244 [Etats gen. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc. outre la lecture, l’écriture et un peu d’arithmétique qu’elles continueront à enseigner, joignent à l’étude du catéchisme religieux qui renferme la base de tous les devoirs moraux, celle d’un catéchisme patriotique, qui expose d’une manière simple et élémentaire les obligations que renferme le titre de citoyen, et les droits qui dérivent nécessairement de ces obligations, quand elles sont bien remplies; qui fonde sur ces obligations et ces droits, le respect pour les lois et surtout pour les lois de la propriété, l’obéissance aux magistrats, le dévouement à la patrie et au Roi, qui en est le père. Que les pasteurs des paroisses de campagne exercent sur ces écoles, et sur la manière d’y inculquer aux eufants les vérités importantes qu’on leur y enseignera, l’inspection la plus active et la plus suivie et ne dédaignent point cette fonction, la plus essentielle, peut-être, de leur ministère. Art. 13. Que les écoles du peuple des villes aient le même plan d’étude, mais confiées à des maîtres plus habiles, et soumises à une discipline plus soignée que celles des campagnes, telle à peu près qu’elle s'exerce chez les Frères des Écoles chrétiennes ; qu’en outre de l’inspection des pasteurs, elles soient soumises à celle des officiers municipaux et des magistrats. Art. 14. Que l’institution des premières classes de citoyens, ou de tous ceux que leur fortune met en état de suivre des études plus longues et plus parfaites, soit confiée à ce grand nombre de corps réguliers qui, déjà rentés, n’attendent que le signal de se rendre maintenant aussi utiles à l’Etat qu’ils l’ont été dans tous les temps à la religion. Qu’il soit dès à présent tiré de ceux de ces corps qui déjà s’occupent de l’éducation de la jeunesse, ainsi que de toutes les universités du royaume, des commissaires qui, réunis, concerteront, avec l’Université de Paris, le plan d’études et de discipline le plus convenable à établir dans tous les collèges et universités du royaume. Que le même catéchisme patriotique des petites écoles soit enseigné dans les grandes, n’y ayant pas deux genres de devoirs pour les différents ordres de citoyens; que seulement il en soit fait une étude plus approfondie. Art. 15. Il est malheureux que la plupart des universités et des établissements d’éducation , soient placés dans de grandes villes, où la jeunesse trouve, à côté des leçons de science et de vertu qu’elle reçoit, l’exemple de la dissipation et du vice. L’Université de notre province avait heureusement été mise à l’abri de ce danger, par la sagesse de nos anciens souverains qui l’avaient placée à Pont-à-Mousson, où elle florissait ; transférée à Nancy, pour augmenter le lustre de cette capitale, elle est devenue dans cette ville de luxe un écueil dangereux non-seulement pour les mœurs et la santé de la jeunesse, mais encore pour la fortune des parents. D’après ces considérations d’un intérêt direct pour nous et pour les citoyens de tous les ordres de la province, nous chargerons nos députés de faire la demande particulière du retour de notre Université dans la ville de Pont-à-Mousson, qui a conservé les établissements les plus convenables, et où la vie, moins dissipée, est bien moins chère qu’à Nancy, et permet de donner à la jeunesse une éducation plus soignée et moins dispendieuse. Art. 16. Les liens qui nous unissent au chef visible de l’Eglise, étant tout spirituels, doiventêtre conservés sans doute, et resserrés, s’il est possible, ar tout ce que peuvent y ajouter le respect et l’o-éissance filiale à tous les décrets qui émanent de lui ; mais tout ce que, dans les temps d’ignorance et de corruption, l’ambition et l’avarice de la cour de Rome ont su y joindre d’avantages temporels, doit, dans ce siècle de lumières, être abrogé. Qu’en conséquence nos députés aux Etats généraux y proposent qu’il soit pris, de concert avec le Roi, des arrangements tels que, sans nous écarter du centre de l’unité et de la suprématie que nous reconnaissons dans le siège de Rome, il soit pourvu à l’obtention des dispenses et des bulles sans autres frais que ceux de leur expédition, et qu’il soit suppléé au payement des annates par quelques marques authentiques du respect de la nation pour le Saint-Siège; car, à peine en état de subvenir au payement des charges de son gouvernement, il est absurde qu’elle continue à payer à une nation étrangère un tribut annuel de plusieurs millions. Art. 17. Que désormais tout citoyen, revêtu d’un office civil ou militaire, ne puisse en être dépouillé sans un jugement préalable, rendu par des juges compétents. Aujourd’hui vingt-six mars mil sept cent quatre-vingt-neuf, à neuf heures du matin, la noblesse du bailliage de Saint-Mihiel, convoquée dans la salle particulière des séances, en l’abbaye de cette ville, en vertu de l’ajournement à elle donné le vingt desdits mois et an, par son président, les articles ci-dessus ont été lus, approuvés et arrêtés dans leur assemblée générale, afin d’être présentés à l’assemblée des Etats généraux du royaume, convoqués à Versailles au vingt-sept avril de la présente année, et être proposés à ladite assemblée par ses députés, auxquels elle donne charge spéciale de proposer le présent cahier dans tout son contenu à ladite assemblée des Etats généraux. En foi de quoi ont signé le président, secrétaire et commissaires à la rédaction dudit cahier. Signé Brousmard , président ; le chevalier Damoiseau ; le chevalier de Faillonnet; Bâillonne! de Domrémy ; Bonsmard de Chantraine ; le baron de Manonville ; F. -G. Rouvroir, secrétaire. CAHIER DES DOLÉANCES DES TROIS ORDRES DU BAILLIAGE ROYAL DE VILLIERS-LA-MONTAGNE (1). On remarque dans la lettre de Sa Majesté pour la convocation des trois ordres de ce royaume, que la matière des plaintes et doléances doit se rapporter à deux objets généraux : 1° Etablir un ordre constant et invariable dans toutes les parties du gouvernement qui intéressent le bonheur des sujets et la prospérité du royaume ; 2° Surmonter les difficultés qui se rencontrent dans l’état des finances. Il n’y a pas un Français qui n’ait ouï parler de ce déficit immense, incalculable jusqu’à présent ; il s’agit de trouver des mesures pour établir l’équilibre entre la recette et la dépense de l’Etat, et d’épargner au nom français la honte d’une banqueroute déshonorante aux yeux de touiel’Ëurope. Ces deux objets présentent 'des branches infinies à la réflexion des politiques. Les trois ordres de ce bailliage, réunis par l’accord d’une volonté unanime, ne se flattent pas d’atteindre le but auquel tous les souhaits doivent aboutir; ils vont hasarder succinctement quelques réflexions : et pleins de confiance dans la parole sacrée d’un (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des A rchives de l’Empire. 245 . [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc. Roi qui ne veut régner que par l’amour et la félicité publique, ils supplient très-humblement et très-respectueusement Sa Majesté de consentir que la nation, rendue à ses antiques et imprescriptibles prérogatives, jouisse à l’avenir d’une constitution fixe et invariable, étant de la nature d’une monarchie d’en avoir une. En conséquence, il est à désirer quel’on établissepar une loi générale et nationale : 1° Que l’assemblée des trois ordres du royaume aura un retour périodique ; que Sa Majesté décernera des lettres de convocation aux époques à fixer, et que tous les subsides qui seront consentis par la nation cesseront de plein droit si les Etats généraux ne sont pas convoqués aux époques fixées, sauf à Sa Majesté à les assembler en d’au � très temps, suivant les circonstances et les besoins de l’Etat. 2° Que toutes les lois seront proposées, délibérées et sanctionnées dans les Etats généraux, pour être ensuite promulguées au nom du monarque. 3° Que les Etats généraux seront seuls le corps représentatif de la nation, dans la proportion et la forme qui sera adoptée par les Etats généraux, lesquels pourront seuls décerner la régence. 4° Que les ministres et autres administrateurs subalternes seront comptables de leur conduite publique à la nation. 5° Qu’aucun démembrement du royaume ne pourra être fait par cession, échange ou autrement que par le consentement des Etats généraux. 6° Que tous les magistrats ordinaires, supérieurs et inférieurs, inamovibles par essence, ne pourront être destitués que pour cas de forfaiture. 7° Que tout citoyen ne pourra être jugé que par les lois et ses magistrats naturels ; que les lettres de cachet seront proscrites, excepté celles sollicitées par les familles pour la conservation de leur honneur, après une assemblée de parents dans les formes légales, pourvu toutefois que les crimes ne soient pas publics et capitaux. 8° Sa Majesté sera très-humblement suppliée d’accorder des Etats particuliers à la province de Lorraine et Barrois; de décider que ces Etats auront seuls le droit derépartir les subsides, d’en faire faire la levée, de connaître définitivement et en dernier ressort de toute contestation qui pourrait naître à ce sujet : qu’à eux seuls appartiendra l’administration générale de la province, le soin de former un plan d’étude et d’éducation pour la jeunesse; la construction, réparation et entretien des ouvrages publics, sous les ordres du gouvernement ; qu’ils pourront proposer tous les moyens que la connaissance parfaite de leur localité pourra leur suggérer, pour améliorer toutes les parties qui ont un rapport direct ou indirect à l’agriculture ou au commerce ; en un mot, tous les projets qu’ils jugeront propres à amener la province à l’état de police et de prospérité dont elle peut être susceptible. 9° Quoique l’ordonnance civile et criminelle du duc Léopold, qu’on suit aujourd’hui en Lorraine, soit regardée comme un chef-d’œuvre, elle a encore besoin d’un second coup d’œil de la raison ; c’est pourquoi on demande unanimement qu’elle soit soumise à l’examen des jurisconsultes les plus sages et les plus instruits ; que les tribunaux d’exception, commissions, etc., soient supprimés, ainsi que les privilèges exclusifs, les huissiers-priseurs et le marc d’or nouvellement établi en Barrois, sur les terres seigneuriales. 10° Le tiers-état des bailliages, réunissant son vœu à tous les individus de son ordre qui ont de la sensibilité, de l’énergie dans l’àme, et se font gloire d’être Français, supplie avec la pius vive instance Sa Majesté de ne lui donner aucune exclusion formelle aux emplois militaires, civils ou ecclésiastiques, et de faire entrer les curés ainsi que les évêques et autres prélats dans les corps politiques de l’Etat. 11° Que la liberté indéfinie de la presse soit autorisée , à la charge par l’imprimeur d’apposer son nom à tous les ouvrages qu’il imprimera, et de répondre personnellement de tout ce qu’il pourrait v avoir de contraire à la religion, à l’ordre et à l’honnêteté publique. 12° Que les portions des curés et vicaires soient augmentées et fixées de manière à leur procurer une subsistance honnête, proportionnée à leurs charges, et qui les mette à même de renoncer aux dîmes , par amour de la paix, et au casuel non fixe, aussi onéreux aux habitants de la campagne qu’humiliant pour la dignité de leur caractère, et qu’il soit assigné une pension de retraite aux curés et vicaires qui ne pourront plus exercer leur ministère à raison de leur âge ou de leurs infirmités. 13° Sa Majesté sera très-humblement suppliée, de prendre en considération la réclamation de tous les ordres de l’Etat contre le concordat entre François Ier et Léon X. 14° D’ordonner que tous étrangers soient exclus de tout office et bénéfice du royaume, attendu la non-réciprocité. 15° Que les revenus des biens situés en France, et qui appartenaient aux ci-devant Jésuites de Trêves, soient rendus à la nation, et affectés à l’éducation des sujets de Sa Majesté, faisant partie du diocèse de Trêves, sous la direction des Etats provinciaux. 16° Qu’il soit établi dans chaque province un tribunal héraldique, composé de gentilshommes, pour juger définitivement de toutes les preuves de noblesse et en donner une justification indéfinie. 17° Que toutes charges anoblissant à prix d’argent soient supprimées et que la noblesse ne soit accordée qu’à des personnes qui l’auront méritée par des services utiles ou des talents essentiels. 18° Que tout privilège pécuniaire soit supprimé, et qu’il ne soit établi aucun subside sans être reparti sur tous les ordres indistinctement. 19° Que tous droits ou impôts tels que la gabelle , foraine, tabacs, faciende, encavage de bière et ceux connus particulièrement dans cette province sous le nom odieux de châtrerie, rif-flerie, etc., soient supprimés et remplacés par un subside de deux espèces, dont l’un territorial payable en argent , et l’autre représentatif ou personnel pour les capitalistes, commerçants, négociants, etc. 20° Que les chasses, pêches et autres biens domaniaux à l’exception des bois, étant plus à charge que profitables au souverain, soient aliénés pour en appliquer le produit au besoin du moment ; que surtout dans la province de Lorraine et Barrois on ne puisse faire la recherche du droit de franc-fief, non plus que de l’aliénation des biens domaniaux, au delà de l’année 1736, époque de la cession. 21° Que les fruits de la régale, ceux de tous les bénéfices en commende, qui viendrontà vaquer dans la suite, en un mot tout l’argent qu’on envoie à Rome, pour bulles, brefs, etc., soit appliqué à la libération des dettes de l’Etat et au soulagement du peuple. 246 [Etats génï 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc. 22° Qu’en suivant les plus pures maximes de l’Eglise qui permettent d’aliéner les choses saintes pour secourir les pauvres et obvier aux maux pressants et imprévus, on se fasse aujourd’hui une ressource utile de toutes les richesses accumulées et conservées dans différents lieux, sous le nom de trésor, et qui ne servent qu’à l’ostentation ou à la curiosité. 23° L’on pourrait encore, en cas de nécessité, établir un impôt, tendant à diminuer le poids des deux premiers et qui ne tomberait que sur les objets d’un luxe nuisible et dangereux, comme sur les chevaux non destinés à l’agriculture et au commerce, sur les domestiques superflus et qui dérobent leurs bras à la culture et aux arts nécessaires ; bien entendu cependant que ce dernier impôt serait combiné dans une proportion si modérée, que son établissement ne pût devenir la source de sa destruction. 24° La révolution subite et forcée du prix des bois, à laquelle différentes causes ont concouru, semble menacer le royaume d’une disette prochaine de cette matière de première nécessité; c’est d’avertir le gouvernement que le régime actuel des forêts est vicieux, qu’il faut lui en substituer un autre plus parfait, plus économique, qui ne mette pas les intérêts du souverain et du public dans les mains des maîtrises. 25° Il paraît nécessaire que la France jouisse en tout temps d’une marine puissante; mais a-t-elle besoin d’environ deux cent mille hommes de troupes en temps de paix ? Pourquoi n’en pas destiner une partie au service de la maréchaussée ? 26° Les banalités et corvées de toute espèce étant un vice intolérable, et leur suppression attaquant les propriétés des seigneurs, des censitaires et du Roi, il paraît expédient de permettre aux banaux de se racheter et de rompre leurs chaînes ; et que si les communautés ne veulent pas se racheter, les gentilshommes soient libres de se racheter. Cependant le tiers-état réclame que MM. les seigneurs consentent à supprimer les banalités purement et simplement. 27° Que la réduction qui a été faite sur les pen - sions soit continuée jusqu’à la liquidation parfaite de la dette nationale, et qu’elles ne puissent être accordées désormais qu’aux services, au mérite et aux talents reconnus. 28° Sa Majesté sera très-humblement suppliée de revenir sur l’important objet de la législation des grains, de la faire méditer, et d’en faire calculer les inconvénients, d’après le produit annuel des récoltes, la consommation des habitants, le superflu qui peut en rester ; ce n’est jamais que le superflu qu’on doit exporter. 29° La suppression de la corvée en nature, ordonnée il n’y a pas longtemps par des motifs de compensation pour le peuple, donnant lieu à des réclamations vives et générales, Sa Majesté sera suppliée de rétablir les choses sur l’ancien pied en ordonnant que les villes, bourgs et villages qui en étaient affranchis, soit par privilège, ou un trop grand éloignement des routes, contribueront aux nouvelles constructions à la décharge de ceux qui supporteront l’entretien des anciennes routes, par un impôt pécuniaire et léger, lequel sera administré par les Etats provinciaux. 30° S’étant glissé de très-grands abus dans le commerce des ventes de biens en détail, et l’intérêt de ce bailliage, qui est tout agriculteur, exigeant qu’on les réforme, il soit établi désormais qu’un ou deux officiers de justice soient présents aux adjudications qui en seront faites. 31° On demande une seule loi, un seul poids et une seule mesure. 32° Nos députés s’occuperont d’abord à constater la dette nationale ; ils ne pourront consentir aucun subside, que la constitution ne soit préalablement établie et que tous les articles ci-dessus n’aient été proposés aux Etats généraux et soumis à leur délibération, après laquelle ils pourront seulement accorder des secours proportionnés aux besoins réels de l’Etat. Fait et achevé le 19 mars mil sept cent quatre-vingt-neuf, et ont tous les membres des trois ordres signé à la minute des présentes. Collationné conforme à l’original par le soussigné, secrétaire-greffier du bailliage royal de Villers-la-Montagne. Signé Le Blanc.