[Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [â avril 1790.) 519 M. le marquis de Mont-d’Or, député de Lyon, demande un congé de six semaines pour raison de santé. Ce congé est accordé. M. le Président annonce que l'ordre du jour ramène la discussion sur le privilège de la compagnie des Indes. M. l’abbé Bérardier, grand maître du collège Louis-le-Grand. Vons vous étonnez, sans doute, que je vienne traiter une question qui paraît opposée à mon ministère. Tout ce que je dirai résulte des liaisons que j’ai eues, non avec des gens intéressés, mais avec des officiers qui ont longtemps servi dans l’Inde, et qui sont instruits de tous les détails du commerce de l’Europe avec l’Asie. — Il est démontré que la perte totale de ce commerce serait la suite de la destruction de la compagnie des Indes. L’Angleterre, malgré des impôts énormes sur toutes les marchandises indiennes, n’a pu réussir à prohiber chez elle ces marchandises. Pour nous, il est impossible que nous nous en passions ; ce commerce est lié à nos mœurs et aux besoins que nous nous sommes faits. La compagnie créée par Colbert dans les temps brillants de la France et sous les plus heureux auspices, a été l’objet de la jalousie de toutes les nations. De l’aveu même des Anglais, si nous n’avions pas rappelé MM. Du�Ieix et de Labour-donnaye, nous serions devenus les souverains du commerce de l’Inde. En 1769, lia compagnie des Indes fut presque détruite ; mais ce n’est point à la faiblesse de ses moyens qu’on doit imputer ce moment de détresse, puisque le gouvernement lui devait alors 70 millions. Les spéculations des économistes furent les seules causes de sa chute ; la suspension de son privilège dura 15 ans. Le gouvernement s’aperçut que le commerce perdait considérablement à cette suspension, et que le numéraire allait s’engloutir dans l’Inde; il fut forcé de rétablir la compagnie par des raisons politiques et pour éviter la ruine des particuliers qui avaient entrepris ce commerce. On vous a dit que, sous le règne de la liberté, il ne devait pas exister de privilèges : sans doute, il ne doit pas exister de ces privilèges humiliants qui dégradent l’homme; mais il en est de nécessaires, il en est qu’on doit respecter, puisqu’ils sont fondés sur l’utilité publique. La poste aux lettres, par exemple, ne peut exister que par un privilège. Le privilège de la compagnie' n’en est pas un, puisque chaque particulier peut y participer par le moyen des actions. Une compagnie peut seule rétablir la gloire de la France dans l’Inde ; il serait ignominieux de renoncer à la puissance que nous y avons eue : nous y avons des amis puissants ; nous pouvons compter sur leur secours; le roi de Cochinchine est disposé en notre faveur. — M. l’abbé Bérardier entre dans des détails sur la difficulté de faire le commerce de l’Inde sans compagnie, et conclut: 1° à ce que le privilège dure jusqu'en 1792, époque de son extinction; 2° à ce qu’il soit nommé quatre commissaires pour surveiller les opérations de la compagnie des Indes et en faire le rapport. M. Paul Nairac. Il serait absurde de combattre plus longtemps le privilège de la compagnie des Indes ; il est repoussé par vos principes, il est proscrit par l’opinion publique ; traduit en 1769 devant le parlement de Paris, les faits ont été examinés, les raisons discutées, et la question solennellement jugée* On n’a pas assez dit, dans l’inutile discussion qui vient de s’ouvrir, combien le régime de la compagnie est oppressif, combien il a été nuisible à la France, à laquelle, depuis 1785, il a coûté plus de 15 millions. Laissez M. l’abbé Maury prophétiser des malheurs imaginaires, ne partagez pas ces vaines terreurs; rendez le commerce libre, et vous le verrez s’élever tout à coup à 80 millions. On a voulu vous effrayer en établissant qu’il faisait sortir le numéraire. Le commerce ne se fait point avec des écus, ne se fait point avec des louis, mais avec des piastres que nous recevons de l’Espagne pour des marchandises, et qui deviennent elles-mêmes une marchandise. Ce commerce d'ailleurs peut se faire par échange. J’ai moi-même fait un armement de plus d’un million en étoffes françaises... Le commerce de l’Inde vous est absolument nécessaire ; nos manufactures ne peuvent suffire à notre luxe ; jamais nos colonies ne nous procureront assez de matières premières... Il faut que le commerce dure en France autant que chez les autres nations, autrement nous deviendrions leurs tributaires... Plus instruit et de meilleure foi que M. l’abbé Maury, je ne chercherai nas à vous surprendre. Lorsque le commerce de l’Inde était libre, les manufactures ne se plaignaient pas; les négociants se plaignent auiourd’hui. M. l’abbé Maury en sait-il plus qu’eux 2 Ils réclament avec ardeur la liberté du commerce, et M. l’abbé Maury semble s’armer de leur propre intérêt pour attaquer la liberté... La nation ne peut perdre lorsque le négociant gagne.... Laissez faire librement Je commerce de l’Inde, vous en verrez les effets . Je conclus à ce que l’avis du comité soit adopté. M. le comte Stanislas de Clermont-Tonnerre (1). Messieurs, c’est une grande et importante question que celle qui vous est soumise ; la solution doit poser sur des principes, mais des faits et des considérations doivent fixer le moment où cette décision sera portée. Votre comité d’agriculture et de commerce vous propose d’annuler, dès ce moment, le privilège exclusif de la compagnie des Indes : il a parcouru toutes les pièces de ce grand procès; toutes les raisons des actionnaires lui ont paru suffisamment détruites, par les attaques du commerce libre ; il ne voit plus de difficultés; il prononce et vous invite à prononcer d’après cet examen rapide. J’avoue que je suis loin d’apercevoir la question sous un point de vue aussi simple que votre comité de commerce. Un examen approfondi de par tous les moyens d’attaque et de défense produits pas les deux partis et la lecture attentive de toutes les pièces que j’ai pu me procurer, ne m’ont pas encore amené au point d’adopter avec confiance une décision définitive. Où votre comité ne voit qu’un principe impérieux, je crains d’apercevoir des exceptions commandées ; où il trouve des réponses satisfaisantes et des faits éclaircis, j’ai peur de ne voir que de nombreuses difficultés et des faits à éclaircir. J’avoue que je rougirais de mon ignorance, si je ne me rappelais que le Parlement d’Angleterre s’est livré, pendant plusieurs mois, à la discussion la plus approfondie, et à l’audition d’un grand nombre de témoins et de personnes instruites, avant de prononcer sur une question semblable à celle où l’on vous invitait, hier matin, à aller aux voix, (1) Le Moniteur ne donne qu’une analyse du discourt de m. le comte de Clermont-Tonnerre, 520 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 avril 1790.] Faut-il consacrer les privilèges exclusifs ? A la question ainsi posée, la réponse n’est pas difficile : c’est une idée contraire à l’ordre naturel des choses ; Je privilège restreint la propriété, en ce qu’il en sépare la liberté, sans laquelle elle n’est qu’imparfaite. A cet égard, nul doute et nulle opposition dans les avis. Il ne faut pas consacrer les privilèges exclusifs. N’arrive-t-it pas quelquefois, dans l’ordre social, qu’un vice ou une maladie politique commande des mesures que n’avoue point la sévérité du principe? A cette question ainsi posée, la réponse est encore simple. Sans doute, cet état de choses existe, et si l’on en veut des exemples, le commerce, qui, dans cette affaire, vous présente avec tant de confiance l’impossibilité absolue de vous permettre la moindre déviation à vos principes, me permettra de rappeler ce qu’il a cru et croit encore, que la traite et l’esclavage des noirs sont des maux nécessités par les circonstances actuelles, et par un état de choses vicieux, mais impossible à réformer subitement. Si nous n’avions point une Compagnie des Indes, et qu’on vous en proposât l’établissement, je m’opposerais, certes, autant qu’il serait en moi, à ce que cette proposition fût adoptée, avant que l’examen le plus réfléchi ne nous eût présenté des résultats incontestables, et sur l’état des Indes, considéré sous tous les rapports commerciaux, et sur l’état de nos manufactures, considéré sous leurs rapports avec les productions de l’Inde, et sur l’état comparatif des forces du commerce libre, et de celle de la compagnie proposée, fait sous le rapport immédiat de la branche de commerce qu’il serait question de diriger. Toutes ces précautions me paraîtraient devoir précéder l’innovation dont je parle, Maintenant, il existe une compagnie. On vous propose de la détruire, et, quelle que soit la défaveur que l’on ait, avec plus ou moins de justice, répandue sur cette compagnie, je me crois fondé à demander, pour la destruction, un examen semblable à celui qui me paraîtrait nécessaire, s’il était question de l’établir. Une multitude de considérations influent sur le commerce de l’Inde. En vain voudrait-on demander à l’expérience des données suffisantes pour établir un résultat, l’expérience est douteuse sur quelques points; et quant à la seule leçon positiye qu’elle nous donne, nous ne sommes pas en état d’en profiter : je m’explique. Il est démontré, par l’expérience, qu’une compagnie exclusive, souveraine, possédant un territoire très étendu, commandant à une population de 44 millions (1), levant des impositions pour 312 millions, peut parvenir dans l’Inde au plus haut degré de prospérité ; nous ne sommes pas encore appelés à profiter de cette leçon. Il nous est encore démontré qu’une compagnie posée sur les mêmes bases, suivant les mêmes errements, et n’ayant que des moyens inférieurs, doit tôt ou tard succomber sous les efforts de la compagnie rivale : nous avons fait cette triste expérience, et nous ne nous déciderons pas facilement à la renouveler. Forcés de renoncer à cette marche, nous n’avons à choisir qu’entre le commerce libre, ou une simple compagnie marchande; il est, il me paraît du moins impossible de soutenir que l’expérience a prononcé sur la proportion juste des succès de la compagnie et du commerce libre : je n’ai pas vu, dans les états allégués de part et (1) Ce calcul est du général Fullarthon. d’autre, dans les conséquences qu’on en tire, le caractère irrésistible d’évidence auquel seul doit se rendre l’Assemblée nombreuse qui forme le Corps législatif. Un état de 341 vaisseaux, présenté par le commerce, comme armé par lui depuis 1769 jusqu’à 1785, se trouve réduit, par les réponses des actionnaires, au nombre de 146. Le commerce répond à cette objection, et le comité paraît satisfait de la réponse : elle porte sur un article essentiel, sur celui de 155 vaisseaux, que la compagnie croit devoir retrancher de l’état de ceux envoyés dans l’Inde, parce qu’ils ont été expédiés pour l’Ile-de-France; le commerce répond que la plupart de ces vaisseaux ont effectivement passé dans l’Inde sous une permission du gouverneur de l’Ile-de-France, ou ont chargé dans cette île des marchandises de l’Inde. Voici le paragraphe du mémoire des actionnaires que cette réponse prétend détruire : « Les négociants ( Consultation d’Hardouin, page 57) ne peuvent pas ignorer que dans les permissions qu’ils étaient obligés d’obtenir des directeurs de l’ancienne compagnie, on distinguait les armements faits pour passer des Iles dans l’Inde, d’avec ceux destinés pour les Iles seulement ; et c’est uniquement de ces derniers que nous entendons faire distinction. Ou verra quel vide ce seul article laissera dans le tableau. » J’avoue qu’en rapprochant l’objection de la réponse, je ne la trouve pas suffisamment résolue; mais supposant qu’elle le soit, il s’eu présente une autre qui a bien quelqu’importance. Elle se tire du tableau des pertes faites par le commerce libre. La compagnie cite une perte de 16 millions sur un commerce de 80 millions, une autre de 12 sur un commerce de 43, et, à l’appui de ces faits, elle avance que le commerce libre a tellement senti son désavantage, qu’abandonnant le commerce direct de l’Inde, il s’est réduit au fret et à la commission; assertion que l’on peut d’autant moins révoquer en doute, qu’elle se trouve confirmée par les adversaires de la compagnie, puisque, d’une part, les directeurs du commerce de Guyenne, en 1785, demandaient que cette branche de commerce leur fût rouverte, et qu’eu 1787, un négociant de Bordeaux, qui se plaint du privilège exclusif, assure qu’avant l’établissement de cette compagnie, il faisait entrer de 8 à 10 millions de marchandises appartenant aux étrangers. Je suis loin de blâmer le commerce de s’être livré à ce genre de spéculation ; le but du commerce est le gain, c’est au gouvernement à prendre des mesures pour que les branches nationales deviennent les plus lucratives, et que l'intérêt de tous devienne l’intérêt de chacun ; mais, dans tous les cas, le commerce cherche à gagner, et tant qu’il n’use pas de moyens que la loi reprouve directement, le commerce est irréprochable. Je n’ai cité cette circonstance que pour fortifier l’argument par lequel la compagnie des Indes établit que le commerce libre dans l’Inde y a vraiment éprouvé des pertes. Quand tous ces faits seraient inexacts, quand il serait prouvé que le commerce libre a envoyé 341 vaisseaux de 1769 à 1784, et qu’il n’a pas fait les pertes qu’on lui objecte, ii n’y aurait encore qu’un membre de la comparaison de connu. On a comparé l’ancienne compagnie au commerce libre, et on ne lui a pas encore pu comparer la nouvelle ; la comparaison même avec l’ancienne est contredite sur plusieurs points. Les actionnaires assurent que l’année la plus forte d’importation, estimée à 21 millions par le commerce, s’élève [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 avril 1790.] 521 véritablement à 28 selon les registres de l’ancienne compagnie. Je ne répète pas toutes les objections avancées par les actionnaires ; je ne rapproche pas la multitude de faits dont un premier aperçu élève tant de difficultés autour de la question ; je veux bien la regarder comme résolue; je conviendrai, si l’on veut, que le commerce libre a fait de plus fortes importations, a plus expédié de vaisseaux que le commerce exclusif, et je vois que de cette concession même, qui ne peut être qu’hypothétique, il est difficile de conclure que la question soit éclaircie quant au fond. 11 s’en élève aussitôt une autre. Le commerce de l’Inde est-il lui-même utile ou désavantageux ? J’avoue que ce qui nous a été dit par deux honorables membres à la séance d’hier n’a point résolu la question. M. l’abbé Maury ne m’a point démontré que ce commerce fût décidément funeste, il m’a encore moins démontré que la destruction actuelle fût possible : M. Nairac, en vous présentant l’opinion contraire, ne m’a pas plus convaincu, et si je n’ai vu qu’un rêve triste dans les résultats de la première opinion, je crains de ne voir qu’un rêve flatteur dans les résultats de la seconde. D’ailleurs, Messieurs, la question de l’avantage ou du désavantage du commerce de l’Inde est une question complexe ; il faudrait auparavant décider celle-ci : quels sont les rap-Rorts de ce commerce avec nos manufactures ? est connu que quelques-unes des productions de l’Inde servent de matières premières à notre industrie nationale; il est aussi prouvé que d’autres sont en concurrence avec les produits de notre industrie ; les uns et les autres sont le fruit du commerce de l’Inde. Ce commerce doit donc être envisagé sous ce double point de vue. Ce n’est qu’avec les données les plus exactes que l’on peut décider s’il importe que le commerce, qui se compose de ces divers éléments, soit étendu ou resserré. Or, vous n’avez pas ces données, vous ne pouvez pas les avoir dans ce moment ; vous ne pouvez donc pas encore résoudre la question ; mais, si vous ne pouvez la résoudre, comment pouvez-vous choisir entre deux modes de commerce proposés, et comment, dans le doute, détruiriez-vous celui qui existe, pour en admettre un qui, quoique plus naturel, a cependant l’inconvénient de ne pouvoir être ni restreint, ni dirigé d’après des vues d’administration ? Je crois avoir parcouru, Messieurs, queiques-unes des difficultés qui doivent éloigner notre décision sur la question principale ; je ne vous ai point parlé, cependant, de quelques autres considérations : la nécessité de solder la plus grande partie des marchandises de l’Inde en numéraire, la nécessité de commander longtemps d’avance la plus grande partie des objets de ce commerce, celle de ne l’entreprendre qu’avec des capitaux très considérables, et dont le retour est très éloigné, le danger des approvisionnements précaires, ou mal combinés, que l’on peut attendre du commerce libre ; enfin, un très grand nombre de circonstances qu’ont fait plus ou moins valoir les défenseurs du régime actuel. Je sais que l’on a répondu à la plupart de ces objections, mais la majeure partie des réponses me laisse encore bien des doutes, et je serais surpris si l’Assemblée n’en conservait pas quelques-uns. Dans ces -circonstances, il me paraît impossible de prononcer, dès à présent, la suppression de la compagnie des Indes; mais ce qui me paraît juste, convenable et possible: c’est : 1° d’ajourner la question; 2° de prononcer, dès à présent, la destruction de quelques-uns des vices du régime actuel de la compagnie. Je fonde la demande de l’ajournement d'abord, sur ce que la question n’est point éclaircie; 2° sur la facilité de l’éclaircir d’ici à cette époque; 3° sur la’| possibilité présumée d’établir alors, sur des bases connues et sur des principes avoués, la totalité du système commercial de France. Résoudre ces grandes questions par parties, c’est s’exposer à des erreurs; c’est prendre une marche irréfléchie, et quelquefois rendre impossible le succès dont on prétend se rapprocher. Qu’au milieu du travail de la Constitution, l’Assemblée nationale ait été forcée d’avancer quelques-unes de ses mesures, de combattre partiellement des abus qui devenaient un danger pour son ouvrage : cela a pu être nécessaire; mais que dans la question présente où la chose publique n’est point en danger, où nous pouvons réfléchir encore sans que la Constitution en souffre, on veuille détruire sans réédifier, ou couper le dernier anneau, peut-être auquel peut se rattacher une grande chaîne de succès commerciaux dans les Indes, et le tout, afin que les armateurs puissent faire, dès l’année 1790, des spéculations utiles, des spéculations qui le seront peut-être plus encore pour les rivaux du commerce national; c’est ce que je regarde comme un mal, et c’est ce que j’espère que l’Assemblée nationale ne fera point. Je passe à l’article des changements qu’il faut apporter au régime actuel de la compagnie. On sait qu’en 1769, le privilège de l’ancienne compagnie fut suspendu. Je ne vous parlerai, Messieurs, ni de cette ancienne compagnie, ni du ministre auquel le commerce et les arts ont donné le nom de grand, mais à qui la liberté et la morale peuvent faire de nombreux reproches, — le ministre qui, écrivant au gouverneur d’une de nos colonies, l’invitait à supprimer la distinction en trois ordres ou états ; distinction qu’il ne regardait pas sou3 le point de vue sous lequel la raison vous l’a montrée, mais comme pouvant rappeler l’idée des anciens états généraux, forme abolie dans le royaume, et que les rois de France, disait-il, ont cru du bien de leur service devoir insensiblement éteindre. A cette première mesure, Colbert proposait d’en ajouter une seconde. — Vous ferez bien, dit-il, quand la colonie sera plus forte, de supprimer aussi le syndic qui présente les requêtes au nom des habitants; il est bon que chacun parle pour soi, et que personne ne parle pour tous. Voilà, Messieurs, l’homme dont on vous a dit, c’est le grand, le trois fois grand Colbert. Eu vous rappelant cette anecdote, je n’ai fait qu’user à l’égard de ce qu’on appelle un grand homme, du droit qu’a la postérité de peser les réputations dans la balance de la justice et de la raison. La suspension de l’ancienne compagnie fut plutôt l'effet de la détresse et des embarras, du moment que des écrits publiés corître elle. Elle périt victime de nos désastres et par le malheur des guerres qui avaient précédé cette époque. Le gouvernement ne renonçait point à la rétablir ; les encouragements extraordinaires prodigués, les vaisseaux prêtés par le roi à des négociants armant pour l’Inde; la continuation du droit de permission laissé aux administrateurs de l’ancienne compagnie, et peut-être plus que tout cela, la longue et puérile discussion qui exista constamment en 1770 et 1774, et plusieurs autres époques, entre le département de la marine et le département des finances, pour décider dans le. 5f2 (Assemblée nationale, j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 avril 1790-1 quel serait placée la surveillance du commerce de l’Inde : tout tend à prouver que les yeux du gouvernement ne se sont point tournés totalement de cette partie, et que l’on n’a jamais renoncé au rétablissement d’une compagnie des Indes. La nouvelle naquit en 1785, mais plusieurs nuages couvrirent son berceau ; née dans le moment des abus et dans un climat malsain, elle s’est beaucoup ressentie de l’empire des circonstances. Je ne lui reproche pas la permission qu’elle obtint de traiter avec la compagnie anglaise, et l’espèce de garantie qu’elle obtint pour les deux premières années; je crois que ce fut une grande faute de la part du ministre, et que, quelle que fût alors la défaveur répandue sur ce commerce de l’Inde, que tout le monde veut aujourd’hui s’arracher, elle n’excusait cependant pas cette mesure impolitique et antinationale ; mais enfin, comme l’effet de cette clause n’existe plus, je passe à celles qu’il est possible de réformer. Le roi a dispensé la compagnie du droit d’induit, et a modifié à son égard les droits de traite ; c’est, je l’avoue, la réforme de ces deux concessions que je crois pouvoir demander. L’Etat ne peut ni ne doit faire le sacrifice deses revenus à un intérêt particulier. La compagnie peut subsister sans ce privilège pécuniaire, dont je ne connais pas l’évaluation juste, que les défenseurs de la compagnie présentent comme peu im-ortant, que ceux du commerce assurent l’être eaucoup plus, et qui, quel qu’il soit, doit être irrévocablement détruit. Je n’admets pas l’espèce de remplacement proposé par M. l’abbé Maury; je n’aime pas qu’une grande nation figure dans une spéculation commerciale; qu’elle partage les profits d’une compagnie dont elle ne voudrait, ni ne pourrait certainement partager les pertes. D’ailleurs, je ne vois point la raison qui s’oppose au rétablissement du droit d’induit ; je le regarde, au contraire, comme la sauvegarde de nos manufactures, son effet dans le commerce de l’Inde ne peut être effrayant sous aucun point de vue, puisqu’il existait du temps du commerce libre, et ne l’a point anéanti. J’ajoute que l’on ne doit point accumuler les grftces sur une compagnie exclusive ; que son avantage est dans son privilège même, privilège dont l’existence ne peut être tolérée qu’autantde temps que des circonstances impérieuses en rendent la suppression impossible. Je me résume : on ne peut prononcer une décision raisonnable sur le commerce de l’Inde, sans avoir une multitude de données que nous n’avons pas. Prononcer provisoirement la destruction de la compagnie serait une mesure imprudente, et qu’aucune nécessité ne justifie. Consacrer son privilège exclusif par un décret, serait donner le caractère d’un établissement national à une compagnie fondée sur des principes que les vôtres pourront bien ne pas confirmer, et environnée de ces faveurs dont un min istreabsolu croyait pouvoir disposer à son gré, mais que les représentants d’une nation libre savent ne pouvoir ni ne devoir faire à personne. Dans ces circonstances, je propose le décret suivant : L’Assemblée nationale décrète : 1° Qu’il ne sera rien innové, quant à présent, à la manière dont se l’ait le commerce de la compagnie des Indes ; 2° Que la compagnie paiera derén avant les droits d’induit et de traite, auxquels le commerce libre était assujetti avant 1785; 3® Que le comité d’agriculture et du commerce sera chargé de rassembler et de prendre en considération toutes les notions nécessaires pour mettre, soit l’Assemblée nationale, soit la législature prochaine, en état de statuer définitivement sur le commerce de l’Inde. M. Dccretot, député de Rouen. La France n’ayant ni possessions, ni forces dans l’Inde, je regarde ce commerce comme généralement désavantageux pour la nation ; et c’est parce que je suis persuadé qu’en le rendant libre, il sera plus tôt détruit, ou qu’on en viendra plus tôt au système prohibitif, que je suis d’avis qu’il n’y ait plus de privilège exclusif. Les préopinants me dispensent de vous développer les motifs démon opinion, et je vous avoue qu’en demandant la parole, j’ai eu pour but principal de contredire quelques assertions qui vous ontété faites. M. l’abbé Maury vous a beaucoup exagéré les désavantages de votre commerce ; il n’a pas parlé des draperies, batistes, soieries que la France fournit à l’étran-er. En vous disant que la Suisse vous fournissait eaucoup de ses étoffes, il ne vous a pas observé qu’en décrétant le reculement des barrières vous empêcherez la contrebande que fait l’Alsace ; il a aussi exagéré le patriotisme des négociants anglais, qui non seulement tirent de nos étoffes, lorsqu’ils y trouvent du bénéfice, mais qui font fabriquer en Allemagne des draps, pour les faire passer d’Ostende à Boulogne comme draperies anglaises. Je crois qu’un des préopinants s’est trompé, lorsqu’il vous a dit que nos îles ne pourront nous fournir assez de coton ; il s’est également trompé, lorsqu’il vous a dit que nous n’avions pas en France de machines à. filer ; j’ai concouru avec deux de mes collègues à en établir une à Louviers qui, avec une seule roue à eau, fait déjà marcher deux mille fuseaux, et qui sera portée à six mille fuseaux. Il y en a une à peu près semblable près d’Arpajon, une à Orléans, un grand nombre d’une autre espèce à Rouen. Je ne vous entretiendrai pas plus longtemps, Messieurs, de choses qui ne sont qu’accessoires à la question, et je conclus, en appuyant le projet de décret du comité, comme devant amener plus promptement ou la destruction du commerce de l’Inde ou la prohibition de ses marchandises, dont l’importation en France doit ruiner presque toutes nos manufactures. M. Bégouen (1). Messieurs, le privilège exclusif accordé à une compagnie, pour faire le commerce de l’Inde, par un simple arrêt du conseil du 14 avril 1785, reDdu sur requête non communiquée, vous a été dénoncé par les députés extraordinaires du commerce et des manufactures de France. Cette dénonciation si solennelle et si imposante n’a pu manquer, Messieurs, de vous inspirer le plus grand intérêt et d’exciter votre attention sur la solution de cette grande question. Le privilège de la compagnie doit-il être confirmé, ou doit-il être abrogé? Si j’avais eu la parole hier, Messieurs, avant l’orateur éloquent qui a occupé votre séance presque entière, je me serais livré à des développements qui me paraissaient nécessaires pour réfuter les administrateurs de la compagnie, dans le genre de défense qu’elle a adopté ; mais j’abandonne d’autant plus volontiers leurs objections, que le rapport de votre comité d’agriculture et de commerce que vous avez tous lu, vous en a, je (1) Le Moniteur ne donne qu’une analyse du discours de m. Bégouen. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 avril 1790.] £>23 Pense, suffisamment démontré la faiblesse et la futilité. Je crois donc devoir me borner aujourd’hui à relever les contradictions dans lesquelles est tombé le défenseur du privilège exclusif, et à repousser les objections qu’il vous a faites hier, dans un fort beau discours, où j’ose dire gu’il a employé beaucoup d’art et de talent à traiter ce qui n’est pas le vrai point de la question. Je commence, Messieurs, par me plaindre des reproches'injurieux d’avidité, de calculs intéressés, personnels et antipalriotiques, qu’il a prêtés si gratuitement aux commerçants qui réclament la liberté du commerce de l’Inde. Il est peu convenable, ce me semble, de présenter comme le résultat de l’intérêt personnel, le vœu bien constant, bien prononcé, bien soutenu de toutes les villes de commerce et de manufactures du royaume, qui n’ont cessé, depuis cinq ans, d’élever leur voix contre cet acte arbitraire de l’administration. Ce n’est pas ainsi que se montre l’intérêt particulier; et il est affligeant, Messieurs, qu’on se soit permis, dans cette Assemblée, d’inculper le corps du commerce, car c’est lui tout entier qui réclame votre, justice par l’organe de ses représentants, de ses députés extraordinaires. Je dirai tout à l’heure quelles ont été leurs vues dans la direction du commerce de l’Inde, je ferai voir qu’elles s’accordent mieux avec les intérêts de l’Etat, et sont, surtout, plus susceptibles d’exécution qu’une renonciation absolue au commerce de l’Inde, qui ne convient ni aux intérêts commerciaux, ni aux intérêts politiques du royaume. Je me borne ici à dire, Messieurs, que les négociants et les manufacturiers du royaume, réunis dans un vœu commun, sont incapables de sacrifier les intérêts du peuple et des ouvriers, dont ils sont Jes vrais amis et les soutiens, à des vues d’intérêt personnel. Les négociants et les chefs des nianufactures sont les hommes du royaume qui ont les plus prochains rapports et les intimes avec les ouvriers. Ce sont eux, Messieurs, qui les consolent dans leurs malheurs; qui leur donnent journellement de l’ouvrage; qui sentent, mieux que personne, la nécessité de leur conserver le travail dont leur subsistance est le prix, et qui leur subviennent tous les jours, quand ce travail leur manque par les erreurs des gouvernements. Ce sont eux qui vous sollicitent, et vous solliciteront dans tous les temps, de défendre la main-d’œuvre nationale, contre la main-d’œuvre étrangère. C’est là, Messieurs, leur profession de foi, elle est constante; ils l’ont proclamée dans toutes les occasions, et vous savez trop, sans doute, combien ils ont lutté, et combien ils sont prêts à lutter encore contre des principes contraires. Mais que signifient les reproches généraux contre le commerce de l’Inde en lui-même? Sans doute, Messieurs, ce commerce n’est pas utile et précieux comme celui de l’Amérique, qui alimente notre industrie, qui développe tous les gemmes de richesse et de puissance pour l’Europe, qui fertilise ses terres et augmente sa population. J’accorderai même, si l’on veut, que le commerce de l’Inde est nuisible à l’Europe, mais l’Europe le sait : nous ne pouvons pas, nous ne prétendons pas, sans doute, l’empêcher, et ses effets seront encore plus nuisibles pour nous, si nous rie le faisons pas nous-mêmes directement, qu’en y prenant une part active, Pourquoi ? parce que nous avons besoin, pour nos diverses consommations, pour les matfèrës premières de quelques-unes de nos manufactures, pour quelques branches extérieures de notre commerce (celui d’Afrique entré autres), de marchandises des Indes, que les compagnies et les manufactures indigènes nous fourniront, quoi que nous fassions, si notre commerce direct ne nous les fournit pas. Vous ne pourriez proscrire le commerce de l’Inde qu’à l’aide d’une mesure qui ne pourrait sérieusement être proposée dans un royaume tel que la France. Je veux parler des lois somptuaires qui défendissent tout usage des toiles des Indes ou étrangères, et il faudrait que ces lois austères fussent exécutées avec une rigueur et une sévérité que ne comportent ni nos mœurs ni notre population, ni l’étendue, la fertilité, les ressources et les capitaux du royaume, ni même la nouvelle constitution que vous avez donnée à l’Empire. Tous les inconvénients de ce commerce, gui sont l’exportation du numéraire et l’introduction des ouvrages manufacturés des Indes, existent donc pour nous, soit que ce commerce se fasse par une compagnie exclusive, soit qu’il soit exploité par tous les négociants du royaume, à qui il conviendra de s’y livrer; et le premier inconvénient existe même encore plus avec le privilège, qu’avec le commerce libre. Et cependant, la seule question que nous ayons aujourd’hui à décider est, suivant moi, de prononcer sur la continuation ou l’abrogation du privilège de la compagnie. Ce privilège a été défendu par des arguments si contradictoires, qu’on ne sait lesquels repousser. Le même orateur vous a dit, tantôt que ce commerce avait ruiné et ruinait, depuis vingt ans, tous les particuliers qui s’y livraient, que 40 millions de banqueroute en ont été la suite; tantôt que ce commerce allumait l’avarice et l’avidité des négociants particuliers, assurés d’y trouver d’énormes bénéfices, en même temps que tous les profits qu’il évalue à 0 millions annuellement, ou 25 0/0 du montant des retours , iraient aux étrangers pour compte de qui, seuls, ils opéreraient, parce que, dit-il, les négociants français n’ont point d’assez grands capitaux pour faire ce commerce. Vous avez tous, Messieurs, entendu ce raisonnement. Je m'assure que vous vous le rappelez. Or, je demande par quelle fatalité ce commerce si lucratif, quand le négociant français fournit le navire et l’armement, et le négociant étranger les fonds de l’entreprise pour les marchandises, devient ruineux pour le négociant français, dès qu’il fournit le capital entier, dès qu’il le fait pour son compte seul. Je demande comment cet honorable membre, qui nous a dit alors que les négociants français manqueraient de fonds, nous a ensuite assuré que c’était dans les ports de France que se trouvaient les plus fortes maisons de commerce de l’Europe. Je demande s’il réprouve les intérêts que peuvent prendre des étrangers dans nos armements particuliers, comment il empêchera ces mêmes particuliers d’acheter de3 actions dans une compagnie privilégiée. Je lui demande s’il croit qu’une nation commerçante doit dédaigner le bénéfices résultant dufrêtetde la navigation. Je le renvoie à l’Angleterre et surtout à la Hollande, pour la solution de la question. Enfin, je le prie de se mettre d’accord, s’il est possible, avec les administrateurs de la compagnie qui repoussent le commerce libre, parce que le commerce libre n’a presque pas fait ce commerce, et ne peut pus 524 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 avril 1190.] le faire; tandis qu’il préfère, lui, un privilège exclusif, par la raison que les négociants particuliers feraient le commerce d’une manière bien plus étendue que la compagnie, ce qui lui fait craindre qu’ils n’inondent le royaume de toiles étrangères, dont la concurrence serait fatale à nos manufactures. C’est, sans doute, ce à quoi il faut veiller avec la plus grande attention. Et c’est ici, Messieurs, ue je place ce que je m’étais réservé de vous ire, des vues qui ont été présentées par les députés extraordinaires du commerce et des manufactures, à votre comité d’agriculture et de commerce, qui a bien voulu les discuter avec eux et y donner son assentiment. Ces vues sont, non pas d’augmenter le droit d’induit, comme vous l’a proposé M. Dupont, mais en le laissant à 5 0/0 pour les marchandises de l’Inde, et de 3 0/0 pour les productions des îles de France et de Bourbon; d’augmenter considérablement les droits de traite sur les ouvrages manufacturés des Indes et principalement de faire porter la plus forte augmentation sur les mousselines communes, sur les toiles et garas communs, qui sont les plus analogues aux manufactures que nous possédons, et dont il nous importe singulièrement d’encourager l’industrie bien loin de vouloir l’étouffer. Cette opération contrarie l’intérêt personnel de beaucoup de marchands et négociants faisant le commerce des toiles de l’Inde, mais cet intérêt particulier a bientôt cédé au patriotisme et à l’intérêt général. Je vous annonce donc, Messieurs, au nom de votre comité d’agriculture et de commerce, qui, j’espère, ne me démentira pas, quoique je n’aie pas l’honneurd’en être membre; je vous annonce dis-je, un travail très important sur cette partie (j’en ai ici entre les mains les principales bases), d’après lesquelles les droits sont combinés de manière à élever sensiblement, pour la consommation du royaume, le prix des toiles de coton des Indes et autres produits manufacturés. — Ces mêmes articles seront ou prohibés ou chargés de plus grands droits encore quand ils viendront de l’étranger, afin de conserver une préférence à notre commerce direct. Voilà, Messieurs, la seule manière dont il vous soit possible de diriger et de limiter le commerce de l’Inde, pour qu’il vous soit le plus utile sous certains rapports, et le moins dommageable possible sous d’autres. Mais la compagnie a obtenu un privilège exclusif d’abord pour sept ans, qui se prolonge jusqu’au 14 avril 1792, puis une nouvelle prolongation de huit ans. — Nous attaquons ce privilège comme nul, parce qu’il n’a d'autre base qu’un arrêt du conseil rendu sur requête non communiquée; je dis que c’est une surprise manifeste faite à la religion du roi, et que cet arrêt du conseil ne peut former un titre valable, parce qu’il manque de caractère légal n’étant point revêtu de lettres -patentes, sans lesquelles la volonté du législateur n’était point constante et complète. Que si cette forme indispensable n’a point été observée, ce n’est pas que les administrateurs n’en aient pas senti la nécessité, mais uniquement parce qu’ils ont jugé que l’enregistrement eût souffert de très grandes difficultés, ou plutôt qu’il n’aurait pas eu lieu par les oppositions qu’y auraient mises toutes les villes de commerce et les manufactures qui n’ont jamais cessé un instant de réclamer contre ce privilège depuis l’époque de sa concession. — Ainsi, la formalité des lettre-spa-tentes voulues par les lois de l’Etat, suivant un édit solennel enregistré lui-même dans tous les tribunaux du royaume, cette forme essentielle alors sous le régime de notre ancien gouvernement/ et seule' conservatrice des droits des citoyens ayant été négligée, l’arrêt est nul. Mais, vous a-t-on dit, le privilège de l’ancienne compagnie n’avait été suspendu que par un arrêt du conseil non revêtu de lettres-patentes, et pourtant le commerce ne s’est pas fait scrupule de se livrer librement au commerce de l’Inde sur ce simple arrêt du conseil. Je réponds qu’il n’a pas dû s’en faire aucun scrupule, parce que s’il faut des formes pour légitimer une atteinte au droit commun des citoyens, il n’en faut point, au contraire, pour autoriser la jouissance de ces droits. On a dit que nous devions respecter tous les engagements anciens du roi, puisqu’il était alors législateur unique du royaume, que nous avons reconnu ce principe en déclarant dette publique et nationale la dette contractée par le roi en sa qualité de chef suprême de la nation. — Je réponds premièrement qu’il est inadmissible de prétendre assimiler la concession d’un privilège exclusif de commerce aux engagements résultant de fonds prêtés au gouvernement qui ont dû être employés au service de l’Etat. — Qu’il est impossible de voir autre chose, dans le privilège, qu’une concession gratuite de faveurs insignes accumulées les unes sur les autres sans ménagement et sans bornes, comme sans prix, sans compensation et sans retour de la part de la compagnie. — Qu’on n’aperçoit aucun caractère de contrat synallagmatique, comme l’appelle la compagnie, dans un pareil acte où l’on a tout accordé au nom de la nation et rien stipulé en sa faveur. Secondement, que puisque nos rois avaient voulu eux-mêmes, pour se garantir des surprises de l’intérêt personnel, que tout arrêt obtenu sur requête fût accompagné de lettres-patentes enregistrées dans une cour souveraine, ils ont réservé, par cela même, aux parties lésées le droit d’arguer de nullité des arrêts du conseil non revêtus de cette forme. C’est donc en vain que les administrateurs de la compagnie réclament, comme une propriété, l’exercice de leur privilège. — C’est profaner et prostituer ce nom que de l’appliquer à un privilège exclusif, en faveur de quelques particuliers ; privilège qui n’est lui-inême, au contraire, qu’une violation première de la propriété, dès qu’il n’est plus évidemment fondé sur l’intérêt social; car c’est là, Messieurs, le point décisif de la question. Un pareil privilège exclusif ne pourrait être légitimé que par l’intérêt social, bien évidemment, bien incontestablement démontré. Or, je crois qu’il vous est prouvé, comme à moi, que l’intérêt national n’exige point que le commerce de l’Inde soit livré à une compagnie exclusive. C’est ce qui résulte du rapport de votre comité et des détails donnés par plusieurs de ceux qui ont parlé avant moi, sur lesquels je ne veux pas revenir pour ne pas abuser de votre temps et de votre patience. Je pense que le commerce libre est plus avantageux à l’Etat. Mais au moins, on ne peut me nier que la questiou ne soit controversée de bonne foi, que beaucoup de bons esprits ne se trouvent partagés d’opinion, et, dès lors, on m’accordera, j’espère, que, dans le cas même du doute, le régime de la liberté, celui du droit commun, mérite toute préférence sur le privilège. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (2 avril 1790*1 525 Le privilège peut donc être supprimé très justement, par cela même qu’on a commis une injustice en l’accordant ; et parce que, comme acte d’administration, il n’est pas consacré par les formes légales. 11 doit être supprimé sans indemnité, car, de quel front les administrateurs de la compagnie demanderaient-ils une indemnité à raison de l'abrogation d’un privilège qu’ils n’auraient jamais dù demander, qu’on n’eût jamais dû leur accorder? A-t-on accordé des indemnités aux négociants de tous les ports du royaume lorsque, tout à coup, on leur a défendu d’em-plover, dans cette branche de commerce, leurs capitaux et leur industrie, par la concession du privilège? Lorsqu’on a, par là, rendu inutiles, dans leurs mains, un grand nombre de navires qui n’étaient propres qu’à ce commerce, et qu’on les a ainsi forcés à vendre à vil prix, d'où résultait une double perte, celle de l’Etat et celle des particuliers vexés par cet acte arbitraire d’une administration égarée ou surprise ! Mais la propriété des actionnaires est entière ; rien n’a périclité et ne périclite pour eux. Cette propriété consiste dans leurs actions. Ceux qui ont acheté ces actions ne peuvent se plaindre de la suppression du privilège ; car ils n’ont pu ignorer ce danger, vu la réclamation constante et universelle des places de commerce. Ils ont joui, depuis cinq ans, des effets de ce privilège; ils ont joui de tous les avantages et de toutes les faveurs de plusieurs genres prodigués à la compagnie. Quel tort leur fait-on de les faire rentrer aujourd’hui dans la loi commune et de leur dire qu’ils sont les maîtres de continuer leurs opérations de commerce, mais sans aucun avantage particulier, sans aucun privilège, ou de demander la liquidation de la Compagnie ? Il n’y a, Messieurs, nulle induction à tirer du mode de commerce adopté par l’Angleterre, la Hollande, le Danemarck. Les compagnies d’Angleterre et de Hollande sont propriétaires et souveraines. C’est la nécessité, la pénurie des moyens qui a forcé de réunir à Copenhague tous les fonds dans une expédition collective. La France se trouve placée entre ces deux extrémités. Elle n’est pas propriétaire comme l’Angleterre et la Hollande. Elle ne manque pas de capitaux et d’industrie comme le Danemarck. Par toutes ces raisons, j’appuie entièrement le projet de décret qui vous est proposé par votre comité d’agriculture et de commerce. Je demande seulement à y ajouter, et j’en fais la motion expresse,, que ce comité soit chargé par vous, Messieurs, de préparer et de vous proposer, le plus tôt possible, un plan qui tende à faire reverser en encouragement pour les manufactures nationales de toiles de coton, la totalité du droit d’induit qui sera désormais supporté par le commerce libre de l’Inde, et même des droits de traite, qui seront perçus sur les marchandises des Indes. Par ce moyen, Messieurs, vous concilierez vos intérêts les plus précieux. Vous conserverez votre commerce de l’Inde, parce que vous ne pouvez y renoncer sans devenir tributaires des compagnies étrangères, et vous le forcerez, contre sa propre nature, à concourir aux succès et à la prospérité de nos manufactures. M. le Président. Je dois interrompre un moment la discussion qui nous4 occupe pour savoir si l’Assemblée entend avoir demain une ou deux séances. M. de Virieu. Je propose de n’avoir qu’une seule séance à partir de quatre heures du soir, afin que chacun ait la liberté de consacrer la matinée aux actes de religion. (Cette proposition est mise aux voix et adoptée.) La discussion est reprise sur le privilège de la Compagnie des Indes. Plusieurs membres réclament la clôture de la discussion. M. le Président consulte l’Assemblée qui décide que la discussion continuera. M. de Cazalès. Beaucoup d’orateurs ont parlé dans cette question, et personne n’a éclairé mon esprit. L’importance et l’obscurité de la matière exigent un examen longuement et mûrement approfondi. Je me bornerai à combattre une assertion hasardée de M. l’abbé Maury. Il a regardé en général la sortie du numéraire commme un mal : je pense, moi, que son extraction est quelquefois nécessaire ; sans doute, la pénurie où nous nous trouvons maintenant est un mal bien réel, que le commerce de l’Inde ne ferait qu’augmenter ; mais elle tient à des circonstances particulières et cet état est passager. Pour raisonner juste, isolons-nous de ces circonstances : la grande quantité du numéraire fait augmenter le prix des denrées et la main-d’œuvre; elle ruine donc les manufactures. H y a deux ans, le commerce de France était très florissant, parce qu’il existait entre notre numéraire et nos marchandises une proportion nécessaire : sans le commerce de l’Inde, le numéraire aurait été plus considérable, la proportion aurait été détruite. Le défaut de confiance a seul, en ce moment, fait disparaître le numéraire ; si la confiance venait, le numéraire reparaîtrait ; mais il faut pour qu’elle reuaisse, que la Constitution soit faite, que la Révolution soit assurée. C’est seulement à celte époque que nous pourrons déterminer le rapport qui doit exister entre le commerce et la quantité du numéraire. L’Assemblée nationale n’a donc rien de mieux à faire que de s’occuper de la Constitution, et de renvoyer aux législatures suivantes toutes les discussions relatives au commerce ; rendre maintenant un décret, ce serait jouer à pair ou non. M. Duval «l’Eprémesnil (1). C’est une grande question de commerce qui se présente en ce moment à votre décision; c’est une importante question d’Etat que vous avez à examiner. Ecartons d’abord toute passion, tout intérêt personnel ; délibérons sur la question d’Etat en homme d’Etat, sur la question de commerce en calculateur : défions-nous des maximes tranchantes; les maximes tranchantes sont aussi dangereuses qu’elles sont commodes ; elles dispensent de tout examen ; elles plaisent àdeux genres d’esprits qui se tiennent toujours aux extrémités de toutes les questions, aux esprits emportés, aux esprits paresseux. Des maximes modérées, une grande circonspection, une vigilance infatigable dans l’application, voilà ce qui distingue des législateurs sages et de vrais administrateurs. Nous avons à résoudre deux questions : l’une générale et l’autre particulière : question générale, le commerce de l’Inde ; question particulière, le privilège de la compagnie actuelle. (1) Le Moniteur ne dorme qu’une analyse du discours de M. Duval d’Eprémesnil. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. fâ avril t?9Ô.l Le commerce de Elude. — Peut-on l’abandonner? sommes-nous déterminés à supporter les privations qu’entraînerait l’abandon ae ce commerce? Non, sans doute; il faut donc éviter de faire par nous-mêmes, ou devenir les tributaires des étrangers. Le faire par nous-mêmes ! comment? Par le moyen des particuliers ou d’une compagnie? Consultons l’expérience, remontons aux principes. (Après cet exorde, l’orateur continue et entre dans dé longs développements. Voici le précis imprimé de son improvisation, tel qu’il l’a écrit lui-même, livré au public et fait distribuer aux députés :) Ici, j’ai demandé à l’Assemblée la permission de jeter un coup d’œil sur l’histoire de la compagnie des Indes, supprimée en 1769; j’ai rappelé des faits connus ; j’ai fait voir cette compagnie naissant en 1664, à la voix de Louis-le-Grand et du sage Colbert, en présence et par l’avis d’une assemblée nombreuse, choisie dans tous les rangs et dans tous les états ; languissante les premières années, s’élevant en 1687 à des profits considérables; successivement interrompue dans ses opérations par la guerre qui suivit la dernière révolution, on devrait dire la véritable restauration de l’Angleterre, et par la guerre de 1700; ensuite, réunie à la compagnie d’Occident, en 1719, enveloppée dans les horreurs du système, mais prenant enfin une consistance solide en 1725 ; de cette époque, je l’ai suivie jusqu’à la suspension de son privilège en 1769. J’ai distingué les produits de son commerce d’avec ses répartitions, et j’ai mis en fait que si les répartitions n’avaient pas été proportionnées aux produits, c’est que la compagnie, toujours gouvernée et souvent déchirée par deux commissaires du roi, n’avait jamais été maîtresse, à proprement parler, ni de ses opérations, ni de ses dépenses. L’histoire de la suppression de la compagnie devrait naturellement terminer ce récit. Gette histoire est peu connue. J’ai rappelé aux uns, j'ai révélé aux autres les intrigues et les fautes qui préparèrent cette suppression. Il existait en 1769 deux hommes célèbres, tous deux étrangers, tous deux banquiers, tous deux hardis spéculateurs. L’un travaillait en même temps, en Angleterre, au changement total de la direction ; en France, à la destruction de la compagnie elle-même. Ses plans étaient bien concertés, toutes les apparences étaient pour ses calculs. Il s’agissait de masquer l’opération. On prenait des circuits alors pour arriver aux projets destructeurs. La conversion de la compagnie des Indes en caisse d’escompte fut proposée. Mais de si belles espérances s’évanouirent : en Angleterre, lord Clive déconcerta les calculs de l’homme dont je parlais ; en France, quatre députés des actionnaires sur sept (j’étais un des quatre) renversèrent le projet de la caisse d’escompte. Mais nos succès irritèrent les ministres. Ce projet leur convenait. La perte de la compagnie fut jurée. On fit paraître le livre de M. l’abbé Morellet, et l’on attendit l’occasion. De son côté, l’autre étranger soutenait la compagnie des Indes par des loteries. Je n’ai point accusé ees intentions ; mais j’ai dit que son système produisait faute sur faute. Une certaine opération de lettres de change, que j’ai combattue dans le temps, ne fut pas la moins grave. Les embarras de la compagnie augmentèrent : ils furent dévoilés tout à coup dans l’assemblée générale. Cependant le foi nous devait sept millions; c’était un point convenu. On pouvait nôus payer cette somme : il n’était point d’efforts, il n’était point de sacrifices que nous ne fussions prêts à faire pour continuer le commerce» Le ‘ministre avait pris son parti. L’arrêt de suspension fut rendu au Conseil. La compagnie se vît forcée d’abandonner son privilège. Mais le despotisme des ministres ne put détruire deux grands faits également certains : l’un, que la compagnie avait payé, depuis la paix de 1763, beaucoup de dettes occasionnées par la déplorable guerre de 1756 ; l’autre, qu’elle laissait au roi un actif de beaucoup supérieur à son passif. A l’exposé rapide des profits commerciaux de la compagnie, profits indépendants de leur emploi, j’ai comparé le résultat des opérations du commerce particulier ; j’ai distingué dans ce commerce les commissionnaires et les intéressés ; j’ai fait voir comment il était possible que les intéressés perdissent, tandis que des commissionnaires gagnaient beaucoup; j’ai soutenu qu’à l’inspection des factures d’armement, comparées aux relevés des ventes, l’Assemblée nationale se convaincrait que les intéressés avaient perdu. Et maintenant, Messieurs, vous concevez pourquoi l’auteur d’un écrit imprimé sous le titre de Dernier mot ne veut pas qu’il soit de votre dignité de comparer les bilans de la compagnie avec ceux des particuliers. Eh! quoi, quand il existe un moyen infaillible de prononcer en connaissance de cause sur les effets du privilège ou de la liberté, l’emploi de ce moyen, qu’exige le bien public, pourrait blesser la dignité de l’Assemblée ! On s’était prévalu, dans le même imprimé, de la progression successive du commerce libre. J’ai répondu que cette progression successive avait eu pour cause les changements successifs dés intéressés; qu’avant qu’une grande erreur fût épuisée en France, il se passait du temps, et qu’ainsi les progrès du commerce libre n’avaienf été eux-mêmes que les progrès d’un mal certain. Un bon gouvernement ne saurait voir d’un œil indifférent les pertes particulières quand elles sont le fruit de ses erreurs. Eclairer et diriger les citoyens est la fin et le devoir de toute administration publique ; j’ai jeté ce principe en courant pour ainsi dire : il est exact, il est sensible, il n’a pas besoin de preuves, et j’ai fait voir comment les pertes du commerce libre étaient aussi des pertes pour l’Etat ; j’ai prouvé, par des raisons tirées de la position respective des Français et de s Anglais dans l’Inde, que le commerce particiilier, ce commerce appelé libre, était tout à la fois l’esclave, le facteur et le tributaire de la compagnie anglaise. M. Pitt le sait bien ; l’Assemblée nationale ne le croit pas. Enfin, la compagnie demandait au roi, par au et par abonnement, 1,500,000 francs pour tous les frais de souveraineté. Or, depuis la suspension, il n’est point d’année que nos établissements au delà du cap de Bonne - Espérance n’aient coûté à l’Etat 4 millions aumoins en pleine paix, souvent six, quelquefois davantage. Voilà comment les ministres avaient calculé. J’en appelle aux états de dépenses. De ces détails justifiés par l’expérience et par ie calcul, je me suis élevé jusqu’au principe. J’ai parlé des avanies ; j’ai délini la manière de contracter ; j’ai parcouru toutes les branches du commerce français au delà ducapdeBouue-Espérance; j’ai montré les principales difficultés ; je n’ai pas dissimulé les inconvénients ; j’ai peint les avantages de ce commerce ; j’ai comparé la puissance des Anglais à notre faiblesse ; et j’ai déduit de la [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. \t avril UM.) nature du commerce de llnde, des mœurs, du caractère, du gouvernement des Indiens, de l’exemple des Anglais et de leur état comparé au nôtre, deux grandes vérités : l’une, que le commerce des Indes Orientales devait se faire par une compagnie souveraine armée et jouissant dans l'Inde d’une puissance territoriale. C’était le principe de M. Dupleix, c'est celui que les Anglais n’ont pas cessé de suivre, instruits par les leçons de ce grand homme qu’ils ont fait rappeler; l’autre, que ce principe, cet établissement d’une compagnie française, souveraine, armée, territoriale, était devenu impraticable dans les circonstances intérieures et politiques où se trouvait la nation. Humiliant aveu ! C’est malgré moi que je l’ai fait. Mais de ce qu’un principe ne peut pas être mis en pratique , s’ensuit-il qu’on doive l’effacer de la liste des maximes nationales ? non, sans doute . Que fait alors un peuple sage'7 II attend un moment plus heureux, ajourne la question et garde le principe. Telle fut ma conclusion à l’égard de la ques * tion générale. Question particulière ; le privilège de la compagnie actuelle. Il importait de placer la question sous son vrai point de vue. Le commerce particulier est condamné par le principe ; la compagnie actuelle est condamnée par le principe ; les juger par le principe, ce serait donc, en d’autres termes, proscrire le commerce de l'Inde. Cependant on ne veut pas, on ne doit pas l’abandonner. Qu’est-ce donc que l’on doit faire? la réponse vient d’elle-même. On doit comparer l’établissement du privilège et l’établissement de la liberté, non pas au vrai principe, mais bien entre eux relativement à ce principe. Celui des deux établissements qui se rapproche le plus duvrai principe est le meilleur. Et c’est alors que rapprochant, en peu de mots, du principe général le titre constitutif de la compagnie actuelle, ses opérations, ses profits, son influence politique dans l’Inde, ses moyens, ses justes espérances, ses engagements remplis, ses marchandises accumulées sur la foi pubiique en improuvant quelques abus attachés à son organisation, mais étrangers à son commerce, en m’élevant contre l’affreux principe qui d’une loi de liberté ferait un titre rétroactif contre la propriété, j’ai conclu qu’en justice, aussi bien qu’en politique, le privilège de cette compagnie était encore préférable au commerce particulier. L'Europe, ai-je ajouté, l'Europe commerçante est attentive à notre délibération et l’Angleterre est à la porte qui nous écoute. M. le Président lève la séance à dix heures du soir, après avoir indiqué celle du lendemain pour quatre heures après-midi. m ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE U. LE BARON MENOU. Séance du samedi 3 avril 1790 (1). La séance est ouverte à quatre heures après midi. Un de MM. les secrétaires donne la lectürè de plusieurs adresses ainsi qu’il suit : Adresse de félicitation, adhésion et dévouement de la garde nationale de la ville de Cette. Adresse de la ville de Josselin eu Bretagne ; elle supplie l’Assemblée d’établir un siège royal dans chaque district. Huit communautés circon-voisines demandent l’établissement de ce siège dans la ville de Josselin. Adresse de la municipalité de Montigny-le-Roi ; elle annonce que la contribution patriotique de tous les citoyens, sans nulle exception» pas même des mendiants, s’élève à la somme de 3,362 livres 17 sols 6 deniers ; elle réclame, à l’occasion de la déclaration publiée par le séminaire de Langres, de biens dépendants du prieuré de Montigny, réuni à leur maison, dans laquelle on a passé sous sileace le droit de préférence qu’ont les entants de la paroisse d’étre reçus et nourris gratuitement audit séminaire, pour y faire leur cours de théologie. Adresses des nouvelles municipalités des communautés de Neuilly-sur-Marne, de Baron, de Dracé en Beaujolois, ae Fortans, de Bergnicourt, de Semur en Briotmois, de Recey-sur-Ourcq, de de Cléon-d’Eudelard, de Chaussin en Franche-Comté, delà Taguière, près d’Autun, de Villars-d’A-rène, de Thezau prèsdeBéziers, de Villers-le-Bois, de Chamaret, de Hadonvilles, de Lisi-sur-Ourcq, de Saint-Romain-de-Colboc, de Saint-Thaurin-d’Hectomarre, de Vincelles en Champagne, de Ja ville de Millau. De la communauté d’ Aigues-Vives en Languedoc ; elle demande des armes pour sa milice nationale. De la communauté de Saint-Vincent-d’Antogny-le-Tillac ; elle demande d’être comprise dans le district de Chatelleraut. De la communauté de Pacy, district de Tonnerre; elle demande la suppression d’un droit féodal, connu sous le nom de troupeau à part. De la communauté de Clion près de Ghàtillon-sur-Indre ; elle demande d’être un chef-lieu de canton. Des communautés de Saint-Christ et de Miseri près de Péronne ; elles font le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés. Du conseil général de la commune du Hâvre-de-Gràce, lequel, en renouvelant son adhésion exprimée dans sou itérative adresse du 2 mars, témoigne à l’Assemblée nationale sa respectueuse reconnaissance de son décret du 8 mars, concernant les colonies. Enfin, de la communauté de Paray-le-Fresy, département de l’Ailier. L’Assemblée nationale ordonne l’impression de cette dernière, ainsi qu’il suit : « Nosseigneurs, Vous vous êtes trop montrés les pères dü peuple ■' » ...... ......... .. . * - , ...» .-.Y AM*»*» - ■ ■■■ ■ (1) Otte séanco esl incomplète aa Moniteur .