492 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Caen. ] un spectacle de surprise et d’admiration; spectacle qui présente un Etat, sortant d’une crise qui présageait la ruine et s’élevant au faîte de la gloire et de la prospérité, par la conquête qu’il a faite sur lui-même en soumettant toutes les passions au salut de la patrie. Signé Le comte Louis de Vassy, le comte de Houclot, le duc de Coigny, et Grandinde la Gail-lonnière, secrétaire de l’ordre de la noblesse. Collationné à l’original et certifié véritable par nous, greffier au bailliage de Caen soussigné. Signé Hart. CAHIER Des doléances réunies du tiers-élat du bailliage de Caen et de ses quatre bailliages secondaires , Bayeux , Falaise , Thorigny et Vire (1). Le premier vœu de l’assemblée est de présenter au Roi son amour et sa fidélité et de lui témoigner la respectueuse reconnaissance dont elle est pénétrée pour le bonheur qu’il prépare à la nation en l’appelant auprès de sa personne sacrée. CONSTITUTION. Art. 1er. Les députés voleront pour qu’il soit reconnu, la nation assemblée, que la France est un Etat gouverné par un roi sous l’autorité de la loi consentie par les Etats généraux, et que chaque député à ces Etats et à toutes assemblées qui en sont élémentaires ou qui en émanent, est le représentant libre d’un peuple libre, dont le consentement ne peut être forcé par aucune puissance. Art. 2. Qu’il y soit arrêté que toute loi sera librement consentie par les Etats généraux, publiée eux séant, et ensuite envoyée dans les cours de arlement qui en seront les dépositaires et tenus e les faire exécuter. Art. 3. Que le retour périodique de ces Etats aura lieu de cinq ans en cinq ans, même plus tôt pour la seconde tenue, et par la suite, dans le cas d’urgente nécessité, sur la demande des provinces. Art. 4. Que toute convocation des Etats généraux soit toujours précédée d’élections libres. Art. 5. Que l’organisation actuelle des Etats généraux sera consentie par la nation et sanc-• tionnée par le Roi, comme loi constitutionnelle, relativement à la présentation du tiers-état pour moitié, et que chaque ordre y sera représenté par ses membres. Art. 6. Que le vœu le plus général est que les délibérations y soient prises par tête ; que cependant, si l’ordre du tiers-état y trouvait des inconvénients qu’on ne peut prévoir, les députés sont autorisés d’arrêter avec l’ordre entier tous les cas où les délibérations par tête doivent avoir lieu pour son avantage, et ceux où il est plus de son intérêt de délibérer par ordre. • Art. 7. Que les Etats provinciaux seront rétablis dans les provinces qui en avaient ; que ces mêmes Etats seront établis dans celles qui n’en ontpoint, et que leur tenue sera fixée dans les villes qui sont au centre de chaque province. Art. 8. Que le Roi étant le protecteur de toutes es propriétés et de tous ses sujets individuellement, il ne puisse être dorénavant porté atteinte aux droits de propriété ni à la liberté perso n-(1) Nous empruntons ce cahier, à l’ouvrage intitulé : le Gouvernement de Normandie au XVIIIe siècle. nulle, et que la loi seule exerce son empire sur les biens comme sur les personnes. Art. 9. Que, conséquemment à ces principes, les dénonciations dans les cours par un de Messieurs, ainsi que les veniat, soient proscrits, et qu’il ne soit d’ailleurs jamais permis aux gouverneurs ou aux commandants des provinces et places de faire arrêter un domicilié, sinon pour le service militaire. Art. 10. Gomme il est intéressant pour le bonheur de la société de contenir le citoyen qui en troublerait l’harmonie, qu’il soit demandé aux Etats que ceux qui se trouveraient dans ce cas en soient séparés pour un temps déterminé, sur l’ordre provisoire de la commission intermédiaire des Etats provinciaux, obtenu sur la demande unanime et motivée de la famille, au nombre de douze parents réunis à la municipalité ; que le lieu de la détention soit connu et n’offre rien de l’horreur des prisons destinées aux grands criminels, et que le moment de la liberté du détenu soit déterminé dès que la connaissance d’un repentir sincère l’aura rendu digne d’être restitué à son Etat, en observant toujours que les grands crimes ne puissent être soustraits à la peine prononcée par la loi. Art. 11. Que, dans la punition des crimes, la peine soit toujours proportionnée au délit ; que, par le jugement même, tout condamné soit dégradé du titre de citoyen; que les confiscations soient abrogées; que les parents du condamné soient admis à remplir tous emplois publics. Art. 12. Que le tirage des milices, intéressant la liberté nationale, soit aboli; qu’il soit remplacé par des enrôlements volontaires faits dans chaque province, proportionnellement au nombre d’hommes qu’elle doit fournir, et que les frais de ces enrôlements soient réunis aux subsides géné 'aux ; qu’enfin la correction militaire n’avilisse le soldat en aucun cas, et qu’il soit pourvu à sa retraite après un long service. Art. 13. Que les hommes enrôlés dans la milice garde-côte ne soient appelés à passer dans une autre province que de leur libre consentement; que le tirage ordonné depuis peu d’années dans les paroisses sujettes à la garde-côte, pour fournir des canonniers auxiliaires à la marine, soit déclaré abusif et ne puisse être renouvelé. Art. 14. Que Sa Majesté soit suppliée de retirer cette décision, si décourageante pour la plus grande partie de ses sujets, qu’elle exclut de son service de terre et de mer, et défaire réformer les décisions abusives et contradictoires des cours supérieures qui veulent exiger des preuves de noblesse pour être admis à remplir des charges qui la donnent; qu’en conséquence , tout citoyen français soit restitué et maintenu dans le droit d’occuper tous emplois et dignités ecclésiastiques, civiles et militaires. Art. 15. Que nul citoyen ne puisse être distrait de sa juridiction naturelle sous quelque prétexte que ce soit; pourquoi demander l’abolition de toutes commissions, droits de committimus et autres privilèges. Art. 16. Que la liberté de la presse soit établie avec les modifications que le Roi et les Etats généraux jugeront nécessaires pour en prévenir les abus. Art. 17. Que le secret des postes et leur sûreté soient sous la foi publique, et que ce dépôt ne soit jamais violé comme droit imprescriptible de la nature et des gens. Art. 18. Que les ordonnances des Etats d’Orléans, pour le fait des vœux monastiques, soit [États gén. 1789. Cahiers.] -ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Caen.] 493 remise en vigueur sans qu’il puisse y être innové, Art. 19. Qu’en dérogeant à 1 a disposition de la cqutume de Normandie, que fixe la majorité à vingt ans, le Roi soit supplié de donner une loi générale qui la fixe à vingt-cinq ans pour vendre, aliéner, hypothéquer les immeubles, à peine de nullité des contrats, et qui conserve aux mineurs âgés de vingt ans la libre disposition de leurs meubles et la jouissance de leur revenu. Art. 20. Qu’en conservant à la religion catholique le culte public qui lui appartient dans le royaume, Sa Majesté soit également suppliée de perfectionner la loi promulguée au mois de novembre 1787 en faveur de ses sujets non catholiques. Art. 21. Qu’il ne soit rien innové au titre ni à la valeur des monnaies, ni publié aucune loi à cet égard sans le consentement des Etats généraux. Art. 22. Que les Etats généraux réunissent tous les moyens pour établir l’uniformité des mesures et poids dans tout le royaume. Art. 23. Que tous les privilèges pécuniaires soient abolis et que tous les impôts et autres contributions soient supportés indistinctement par les trois ordres et employés dans un seul et môme rôle. Art. 24. Qu’aucuns impôts, droits additionnels, emprunts et créations d’office ne puissent être consentis que pur la nation assemblée ; que les impôts ne puissent être accordés par les Etats généraux que pour un temps limité et jusqu’à leur prochaine tenue, en sorte que cette prochaine tenue venant à ne pas avoir lieu, toute imposition cesserait, sans qu’il pût être obtempéré dans aucun temps à tous arrêts ou décisions du conseil. Art. 25. Que le compte géuéral des finances soit rendu public tous les ans, et que les ministres soient responsables aux Etats généraux de leur gestion et des fonds assignés à leur département. Art. 26. Qu’il ne soit pris aucune délibération sur les affaires de l’Etat et qu’après que la liberté individuelle aura été assurée et que les lois constitutives du royaume auront été établies ; qu’en-suite il soit procédé à la fixation des dettes publiques ; qu’on en retranche les intérêts usuraires ; que la nation consolide celles qui seront liquidées, et que les Etats généraux, en ménageant à chaque province les moyens les moins onéreux de les acquitter, supplient le Roi de régler, de concert avec eux, les dépenses de chaque département. Art. 27. Que l'état des pensions soit scrupuleusement examiné pour en connaître la nature et la quotité ; que celles qui se trouveront trop fortes ou surprises à la religion du Roi, soient réduites ou rejetées, et qu’à l’avenir les fonds applicables aux pensions de chaque département soient irrévocablement fixés. SUBSIDES ET PERCEPTION. Art. 28. Demander avec instance la suppression de tous les impôts actuellement existants, et singulièrement des gabelles, fermes du tabac, aides et tailles, vingtièmes sur les fonds, rentes et industrie, centième denier sur les offices, les droits de marque sur les cuirs, fers, papiers et cartons ; qu'à la sollicitation unanime de toutes les municipalités, ces impôts soient remplacés de la manière la plus rapprochée d’un impôt simple sur les personnes et sur les fonds et immeubles fictifs, et dont la-répartition sur les trois ordres soit la plus également proportionnelle et la perception la plus économique. Art. 29. Que Sa Majesté soit suppliée de rendre dès à présent la liberté aux malheureux citoyens retenus aux galères pour n’avoir pas satisfait aux amendes prononcées contre eux pour fraude et contrebande, et que désormais cette peine ne puisse être prononcée en pareil cas. Art. 30. Que les Etats provinciaux et leurs commissions intermédiaires soient exclusivement revêtus de toute l'autorité nécessaire pour l’exécution des ordres relatifs à l’administration des objets de police et finances. Art. 31. Que ces mêmes Etats aient la faculté de nommer des receveurs ' particuliers qui verseront les impôts par eux perçus dans la caisse du trésorier de la province, lequel en remettra directement les fonds au trésor royal. Art. 32. Que chaque département puisse faire acquitter par les trésoriers de chacune des provinces les sommes que le gouvernement y devra faire passer pour la solde des troupes et toutes autres dépenses, et que les mandats acquittés vaillent du comptant au trésor royal. Art. 33. Que les Etats provinciaux, en choisissant leurs receveurs particuliers, remboursent les places des finances et en fassent l’intérêt au denier vingt jusqu’au racquit DOMAINES. Art. 34. Qu’il soit nommé, tant par le Roi que par les Etats provinciaux, une commission qui règle irrévocablement et sans frais, sur des mémoires respectifs, les domaines de Sa Majesté dans les provinces, tant en fonds que censives et tenures. Art. 35. Que les domaines actuellement constants, à l’exception des forêts, puissent être aliénés à perpétuité, sous la garantie de la nation, pour aider à remplir le déficit. Art. 36. Que l’administration des bois et forêts appartenant au Roi soit confiée pendant cent ans aux Etats provinciaux, pour les faire repeupler et y réunir les portions distraites, à charge de payer au gouvernement le même revenu net qu’il en retire présentement, et de rembourser, dans le plus bref délai qui serait fixé, l’évaluation des charges des officiers au centième denier, ou suivant leurs contrats d’acquêts, avec les frais en résultant, ou d’en faire la rente au denier vingt jusqu’au remboursement, au choix des propriétaires. Art. 37. Demander la suppression de la perception arbitraire des droits de contrôle, insinuation, centième denier, droits de greffe, épices, etc., et la rédaction d’un nouveau tarif précis, clair et réduit aux droits les plus simples, et spécialement pour les traités de mariage, dots, transactions et autres actes de famille, et que cette perception soit confiée aux Etats provinciaux par abonnement en régie. Art. 38. Que les droits de francs-fiefs soient abolis. Art. 39. Que les droits de havage, pondage et travers soient supprimés et qu’il soit pourvu à l’extinction des droits abusifs sur les poids-le-roi, jauges et réformation. DROITS FÉODAUX ET POLICES DE CHASSE. Art. 40. Que les Etats généraux prononcent sur le vœu général formé pour que toute corvée personnelle soit anéantie, et, par suite, que les droits de banalité, de parcours et autres servitudes de ce genre soient abolis, à charge de l’indemnité ui pourra être due, laquelle sera réglée par les tats provinciaux. Art. 41. Que, pareillement, ils prononcent sur 494 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Caen. le même vœu que les colombiers, comme nuisibles à l’agriculture, soient détruits, et qu’ils règlent les indemnités qui seraient dues et par qui elles le seraient, au profit des propriétaires fondés en titres et possession. Art. 42. Qu’on ne puisse troubler les seigneurs et communautés dans la propriété des landes, bruyères et marais dont ils sont en possession par et depuis quarante ans, et qu’il soit avisé au moyen d’y réintégrer les propriétaires qui en auraient été dépouillés depuis le même laps de temps par des concessionnaires ou usurpateurs, en déterminant par les Etats généraux une voie légale pour y parvenir. Art. 43. Que les Etats provinciaux soient autorisés à prendre des mesures pour améliorer les marais, communes et landages, soit par assèchement, plantation, défrichement, partage ou exploitation en commun, suivant le plus grand avantage reconnu par les propriétaires. Art. 44. Que les Etats provinciaux fassent détruire, dans les bois dont l’administration leur sera confiée, les bêtes fauves et autres malfaisantes, et qu’il en soit usé de même par les seigneurs particuliers ; et qu’à défaut de clôture suffisante pour contenir celles qu’ils voudraient conserver, les habitants des campagnes soient autorisés à faire des battues. Art. 45. Qu’il soit permis à ces habitants d’avoir dans leur maison un fusil pour leur propre sûreté, parce que la municipalité du lieu déterminera les personnes auxquelles on peut accorder cette permission. COMMERCE. Art. 46. Que Sa Majesté soit suppliée de ne point arrêter définitivement des traités de commerce avec les nations étrangères sans avoir procuré aux chambres de commerce le moyen de lui en représenter lés avantages et les inconvénients; qu’elle soit également suppliée de prendre en considération les résultats fâcheux pour la France du traité fait avec l’Angleterre, et que les soieries de nos fabriques soient introduités en Angleterre sur le même taux que ses gazes de soie le sont en France. Art. 47. Qu’il soit pourvu, par tous les moyens que la nation et les places de commerce pourront indiquer, soit par des primes ou autres avantages, à l’encouragement du cabotage français, et que l’arrêt du 30 août 1784, concernant le commerce dans les colonies, soit révoqué. Art. 48. Que les provinces laissent passer librement et sans droits les denrées et marchandises qui iront ou viendront d’une province dans l’autre , et qu’aucune ne soit réputée étrangère ; que les seules marchandises arrivant de l’étranger soient assujetties aux droits d’entrée dans le royaume; que ces droits soient établis d’une même perception dans chaque province frontière et que ces marchandises, une fois entrées, aient une circulation libre dans tout le royaume. Art. 49. Que Leurs Majesté et la famille royale soient invitées à ne faire usage que d’objets provenant des manufactures françaises, afin que leur exemple influe sur l’esprit national. Art. 50. Que Sa Majesté veuille bien ne point accorder de lettres de surséance aux débiteurs que sur l’avis des chambres de commerce ou des juges consuls, et, à leur défaut, des officiers municipaux, et que ces lettres ne puissent être renouvelées sous aucun prétexte que sur le consentement du tiers en somme des créanciers, dûment certifié par les mêmes officiers. Art. 51. Qu’il n’y ait aucunes maisons privilégiées pour les banqueroutiers ou faillis. Art. 52. Que, pour le plus grand avantage du commerce et de la circulation en général, les constitutions à terme sans aliénation du capital soient autorisées par une loi de l’Etat. Art. 53. Que les Etats généraux prennent en considération le défaut de poids proportionnel entre les grosses et menues pièces d’argent ; qu’à l’égard de celles de billon, et particulièrement des pièces de 18 et 24 deniers, il soit remédié aux difficultés qui résultent du défaut de leur empreinte. Art. 54. Que les droits de roulages exclusifs et des messageries soient supprimés comme destructifs d e Ta liberté du commerce. Art 55. Que tous les abus de la régie de la caisse de Poissy et de Sceaux soient détruits et qu’elle soit tenue de payer généralement pour tous les bouchers, sans quoi elle ne pourra percevoir aucun droit sur les ventes faites à ceux qui n’y sont pas reçus. Art. 56. Que les veuves des maîtres ne soient plus assujetties à aucun droit pour continuer la profession de leurs maris, et que leurs enfants soient reçus gratuitement comme par le passé. AFFAIRES BÉNÉFICIALES. Art. 57. Qu’il soit pris des mesures pour empêcher tous transports d’argent à la cour de Rome sous prétexte d’annates, dispenses, résignations ou autres actes. Art. 58. Que les archevêques reçoivent dans leur province les résignations et accordent les provisions par dévolus ou autres cas semblables. Art.. 59. Que toutes les dispenses soient dévolues aux évêques diocésains, tenus de les accorder gratuitement. Art. 60. Que les dépôts soient supprimés comme nuisibles aux pauvres et autres paroisses. Art. 61 . Que le vœu général est que les Etats généraux prennent en considération les dîmes perçues en Normandie, et qu’ils obtiennent la suppression de celles qui mettent des obstacles aux progrès de l’agriculture, et notamment des dîmes insolites, et procurent un règlement provisoire qui rende la perception de celles qui subsisteraient plus facile et moins onéreuse. Art. 62. Qu’il soit pris sur les biens du haut clergé un supplément jusqu’à concurrence de 1,500 livres pour les curés dont le revenu ne monterait pas à cette somme, regardée comme nécessaire pour leur subsistance , dans la supposition même où les pensions congrues continueraient de subsister. Art. 63. Qu’au moyen de ce que leurs revenus seront ainsi augmentés, les curés ne puissent rien exiger pour l’exercice de leurs fonctions. Art. 64. Que les dîmes soient assujetties à toutes impositions locales, charges publiques, et aux reconstructions et réparations des nefs et presbytères. Art. 65. Que les biens ecclésiastiques soient affermés publiquement, avec les clauses d’usage, sans vin ni avances, et que les baux soient entretenus par les successeurs. Art. 66. Que les coupes de leurs bois soient réglées comme celle des propriétaires et soumises à l’inspection des Etats provinciaux. Art. 67. Que le clergé soit tenu d’acquitter ses dettes, et qu’il soit autorisé à vendre de ses biens jusqu’à concurrence et de la manière qui sera déterminée par les Etats généraux. Art. 68. Qu’il soit avisé aux moyens de détruire [États gén, 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Caen.] la mendicité et de faire appliquer à des actes de bienfaisance et d’humanité et à des fondations d’éducation publique les revenus qui dépendent des maisons conventuelles dont la suppression est prononcée par l’édit de 1768. Art. 69. Que le Roi, d’accord avec la nation. simplifie les formes et diminue les frais actuellement nécessaires pour ces sortes d’établissements. Art. 70. Que les titres de fondation des collèges réunis à celui de Louis-le-Grand soient remis aux Etats particuliers des provinces pour lesquelles ils ont été établis; que les règlements nouveaux qui rendent ces réunions contraires aux intentions des fondateurs soient supprimés et qu’on rende à la province de Normandie, et spécialement au siège de Bayeux, le collège des écoliers de Notre-Dame de Bayeux, vulgairement appelé le collège de maître G'ervais , du nom de son fondateur, dont la destination a été dénaturée par des lettres patentes surprises à Sa Majesté le 13 septembre 1778. JUSTICE. Art. 71. Le vœu général pour l’administration de la justice est qu’elle soit gratuite et que la vénalité des charges soit supprimée. Art. 72. Gomme l’assemblée ne présume pas que la réforme dans l’administration des différentes parties de l’ordre judiciaire puisse s’effectuer dans la prochaine tenue des Etats généraux, elle demande qu’il soit nommé, tant par le Roi que par eux, des commissaires qui s’occupent de rédiger un code de lois civiles, criminelles, maritimes, de commerce et d’éducation. Art. 73. Que leur travail soit rendu public six mois avant la seconde tenue des Etats, examine par eux-et promulgué pour son entière exécution après avoir éprouvé les changements jugés nécessaires. Art. 74. Qu’un des premiers articles à insérer dans le nouveau code soit que la justice se rende au nom du Roi par tout le royaume ; pourquoi les hautes justices créées par les édits de 1702 et de 1704 seront supprimées avec remboursement, s’il y échet. Art. 75. Quant aux hautes justices patrimoniales, les Etats généraux voudront bien s’occuper du vœu unanime formé pour leur suppression, à charge d’indemnité, s’il y échet, en conservant aux seigneurs le titre et l’utilité. Art. 76. Que les prévôts des maréchaux ne puissent juger aucun procès criminel, et qu’après avoir informé, décrété et emprisonné, ils soient tenus renvoyer aux juges ordinaires. ' Art. 77. Qu’au moyen des dispositions précédentes, les degrés de juridiction soient portés et bornés à deux dans tout le royaume, sauf les cas d’appel comme d’abus. Art. 78. Qu’il soit fait un arrondissement de chaque siège ou tribunal, pour que les justiciables en soient plus rapprochés. Art. 79. Demander l’entière suppression des prises et ventes. Art. 80. Que les municipalités de chaque ville reçoivent sans frais et conservent de même les fonds de consignations ordonnées; à l’effet de quoi la caisse en sera déposée à l’hôtel de ville sous la triple garde du lieutenant général du bailliage, du procureur du Roi et de l’échevinat. Art. 81. Que l’édit de 1771, concernant les hypothèques, soit révisé. Art. 82. Que les municipalités soient érigées en tribunaux de paix, pour toutes les matières dont 495 l’objet et la valeur ne méritent pas d’être portés dans les tribunaux ordinaires. Art. 83. Que les actes de tutelle des pauvres des campagnes soient reçus par les curés et deux des membres de la municipalité, et que copie de chaque acte soit déposée sans frais au greffe de la juridiction royale du ressort. Art. 84. Que, pour l’intérêt de l’ordre public dans chaque classe d’administration, l’ecclésiastique n’ait qu’un seul bénéfice, comme le militaire un seul gouvernement et le magistrat une seule charge, et que les uns et les autres soient expressément tenus de résider. OUVRAGES PUBLICS. Art. 85. Que l’on évite l’abus des grandes routes trop multipliées qui, passant par des villages protégés, éloignent le voyageur des villes et ruinent le commerce. Art. 86. Qu’il ne soit désormais construit aucunes routes ni entrepris aucuns ouvrages publics sur le fonds d’un citoyen sans l’indemniser au moment même de la dépossession; qu’il soit aussi pourvu aux moyens les plus efficaces de dédommagement de l’ouverture des carrières. Art. 87. Que la dépense de tous ouvrages qui n’ont pour objet que des intérêts particuliers cesse d’être assignée sur les deniers publics. Art. 88. Que les ingénieurs et tous autres administrateurs ne puissent faire agréer par le gouvernement et les Etats provinciaux le plan d’aucuns ouvrages publics pour les villes qu il n’ait été communiqué au corps municipal, déposé pendant un temps compétent dans le lieu le plus apparent de l’hôtel, afin que, d’après l’avertissement des officiers municipaux, les citoyens puissent y faire leurs observations. Art. 89. Que l’entretien des chemins vicinaux soit à l’aveniF une charge publique, et que tous chemins inutiles soient supprimés. Art. 90. Comme la brièveté du temps n’a pas permis aux commissaires de rassembler dans le cahier un grand nombre de pétitions et demandes particulières et générales, il est arrêté que les cinq cahiers des bailliages y seront joints pour être remis aux députés aux Etats généraux et par eux pris en considération dans tous les points qui ne sont point contraires au présent cahier. Fait et arrêté en l’assemblée du tiers-état, ce 21 mars 1789. Et avant de signer; les députés présents ont demandé qu’il fut exprimé dans le cahier qu’il ne pourra être établi de commission intermédiaire dans l’intervalle d’une tenue des Etats généraux à l’autre, et que les tribunaux d’exception seront supprimés, ce qui a été unanimement agréé. CAHIER De doléances du bailliage de Vire (1). Du 5 mars 1789. Cahier de doléances, plaintes et remontrances des députés des villes, bourgs, paroisses et communautés du bailliage de Vire, arrêté dans l’assemblée générale tenue devant nous, Pierre-Marie-Jean-Baptiste Faut, conseiller du Roi, lieutenant général au bailliage, le 5 mars 1789, dans la chapelle Saint-Thomas de Vire, en présence d’Etienne-Pierre-Jules-François Rélie, sieur de laHarie, con-(l)Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de Y Empire.