SÉANCE DU 7 VENDÉMIAIRE AN III (28 SEPTEMBRE 1794) - Nos 42-46 125 sente d’ailleurs l’idée d’attacher les élèves ingénieurs géographes à côté de ceux qui exercent et qui pratiquent continuellement ; mais il est précieux pour vous de retrouver dans vos mesures ce qui concilie la gloire et l’intérêt de la grande nation que vous représentez. J’ai dû vous dire ces vérités, parce que j’en suis fortement convaincu; je les livre à vos considérations ; et en adoptant le projet de décret qui vous est présenté, je demande que l’institut des ingénieurs géographes continue d’être attaché au dépôt général de la guerre, comme pouvant là seulement répondre aux vues et à l’attente du gouvernement, sauf les accroissements qu’un plan plus vaste pourra vous faire adopter, et qu’il est facile d’y effectuer (70). 42 Un membre [ROMME] demande que le comité d'instruction publique fasse, dans la décade prochaine, un rapport sur l’enseignement des élémens de mathématiques appliquées aux arts utiles, en s’attachant sur-tout à la pratique, comme plus propre à propager et à fixer l’instruction; il présentera un plan de répartition des écoles de mathématiques qui doivent être assez multipliées pour qu’elles nous assurent pour l’avenir de bons et de nombreux artistes. Cette proposition est décrétée par la Convention nationale (71). 43 La Convention nationale renvoie à son comité d’instruction publique la proposition de créer des écoles pratiques de marins dans les différens ports de la République (72). 44 La Convention nationale, ouï le rapport de ses comités des Finances et des Décrets, procès-verbaux et archives, réunis, décrète : Article premier. - Les gardiens, dépositaires et commis des différens dépôts des (70) Moniteur, XXII, 110-112. Ce journal place l’intervention de Calon avant l’adoption du décret précédent, disant que les propositions de Calon donnent lieu à quelques amendements au projet de décret présenté par Fourcroy. (71) P.-V., XLVI, 148. C 320, pl. 1329, p. 16, minute de la main de Romme, rapporteur. Bull., 7 vend, (suppl.). Ann. R. F., n’ 8; M. U., XLIV, 120. (72) P.-V., XLVI, 148. C 320, pl. 1329, p. 17, minute de la main de Talot, rapporteur. Bull., 7 vend, (suppl.); Ann. R. F., n” 8; M. U., XLIV, 120. greffes situés dans la commune de Paris, qui ont perçu des émolumens sur les expéditions qu’ils ont délivrées, à la charge d’en tenir compte à la municipalité, seront tenus de faire arrêter leur compte de recette par la régie générale des droits d'enregistrement, et en verseront de suite le montant à la Trésorerie nationale, qui leur en donnera décharge. Art. II. - Ils ne pourront toucher aucun traitement échu qu’en justifiant de leurs décharges auprès des deux comités (73). 45 La Convention nationale, sur la proposition de son comité de Salut public, décrète que le représentant du peuple Elie Lacoste se rendra à Tulle, pour y rétablir l’ordre et l’activité du travail dans la manufacture d’armes. Il rendra compte au comité de Salut public du résultat de ses opérations (74). Fourcroy propose de charger Elie Lacoste de la surveillance de la manufacture d’armes de Tulle, dont les travaux se sont ralentis depuis le départ du représentant qui étoit auprès d’elle. La nomination est décrétée. Reverchon demande que l’on s’occupe aussi de la manufacture de Saint-Etienne, qui ne pro-duisoit autrefois que 300 fusils par jour, mais qui maintenant en fournit 600, et qui bientôt sera en état d’en donner mille. Fourcroy répond que le comité s’en occupe, et que le vœu de la Convention, à cet égard, est entièrement rempli (75). La séance est levée à 4 heures. Signé , A. DUMONT, président; CORDIER, BORIE, L. LOUCHET, PELET, LOZEAU, LAPORTE, secrétaires (76). AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 46 MERLIN (de Thionville) : J’ai promis de donner à la Convention nationale le résultat de (73) P.-V., XLVI, 148-149. C 320, pl. 1329, p. 18, minute de la main de Loffidal, rapporteur. Décret anonyme selon C*II 21, p. 3. M. U., XLIV, 120. (74) P.-V., XLVI, 149. C 320, pl. 1329, p. 19, minute de la main de Fourcroy, rapporteur. Ann. R. F., n'8; J. Fr., n° 733 ; J. Perlet, n” 735. (75) Rép., n’8 ; J. Perlet, n" 735. (76) P.-V., XLVI, 149. 126 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE mes idées sur les fêtes nationales. Je serai trop payé de mon travail, si elle le considère comme propre à servir de canevas pour celui que le comité d’instruction publique lui présentera. Il me semble que l’on a confondu jusqu’ici les fêtes nationales avec le spectacle national ; au spectacle, le peuple écoute, ou regarde ; dans une fête nationale, il doit être occupé ; on l’amuse par un spectacle ; à une fête nationale, il doit se divertir ; un spectacle peut et doit faire partie d’une fête nationale, mais il ne doit pas la constituer; il ne suffit pas pour jouir de quelque plaisir à une fête d’y être spectateur, il faut y être acteur. J’ai remarqué que l’inaction du peuple avait nui jusqu’à présent à nos fêtes publiques ; l’inaction pendant un très longtemps avant et pendant la fête le fatigue et l’épuise ; l’âme est mal quand le physique souffre; aussi le spectacle fini, la musique entendue, Robespierre et son autel admirés, on est revenu au pas de charge, pressés de se quitter au moment où le cœur aurait dû s’ouvrir au plaisir de la réunion; chacun est retourné péniblement chez soi y réparer ses forces, s’y délasser, et s’y ennuyer le reste de la journée. Rappelez-vous la fédération du 14 juillet 1790; les travaux qui l’ont précédée dans le Champ-de-Mars, leur activité non interrompue pendant plusieurs jours, la diversité de leurs mouvements, celles des machines qui y étaient employées, les flammes tricolores, les feuillages ; le mélange de tous les âges, de tous les sexes, de toutes les professions travaillant avec un zèle égal, racontant, riant, chantant; des gens arrêtés entre ceux qui couraient, d’autres qui buvaient, mangeaient, se reposaient et dormaient entre ceux qui travaillaient... Je ne crains pas qu’on me démente : la fête fut dans ces jours de travail sans contrainte, de mouvement sans fatigue, et de confusion sans désordre ; le 14 juillet ne fut qu’un spectacle, et quel spectacle ? on ne vit guère que trois choses, une tête mitrée sur un autel, un corps couronné sur un autre autel, un cheval blanc portant encore un autre autel; ajoutez, si vous voulez, devant ces autels, des adorateurs les pieds dans la boue et la tête dans les brouillards. La fête de l’Etre suprême, ou, pour dire vrai, la fête de Robespierre, fut encore un spectacle, où cette idole, à qui l’on sacrifiait tous les jours des victimes humaines, voulut bien se contenter cette fois de l’encens que lui prodiguaient ses prêtres criminels, et leurs nombreux complices. Je dis que c’est une fatigante, une pénible séance pour cent mille personnes d’être plusieurs heures de suite à attendre pour écouter et considérer debout, pendant plusieurs heures, sous la verge d’une police au moins gênante, car dans nos fêtes, qui se réduisent à un spectacle, la contrainte de la symétrie est nécessaire ; il faut par conséquent y faire apparaître quelque magistrature, de la cavalerie, des sabres, des fusils, des piques : trop heureux encore si, par ces moyens transmis à la République par le royalisme, on peut contenir la foule, quand on a vu la seule puissance de l’ordre et de la fraternité et un épi de blé vert dans la main de chaque préposé, faire prendre et garder les alignements dans la fête de Châ-teauvieux en 1792 ! Je conclus donc que dans une fête nationale le spectacle ne doit être qu’un accessoire, et non l’objet principal, non la fête toute entière; que le spectacle doit être court, et ne point se faire attendre, afin qu’il y ait de l’ordre, et que cet ordre ne soit point pénible à ceux qui l’observent; et enfin que la partie de la fête où le peuple est acteur est la partie essentielle et doit être l’objet principal. Ces principes posés, voici mes observations sur l’emploi de la musique dans les fêtes. La musique jusqu’ici a été employée dans les fêtes, comme elle l’est aux spectacles : je pense qu’elle doit y être moyen principal, et qu’au lieu de réduire le peuple au silence, comme elle l’a toujours fait, elle doit exciter ses chants, s’y mêler, les conduire, les animer, leur donner du charme et de l’éclat. Arrêtons-nous un moment sur le passé. Quelles furent les fonctions et la place de la musique dans nos fêtes? Réunis dans un seul groupe, on a formé un seul orchestre de tous les musiciens ; on a placé cet orchestre au centre du champ de la Réunion, ou on l’a acculé au portique des Tuileries, à côté, au-dessus ou au-dessous des objets destinés à faire spectacle ; trop éloigné des amphithéâtres de la circonférence jamais il n’a pu faire entendre au peuple les paroles du chant, pas même le bruit des instruments. Ce n’est pas là l’orchestre d’une fête populaire, puisque sa position ne lui permet pas d’exécuter les chants du peuple, ni de les accompagner, ni de les suivre, que le peuple est nécessairement dans l’alternative ou de chanter sans écouter la musique, ou de se taire pour l’écouter sans l’entendre. Un pareil orchestre pourrait tout au plus paraître une représentantion des chants populaires; mais alors doit-il avoir place dans une fête nationale? Pour qui cette représentation? Pour le peuple. Mais assurément il est ridicule de supposer que le peuple se rassemble dans un mouvement de joie pour célébrer sa puissance par d’autres voix que la sienne, et chanter par procureur son bonheur et sa gloire. Je pense donc qu’au lieu d’un seul orchestre, placé à la tête de la marche, puis au centre de la réunion, il en faudrait treize, par exemple, qui dans la marche et au milieu de la réunion seraient distribués à égale distance les uns des autres; ces orchestres ainsi placés à la portée des assistants seraient entendus de tous, et tous pourraient répéter avec eux ou après eux. De cette manière on unirait, on accorderait les voix et le son des instruments; tantôt ces orchestres se feraient entendre alternativement, tantôt tous ensenble répéteraient ce que l’un d’eux aurait dit d’abord; d’autres, soit comme des échos, paroles par paroles, soit comme des organes intermédiaires, couplet par couplet; ce que plusieurs auraient dit, plusieurs pourraient SÉANCE DU 7 VENDÉMIAIRE AN III (28 SEPTEMBRE 1794) - N° 46 127 y répondre ; et ainsi une partie du peuple pourrait dialoguer avec le reste ; ce qui dans le chant ferait l’expression d’un sentiment unanime, comme vive le peuple! vive la République! etc., serait exécuté par un chœur universel; ce serait une seule voix, un seul orchestre, formé de toutes les voix, de tous les instruments; une harmonie immense, expression fidèle de l’union intime d’un peuple immense entonnant les airs, et portant au plus haut des cieux les mâles accents de la liberté et de la fraternité, y raviverait les âmes par des transports jusqu’alors inconnus. On voit donc qu’en suivant les dispositions dont je donne l’idée, le peuple chanterait lui-même ses vertus, sa puissance, ses victoires et son triomphe : ce n’est pas tout, elles lui offrent les moyens de les célébrer lui-même dans de grands drames politiques, où il serait tout à la fois spectateur, auteur et spectacle', il est clair qu’en donnant à de grandes masses d’hommes l’art d’articuler sans confusion des paroles communes à tous, qu’en réunissant en une seule voix des milliers de voix, il est possible, facile même, de mettre de grandes portions du peuple en communication directe et immédiate d’affections, de mouvements et même d’idées, comme on y met des individus sur nos théâtres mesquins et à réformer : et cette communication par la parole, suffisante pour remplir l’objet d’une fête, n’aurait besoin ni d’ordonnance, ni de police, ni de tactique, comme l’exige un drame en action, où des mouvements, des marches et des évolutions seraient nécessaires. Je voudrais qu’ainsi fût célébrée la fête de la République triomphant de tous ses ennemis chassés de son territoire, et vaincus chez eux. Pour rendre mon idée plus intelligible, la Convention me permettra d’esquisser sur ce sujet le plan d’une action telle que je la conçois. Esquisse de la fête nationale pour célébrer l’évacuation du territoire de la République. Le lieu de la scène est le champ de la Réunion. La Convention nationale entoure la statue de la Liberté. Les citoyens arrivent de toutes les sections sur douze colonnes et par douze entrées; ils portent leurs offrandes à la Liberté, les prémices des récoltes, des fruits, des guirlandes de fleurs, des gerbes; ils remplissent les amphithéâtres qui entourent le champ de la Réunion ; on entend plusieurs coups de canon; puis un profond silence; les douze orchestres disposés portent avec les voix du peuple ces paroles au centre. ACTE I Scène 1. Représentants, de la Liberté c’est aujourd’hui la fête, rien ne doit-il la troubler? Scène 2. L’orchestre du centre répond avec un calme imposant : De la liberté c’est aujourd’hui la fête ; peuple, tes ennemis y viendront à tes pieds... Silence... Scène 3. La moitié des orchestres de chaque côté répète ces paroles sur le même ton. Scène 4. L’autre moitié répète les mêmes paroles avec transport, et y ajoutant quelques expressions d’enthousiasme, comme vive la République, etc. Scène 5. Un chœur général répète ces expressions avec plus de transport et d’enthousiasme encore. Scène 6. L’orchestre du centre : Citoyens, rassemblez vos offrandes, hâtez-vous de la consacrer à la liberté; de la Liberté c’est aujourd’hui la fête; peuple, les ennemis y seront à tes pieds. Scène 7. Chœur général : Hâtons-nous, rassemblons nos offrandes, venons célébrer la Liberté. ACTE II Scène 1. Le canon gronde, les tambours battent la charge au loin; un coryphée du centre annonce. Scène 2. L’armée de la République attaque Bellegarde. Scène 3. La moitié des orchestres répète ces paroles sur le même ton que l’orchestre central. Scène 4. Les autres les répètent ensuite avec l’expression qui annonce un moment de doute sur le succès. Scène 5. Chœur universel; une invocation à la Liberté et à l’Egalité, protectrices et protégées de la République. ACTE III et dernier Scène 1. Tous les orchestres de la circonférence, par des accords doux et mélodieux, dans lesquels on distingue et les bruits champêtres et les bruits de guerre successivement, puis confondus avec les chants de la victoire, annoncent les heureuses nouvelles que l’on va publier. Scène 2. Des fanfares sonnées à l’orchestre du centre, des salves d’artillerie en signe de réjouissance préludent la proclamation qui se prépare; elle se fait : Victoire! victoire! victoire! la Liberté triomphe... Bellegarde est rendu à la République. Scène 3. Les bruits militaires entendus dans le lointain, à la première scène, s’approchent, les sons se renforcent, des chants mâles, pleins de joie et d’ivresse, annoncent le désir des citoyens d’entendre détailler ces heureuses nouvelles. Scène 4. Douze chars ombragés de feuillage, couverts de fruits de gerbes, de pampres et de flammes nationales, traînés par des taureaux (dont les cornes ne sont pas dorées), entrent tous à la fois; ils marchent vers le centre; ils sont conduits par des citoyens en habits villageois, et non pas en esclaves ; pendant ce temps les orchestres exécutent une marche dans laquelle sont mêlés les airs rustiques et belliqueux ; les accents de la joie la plus vive succèdent aussi aux accents religieux. Scène 5. Fanfares; deuxième salve d’artillerie ; un coryphée répète ces mots : Victoire ! victoire ! victoire ! Silence... On attend une nouvelle proclamation. Scène 6. L’orchestre du centre annonce la prise de Mons, Tournay, Ostende, Nieuport, 128 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Bruxelles, Louvain ; Malines, Spire, Neustadt, la reprise de Landrecies, Valenciennes, Condé, Bellegarde, nos pertes de Toulon réparées, le courage de nos marins, nos subsistances assurées, doublées, nos ennemis affamés par l’envahissement du Palatinat, du Brabant ; l’Anglais exterminé, l’Autrichien battu et ruiné, le Prussien vaincu et consterné, la Liberté affermie et vengée. Scène 7. Tous les orchestres jettent un même cri : Gloire à la Liberté ! gloire aux armées triomphantes ! Scène 8. La moitié des orchestres s’adressant à celui du milieu : Répétez-nous encore ces heureuses nouvelles. Scène 9. Tous avec véhémence : Répétez-nous encore ces heureuses nouvelles. Scène 10. L’orchestre central reprend succinctement les avantages de la République, à compter de la prise de Charleroi, à peu près de cette manière : Charleroi n’est plus à nos ennemis; La victoire nous a conduits des champs de Fleurus à Mons, à Ypres, à Tournai, à Louvain, à Malines; Ostende, Nieuport, sont à nous; Sur le Rhin, Spire et Neustadt encore une fois soumis; Les vaisseaux anglais remplacent dans Ostende ceux dans Toulon embrasés; Le Palatinat et la Belgique nous fournissent leurs superbes récoltes; Valenciennes, Le Quesnoy, Condé, Landrecies, Bellegarde, sont rendus à la République; Le territoire français n’est plus souillé par l’étranger. Après chacun de ces couplets, la moitié des orchestres de la circonférence répète avec transport; le dernier est répété par tous à la fois avec enthousiasme. Après l’explosion finale (silence) ; l’orchestre central reprend : Le Prussien consterné fuit. Moitié des orchestres répète. L’orchestre central : l’Autrichien affamé, ruiné, périt. Moitié des orchestres répète. L’orchestre central : Et l’Anglais est détruit. Tous les orchestres répètent (in crescendo) : Et l’Anglais est détruit. L’orchestre central : Enfin la liberté est affermie et vengée. Tous ensemble, avec la plus grande véhémence : Le sol de la liberté n’est plus souillé par l’étranger, vive à jamais la liberté ! Scène dernière. Chants religieux. Gloire au peuple français, gloire à nos défenseurs : poursuivons, exterminons les tyrans ; Liberté, reçois nos vœux, nos offrandes et notre reconnaissance, etc. Pendant ces chants, les représentants feront poser la première pierre d’une colonne de 100 pieds de hauteur, qui attestera à la postérité la puissance et la gloire des conquérants de la liberté, l’an IIIe de la République. Entrent ensuite, des quatre parties du Champ de la Réunion, quatre chars, couverts des dépouilles de nos ennemis, venant des quatre points de l’Europe ; on les place au pied de la Liberté, qui s’élève au-dessus de ses trophées, et laisse voir sous ses pieds l’aigle et le léopard enchaînés et renversés. Une troisième salve d’artillerie succède aux chants. MERLIN (de Thionville) : Je ne sais si je me trompe, mais il me semble qu’une action de cette nature aura trop échauffé les âmes pour qu’on puisse se quitter immédiatement après; il faut donc qu’à travers la dernière salve tous les orchestres, chacun à sa fantaisie, fassent percer les airs gais, coupés, variés, chantants, surtout dansants ; qu’ils annoncent que la journée n’est point encore finie et disposent à d’autres plaisirs, invitent les citoyens à étaler sur l’herbe le dîner de leur famille au sein de la famille commune, et excitent la jeunesse aux danses et jeux qui doivent couronner la fête. La nuit surprendra le peuple dans l’ivresse de la joie et du bonheur ; quelques milliers de fusées volantes, nobles, vives images de l’élan républicain à l’escalade de la tyrannie, s’élèveront dans les airs qu’elles embraseront, et en y attirant tous les regards elles feront cesser les jeux et les amusements de la jeunesse, sans laisser apercevoir qu’elles les interrompent ; des illuminations traceront aux citoyens le chemin de leurs foyers, et ce sera en chantant quelque refrain chéri qu’ils y retourneront. L’Assemblée applaudit à ce travail et en ordonne l’impression (77). 47 [La société populaire de Niort, département des Deux-Sèvres, à la Convention nationale, le 2ème jour s.-c.] (78) Représentons Et nous aussi nous sommes des amis de la liberté, quoiqu’on ait fait pour persuader le contraire à la France. Et nous aussi nous repoussons bien loin le dangereux modérantisme qui traîne lentement après lui la royauté et toutes les calamités qui l’accompagnent. Et nous aussi nous ne regarderons la Révolution comme terminée que lorsqu’il n’existera plus sur le sol de la République un seul mauvais citoyen. Et nous aussi nous demandons la conservation du gouvernement révolutionnaire; mais avec lui nous voulons la justice pour tout le (77) Moniteur, XXII, 93-96; mention dans F. de la Républ., n° 8; Gazette Fr., n° 1001; J. Fr., n” 733; J. Mont., n° 152; J. Paris, n° 8; J. Perlet, n" 735; J. TJniv., n° 1769; M. U., XLIV, 107 ; Mess. Soir, n° 771-; Rép., n” 8. Les journaux placent ce discours après la discussion sur le rapport de Chénier (voir plus haut n08 32 et 33). (78) C 321, pl. 1350, p. 7. Mention marginale : mention honorable, insertion en entier au Bulletin. Bull., 8 vend. Mention dans Ann. R. F., n° 8; F. de la Républ., n° 8; Gazette Fr., n" 1001; J. Fr., n” 733; J. Perlet, n° 735; M. U., XLIV, 105; Mess. Soir, n 771.