce titre, au citoyen qui aura composé le meilleur projet de code civil et criminel, et pour la réformation du ressort et la meilleure composition des tribunaux de justice. Art. 50. Que, possédant le droit de faire exercer la justice dans ses terres, la noblesse, dont la plus grande partie des individus consacre presque toute sa vie au service du Roi et de la patrie, éprouve avec douleur, lorsqu’elle revient dans ses possessions, que la police est sans force et sans efficacité, par le défaut de sujets propres à exercer cet emploi nécessaire avec l’activité et l’intégrité qu’il exigerait, et que, pour obvier à cet inconvénient et à celui de faire le traitement d’un procureur fiscal, qui mettrait à contribution, ses modiques revenus, elle proposera : 1° que tous sujets aspirant à la profession de procureur dans les sièges royaux soient tenus d’avoir exercé pendant deux ans la profession de procureur fiscal, qui lui donnera par avance la connaissance locale des fautes, exactions, crimes qui peuvent se commettre dans le territoire dépendant du siège royal où il doit exercer celui de procureur de conseil ; 2° que le juge institué par le seigneur puisse juger et prononcer, sous la réserve du cas prévô-tal , en première instance, indistinctement sur toutes les matières qui sont soumises au jugement des hommes, ce qui entraîne nécessairement la suppression des tribunaux d’eaux et forêts et de tous tribunaux d’exception reconnus susceptibles des plus grands abus; 3° que le seigneur possédant plusieurs hautes justices dans un même canton puisse obtenir, sans frais, de réunir ses différents sièges, et de commettre le même juge pour cette réunion de sièges, pourvu que ces différents sièges se tiennent et ne fassent qu’une même continuité de terrains, sans division de coseigneurie, et que ce juge, qui rentre dans la difficulté exprimée ci-dessus, pour le choix d’un procureur fiscal, soit représenté par un citoyen aspirant à la profession de juge conseiller dans les tribunaux supérieurs ; 5° que le droit de committimus soit à jamais aboli, et toutes évocations supprimées, comme contraire à la justice ; 6° que les présidiaux puissent juger en dernier ressort jusqu’à la concurrence de 4,000 livres ; 7° qu’il ne soit permis à aucun sujet exerçant la profession libre d’avocat d’insérer dans ses mémoires ou plaidoyers aucunes phrases, aucuns mots qui puissent, dans une affaire civile, intéresser l’honneur ou la réputation des ancêtres ou des parents vivants des parties, s’il n’est lui-même partie dans la cause ; 8° que la banqueroute frauduleuse soit punie par une peine afflictive, si mieux n’estiment les Etats généraux mettre simplement les créanciers en possession des biens à moins de frais possible ; 9° que la profession de juge ne puisse être exercée dans aucun siège sans responsabilité, remède nécessaire pour prévenir le défaut d’instruction et de probité. MILITAIRE. Art. 51. Le militaire, objet qui intéresse essentiellement la gloire de la patrie, mérite bien l’attention des Etats généraux. Nous ne répéterons pas les justes observations qui ont été faites depuis plusieurs années, et dont personne n’ignore la vérité ; nous nous contenterons d’exprimer ici le vœu général sur le sort des troupes, qu’il est si important de changer. On suppliera donc le Roi qu’un conseil militaire national, composé de maréchaux de France et d’officiers de tous grades et du nombre jugé le plus convenable par le Roi et par les Etats généraux, soit chargé de la rédaction d’un nouveau code militaire et invariable. Art. 52. Que l’économie qu’on pourra faire par la réduction des emplois inutiles cumulés sur une même tête soit employée à augmenter la paye du soldat, et qu’à l’avenir un officier ne puisse réunir plusieurs commandements et gouvernements. Art. 53. Que la noblesse des provinces, qui a autant de droit que celle de la cour d’entourer le Roi, et qui ne jouit pas de cet avantage, ne soit pas privée de l’honneur de commander les régiments-, la moitié en devrait être réservée à d’anciens chefs de corps qui ont inspiré et mérité la confiance, et qui sont bien dignes de les commander avec succès. Art. 54. Que les lieutenants-colonels et majors soient pris comme par le passé dans leurs régiments : cet objet d’émulation est essentiel; et doit-on craindre que le service puisse en souffrir ? Art. 55. Qu’en confirmant l’ordonnance qui est en vigueur, les gentilshommes et les fils de che-valiersde Saint-Louis soient seuls admissibles dans les régiments ; que les titres soient présentés à un tribunal auquel le Roi confiera le droit de les vérifier sans frais; le certificat sera signé d’eux, lu à la tête du régiment où l’officier sera reçu, et consigné à rhôtel de la guerre. [États gén. 1789, Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Château-Thierry.] 665 Art. 56. Que les troupes soient employées aux travaux publics, ce qui les rendrait plus propres aux fatigues de la guerre, et allégerait les provinces d’un fardeau qui pèse beaucoup sur elle. Art. 57. Que les promotions, comme elles sont fixées à présent, ne soient jamais générales, et que le mérite seul détermine l’avancement. Art. 58. Que le remboursement des emplois militaires soit le plus prompt possible, afin qu’ils soient la récompense du zèle et du mérite. Art. 59. Que le Roi permette à' ses troupes de jouir successivement de l’honneur de garder sa personne ; elles désirent toutes ce glorieux avantage : la dignité de la couronne et l’éclat qui toujours l’accompagne n’en seraient pas diminués ; les troupes d’infanterie et de cavalerie auxquelles serait confiée, pendant deux ou trois années, cette garde précieuse, seraient seulement payées sur le pied de guerre, auquel on ajouterait, si cela n’était pas suffisant. Ce serait un objet d’émulation bien puissant, puisque aucun régiment ne voudrait perdre son rang à jouir de cet honneur. Art. 60. Qu’il soit fixé et accordé par le Roi et par les Etats généraux un terme raisonnable pour donner la noblesse au militaire, et un grade d’officier à celui qui aura bien servi sa patrie. Art. 61. Que le tribunal des maréchaux de France soit toujours le juge des affaires d’honneur, mais que toutes celles qui ont pour objet les créances, dettes et billets soient portées à la justice ordinaire. Art. 62. Que pendant la paix il soit permis à la marine militaire de commercer, et que nos vaisseaux de guerre y soient employés ; que ce serait un moyen de former une excellente marine, et d’être dédommagé des frais immenses qu’elle coûte à la nation. Art. 63. Que la noblesse et les officiers au service du Roi aient seuls le droit de porter l’épée, suivant les anciens règlements, et qu’il soit infligé une punition au non noble qui s’en arroge le droit. Art. 64. Que les Etats généraux s’occupent, avec la plus grande attention, de l’organisation et du maintien des milices, l’une des ressources les plus essentielles de l’Etat. Art. 65. Qu’à l’avenir la noblesse, qui doit être le prix de l’honneur, ne puisse plus être acquise à prix d’argent, et qu’elle soit la récompense de la. vertu et des services rendus à la patrie. BIEN PUBLIC. Art. 66. La noblesse dudit bailliage charge son député de demander très-humblement au Roi, et faire entendre aux Etats généraux, de ramener le produit des dîmes ecclésiastiques à l’acquittement de toutes les charges pour lesquelles elles ont été originairement accordées, et notamment à fournir aux curés un revenu suffisant, aux pauvres des paroisses les secours dont ils peuvent avoir besoin, et les réparations des églises et des presbytères. ECCLÉSIASTIQUES. Art. 67. Qu’il est de la décence et de toute justice de leur fournir à tous une subsistance honnête ; qu’en conséquence le revenu des moindres cures doit être porté à dix muids de blé-froment, à douze muids pour celles au-dessus, à quatorze et même à seize pour les plus considérables. Que le revenu des succursales et dessertes doit être fixé à six ou à sept muids de blé ; que tous casuels provenant tant des baptêmes que des mariages et enterrements, soient supprimés et retranchés des revenus des cures et places de maîtres d’école. ÉVÊQUES ET ARCHEVÊQUES. Art. 68. Que le revenu le plus fort des évêques et des archevêques ne soit jamais porté à plus de 50,000 livres de rente, et le moindre plus bas de 20,000 livres. Que tous prélats et bénéficiers soient tenus de résider au moins neuf mois de l’année dans leurs diocèses et bénéfices, surtout pendant la saison de l’hiver, qui est le temps le plus propre d’exercer leur bienfaisance. Qu’un abbé, prieur commendataire, ne puisse posséder qu’un seul bénéfice à la fois ; que le plus fort en revenu ne passe pas 10,000 livres. Que les baux passés par tel ecclésiastique que ce puisse être aient la même stabilité que ceux faits par les particuliers non engagés dans les ordres, et qu’ils ne soient pas cassés soit par mort, soit par résignation. Qu’il soit fait, en conséquence, un règlement qui prescrive les précautions à prendre pour qu’en passant ces baux, les intérêts des successeurs ne puissent aucunement être lésés. Que les réparations à faire aux bâtiments dépendant des biens ecclésiastiques seront examinées et faites avec soin chaque année. Que les couvents des religieux, -de même que ceux des religieuses, qui n’auraient plus qu’un revenu trop modique pour subsister, soient réunis deux ensemble. ÉDUCATION PUBLIQUE. Art. 69. Bien dirigée, elle fait la force et le bonheur d’une nation. Que, pour ces deux raisons, il faut s’efforcer de la porter au plus haut point de perfection possible. Que le moyen le plus efficace d’y parvenir est d’exciter le zèle des maîtres, d’abord par des appointements honnêtes, et en leur assurant des retraites aussi douces qu’agréables quand l’âge avancé les aura forcés de mettre un terme à de longs et utiles travaux. Que l’on peut faire naître, parmi les écoliers, la plus haute émulation, en leur décernant chaque année des prix avec solennité, et surtout en accordant, par préférence, aux plus sages et aux plus habiles d’entre eux les places auxquelles ils seraient destinés. Que les revenus nécessaires pour fournir aux appointements et aux retraites des préfets et régents doivent être pris sur tous les biens des abbayes en commendes, soit sur ceux d’autres riches abbayes religieuses. Que les religieux Bénédictins , Prémontrés , Génovéfains et autres qui jouissent de gros revenus, doivent être désormais employés, avec succès, à l’éducation publique. Il doit êtré établi dans diverses maisons chargées désormais de l’éducation publique le plus grand nombre possible de places gratuites, dont partie destinée aux enfants nobles, et partie accordée aux enfants nés dans l’ordre du tiers-état. Que les Etats provinciaux devront charger du soin de visiter fréquemment toutes les maisons d’éducation, situées dans leur arrondissement, des inspecteurs sages et habiles. Que l’éducation publique ne se bornera plus à l’étude de la seule langue latine, mais en em- 680 [Etats gën. 1789. Cahiers,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Bailliage de Château -Thierry,;] brassant, en même temps, toutes les sciences qui peuvent être utiles au militaire, au jurisconsulte et au médecin,, et même quelques arts agréables. Que les communautés et abbayes de filles doivent être également chargées dè l’éducation des enfants de leur sexe. Que l’on doit également créer, dans les plus riches de ces abbayes, un grand nombre déplacés gratuites, lesquelles seront partagées entre la noblesse et le tiers-état. Qu’avant tout, il est bien nécessaire de former le meilleur plan d’éducation pour le substituer à la mauvaise routine, à quoi se borne maintenant toute l’éducation. Qu’il est indispensable d’ériger en chapitres nobles plusieurs des plus riches abbayes de filles, ressource devenue plus nécessaire que jamais à la noblesse peu aisée qui, en consentant volontiers à supporter, avec égalité, tous impôts quelconques, ne peut qu’éprouver une diminution notable dans ses revenus, déjà médiocres. Que les prébendes n’excèdent pas en revenu la valeur de huit muids de blé, et qu'il soit pris lès précautions les plus strictes pourne les accorder qu’aux demoiselles dont les familles seront reconnues les moins aisées, sans que jamais le crédit puisse en disposer en faveur des familles riches au préjudice des premières. Que des privilèges exclusifs ne soient plus accordés à qui que ce soit, et surtout aux charlatans et empiriques dont les courses, toujours funestes, désolent les pays qu’ils parcourent. Cependant, si, pour récompenser l’inventeur d’un art, d’un nouveau commerce, et même d’un métier utile , il paraissait convenable de lui accorder le privilège exclusif de l’exercer, il faudrait limiter ce privilège. Que toute espèce de commerce soit permise à l’ordre de la noblesse, même celui de détail, sans que pour cela elle déroge, mais qu’il soit arrêté en même temps que le gentilhomme qui s’occuperait de ce dernier serait obligé de laisser dormir la noblesse jusqu’au moment où il abandonnerait le commerce de détail, auquel cas il rentrerait de droit à la chambre de ses pairs, sans être astreint à d’autres formalités qu’à celle de faire examiner ses titres s’ils n’étaient pas suffisamment connus. Que les ordres religieux mendiants soient supprimés, ou qu’il soit pourvu à leur existence, en retranchant du superflu des ordres riches ce qui sera nécessaire pour cet objet, la mendicité étant trop humiliante pour des hommes revêtus du caractère le plus respectable, celui du sacerdoce. Art. 70. Que les Etats généraux prennent en considération la situation des nègres. Art. 71. Que les anciens règlements qui ordonnaient des approvisionnements de grains en réserve soient renouvelés et mis en vigueur. Demandes locales pour le bailliage de Château-Thierry. Art. 72. Que les biens qui appartenaient à l’abbave de la Barre, récemment supprimée, et dont la fondation originaire avait pour objet l’établissement d’une maladrerie dans la ville de Château-Thierry , soient retirés des mains de l’abbaye de Saint-Paul de Soissons, à laquelle ils ont été réunis, et qu’ils soient appliqués , soit à fonder une éducation publique pour les filles, soit à.augmenter les revenus des maisons de la congrégation et de l’hôpital de Château-Thierry, conformément au vœu de la municipalité de cette tille. Art. 73. Qu’un établissement extrêmement avantageux pour la ville de Château-Thierry serait celui d’un bon collège ; Que les religieux Bénédictins de l’abbaye de Chezy, jouissant d’un gros revenu, pourraient procurer à cette ville et à ses environs ce précieux avantage, en transférant leur domicile à Château-Thierry, dans le couvent où étaient ci-devant établis les Minimes -, que vingt places d’éducation gratuite pourraient y être créées pour y recevoir autant de pensionnaires, dont les pères et mères seraient domiciliés dans l’élection ; le zèle de ces religieux pour se rendre utiles est assez connu par la proposition qu’ils ont faite autrefois de s’établir à Château-Thierry, et s’y consacrer à l’éducation publique. Voici donc le moment de profiter d’offres aussi louables de la part de ces religieux, et de les mettre ainsi à même de procurer à leurs concitoyens le plus grand de tous les' biens, celui d'une bonne éducation publique. Art. 74 et dernier. Que la police intérieure de ladite ville de Château-Thierry soit attribuée aux officiers municipaux comme une dépendance nécessaire de leurs autres fonctions. Qu’il soit pris des mesures pour lever tous les obstacles qui s’opposent au comblement des mares qui nuisent à la salubrité de ladite ville de Ghâteau-Thierry. PROTESTATIONS. La noblesse dudit bailliage ayant vu avec surprise que les lettres de convocation ne lui accordent une députation aux Etats généraux que comme simple prérogative, se croit fondée à une juste réclamation à cet égard, et elle demande que le droit à ladite députation, qui n’â jamais été contesté audit bailliage, lui soit conservé comme droit, et non comme simple prérogative, et charge son député d’en faire la réclamation. Considérant que-, suivant les lois incontestables d’une bonne représentation, le président d’un corps représentatif doit être élu librement par l’assemblée et choisi parmi Ses membres , elle déclare que c’est pour donner au Roi une marque de sa soumission qu’elle n’a pas réclamé contre la présidence attribuée aux grand bailli d’épéë, pourvu par Sa Majesté; en conséquence, elle proteste contre l’article du règlement qui la prive de son droit d’élection sur ce point, et charge son député de porter en son nom ladite réclamation au Roi et aux Etats généraux. Considérant, d’une part, la nécessité dé réunir dans ses assemblées tous les membres de l’ordre de la noblesse pour traiter avec plus d’unanimité les intérêts communs, et s’éclairer réciproquement sur l’ensemble et sur les détails des grandes affaires de la nation; d’autre part, l’abuS qu’il est possible de faire de la permission accordée par le règlement de faire compter la voix d’un membre présent jusqu’à trois fois, pour l’élection d’un député, par le moyen des procurations des membres absents, et que, dans des objets aussi importants pour le Roi, pour la nation, et ' pour chacun des citoyens, de quelque ordre qu’ils soient, rien de ce qui peut ou favoriser l’insouciance, ou ouvrir la porte à la brigue, ne doit être toléré ni admis , la noblesse dudit bailliage charge son député de demander très-humblement au Roi, et dé faire entendre aux Etats généraux la nécessité d’abolir l’usage des procurations dans lé règlement qui sera concerté auxditâ Etats [États gén. 1789. Cahiers.] généraux pour les assemblées représentatives des trois ordres de l’Etat, et d’accorder, en temps de paix, des congés, pour le temps desdites assemblées, aux officiers alors retenus par leur service. Le présent cahier a été arrêté, après lecture d’icelui, et toutes les pages ont été cotées, signées et parafées, par première et dernière, par nous Georges-André d’Oberlin-Mittersbach , chevalier immédiat du Saint-Empire, chef d’escadron au régiment du Colonel général des hussards, grand bailli d’épée du duché de Château-Thierry, avec le secrétaire syndic delà chambre de la noblesse, et avons signé avec MM. comparants et ledit secrétaire svndic. A Château-Thierry, le 26 mars 1789. Signé d’Oberlin-Mittersbach. Dumoulin de Sompry. De Maison-Rouge. Tanevot. De l’Esguisé d’Aigremont père. Le comte de Ferasca. Sarrebource de Pont-leroy. De Chambrénau de Saint-Sauveur. Le vicomte de Saint Yallier. Le Gendre. Le vicomte d’Aumale. Dumoulin. De Villongue. D’Ecourtils. Marquet. Le comte de Marsan. De Boisrouvraye. Graimberg de Belleau, député. Philippe de Mou-cheton. De Roumilly. De Guérin. Vicomte de Brullard. Paris de Tréfonds. Le chevalier d’Aigre-ville. Nerquart. Arnoult de Lafond. De Villongue. Le chevalier de Pompry. De Lesguisé d’Aigremont tils. De Mornay d’Hangest. Philippe deMou-cheton fils. Le comte de Boursonne. _ Le vicomte de La Bédoyère, secrétaire. Extrait succinct de 'parties du registre des délibérations de l’ordre de la ■ noblesse du bailliage de Château-Thierry . Le 11 mars 1789, Messieurs composant ladite chambre, sous la présidence de messire Georges-André d’Oberlin-Mittersbach, chevalier immédiat du Saint-Empire, chef d’escadron au régiment du Colonel général des hussards, grand bailli d’épée du duché et bailliage de Château-Thierry, ont choisi pour leur secrétaire messire Charles-Marie-Philippe Iluchet, chevalier , vicomte de La Be-doyère, capitaine de dragons au régiment de Monsieur, frère du Roi, et le vœu unanime lui a donné pour adjoint messire Gilles-François deGraimberg, chevalier, seigneur de Belleau, syndic de rassemblée de l'élection de Château-Thierry pour le clergé et la noblesse. Le 12, l’assemblée, instruite par M. le comte Armand d’Allouville, major en second du régiment d’Auxerrois, qu’il n’avait pas atteint l’âge de vingt-cinq ans, âge prescrit par le règlement, a chargé M. le grand bailli de lui témoigner ses regrets de ne pouvoir le dispenser de la loi, regrets que lui méritaient ses talents prématurés. Il a été nommé dans cette séance, par scrutin, pour la rédaction du cahier, conjointement avec le président et les deux secrétaires, quatre commissaires, dans l’ordre qui suit. Premier.— Messire Denis-Christophe Pasquer de Boisrouvraye, chevalier, capitaine de cavalerie; Deuxième. — Messire Jean-Baptiste-Marie François, comte de Vassan, chevalier, major des chasseurs des Evêchés; Troisième. — Messire Nicolas Sarrebource de Pontleroy, chevalier, maréchal des camps et armées du Roi ; Quatrième. — Messire Bénigne-Jean, comte de Mornay d’Hangest, officier d’infanterie. L’assemblée, animée de l’esprit de justice et de patriotisme, a consigné dans son registre une délibération contenant l’abandon de ses privilèges pécuniaires et le consentement formel de payer [Bailliage de Château-Thierry.] R67 également les impôts consentis par les Etats généraux. Cette délibération a été communiquée à MM. de l’ordre du clergé, avec invitation d’y adhérer. Cette disposition aété communiquée de confiance à l’ordre du tiers, qui s’est empressé d’en témoigner sa reconnaissance par une députation à ladite chambre. Au même instant, une députation de l’ordre du clergé est venue assurer celui de la noblesse de l’adhésion qu’elle désirait, de l’unanimité de ses sentiments et de son intention de suivre le même plan de conduite. Le 13, la séance ouverte sous la présidence de M. le grand bailli, M. de Boisrouvraye a fait la motion suivante : Que le député qui" sera envoyé aux Etats généraux par l’ordre de la noblesse soit engagé, sur son honneur, à ne recevoir de la cour, pour lui, ni pour ses enfants, aucune grâce, de quelque espèce. qu’elle soit, à compter du jour de sa nomination, jusques et compris la deuxième année après la clôture desdits Etats généraux, et en outre, si c’est un officier actuellement au service, aucun avancement de faveur. Cette motion a été arrêtée par acclamation. De suite, M. le vicomte de La Bédoyère a proposé l’établissement d’une commission pour entretenir avec le député une exacte correspondance, ce qui a été adopté à la pluralité des voix. Cette commission a été composée (non compris le grand bailli) de sept membres, qui sont MM. Daigremont père, le vicomte d’Aumale, de Moucheton père, de Maison-Rouge, de Boisrouvraye, de Tannevot, le vicomte de La Bédoyère. Le même jour, la séance continuée dans l’après-midi, t’assemblée a été présidée par M. Dumoulin père, en l’absence de M. le grand bailli, et il a reçu une députation de l’ordre du clergé, chargée d’apporter une délibération portant abnégation de ses privilèges pécuniaires, et la soumission imposée au député de s’engager, sous la foi du serment, à ne recevoir de la cour aucune grâce, de quelque espèce qu’elle soit, à compter du jour de sa nomination, jusques et compris la deuxième année révolue âpres la clôture desdits Etats généraux. Charmé de cet heureux concours de vœux patriotiques l’ordre de la noblesse, pour donner au tiers état un monument de sa renonciation à ses immunités pécuniaires, lui a envoyé la délibération à ce sujet inscrit sur son registre. Cet acte a été reçu avec la plus vive reconnaissance par toute la chambre du tiers-état, qui s’est transportée sur-le-champ dans celle delà noblesse, pour lui exprimer toute sa gratitude. Dans les séances suivantes, les articles du cahier, au nombre de 74, rédigés par MM. les commissaires, ont été lus, pesés, arrêtés et signés, et la chambre a témoigné aux commissaires sa satisfaction de leur travail. Il a été ensuite procédé, en présence de MM. Dumoulin, Daigremont, de Pompry, plus anciens d’âge, à l’élection de trois scrutateurs, et la pluralité des suffrages s’est réunie en faveur de MM. Daigremont, de Pompry, de Belleau. Alors la noblesse a procédé à la nomination de son député. Le premier scrutin n’ayant pas procuré la pluralité requise par le règlement, il a été procédé à un second, dont la vérification a constaté 25 voix en faveur de M. de Belleau, et un nombre égal de 11 Voix à chacun supérieur à tous les autres en faveur de MM. le grand bailli et le vicomte de Saint-Vallier. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 66g [États gén. 1T89. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Château-Thierry.] Ce concours de trois personnes n’ayant pas été prévu par le règlement, la matière mise en délibération, il a été décidé que M. le comte de Saint-Vallier, comme le plus ancien d’âge, serait seul admis à concourir, dans l’élection du troisième scrutin, avec M. de Belleau. Une pluralité de 52 voix sur 73 électeurs ayant été acquise par M. de Belleau, il a été nommé député. En acceptant cette commission, aussi honorable qu’importante, M. de Belleau a déposé dans le sein de l’assemblée la promesse inviolable d’en remplir dignement les devoirs. Pour le remplacer dans ses fonctions en cas d’empêchement, il a été procédé, aussi par scrutin, à l’élection d’un adjoint, et la pluralité de 24 voix pour M. de Boisrouvraye contre 21 voix pour M. d’Oberlin, grand bailli, a décidé le choix. M. de Boisrouvraye, en acceptant cette commission éventuelle, a manifesté d’une manière touchante ses sentiments à l’ordre de la noblesse. Le 26 du même mois, le corps de la noblesse s’est transporté chez MM. de Belleau et de Boisrouvraye, pour leur témoigner la confiance où il est de trouver en eux les connaissances et les vertus qui constituent essentiellement les représentants de la noblesse ; ensuite il s’est rendu chez M. le vicomte de La Bédoyère, secrétaire de l’ordre, pour lui offrir le tribut de sa reconnaissance, de ses services et de son zèle aussi noble qu’éclairé. Le même jour, la chambre réunie après la clôture du procès-verbal de ses délibérations, et pour remplir le vœu de tous les membres qui la composent, s’est transportée chez M. d’Oberlin, grand bailli d’épée, et lui ont dit, par l’organe de leur secrétaire, combien ils avaient à se louer de la manière noble et modeste dont il les a présidés, et généralement de toute sa conduite, de ses motions et de la sagesse de ses délibérations. M. le grand bailli a témoigné à Messieurs sa vive sensibilité et son désir extrême de mériter, en toute occasion, leur approbation, et les a félicités sur l’union qui a régné pendant l’assemblée. Nous, soussignés, certifions que le présent extrait est tiré du registre de nos délibérations. Signé Philippe de Moucheton père. Philippe de Moucheton fils. Tanevot. Sarrebource de Pont-leroy. De Mornay d’Hangest. Graimberg de Belleau, député. Dumoulin. De Chambrenau de Saint-Sauveur. De Boisrouvraye, suppléant. Des-courtils. De Roumilly. De Lesguisé d’Aigremont. Le vicomte d’Aumale. D’Oberlin Mittersbach. CAHIER. Contenant les remontrancces, plaintes , doléances et supplications de l'ordre du tiers-état du bailliage de Château-Thierry , remis à MM. Pinterel de Louverny , lieutenant général , et Harmand , avocat en Parlement , ses députés aux prochains Etats généraux , par l'ordre du tiers-état du bailliage de Château-Tierryje 29 mars *1789 (1). Le tiers-état du bailliage de Château-Thierry, accablé sous la masse énorme des impôts de tout genre, dont la nomenclature effrayante est deve-(1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat. nue une science que peut à peine atteindre le génie fiscal, ne peut plus rester dans l’état de misère et d’oppression dans lequel il gémit depuis trop longtemps. L’épuisement était prêt de tarir la source de ses contributions, moins onéreuses encore par elles-mêmes que par la manière arbitraire et vexatoire avec laquelle elles ont été établies et perçues. Son amour pour le plus juste des rois, sa fidélité, ont pu seuls lui donner, jusqu’à ce moment, le courage et la force de soutenir le poids de ses peines. Cette partie, la plus utile et la plus nombreuse de la nation, ou plutôt celle qui seule la constitue, est encore prête à sacrifier sa fortune et sa vie pour l’honneur et la gloire de la patrie, pour le bonheur particulier et la satisfaction personnelle de son auguste chef, père et ami de son peuple, auquel il donne l’exemple de la vertu, dont il partage la peine et qu’il daigne appeler à son conseil. Mais pour réparer le désordre effrayant des finances, assurer et éteindre la dette publique, le peuple épuisé ferait en vain tous les sacrifices que le-zèle le plus ardent, que le dévouement le plus généreux, pourraient lui inspirer ; ses efforts inutiles ne serviraient qu’à accélérer et à rendre irréparable le malheur public. Cette affreuse vérité a déchiré le cœur paternel du monarque; elle a frappé les deux ordres privilégiés; ils sont convaincus de la justice et de la nécessité de partager avec le tiers-état le fardeau qui l’écrase, et qui peut devenir léger lorsqu’il sera soutenu par tous les citoyens sans exception, dans l’exacte proportion de leurs forces. Le premier prince du sang, les pairs de France, le clergé, la noblesse, enfin, tout ce qui porte le cœur français, n’a plus qu’un vœu. Dans ces heureuses dispositions, si les rois, toujours bons, toujours justes, toujours grands et généreux, pouvaient tout voir, tout entendre et tout faire par eux-mêmes ; si la nation pouvait se flatter d’avoir éternellement pour maître le prince juste et bienfaisant qui veut la gouverner par les lois, et de voir toujours auprès de sa personne le ministre que la Providence semble y avoir rappelé pour le bonheur de tous , elle n’aurait aucune précaution à prendre pour sa gloire et sa félicité : il lui suffirait de faire connaître ses besoins, d’indiquer ses maux, pour en trouver le soulagement et la fin dans le cœur paternel de son roi et le zèle aussi infatigable qu’éclairé de son ministre. Mais autant pour concourir aux vues sages et bienfaisantes de Sa Majesté que pour assurer à jamais, et sur des bases inébranlables, la constitution d’un empire, qui doit durer autant que le monde, qui doit être le plus heureux et le plus florissant de la terre, et ne point laisser sa destinée à venir aux hasards des événements et des passions des hommes, le tiers-état, usant de la noble et respectueuse liberté que lui donne la nature, la raison, la loi et la volonté clairement exprimée de son roi, déclare : Que les moyens de subvenir aux nécessités de l’Etat, de prévenir la ruine dont il est menacé et de rendre à la France la prospérité, l’éclat, la puissance et la supériorité que la nature semble lui avoir donnée, sont de ranimer l’agriculture, le commerce et les arts qui languissent, de rechercher, de réformer les abus, d’anéantir les privilèges pécuniaires de quelque genre qu’ils soient; de proscrire les dépenses inutiles et superflues ;