SÉANCE DU 22 MESSIDOR AN II (10 JUILLET 1794) - N° 74 61 d’offrir à l’Etre Suprême ces prémices d’une récolte que ses bienfaits rendent aussi abondants que les vertus du peuple généreux qu’elle doit nourrir. Aujourd’hui le citoyen Vigneron nous charge de présenter aux représentans du peuple une gerbe de bled, première production d'une terre que l’insouciance apathique des despotes qui pesaient sur la France, semblait avoir condamnée à une éternelle stérilitée. Les motifs qui ont porté ce citoyen à cultiver ces landes sont aussi intéressants que le résultat en est avantageux. Nous le laisserons donc parler lui-même et nous transmettons à la Convention nationale, avec la gerbe qu’il envoie, un extrait de la lettre dans laquelle Vigneron exprime ses sentimens. Le courage, le dévouement au travail, la haine de la tyrannie et de la servitude ont trop de droits à l’estime des représentans qui ont fondé la République sur la vertu, pour qu’ils n’éprouvent pas une véritale satisfaction en entendant la lecture d’une lettre où se peint l’âme d’un agriculteur républicain ». Le commissaire par intérim : RAISSON. [Le cn Vigneron à la commission d’agriculture et des arts. 14 mess. II.] « La Vendée, cette terre de promission, corrompue par le fanatisme, punie par des lois rigoureuses mais nécessaires, ne présente aujourd’hui qu’un immense désert de ruines fumantes, et un non deshon-noré dans la République. Propriétaire et cultivateur à Beauvoir, ma patrie, toujours citoyen toujours soumis aux lois, j’ai vu avec douleur la guerre ravager l’héritage de mes pères et les flammes en dessécher jusqu’au sol. J’ai vu ruiner mes récoltes, annéantir ma fortune; et ma famille n’avoir pour couvert que l’horison et ses larmes pour nourriture. C’est dans ce malheureux état que, mettant la Loire entre la Vendée et moi, je me suis réfugié sur des landes en friche de tous les tems, sur des terres qui n’avaient jamais connu que la mousse et le jonc; j’ai osé leur présenter pour la première fois le soc d’une charrue et les contreindre à créer le bled que je vous envoie. L’Etre Suprême qui veille sur les innocens malheureux a béni mes efforts. Vous avez eu la bonté d’en agréer le premier hommage : je vous offre aujourd’hui le second. Puisse la salle de la Convention nationale en être l’autel ! Que me reste-t-il à désirer, depuis que mes concitoyens ont bien voulu apprécier mes travaux, les récompenser, les estimer, et peut-être les imiter ? » P.c.c. [même signature.] Mention honorable, insertion au bulletin de la lettre du cn Vigneron (l). 74 [La Sté popul. de Thiers (2) à la Conu.; 1er mess. II] (S). (l) Mess, soir, n° 690 ; J. Sablier, n° 1429 ; M.U., XLI, 363 ; Ann. patr., n° DLVI ; J. Perlet, n° 656 ; C. Eg., n° 691. (2) Puy-de-Dôme. (3) C 308, pl. 1192, p. 24 et 25. J. Sablier, n° 1429 (mentionne par erreur « Eguyères », au lieu de Thiers). « Bons Montagnard, mandataires fidèles, La longue nuit de complots et de conspirations ourdies contre la liberté et qui sous différentes formes se sont succédé depuis l’origine de la Révolution, devoit nécessairement attirer sur leurs auteurs les justes effets de la vengeance nationale. Le crime est hardi, et lorsqu’il croit le pouvoir avec sécurité, il exécute promptement ; la vengeance doit être plus rapide encore : l’existence d’un conspirateur est une calamité publique qu’il importe de faire cesser. Cependant, par suite des anciennes erreurs, la marche judiciaire étoit entravée, le voeu du peuple languissoit, dans l’attente de la punition des coupables, la lenteur des formes leur donnoit le temps, les moyens de tramer de nouveaux complots; ils conspiraient encore, même sous la hache vengeresse des loix; des hommes dehontés avaient l’impudeur de défendre des coupables dont les crimes etoient prouvés à la nation entière, et ces zélateurs, ces apôtres du crime, prostituant quelques talens ne cessoient d’outrager la liberté. Grâces vous soient rendues, bons Montagnards, vous avez annéanti ce dernier moyen de conspiration, en donnant à la justice populaire ce caractère, ce mouvement rapide et régulier qui désormais la conduira d’un pas ferme dans le sentier qu’elle doit parcourir. Mandataires fidèles vous vous êtes aquis un nouveau droit à la reconnaissance des vrais amis de la liberté. Vous ne cessez de bien mériter de la patrie. Mais, citoyens représentans, ce tribunal protecteur de l’innocence, du patriotisme opprimé, en même temps qu’il est le vengeur des crimes, l’effroy du conspirateur et des aristocrates, quelque soit le masque dont ils se couvrent, ce tribunal, disons-nous, ne peut avec assez de rapidité frapper tous les coupables disséminés sur toutte la surface de la République; vous avez décrété l’organisation de commissions populaires qui doivent juger tous les reclus; une de ces commissions est formée dans la commune de Paris, les autres ne sont pas en activité. Cependant dans le nombre des individus que renferment les diverses maisons de réclusion de la République, il est plusieurs conspirateurs sur lesquels le peuple tourne ses regards avec inquiétude, il demande à être vengé de leurs crimes, il attend avec impatience le moment ou la loi prononcera sur ces assassins du peuple de la liberté. Veuillez, mandataires fidèles, veuillez ordonner la prompte organisation de ces commissions épura-trices : le sol de la liberté ne peut, ne doit être habité que par ses vrais amis. En même temps, bons montagnards, que nous sollicitons la punition de nos ennemis intérieurs, nous redoublons nos efforts pour le prompt annéan-tissement de ceux du dehors ; déjà à plusieurs reprises notre commune, composée du six - huitième d’ouvriers a déposé différents dons sur l’autel de la patrie, nous en joignons icy la liste; déjà plus de 2.000 citoyens sortis de son sein sont aux frontières. Nous offrons aujourd’hui à la Convention deux cavaliers jacobins armés et équipés par nous, c’est vous dire qu’ils ne poseront les armes que lorsque la patrie aurat triomphé de tous les ennemis. » Dubien, Tessot, Decaire-Provauchere, Andrieu, Henry. SÉANCE DU 22 MESSIDOR AN II (10 JUILLET 1794) - N° 74 61 d’offrir à l’Etre Suprême ces prémices d’une récolte que ses bienfaits rendent aussi abondants que les vertus du peuple généreux qu’elle doit nourrir. Aujourd’hui le citoyen Vigneron nous charge de présenter aux représentans du peuple une gerbe de bled, première production d'une terre que l’insouciance apathique des despotes qui pesaient sur la France, semblait avoir condamnée à une éternelle stérilitée. Les motifs qui ont porté ce citoyen à cultiver ces landes sont aussi intéressants que le résultat en est avantageux. Nous le laisserons donc parler lui-même et nous transmettons à la Convention nationale, avec la gerbe qu’il envoie, un extrait de la lettre dans laquelle Vigneron exprime ses sentimens. Le courage, le dévouement au travail, la haine de la tyrannie et de la servitude ont trop de droits à l’estime des représentans qui ont fondé la République sur la vertu, pour qu’ils n’éprouvent pas une véritale satisfaction en entendant la lecture d’une lettre où se peint l’âme d’un agriculteur républicain ». Le commissaire par intérim : RAISSON. [Le cn Vigneron à la commission d’agriculture et des arts. 14 mess. II.] « La Vendée, cette terre de promission, corrompue par le fanatisme, punie par des lois rigoureuses mais nécessaires, ne présente aujourd’hui qu’un immense désert de ruines fumantes, et un non deshon-noré dans la République. Propriétaire et cultivateur à Beauvoir, ma patrie, toujours citoyen toujours soumis aux lois, j’ai vu avec douleur la guerre ravager l’héritage de mes pères et les flammes en dessécher jusqu’au sol. J’ai vu ruiner mes récoltes, annéantir ma fortune; et ma famille n’avoir pour couvert que l’horison et ses larmes pour nourriture. C’est dans ce malheureux état que, mettant la Loire entre la Vendée et moi, je me suis réfugié sur des landes en friche de tous les tems, sur des terres qui n’avaient jamais connu que la mousse et le jonc; j’ai osé leur présenter pour la première fois le soc d’une charrue et les contreindre à créer le bled que je vous envoie. L’Etre Suprême qui veille sur les innocens malheureux a béni mes efforts. Vous avez eu la bonté d’en agréer le premier hommage : je vous offre aujourd’hui le second. Puisse la salle de la Convention nationale en être l’autel ! Que me reste-t-il à désirer, depuis que mes concitoyens ont bien voulu apprécier mes travaux, les récompenser, les estimer, et peut-être les imiter ? » P.c.c. [même signature.] Mention honorable, insertion au bulletin de la lettre du cn Vigneron (l). 74 [La Sté popul. de Thiers (2) à la Conu.; 1er mess. II] (S). (l) Mess, soir, n° 690 ; J. Sablier, n° 1429 ; M.U., XLI, 363 ; Ann. patr., n° DLVI ; J. Perlet, n° 656 ; C. Eg., n° 691. (2) Puy-de-Dôme. (3) C 308, pl. 1192, p. 24 et 25. J. Sablier, n° 1429 (mentionne par erreur « Eguyères », au lieu de Thiers). « Bons Montagnard, mandataires fidèles, La longue nuit de complots et de conspirations ourdies contre la liberté et qui sous différentes formes se sont succédé depuis l’origine de la Révolution, devoit nécessairement attirer sur leurs auteurs les justes effets de la vengeance nationale. Le crime est hardi, et lorsqu’il croit le pouvoir avec sécurité, il exécute promptement ; la vengeance doit être plus rapide encore : l’existence d’un conspirateur est une calamité publique qu’il importe de faire cesser. Cependant, par suite des anciennes erreurs, la marche judiciaire étoit entravée, le voeu du peuple languissoit, dans l’attente de la punition des coupables, la lenteur des formes leur donnoit le temps, les moyens de tramer de nouveaux complots; ils conspiraient encore, même sous la hache vengeresse des loix; des hommes dehontés avaient l’impudeur de défendre des coupables dont les crimes etoient prouvés à la nation entière, et ces zélateurs, ces apôtres du crime, prostituant quelques talens ne cessoient d’outrager la liberté. Grâces vous soient rendues, bons Montagnards, vous avez annéanti ce dernier moyen de conspiration, en donnant à la justice populaire ce caractère, ce mouvement rapide et régulier qui désormais la conduira d’un pas ferme dans le sentier qu’elle doit parcourir. Mandataires fidèles vous vous êtes aquis un nouveau droit à la reconnaissance des vrais amis de la liberté. Vous ne cessez de bien mériter de la patrie. Mais, citoyens représentans, ce tribunal protecteur de l’innocence, du patriotisme opprimé, en même temps qu’il est le vengeur des crimes, l’effroy du conspirateur et des aristocrates, quelque soit le masque dont ils se couvrent, ce tribunal, disons-nous, ne peut avec assez de rapidité frapper tous les coupables disséminés sur toutte la surface de la République; vous avez décrété l’organisation de commissions populaires qui doivent juger tous les reclus; une de ces commissions est formée dans la commune de Paris, les autres ne sont pas en activité. Cependant dans le nombre des individus que renferment les diverses maisons de réclusion de la République, il est plusieurs conspirateurs sur lesquels le peuple tourne ses regards avec inquiétude, il demande à être vengé de leurs crimes, il attend avec impatience le moment ou la loi prononcera sur ces assassins du peuple de la liberté. Veuillez, mandataires fidèles, veuillez ordonner la prompte organisation de ces commissions épura-trices : le sol de la liberté ne peut, ne doit être habité que par ses vrais amis. En même temps, bons montagnards, que nous sollicitons la punition de nos ennemis intérieurs, nous redoublons nos efforts pour le prompt annéan-tissement de ceux du dehors ; déjà à plusieurs reprises notre commune, composée du six - huitième d’ouvriers a déposé différents dons sur l’autel de la patrie, nous en joignons icy la liste; déjà plus de 2.000 citoyens sortis de son sein sont aux frontières. Nous offrons aujourd’hui à la Convention deux cavaliers jacobins armés et équipés par nous, c’est vous dire qu’ils ne poseront les armes que lorsque la patrie aurat triomphé de tous les ennemis. » Dubien, Tessot, Decaire-Provauchere, Andrieu, Henry.