[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j Faut-il que nos bras, encore trop faibles pour combattre les despotes, soient contraints de rester oisifs, et de manquer une si belle occasion pour signaler notre bravoure? Faut -il que nos pieds encore chancelants ne puissent à l’instant même courir, ou plutôt voler à l’ennemi, et venger dans son sang la more de nos héros ! « Mais ils ne perdront rien pour attendre; notre courage, retenu encore quelque temps, ne leur sera que plus terrible, et, semblable au salpêtre comprimé qu’on allume, il deviendra comme un tonnerre impétueux pour écraser les despotes. Et quand par un effet de la lâcheté, ou de la trahison des dépositaires de notre con¬ fiance, nous viendrions à succomber, qu’ils sachent, ces infâmes, que nous ne nous soumet¬ trons jamais à leur tyrannique domination; nous périrons tous avant d’être vaincus; le fer meurtrier de nos ennemis percera nos corps de mille blessures, plutôt que de jamais enchaî¬ ner nos mains, et le despotisme réduit à ne ré¬ gner que sur des cadavres, recevra, .par leur infection, le seul encens que des républicains consentent à lui offrir. « Que nos pères qui, après nous avoir inspiré de tels sentiments, volent si généreusement au secours de la patrie, se tranquillisent donc sur notre sort et sur celui de la liberté; nous avons juré de la maintenir, et elle se maintien¬ dra. Sous peu nous irons tripler les phalanges invincibles qu’ils opposent aux progrès de nos ennemis; et leurs forces réunies se serviront qu’à prouver leur faiblesse et à augmenter la gloire de notre triomphe. Si nos pères, qu’une longue servitude avait presque accoutumés à l’escla¬ vage, ont fait néanmoins de si généreux efforts pour s’en affranchir, comment pourrions -nous nous laisser asservir, nous qui connaissons tout le prix de la liberté, nous qui avons eu le bonheur de naître sous son empire, qui n’avons jamais connu qu’elle; nous enfin, qu’aucun joug des¬ potique n’a jamais assujettis, et qui ne con¬ naissons que celui de la loi ! Oui, si la liberté périt, nous périrons tous avec elle en la défen¬ dant, et le dernier jour de son existence de¬ viendra aussi le dernier jour de notre vie, et vive la Bépublique ! . Autre discours prononcé par le jeune citoyen Jean Poinsard, âgé de onze ans, ÉLÈVE DE LA MÊME CLASSE, A L’OCCASION d’un drapeau neuf que la section des Arcis a procuré auxdites écoles. « Citoyens, « Les enfants des sans-culottes de cette sec¬ tion, pénétrés des vérités éternelles, consignées dans l’immortelle Déclaration des droits, vien¬ nent, en présence de leurs pères, faire leur pro¬ fession de foi politique, vous remercier de vos bontés pour eux, et vous prier de donner votre sanction à leur vœu. « Quoique les décrets de la Convention nationale ne nous aient pas encore constitués d’une manière républicaine, néanmoins, dès l’époque de la Révolution, nous nous sommes organisés constitutionnellement, et nous n’a-voas jamais manqué une seule occasion de signa¬ ler notre patriotisme. Il restait un seul abus dans notre classe, que nous étions obligés de souffrir, 10 frimaire an U A no 30 novembre 1793 parce qu’il se trouvait consacré par un de vos arrêtés du 8 novembre de l’année dernière. Cet arrêté, en nous mettant pour le civil sous la " surveillance de tous les citoyens nous avait forcés de dépendre, pour le spirituel, des prêtres du culte catholique; mais maintenant que la souveraine raison, maîtresse des préjugés, s’est assise sur le trône d’où l’avait chassée la tyran¬ nie; maintenant qu’ après des siècles d’erreur, l’éternelle vérité perçant les nuages épais de la superstition, .vient enfin d’éclairer de ses rayons vivifiants les yeux d’un peuple régénéré, nous avons cru entrer dans vos vues, et agir d’après vos principes, en nous soustrayant pour jamais au joug sacerdotal. « En conséquence, nous venons vous dire que, sans prétendre gêner l’opinion particulière de chacun de nous, nous avons depuis quelque temps aboli dans notre classe tout ce qui pou¬ vait rappeler l’idée d’un culte quelconque. Nos jeunes camarades de toutes les religions pour¬ ront maintenant sans crainte, venir fraterniser et s’instruire avec nous. On ne leur demandera plus, pour les admettre, s’ils sont juifs, maho-métans, ou protestants; on ne les fatiguera plus de la doctrine d’un Dieu qu’ils abhorrent ; on leur demandera seulement s’ils sont patriotes ou s’ils veulent le devenir. A cette seule condi¬ tion, tous y seront reçus comme des frères, et l’exemple de nos vertus civiques les rendra pour jamais de zélés républicains. « Au heu d’aher collectivement à la messe, nous irons tous à l’exercice pour y apprendre le maniement des armes; au Heu d’apprendre l’évangile, nous apprendrons la Déclaration des droits, notre catéchisme sera la Constitu¬ tion. Nous ne reconnaîtrons plus d’autres con-fessionaux que les guérites de vos corps de garde, et là, au lieu d’accuser nos fautes, nous veillerons sur celles des autres. Nous ne voulons plus du nom d’élèves de Saint-Bon (ce nom est tiré du Heu où se font les écoles, vulgairement appelé chapelle Saint-Bon), que nous avons porté jusqu’à présent. Nous dédaignons notre patron saint Nicolas, nous allons mettre dans sa niche Lepeletier, ce martyr de la liberté, qui a si bravement traité l’éducation, et comme nous ne connaissons personne aussi patriotes que vous, nous désirons porter votre nom, et nous appeler désormais les élèves des Arcis. Il ne nous restait plus qu’une cloche pour avertir de l’heure d’entrée aux classes, au bruit de laquelle les dévotes du quartier récitaient encore V Angélus ; d’après notre invitation, eHe vient d’être portée à la Monnaie. Le son mâle de la caisse, qui convient mieux à des répubH-cains, si vous le trouvez bon, la remplacera. « Voici un drapeau neuf que nous tenons en partie de votre générosité, nous venons vous prier de lui donner votre bénédiction patrio¬ tique. Nous jurons de ne quitter ceux de la RépubHque qu’après la destruction totale de ses ennemis. Que si, par la suite, combattant pour la patrie, l’absence de nos parents et les fatigues militaires nous causaient quelque ennui, l’aspect du drapeau républicain fera sur nous l’effet que produit sur un bonasse campa¬ gnard la vue du clocher de son pays, il nous réjouira, nous ranimera, et nous inspirera une ardeur toujours nouvelle pour exterminer tous les tyrans. « Vivent la République et la Raison. »