320 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE dès ce moment du soin de former des instituteurs. Vous avez cependant des mesures provisoires à adopter. Le peuple a besoin que vous l’entreteniez souvent. Remplissez le vide de ses fêtes décadaires ; ordonnez à votre comité d’instruction publique de rédiger dans le cours de chaque décade un cahier d’instruction. Que ces cahiers soient un répertoire de vos travaux et des principaux événements ; que l’on y trouve des conseils, des règles de conduite ; qu’ils respirent l’amour du travail, les mœurs et l’honnêteté publique ; qu’une narration pure et facile attache et intéresse. Si un pareil ouvrage est bien exécuté, si vous en ordonnez la lecture dans le lieu des séances de l’assemblée générale de chaque commune, le décadi, les citoyens s’y rendront en foule avec leurs femmes et leurs enfants. Quel que soit le plan que l’on adopte à l’avenir sur les fêtes décadaires, vous devez regarder comme un devoir indispensable de remplir vous-mêmes ces fêtes, de les animer, d’y répandre de l’intérêt. Vous ne pouvez le faire par la pompe d’un frivole spectacle, faites-le par l’instruction. On vous parlait dernièrement de la liberté de la presse ; on vous demandait une garantie. Vous avez rappelé les dispositions de la Déclaration des droits de l’homme, et les Français ont juré de mieux conserver le dépôt qui leur est confié. Vos concitoyens vous demandent aujourd’hui une garantie de la liberté individuelle. Répondez -leur que tous les citoyens étant égaux, la loi doit être égale pour tous. Lorsque vous fûtes informés que des laboureurs se consumaient dans l’ennui et l’oisiveté des maisons d’arrêt, vous ordonnâtes, avant la récolte, qu’ils fussent mis en liberté. Vos comités vous annoncent qu’il y a encore dans ces maisons d’arrêt un grand nombre de citoyens appliqués aux arts, aux sciences, à l’agriculture, des chefs de manufactures, des commerçants, dont la détention est ruineuse pour eux et nuisible à la République. Vos comités ont pensé qu’il ne convenait pas moins à la justice qu’à l’intérêt national de mettre en liberté ces citoyens, dont l’utilité ne peut être contestée, et dont les services sont nécessaires. La liberté est le plus grand des encouragements que vous puissiez donner aux hommes utiles ; vous ne devez plus souffrir que l’on vous prive de leurs lumières, de leurs veilles et de leurs travaux. La reconnaissance leur prescrira de se dévouer au service de la patrie. Votre comité de Sûreté générale, formant un grand jury, saura remplir le vœu de la nation, et, en rejetant les déclarations des hommes inutiles et dangereux, renvoyer dans le sein de leurs familles des citoyens qui ne feront usage de leur liberté que pour concourir à la prospérité générale. Des circonstances vous avaient obligés d’accorder aux municipalités un pouvoir illimité sur la délivrance ou le refus des certificats de civisme. Ces dispositions furent alors nécessaires ; maintenant il convient d’ajouter aux lois des dispositions qui en conserveront tous les avantages et en feront disparaître les inconvénients. Il ne convient plus aux circonstances actuelles de laisser aux municipalités la faculté de refuser des certificats de civisme, sans en exprimer les causes. Les comités vous proposent de décréter que les municipalités exprimeront les motifs de leur refus, lorsqu’elles croiront devoir refuser les certificats de civisme qui leur seront demandés. Ils ont pensé qu’il devait être permis de soumettre à la décision des directoires de district l’examen des motifs de refus. Ces dispositions ont paru nécessaires pour faire cesser des abus et de graves inconvénients. On sait quelles sont les suites du refus d’un certificat de civisme; des fonctionnaires publics, qui rejettent en quelque sorte du sein de la société ceux qui éprouvent leur refus, ne doivent pas en laisser ignorer les motifs. Les besoins pressants et multipliés du commerce ont encore déterminé vos comités à vous soumettre plusieurs propositions dont ils demandent le renvoi à vos comités des Finances et de Commerce. Les mesures que vos comités vous proposent leur ont paru celles que les circonstances devaient faire adopter. Rendre la liberté à tous les hommes utiles, imprimer le sceau de l’humiliation sur l’oisiveté, rappeler les institutions à leur origine, les pouvoirs à leur centre, honorer le travail, encourager le commerce, répandre les lumières, établir de fréquentes communications entre le peuple et ses représentants, poser les bases de l’instruction publique, leur ont paru les seuls moyens qu’ils dussent vous proposer pour remplir vos vues, soutenir l’éclat de la nation française, et assurer sa gloire et sa prospérité. Voici les projets de décrets que je suis chargé de vous présenter : Un membre [Robert Lindet], au nom des comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation, réunis, fait un rapport sur la situation intérieure de la République, et présente, à la suite, plusieurs projets de décrets, qui sont adoptés ainsi qu’il suit : a La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Robert Lindet, au nom de] ses comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation, charge son comité de Sûreté générale et les re-présentans du peuple dans les départe-mens de s’occuper, sans délai, de l’examen des réclamations des pères et mères des défenseurs de la patrie, de tous les citoyens agriculteurs, artistes et commer-çans mis en état d’arrestation (56). (56) C 318, pl. 1288, p. 16. Décret n° 10 968. Rapporteur R. Lindet. Débats, n° 730, 573 ; Moniteur, XXII, 8 et 26 ; Bull., 4e jour s.-c. ; J. Mont., n° 144 ; Mess. Soir, n° 764 ; J. Fr., n° 726; M.U., XLIII, 559; Rép., n°4; J. Perlet, n° 729; J. Univ., n° 1763 ; Ann. Patr., n° 628 ; C. Eg., n° 763 ; Gazette Fr., n° 995.