ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 juillet 1789- ] 244 [Assemblée nationale.] la nature des pouvoirs exécutif et législatif, il est certain que la nation a le droit de contrôler l’emploi que les ministres font de l’autorité royale. M. Gleizcn. Messieurs, vous êtes tous d’accord, mais aucun de vous n’a prononcé le véritable mot. On ne peut pas demander le renvoi des ministres, mais on peut les dénoncer. M. de Clermont-Tonnerre. Je crois qu’ü ne convient pas de demander le rappel de M. Necker. Les représentants de la nation ont fait pour ce ministre tout ce qu’ils pouvaient faire en lui témoignant leur estime et leurs regrets dans un de leurs derniers arrêtés; et le Roi, qui a bien entendu à cet égard et les vœux de l’Assemblée nationale et celui de la ville de Paris, les remplira sans doute de lui-même. M. de Tally-Tolïendal. Messieurs, nous l’avons vu, nous l’avons entendu, dans les rues, dans les carrefours, sur les quais, dans les places, il n’y avait qu’un cri, le rappel de AJ. Necker. Tout ce peuple immense nous priait de redemander M. Necker au Roi. Les prières d’un peuple sont des ordres; il faut donc que nous demandions le rappel de M. Necker. Cet avis réunit tous les esprits. Il est décidé qu'il sera envoyé une députation au Roi, pour lui demander le renvoi des ministres et le rappel de M. Necker. La rédaction de cette adresse est renvoyée au comité. M. le Président lit une lettre de M. le maréchal de Broglie, qui annonce les ordres de détail donnés pour le prompt éloignement des troupes de Paris. Elle est ainsi conçue : A M. le président de l'Assemblée nationale. Monsieur le président, « J’ai l’honneurdevous prévenir que Sa Majesté, qui m’avait appelé auprès de sa personne, pour me charger du commandement des troupes qu’elle avait fait approcher de sa capitale, m’a donné ordre de les faire partir pour retourner dans leurs garnisons respectives et qu’en conséquence, le Roi a fait expédier des ordres, pour que les régiments qui sont ici, à Sèvres et à Saint-Cloud, en parlent demain 17, pour se rendre à Saint-Denis et y remplacer ceux qui y sont réunis, lesquels reprendront aussi, demain 17, les routes qu’ils avaient tenues pour venir des différentes frontières. Les troupes qui arriveront demain à Saint-Denis en repartiront le 18 pour retourner de même dans leurs garnisons. « Signé : Maréchal de Broglie. » Monsieur le Président lit ensuite une lettre de M. le premier président du parlement de Paris, dont la teneur suit : « M. le président, le parlement m’a chargé de faire part à l’Assemblée nationale d’un arrêté qu’il vient de prendre ce matin. « Je m’empresse de remplir cette mission en vous adressant une copie de cet arrêté. « Je suis avec respect, monsieur le président, votre très-humble et très-obéissant serviteur. « Bochard de Saron. » On fait lecture de l’arrêté: « La cour, instruite par la réponse du Roi, du jour d’hier, à l’Assemblée nationale, de l’ordre donné aux troupes de s’éloigner de Paris et de Versailles; « A arrêté que M. le premier président se retirera à l’instant par devers ledit seigneur Roi, à l’effet de le remercier des preuves qu’il vient de donner de son amour pour ses peuples, et de sa confiance dans ses représentants, dont le zèle et le patriotisme ont contribué à ramener la tranquillité publique. « Arrête que M. le premier président fera part de l’arrêté de ce jour à l’Assemblée nationale. » M. de Cleriuont-Tonnerre observe que, dans cette lettre le parlement de Paris semble traiter de corps à corps avec l’Assemblée nationale; et que puisque M. le premier président se relirait devers le Roi, il pouvait bien aussi se* retirer par devers l’Assemblée nationale. Bette observation est appuyée par MM. les ducs d’Aiguillon, de Luynes, de Prasliu, de la Rochefoucauld. MM. Duport, Le Pelletier de Saint-Fargeau et Fréteau tâchent d’excuser la compagnie, sur ce que, dans un ordre si nouveau, elle a bien pu ne pas connaître encore toutes les convenances. On se disposait à aller aux voix sur le projet d’adresse de M. le comte de Mirabeau, lorsqu’on annonce Je renvoi de tous les ministres. Dans le moment il a été résolu d’envoyer une députation au Roi, pour le remercier au nom de l’Assemblée nationale. On nomme les membres de cette députation qui est composée de ; CLERGÉ. MM. MM. Ruffo de Laric, évêque de Lasmartres , Saint-Flour ; Mes nard; De La Rochefoucauld, évê-Morel : que de Beauvais ; MM. D’Haremburo; De Lannoy ; De Crussol d’Ambois Lalande. NOBLESSE. MM. De Dieuzie ; De Tousiain ; De Ferrières. COMMUNES. MM. MM, Duval de Grandpré ; Hell ; Verchère de Reffye ; Lesuré ; Gossin ; Lanjuinais; Grangier ; Tellier ; Boullé; Auvry ; Jouy-Desroches ; De Neuville. Un député de la noblesse dit, avant le départ de la députation, qu’il est autorisé à annoncer que, d’après les vœux des Parisiens, le Roi a résolu d’aller se montrer à eux dans la capitale, et qu’il ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [t6 juillet 1789.] 245 [Assemblée nationale.] invite l’Assemblée à faire connaître sa résolution à sa bonne ville de Paris. Il est arrêté qu’une députalion partira dans l’instant pour instruire la capitale de cette nouvelle satisfaisante. Cette députation est composée de la façon «suivante : CLERGÉ. MM. MM. Leclerc de Juigné, arche-Texier, chanoine de Cliar-vêque de Paris; très: Gouttes, curé d’Argellier; NOBLESSE. MM. MM. Le prince de Poix ; Le comte de Puisaie. Le comte de Lachâlre; COMMUNES. MM. MM. Perret de Trégadoret ; Riberolles ; Perrin de Rozières, Gillet de Lajnrqueminière. Long ; Millanois, 11 est arrêté ensuite que le Roi sera prié de permettre qu’une nombreuse députation de l'Assemblée nationale l’accompagne lors de son entrée dans Paris. La députation déjà nommée se rend chez le Roi. Elle est bientôt de retour. M. le Président rapporte que le Roi accepte la députation proposée pour l’accompagner; que Sa Majesté, en lui annonçant le rappel de M. Nec-ker, et pour donner une nouvelle preuve de sa confiance en l’Assemblée nationale, lui a remis la lettre qu’elle a écrite à ce sujet; elle invite l’Assemblée nationale à la lui envoyer à Bruxelles, où il doit être encore. L’Assemblée arrête qu’elle joindra à la lettre du Roi, une lettre signée par le président et par les secrétaires. La lettre est rédigée dans l’instant et lue dans l’Assemblée qui l’adopte ainsi qu’il suit : « A Versailles, le 16 juillet 1789. « L’Assemblée nationale, Monsieur, avait déjà consigné, dans un acte solennel, que vous emportiez son estime et ses regrets; eet honorable témoignage vousa élé adressé de sa part, et vous devez l’avoir reçu. « Ce matin elle avait arrêté que le Roi serait supplié de vous rappeler au ministère. C’était tout à la fois son vœu qu’elle exprimait, et celui de la capitale qui vous réclamait à grands cris. • « Le Roi a daigné prévenir notre demande. Votre rappel nous a été annoncé de sa part. La reconnaissance nous a aussitôt conduits vers Sa Majesté, et elle nous a donné une nouvelle marque de confiance, en nous remettant la lettre qu’elle vous avait écrite, et en nous chargeant de vous l’adresser. « L’Assemblée nationale, Monsieur, vous presse de vous rendre au désir de Sa Majesté ; vos talents et vos vertus ne pouvaient recevoir ni une récompense plus glorieuse, ni un plus puissant encouragement. « Vous justifierez notre confiance ; vous ne préférerez pas votre propre tranquillité à la tranquillité publique. « Vous ne vous refuserez pas aux intentions bienfaisantes deSaMajesté pour ses peuples. Tous les moments sont précieux. La nation, son Roi et ses représentants vous attendent. « Signé : JEAN-GEORGES, archevêque de Vienne , président; le comte de Lally-Tollen-DAL, MoüNIER, secrétaires. » L’Assemblée en ordonne l’envoi. Les d