SÉANCE DU 12 FRUCTIDOR AN II (29 AOÛT 1794) - N08 25-26 79 interdite aux témoins qui ont voulu parler de Pache, et même aux accusés lorsqu’ils ont demandé qu’il parût. 12°. D’avoir, dans les mêmes vues d’injustice, et afin de sauver les coupables, empêché qu’il ne soit décerné des mandats d’arrêt contre le général Hanriot, Mathieu, son aide-de-camp, Lubin, juge au tribunal du premier arrondissement, et Gobeau, substitut de l’accusateur du tribunal criminel de Paris, tous impliqués dans l’affaire d’Hébert, et, qui depuis ont été guillotinés comme conspirateurs, et cela quoiqu’il y eût contre eux des charges graves qui furent communiquées par écrit au comité de Salut Public, où elles sont restées. En conséquence, la parole a été également refusée aux accusés comme aux témoins lorsqu’ils ont voulu parler de ces individus. 13°. De n’avoir pas donné connoissance à la Convention nationale, de la lettre écrite par Fouquier le 15 germinal, lettre dans laquelle il exposoit à la Convention que les accusés de-mandoient à faire entendre seize députés, dont les dépositions prouveroient la fausseté du fait qu’on leur imputoit, et qu’ils en appeloient au peuple en cas de refus, et d’avoir substitué à cette lettre un rapport mensonger, duquel les comités ont fait résulter que les accusés s’étoient mis en rébellion contre la loi; ce qui a déterminé le décret qui déclare que tout prévenu de conspiration, qui résistera ou insultera à la justice du tribunal, sera mis hors des débats, et jugé sur-le-champ. 14°. D’avoir (Amar et Voulland) en apportant eux-mêmes le décret, et en le remettant à Fouquier, dit : voilà de quoi vous mettre à votre aise, et mettre à la raison tous ces mutins-là. 15°. D’avoir, lorsqu’il s’est agi d’affaires importantes, permis et même ordonné un choix de jurés hors les sections qui étoient en tour, afin de prendre ceux qui étoient les plus dociles. 16°. D’avoir (Amar, Voulland, David et Vadier) lorsque ces jurés étoient à la chambre des délibérations, et que le bruit se répandoit dans le tribunal que la majorité étoit pour l’absolution des accusés, passé par la buvette dans une petite chambre voisine de celle des jurés, et d’avoir engagé Hermann à les déterminer par toutes sortes de voies à condamner à mort, ce que celui-ci, en entrant dans la chambre du conseil, a exécuté, en parlant contre les accusés et en excitant ceux des jurés qui avoient voté pour la mort à menacer les autres du ressentiment des comités. 17°. D’avoir plusieurs fois ordonné la mise en jugement de cinquante à soixante personnes en même temps pour des délits différens. 18°. D’avoir ordonné à l’accusateur public de faire juger, dans les vingt-quatre heures, les prévenus de la conspiration des prisons, de sorte que cent cinquante-cinq personnes dénommées dans l’acte d’accusation du 18 messidor, dévoient être jugées et périr le même jour; mais la crainte de l’opinion publique ayant fait naître quelques réflexions, il fut décidé qu’on les mettroit en trois fois. 19°. D’avoir souffert que les mêmes témoins, entretenus, nourris dans les prisons, et connus vulgairement sous le nom de moutons, déposassent à charge contre les prévenus; et l’on distinguoit parmi ces témoins, Ferrières-Sauve-bœuf, ex-noble, et Leymerie, secrétaire particulier d’Amar. 20°. D’avoir démenti formellement les dénonciations faites à la Convention contre Joseph Le Bon, représentant. D’avoir fait un rapport infidèle sur sa conduite, et d’avoir déguisé ses cruautés sous la dénomination de formes acerbes. 21°. De n’avoir point prévenu la Convention de l’absence de Robespierre du comité depuis quatre décades; d’avoir souffert que, nonobstant son absence, il ait signé quelques actes: d’avoir caché les manœuvres que ce conspirateur avoit employées dans la vue de tout désorganiser, se faire des partisans et ruiner la chose publique. 22°. D’avoir permis que le général Lavalette, Dufraisse et tant d’autres traîtres ou conspirateurs dénoncés dès longtemps aux comités, ou frappés par des décrets de la Convention, soient restés à Paris, y aient obtenu de l’emploi : de les avoir mis ainsi à portée de commettre de nouveaux forfaits. 23°. De n’avoir pris, dans la nuit du 8 et la journée du 9 thermidor, aucune des mesures qui pouvoient assurer la tranquilité publique et la sûreté de la Convention évidemment compromises par le discours du tyran prononcé le 8 à la tribune de la Convention, et le soir à celle des Jacobins, qui lui avoient promis secours, force et protection. 24°. De n’avoir pas fait arrêter, dans la nuit du 8 au 9, le général Hanriot, le maire et l’agent national de paris, Lavalette, et tant d’autres principaux complices de Robespierre, qui tous leur avoient été dénoncés par plusieurs collègues. 25°. De n’avoir pris, dans la journée du 9 aucune mesure de rigueur afin que les décrets d’arrestation lancés contre Robespierre et ses complices fussent exécutés, et d’avoir exposé par cette négligence criminelle, la représentation nationale à être égorgée, puisque les satellites des conspirateurs ont pu le même jour arracher, sous les yeux de la Convention nationale même et de ses comités, dans le local de celui de Sûreté générale et sans aucune résistance, le traître Hanriot qui avoit été dans ce comité. 26°. D’avoir employé des hommes reconnus pour contre-révolutionnaires, perdus de réputation et des débauchés, tarés et même dans les liens de décrets d’accusation, tels que Beaumarchais, d’Espagnac, Haller et autres, et de leur avoir confié des trésors immenses appartenans à la république, trésors avec lesquels ils ont émigré. [J’ai fini. Je demande qu’un secrétaire vous fasse lecture des pièces qui sont à l’appui de ma dénonciation, et que je vais indiquer l’une après l’autre] (58). [CARRIER : Celui qui est à la tribune est un scélérat. (58) Moniteur, XXI, 621. 80 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE RUAMPS : Il sait bien que le château de Versailles n’est pas encore détruit] (59). GOUJON : Je demande la parole pour une motion d’ordre. Avant d’entendre la lecture des pièces dont on parle, dit-il, il faut que l’Assem-blé déclare si elle adopte ou rejette ce mode de procès que l’on fait à cette tribune : mon cœur se suffoque, quand je vois avec quelle froide tranquillité on vient jeter au milieu de nous des semences de division, quand je vois avec quel calme flegmatique on propose la perte de la patrie. Je ne sais point ce qui s’est passé ici; j’étois aux armées, d’où j’ai déclaré l’un des premiers mon adhésion à tout ce qui a été fait par la Convention, parce que je la regarde comme le centre unique auquel tout doit se rapporter; mais je crois que c’est à un homme inconnu dans la Révolution à se lever ici, parce que, s’il tombe, au moins il tombe seul, et sa perte n’occasionne point de déchirement dans la république : je vais donc parler franchement. Hier, un membre vint ici, avec un discours préparé, vous dire qu’il ne falloit plus de terreur, comme si nous ne gémissions pas des excès où nous avons été entraînés (applaudissements). Cette motion ne pouvoit tendre qu’à l’avilissement de la Convention : je n’inculpe pas l’intention; mais je dis que l’action avoit cette tendance; je dis que c’étoit détruire le gouvernement républicain (murmures). Si je n’étois éloigné de toute personnalité, je dirois que, dans ce discours où l’on blâme le système de terreur, j’ai remarqué qu’à l’aide de grandes phrases, on vouloit étendre un voile de terreur sur la Convention par ces termes de robespier-ristes, de continuateurs de Robespierre, de scélérats, qu’on n’a pas nommés. Je le dis avec audace parce que je suis tranquille : ce n’est pas là la conduite que doit tenir un représentant du peuple. Hier, vous avez passé à l’ordre du jour sur cette motion, et aujourd’hui l’on vient vous apporter des pièces contre des hommes qui ont bien servi la révolution; ils peuvent être coupables, je n’entre point dans cette question (murmures); mais si j’avois eu des pièces à la charge de ces membres investis de la confiance de la Convention, je ne les aurois apportées ici que les larmes aux yeux et le cœur navré de douleur. Que je vois un spectacle bien différent ! avec quel sang-froid on vient plonger le poignard dans le sein d’hommes recommandables à la patrie par les services qu’ils lui ont rendus ! Remarquez, que la plupart des reproches qu’on leur fait portent sur la Convention elle-même : oui, c’est la Convention qu’on accuse : c’est au peuple français qu’on fait le procès, puisqu’ils ont souffert la tyrannie de l’infame Robespierre. Jean De Bry vous le disoit tout-à-l’heure; ce sont les aristocrates qui font tout cela... Quelques voix : Et les voleurs. GOUJON : Ils ont cherché au milieu de vous une main qui pût tenir le poignard qu’ils dirigent contre la liberté du peuple. Que cet homme (59) C Eg., n° 741. soit crédule, ignorant ou trompé, qu’importe ! c’est à vous d’empêcher le déchirement qui pourroit s’opérer. Quels sont les témoins, les pièces qu’on vient vous présenter ? Quelle confiance pouvons-nous avoir dans les agens des scélérats que nous avons renversés ? Quelle créance mérite Fouquier-Tinville, cet homme qui a intérêt de plonger le fer dans le sein des membres de la Convention pour se sauver ? Je demande que la discussion cesse à l’instant... Un grand nombre de membres : Non, non, non. BILLAUD-VARENNE : Je m’y oppose. GOUJON : Il me semble que n’étant point préparé pour cette discussion, j’aurois grande peine à faire adopter mon opinion au milieu des partis divers... Beaucoup de voix : Il n’y a ici d’autre parti que celui de la liberté. GOUJON : Il est naturel que ceux qui sont accusés veuillent se défendre : ils le doivent pour eux-mêmes : mais je ne puis m’accoutumer à l’idée qu’un secrétaire lise froidement à cette tribune des pièces qui inculpent des hommes qui se sont montrés les chauds amis de la révolution. Qu’on dépose ces pièces à une commission, qu’elles soient examinées, si elles sont susceptibles de l’être. Qu’on rende justice à tous, je le désire; mais aussi je promets que, tant qu’il me restera une goutte de sang dans les veines, je m’opposerai constamment à ce qu’on perde la patrie. BILLAUD-VARENNE : Il n’y a pas de doute que si les faits qui viennent d’être articulés sont vrais, ceux à qui ils sont reprochés ne soient de très-grands coupables. Il n’y a pas de doute que si les crimes qu’on a avancés sont réels, nos têtes ne doivent tomber; mais je défie Lecointre de justifier son accusation; je le défie de la justifier par des témoins dignes de foi; car il est bon que la Convention sache que depuis que le tyran est abattu, il n’y a pas d’infamie, pas d’intrigues qu’on n’ait employées pour perdre les membres que Lecointre a désignés. Les discours qui ont été prononcés ici par Robespierre et par Saint-Just, ont déjà répondu pour nous aux reproches que Lecointre vient de vous faire; car Robespierre et Saint-just avoient aussi proscrit les hommes qu’on veut frapper aujourd’hui. Nous ne craignons pas la mort; la vie ne nous est pas précieuse, si les intrigans doivent régner. Mais, non : je vois les bons citoyens qui commencent à s’éclairer, et qui déjà manifestent leur improbation. Si nous eussions été les complices de Robespierre, dans quelle position dangereuse n’aurions nous pas mis la république, dans le moment où son projet éclata, et au moment où nous avions les plus grands pouvoirs entre les mains ? Eh bien ! c’est nous qui avons combattu Robespierre, ici, aux Jacobins; c’est nous qui avons déchiré le voile qui cachoit ses crimes; c’est nous qui lui avons arraché le masque de patriotisme dont il se couvroit. Plusieurs membres de cette assemblée savent qu’il avoit été SÉANCE DU 12 FRUCTIDOR AN II (29 AOÛT 1794) - N° 26 81 convenu, depuis long-temps, entre nous, de saisir la première occasion favorable pour le renverser; et nos accusateurs savent aussi que les circonstances furent toujours si ingrates, si critiques, qu’il fallut attendre jusqu’au 9 thermidor pour accomplir ce projet. A l’égard de ce qu’on a dit relativement au tribunal révolutionnaire, qui ne voit pas que c’est une intrigue infernale, imaginée par Fou-quier-Tinville, pour déverser sur nous tout l’odieux de sa conduite ? Qu’a-t-il appris ? rien. Il a parlé de la conspiration des prisons. Tout le monde savoit que la conspiration d’Hébert reposoit sur la conspiration des prisons : voilà un fait que personne ne démentira. Robespierre avoit ordonné la traduction au tribunal de 160 prisonniers, dont la liste avoit été dressée; Fouquier vint au comité la veille du jour où cette exécution devoit avoir lieu, et n’en parla point. Nous l’interrogeâmes sur ce fait : il nous répondit qu’il étoit exact. Ne voyez-vous pas, lui dîmes-nous, que quand il seroit vrai que tous ces hommes fussent coupables, vous allez vous attirer l’animadversion du peuple par cette boucherie ? L’exécution fut divisée. Le comité de Salut public, instruit également que l’échafaud dressé dans l’enceinte du tribunal révolutionnaire existoit encore, quoiqu’il eût ordonné de le détruire, manda l’accusateur public, pour savoir pourquoi cet ordre n’avoit pas été exécuté, et lui enjoignit de nouveau de le faire. La vérité est que, dans la nuit d’hier, les membres des deux comités réunis désavouèrent les faits qui leur étoient imputés. On a parlé de Danton. Eh ! qui ne voit qu’on veut sacrifier les meilleurs patriotes sur la tombe de ce conspirateur. Quelques voix : Oui, oui. BILLAUD-VARENNE : Si le supplice de Danton est un crime, je m’en accuse, car j’ai été le premier à dénoncer Danton : j’ai dit que, si cet homme existoit, la liberté étoit perdue. S’il étoit dans cette enceinte, il seroit un point de ralliement pour tous les contre-révolutionnaires. Danton étoit le complice de Robespierre; car la veille où Robespierre consentit à l’abandonner, ils avoient été ensemble à une campagne, à quatre lieues de Paris, et étoient revenus dans la même voiture. Je vous demande si c’est pour de pareils hommes que la Convention doit voter dans ce moment. Je déclare que, si les intrigans, les voleurs pouvoient avoir le dessus, je m’assassinerois. BOURDON (de l’Oise) : Le mot est prononcé, il faudra le prouver. DUHEM : Je me charge de le prouver pour un. Quelques voix : Nous le prouverons pour d’autres. BILLAUD-VARENNE: Quand on a la conscience pure, on ne craint pas la lumière; aussi suis-je le premier à demander que les pièces annoncées par Lecointre soient lues à la tribune... Plusieurs voix : Non, non. BILLAUD-VARENNE : Il faut que le voile soit déchiré; il faut que le peuple connoisse ses véritables amis, et ceux qui veulent le poignarder, en sacrifiant ceux qui se sont mis constamment entre leur conscience et la guillotine pour sauver la république. On a reproché à Robespierre de vouloir mutiler la Convention; et en effet, quelques jours avant sa mort, Couthon avoit demandé la tête de six représentons du peuple. Aujourd’hui le même système se renouvelle, il semble que l’ombre de Couthon plane encore à cette tribune, et que Lecointre ait ramassé le testament politique de Robespierre. Il est quelques faits qu’il faut que vous sachiez, citoyens. C’est que Lecointre, qui a gagné 50 000 livres à la Révolution, s’étoit dispensé de faire la déclaration des marchandises qu’il avoit, qu’il vint nous le dire au comité, et que nous fûmes assez bons, pour sauver à un représentant de peuple l’infamie du titre d’accapareur : c’est que Lecointre qui nous accuse d’avoir fait émigrer Beaumarchais, que le comité de Salut public a toujours regardé comme un contre-révolutionnaire est celui qui a fait rapporter le décret d’accusation rendu contre Beaumarchais. Il est étrange sans doute d’entendre, dans la bouche de Lecointre, les mêmes reproches que nous faisoit Robespierre. Je demande qu’on lise les pièces; il est temps que les coupables soient connus; il est temps que la Convention les frappe. CAMBON : Je vais peut-être porter la lumière sur un fait qui a été dénoncé. Je vais répondre aux aristocrates qui se réjouissoient hier en disant : la journée de demain sera mémorable. Je vais leur dire : détrompez-vous, le piège est connu, et tous les membres de la Convention savent que, si l’on pouvoit faire les reproches qu’on adresse à quelques-uns d’eux, ils s’appliqueroient à tous... BOURDON (de l’Oise) : Et à toute la nation. CAMBON : Citoyens, rappelons-nous toutes les époques de la révolution, et nous verrons que c’est toujours l’aristocratie qui, avec le mot perfide d’humanité, a toujours assassiné le peuple. Au 6 octobre, on disoit aussi que l’Assemblée Constituante n’étoit composée que de cannibales. Lors du massacre d’Avignon, on accusa les meilleurs patriotes de l’Assemblée Législative d’être les auteurs du massacre. Au commencement de la session de la Convention, il fut aussi une époque malheureuse; on en profita pour jeter des semences de division parmi nous. Des hommes qui se disoient vertueux accusèrent les autres d’être des hommes de sang; aujourd’hui on a créé le mot de Ro-bespierrisme, et l’on accuse tel et tel de ce crime. Citoyens, je dis à Lecointre : tu n’as pas le courage d’attaquer la Convention entière, et voilà pourquoi tu n’en accuses qu’une partie; mais si tu as des faits positifs dans les pièces que tu te proposes de lire, tu n’as pas été assez loin, il falloit accuser les deux comités. Plusieurs membres : Toute la Convention. CAMBON : Ne vous le dissimulez pas, citoyens, cette accusation sera recueillie par tous 6 82 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE ceux qui ont l’espoir de vous avilir. Au reste, cette accusation est un véritable jeu d’enfant. Par exemple, on vous reproche la continuation des pouvoirs du comité de Salut public; cependant, vous le savez, cette délibération fut l’ouvrage de l’unanimité de la Convention; elle fut donc toute entière coupable. [Citoyens, je demande que nous ayons le courage de nous prononcer fortement contre cette accusation qu’il faut recueillir (60), parce que rien ne doit être perdu pour l’histoire; mais après l’avoir entendue, je demande que la Convention passe à l’ordre du jour. (Oui, oui! s’écrie-t-on. (61) ] Plusieurs membres : Non, non. L’Assemblée est vivement agitée. Vadier, un pistolet à la main, est à la tribune et demande à être entendu. On l’environne. Plusieurs de ses collègues le forcent à descendre. Le trouble règne un moment. Le président déclare que la séance est levée. Un grand nombre de membres réclament dans le bruit. [L’ordre du jour avait été adopté, lorsqu’une violente agitation s’est manifestée, les membres accusés, Vadier, Voulland, Amar, Barère et autres donnaient les signes de la plus vive opposition : ils s’écriaient qu’un tel décret leur était injurieux, et qu’il les laissait sous le poids des plus atroces inculpations; ils appelaient la lumière sur leur conduite, et la vengeance sur leur dénonciateur. Une foule de membres par-tagaient leur indignation, et demandaient pour eux une satisfaction plus éclatante. Vadier insistait fortement pour avoir la parole... (62) ] [Vadier s’élance à la tribune, il réclame la parole, et comme le président avait annoncé la levée de la séance, Vadier, avec les mouvements d’un homme au désespoir de ne pouvoir se justifier, sort un pistolet; à l’instant plusieurs collègues l’environnent, et l’invitent à descendre de la tribune. Après quelques moments de tumulte, la délibération est reprise. (63)] DUHEM : L’appel nominal ou la mort. GOUPILLEAU : La discussion ne peut et ne doit pas être prolongée plus long-temps. Je crois du moins que telle est l’intention bien prononcée de la Convention; cependant je crois voir un trait de lumière. Il faut que la Convention sache, il faut que la France sache que les têtes proscrites aujourd’hui par Lecointre, avoient été vouées à la mort par le comité d’exécution de la Commune insurgée, et que l’on avoit promis une couronne civique à celui... (Interrompu.) DUHEM : Nous voulons discuter. AMAR : Je demande la parole. DUHEM : Donne-là à tout le monde. (60) Moniteur, XXI, 623. (61) Moniteur, XXI, 623. (62) Mess. Soir, n° 742; J. Perlet, n° 706. (63) M. U., XLIII, 208. Un membre fait la motion de rejeter avec indignation les énonciations de Le Cointre, et de passer à l’ordre du jour sur toutes les autres propositions. THURIOT : Je crois du devoir de la Convention de concilier l’intérêt du peuple avec celui de la justice. L’intérêt du peuple exige qu’on rejette avec indignation les inculpations présentées par Lecointre : l’intérêt de la justice veut que le soupçon ne plane point sur les membres inculpés. L’ordre du jour pur et simple a irrité nos collègues; ce sentiment étoit naturel, c’étoit l’âme qui parloit. Citoyens, déclarons que nos collègues qu’on a voulu inculper, se sont toujours comportés conformément au voeu national et à celui de la Convention. Ajoutons que la Convention rejette avec la plus profonde indignation les inculpations de Lecointre, et passe à l’ordre du jour (64). Cette motion est décrétée (65). La séance est levée à quatre heures (66). AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 27 [ Opinion de REUBELL, sur l’article XXVIII du projet de décret concernant l’organisation des comités de la Convention nationale, prononcé dans la séance du 6 fructidor] (67) Citoyens Vous avez confié les rênes du gouvernement révolutionnaire, principalement à vos comité de Salut public et de Sûreté générale : vous leur avez distribué tout le pouvoir nécessaire pour les tenir d’une main ferme et vigoureuse. Sans doute ils rempliront leur devoir : tous les amis de la révolution doivent l’espérer et le desirer : car sans le gouvernement révolutionnnaire leur perte seroit assurée. Mais c’est parce que vous avez mis les deux comités sur la même ligne, parce que vous leur avez même donné un point de contact en ce qui concerne la liberté des citoyens; enfin, parce qu’à mes yeux les opérations de ces deux comités ont une influence égale, et la plus grande influence, sur le salut (64) Débats, n° 709, 199-207; Moniteur, XXI, 620-623; Ann. Patr., n° 606; Ann. R. F., n° 270, 271; C. Eg., n° 741; Gazette Fr., n° 973; J. Mont., n° 122; J. Paris, n° 607; J. Fr., n° 704; J. S.-Culottes, n° 561; J. Univ., n° 1740; F. de la Républ., n° 422; Mess. Soir, n° 741, 742; M. U., XLIII, 204-208; J. Perlet, n° 706; Rép., n° 253. (65) Décret n° 10 626. Rapporteur : Thuriot. (66) P.-V., XLFV, 214-215. Rédigé En vertu de la loi du brumaire an IV. Signé, Henry-Lariviere, président, Bailly, Delecloy, Villers, Laurenceot, Delaunay (d’Angers), secrétaires. Voir Arch. Part., t. XCIII, p. 372. (67) Voir Archives Parlementaires, XCV, p. 395. Ce discours publié tardivement au Bulletin, n’a pu être inséré au tome XCV.