[4ssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 novembre 1789.] *7« Il ne doit être perçu qu’aux entrées des villes et aux extrémités du royaume, et ne doit ni gêner le commerce, ni exposer les citoyens à la violation de leur domicile. L’impôt sur les propriétés ne doit porter que sur le revenu net, et ne rien excepter de ce qui est productif ; mais il ne doit frapper sur rien de ce qui est nécessaire à la reproduction. L’impôt sur les personnes doit être soumis à des règles de proportion aussi justes qu’il est possible de les établir, et ne peut être considérable que sur les citoyens qui ne payent aucune autre imposition de propriété. C’est d’après ces règles que votre comité médite et travaille à rédiger le système d’imposition qu’il aura l’bonneur de vous présenter lorsque vous aurez déterminé la somme des besoins de l'Etat. PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale, considérant que rien n’est plus important à l’établissement et au maintien d’un ordre permanent dans les finances du royaume et dans la comptabilité du Trésor public, que de mettre au courant les départements, et de ne comprendre à l’avenir dans le compte de chaque année que la dépense effective de ladite année ; Considérant en outre qu’elle ne pourrait, sans s’écarter de l’esprit de justice qui l’anime, se dispenser de prendre des moyens sûrs et prompts pour constater le montant de ce qui restera dû à l’époque marquée par elle pour le nouvel ordre d’administration et de comptabilité, afin de satisfaire tout à la fois à ce que lui prescrivent l’intérêt de la nation et celui de ses créanciers légitimes, a décrété et décrète ce qui suit: Art. 1er. Le payement de toutes les dépenses des départements, autres que la solde des troupes, sera et demeurera suspendu, pour tout ce qui se trouvera dû au 1er janvier 1790, jusqu’après la liquidation qui va en être ordonnée. Art. 2. A compter du 1er janvier 1790, le Trésor public acquittera exactement toutes les dépenses ordinaires de l’année courante, mois par mois, sans aucun retard, et il ne sera alloué dans les comptes de la dépense ordinaire de ladite année que les sommes provenant de la dépense que l’Assemblée nationale aura décrétée pour l’année 1790. Art. 3. Il sera nommé incessamment une commission de douze membres de l’Assemblée, pour procéder à la liquidation de toutes les créances dont le payement est suspendu par l’article 1er du présent décret. Art. 4. Les administrateurs de chaque département et les ordonnateurs de toutes les dépenses feront remettre en conséquence, dans le délai d’un mois au plus tard, à ladite commission, l’état, distingué par nature de dépenses, de toutes celles qui peuvent être arriérées dans leurs différents départements, et ledit état signé d’eux sera certifié véritable. Les entrepreneurs et autres qui auront personnellement des titres de créance reconnue à à produire, pourront se présenter devant la commission et lui remettre leurs titres. Art. 5. N’entend, l’Assemblée nationale, comprendre dans la suspension prononcée par le présent décret les arrérages de rentes et pensions échues avant le 1er janvier 1790, qui continueront d’être payées dans l’ordre de leurs échéances, et dont elle se propose de rapprocher les payements par tous les moyens qu’elle aura en son pouvoir. Elle excepte également de ladite suspension les intérêts de toutes les créances auxquelles il en est dû, ainsi que les obligations contractées pour achats de grains, assignations et rescriptions sur les revenus de 1790, et tous les frais relatifs à l’Assemblée nationale. Art. 6. Le payement de tous les arrérages sera continué, ainsi qu’il a été dit par l’article 4, pour toutes les rentes et créances de l’Etat ; mais les pensions qui écherront après le 1er janvier 1790 ne pourront être acquittées, à partir de celte époque, que d’après l’état qui en sera arrêté par l’Assemblée nationale et publié par ses ordres. Art. 7. La commission chargée deprocéder, en vertu du présent décret, à la liquidation de l’arriéré, rendra compte à l’Assemblée nationale, le plus tôt qu’il sera possible , de la liquidation qu’elle aura faite des créances incontestables ; et lui soumettra le jugement de celles susceptibles de contestation. Art. 8. Sur le compte qui lui sera rendu par ses commissaires, l’Assemblée nationale avisera aux moyens qui lui paraîtront les plus convenables et les plus justes pour acquitter les créances dont la légitimité aura été reconnue. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. THOURET. Séance du mardi 17 novembre 1789, au matin [ 1). M. le vicomte de Mirabeau, l'un des secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la veille et des adresses ci-après. Adresse des officiers municipaux de la ville de Grandpré où ils adhèrent, avec une admiration respectueuse à tous les décrets de l’Assemblée nationale et déclarent ennemis de la nation et traîtres à la patrie tous ceux qui auraient osé, ou qui oseraient par la suite, sous quelque prétexte que ce fût, s’opposer à leur exécution. Délibération de la commune de Saint-Laurent-du-Pont, en Dauphiné, contenant l’adhésion la plus entière aux décrets de l’Assemblée nationale, et la protestation la plus formelle contre la convocation des Etats de la province, et du doublement, faite par la commission intermédiaire. Délibération de la commune de la ville de Salies en Comminges, contenant félicitations, re-mercîments, adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale; elle demande une justice royale. Adresse des municipalités de la ville de Romo-rantin et de plusieurs paroisses de son élection et district, tendant à obtenir l’établissement d’un département et d’un tribunal du second ordre dans cette ville. Adresses de différentes villes et communes d’Auvergne; elles demandent toutes l’établissement d’un tribunal souverain à Clermont, et quelques-unes demandent un tribunal royal pour Maringues, Mauriat, Maurs. Adresse de la ville de Bort en Limousin ; elle demande sa réunion à l’Auvergne, un tribunal (1) Cette séance est incomplète au Moniteur , 76 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 novembre 1789.] royal, et de ressortir au tribunal souverain dont elle propose l’établissement pour Clermont. Adresses des villes et communes d’Altillac, Beaulieu, Camps, Gros, Gerzat,Gignat, la Bessette, Ides, Lanobre, Laume-Grand, Luziilat, Madic, Maillat, Marchai, Maurs, Pléaux, Pradelles, Roches-Charles, Saint-Cirq, Saint-Martin-des-Plaines, Sailhan, Salsigne, Sauvat, Singles, Trémouiile-Marchal, Trizac, Vebret, Viale ; elles demandent toutes l’établissement d’un tribunal souverain à Clermont-Ferrand. Les communes d’Altillac, Beaulieu, Camps, Cros, la Besette, Ides, Lanobre, Madic, Marchai, Salsigne, Singles, Trémouille-Marchal et Vebret, demandent un tribunal royal à Bort ; Pradelles en demande un pour Mauriac, et Luziilat en demande un pour Maringues. Adresse des religieux dominicains de la maison du noviciat général à Paris, qui réclament avec instance leur conservation et que leur monastère ait toujours la liberté de remplir sa première et plus essentielle destination, qui consiste à recueillir des diverses provinces les religieux qui voudraient remplir leurs devoirs avec plus d’exactitude, et à repousser constamment ceux qui seraient ennemis de la subordination et de la régularité. Délibération des habitants de la communauté de Sutrieu en Valromey, province de Bugey, portant offre à l’Assemblée nationale des bois du quart des réserves de leur montagne, en valeur de 8,000 livres, pour être versées dans la caisse patriotique, et tenir lieu du quart de leur revenu, sous la réserve d’une somme de 1,000 livres qu’ils doivent à la chartreuse d’Arrière. Ils demandent que l’Assemblée les autorise à faire donner l’adjudication de la coupe desdits bois, en observant les formalités ordinaires. Enfin, lettre du sieur Eustache, maître en chirurgie à Béziers, en date du 6 du mois dernier, qui, dans l’impossibilité de payer autrement sa contribution patriotique, fait offre de trois médailles d’or, de la valeur de 500 livres, qui lui ont été adjugées à titre de prix. Sur la lecture de cette lettre, M. le président a été chargé d’écrire audit sieur Eustache, pour lui annoncer que ses médailles ont été reçues. M. Eustache fils, encore fort jeune, avait apporté lesdites médailles, et présenté la lettre de son père à M. le président; à la barre, il a dit : Nosseigneurs , l’auteur de mes jours n’ayant d’autre revenu que sa profession, à peine suffisante pour sa famille, se serait cru privé de la satisfaction de pouvoir concourir à la contribution patriotique, ordonnée par votre sagesse pour le salut de l’Etat, si ses faibles talents ne lui eussent obtenu divers prix, consistant en trois médailles d’or, de la valeur de 500 livres. Il a dû être infiniment touché de ces récompenses flatteuses; mais, si j’en juge par le sentiment que j’éprouve, le sacrifice qu’il en fait à la chose publique est bien plus cher à son cœur. M. le Président lui a répondu! que l’Assemblée voyait avec satisfaction la marque de patriotisme que son père l’avait chargé de présenter à l’Assemblée, et qu’il l’exhortait à bien aimer la patrie; il l’a autorisé à assister à la séance. M. le Président a ensuite annoncé qu’il s’était retiré devers le Roi pour lui présenter deux décrets: l’un concernant la déclaration à faire par les bénéficiers et supérieurs d’établissements ecclésiastiques, l’autre concernant les grains achetés par la ville de Nantes dans celle d’Auray; et que Sa Majesté lui avait répondu sur le premier, qu’il le prendrait incessamment en considération, et sur le second, qu’il renouvellerait ses ordres dans la province de Bretagne pour l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale. M. Trellhard, a exposé qu’ayant été nommé membre du comité des rapports, il lui était impossible d’en remplir les fonctions, parce qu’il était membre du comité ecclésiastique. Sur sa démission, et d’après le vœu de l’Assemblée, M. le président a invité le bureau n° 1, à s’assembler de nouveau pour élire un autre membre du comité des rapports à la place de M. Treilhard. M. Trellhard a dénoncé qu’il avait appris que les Etats du Cambrésis avaient protesté contre les décrets de l’Assemblée nationale, et a demandé que les députés de cette province eussent à s’expliquer à ce sujet. Un de Mil. les secrétaires a donné lecture de cet arrêté dont voici les principaux objets : « Les Etats du Cambrésis, sensiblement affectés des justes alarmes qu’inspirent quelques arrêtés de l’Assemblée nationale, croiraient trahir le vœu de leur province et les générations futures, s’ils consentaient à la destruction des franchises du Cambrésis et à l’anéantissement des droits des propriétaires. Il n’est pas au pouvoir des représentants de la nation, ni delà nation elle-même, de disposer des biens des citoyens. « Les capitulations du Cambrésis consacrent le maintien de ses coutumes et de ses franchises ; elles sont le gage de sa soumission et la règle de ce qui lui est dû; si le contrat est violé, il est relevé de ses engagements. Certains arrêtés de l’Assemblée nationale préparent la ruine du royaume et l’anéantissement de la religion. Si elle a pu mettre certains biens à la disposition delà nation, tous les propriétaires ne peuvent-ils pas s’attendre au même sort ? « D’après ces considérations, les Etats du Cambrésis déclarent qu’au moyen de la renonciation que la noblesse et le clergé ont faite à toutes exemptions et à tous privilèges, et qu’ils réitèrent, les intérêts sont devenus communs, et tous les citoyens sont frères ; déclarent en conséquence, au nom de tous, qu’ils n’ont donné et ne peuvent donner aucune renonciation à leurs capitulations, et désavouent celle qui pourrait avoir été faite en leur nom. « Déclarent, dès à présent, les pouvoirs des députés du Cambrésis à l’Assemblée nationale nuis et révoqués. « Délibèrent en outre de demander au Roi que la province puisse s’assembler pour donner suite à la présente délibération. « Ce 9 novembre 1789. » M. Trellhard. On ne peut sévir avec trop de sévérité et de promptitude contre des actes aussi condamnables. Je demande que la délibération sur cet arrêté soit ajournée à la séance de ce soir. Cet ajournement est ordonné, et l’on passe à l’ordre du jour sur les bases de la représentation nationale. L’article du comité mis à la discussion est ainsi conçu :