[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. “ “ 643 Compte rendu du Moniteur universel (1). Une députation de la commune de -Sèvres, dé¬ partement de Seine-et-Oise, apporte l’argenterie de son église. L'orateur. On n’immolera plus de victimes humaines aux dieux imaginaires. Le Dieu ré¬ publicain, c’est la liberté, c’est l’égalité : Vive la République une et indivisible! (On applaudit.) Le citoyen Crevon Méricourt renonce à exer¬ cer aucune fonction sacerdotale, et abjure toutes les professions que la Révolution a proscrites; il ne veut être que citoyen, et il remet les 1,000 livres de traitement, comme réformé, que la nation lui faisait. Il joint à ses titres superstitieux, qu’il dépose sur le bureau, 10 lettres de cachet que son zèle pour les intérêts du peuple lui a fait obtenir de la ci-devant Cour, Mention honorable, insertion au « Bulle¬ tin » (2). Suit la lettre du citoyen Crevon Méricourt (3). « Législateurs, « Je m’empresse de me réunir à tous les fidèles du culte de la liberté, en me conformant à la volonté souveraine du peuple. Je déclare que je renonce, pour le reste de mes jours, à exercer aucune fonction sacerdotale; j’abjure toutes les professions de ci-devant qu’elle a proscrites. Je ne veux être qu’un citoyen de la République une et indivisible. « Je rends à la nation, pour les besoin de l’État, les 1,000 livres de traitement de réforme qui m’é¬ taient accordées pour indemnité. La remise du titre vaudra quittance. « J’apporte à la Convention les titres de la superstition, pour justice en être faite; j’y joins dix lettres de cachets que je regarde comme faveurs de la ci-devant Cour, puisque mon zèle (1) Moniteur universel [n° 51 du 21 brumaire an II (lundi 11 novembre 1793), p. 206, col. 3]. D’autre part, le Journal des Débats el des Décrets (brumaire an II, n° 417, p. 265) rend compte de l’admission à la barre du conseil général de la com¬ mune de Sèvres dans les termes suivants : « Une députation du conseil général de la com¬ mune de Sèvres, département de Seine-et-Oise, vient déclarer qu’elle adhère à toutes les mesures de salut public, prises par la Convention depuis le 31 mai dernier. Elle invite les représentants du peuple à rester à leur poste, jusqu’à ce que la liberté n’ait plus d’ennemis. Elle dépose sur l’autel de la patrie l’argenterie de son église. La commune n’en a point réservé. Il restait un écu de 6 livres à un officier municipal, membre de la députation. Il ne veut pas le garder plus longtemps; il le donne à la patrie. (On applaudit beaucoup.) « Les citoyens de Sèvres reçoivent les honneurs de la séance. » (2) Procès-verbaux de la Convention , t. 25, p. 105. (3) Archives nationales, carton C 280, dossier 767; Bulletin de la Convention du 9e jour de la 2e décade du 2e mois de l’an II de la République (samedi 9 novembre 1793). pour la défense des intérêts du peuple me les a seules procurées (1). « Crevon Méricourt. « Vive la République! liberté, égalité, fraternité ou la mort! » Certificat (2). Département de Paris . Administration des domaines nationaux et traitements ecclésiastiques. Je soussigné, secrétaire général du départe¬ ment de Paris, certifie que M. Nicolas -Michel-Crevon de Méricourt, ci-devant bénéficier, est employé sur les registres des immatricules du département de Paris, sommier premier des bénéficiers, folio 62, pour un traitement de douze cent cinq livres dix-huit sols deux de¬ niers, auquel il a droit en sadite qualité, aux termes d’un arrêté du directoire du départe¬ ment de Paris en date du 18 mai mil sept cent quatre-vingt-onze, dont la minute avec les pièces de liquidation dudit traitement qui con¬ sistent dans les provisions et prise de possession de ladite chapelle, l’acte de résignation et per¬ mutation avec le sieur Auvray, formant titre en faveur dudit sieur de Méricourt de sa pen¬ sion de huit cents livres sur les fruits et reve¬ nus de son canonicat de Metz et autres, sont de¬ meurés aux archives du département. Fait à Paris, ce trente-un décembre 1791. Blondel. Les représentants du peuple près les départe¬ ments méridionaux, Paul Barras et Fréron, écri¬ vent de Marseille, en date du 2 brumaire, qu’ils ne perdent pas un instant; que cette commune est changée en un vaste arsenal, ainsi que Bri-gnoks, Draguignan, Barjols, etc.; les châteaux, et tous les signes ou monument» de la royauté tombent sous le marteau patriotique; on respecte les monuments antiques des Romains. On tra¬ vaille avec activité aux habits des volontaires de l’armée d’Italie; ils font travailler en même temps à la construction de 2 frégates; les parents des patriotes égorgés par le tribunal populaire reçoivent des indemnités. L’esprit public com¬ mence à se relever à Marseille; on a planté l’arbre de la liberté à l’entrée de chaque atelier révolutionnaire. La Convention décrète l’insertion de cette lettre au « Bulletin », approuve et confirme les arrêtés pris par ses commissaires, et renvoie le surplus à son comité d’instruction publique. Il s’ouvre une discussion sur les moyens de fournir promptement des chemises et des bas aux défenseurs de la patrie. La Convention adopte sur cet objet le projet de décret suivant : (1) Vifs applaudissements, d’après le Journal des Débats et des Décrets {brumaire an IL n° 417, p. 265). (2) Archives nationales , carton C 280, dossier 767. 644 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, ü Vovembre lTgs « La Convention nationale invite tons les bons citoyens à faire des offrandes à la patrie, en che¬ mises, bas, souliers, pour être distribués aux braves défenseurs qui composent nos armées. « Elle décrète qu’il sera ouvert dans chaque comité révolutionnaire, ou dans chaque muni¬ cipalité où il n’y aurait point de comité, un registre pour y inscrire les offrandes et les noms de ceux qui les font. « Elle charge son comité de la guerre de pré¬ senter dans le plus court délai un projet de dé¬ cret pour le rassemblement de toutes ces offrandes et leur distribution aux troupes (1). » Suit la lettre de Barras et Fréron, représentants du peuple près V armée d'Italie (2). Paul Barras et Fréron, représentants du peuple près l'armée d'Italie, à la Convention natio¬ nale. « Marseille, le 12e jour du 2e mois de l’an II de la République française. « Citoyens collègues, « Nous ne perdons pas un instant à Marseille, et en même temps que nous avons changé cette ville en un vaste arsenal, nous travaillons aussi à retremper les âmes et à y faire pénétrer tous les feux du patriotisme. « Plusieurs motifs d’intérêt public nous ont amenés ici, mais principalement la nécessité de nous procurer des armes et de faire réparer ou monter des fusils en toute diligence, pour les nombreux bataillons que nous avons obtenus dans le département du Var et dont la levée subite n’a pas peu contribué à renforcer la partie gauche de l’armée d’Italie et à chasser, après une victoire signalée, les Piémontais du poste de Gillette, dont ils s’étaient emparés. « Ceux qui, après 15 jours d’absence, rentrent aujourd’hui dans Marseille par la porte d’Aix, sont frappés du spectacle qui s’offre à leurs regards. Un immense atelier, sorti comme de dessous terre et construit en trois jours, couvre, dans sa longueur, près de la moitié de l’allée du Cours, à la proximité de deux fontaines ou pièces d’eau. Là, dès le point du jour, les forges publiques sont allumées; le marteau résonne; on dérouille les canons de fusil; on ajuste les bois; un peuple d’ouvriers les remplit; un peuple de spectateurs les encourage. Sur le port, à la Cannebière, à l’ancienne Comédie, sur la place de la Nouvelle, mêmes ateliers vastes et com¬ modes; même activité dans les travaux. Menui¬ siers, f erruriers, taillandiers, armuriers, coute¬ liers, charpentiers, ébénistes, sont en réquisition et travaillent avec joie. Beaucoup d’artisans (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 106. (2) Archives nationales, carton F17 1006, dos¬ sier 1060; Supplément au Bulletin de la Convention du 9e jour de la 2e décade du 2e mois de l’an II de la République (samedi 9 novembre 1793). Cette lettre de Barras et Fréron ne figure pas dans le 'Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salut public de M. Aulard. manquaient de pain et d’ouvrage; tous ont l’un et l’autre aujourd’hui, et la République est servie en grand. Marseille l’Ionienne avait besoin de ce spectacle mâle et révolutionnaire; nous le lui avons donné. Nous avons été puissamment se¬ condés dans nos vues à cet égard par le patrio¬ tisme ardent et l’activité infatigable de deux jacobins de Paris, les citoyens Nouet et Lam¬ bert. Indépendamment des ateliers de Mar¬ seille, nous en avons établi à Brignoles, à Dra¬ guignan, à Barjols, sous l’inspection d’ouvriers intelligents, et tous réunis nous fournissent, par jour, 400 fusils que nous faisons distribuer à nos frères d’armes. « Nous avons prévenu l’inconvénient de la cessation de ces grands travaux, lorsque les 9.000 canons de fusils, déterrés par nous au fort Saint-Nicolas, seront ajustés et en état, car nous venons d’établir dans le bâtiment des Capucines une fonderie et une manufacture pour en fabri¬ quer à neuf, le fer ne nous manquera pas. Nous avons mis en réquisition celui qui se trouve en grande quantité dans les magasins à Marseille, toutes les grilles des églises, celles des bastides de Messieurs les négociants, qui en feront faire en bois, et jusqu’aux tringles des lits et des ri¬ deaux pour faire des baguettes de fusil. « Animés par ce succès, nous allons sous peu de jours mettre en activité une fonderie de canons, de boulets, de mortiers et de bombes. Nous faisons enlever à cet effet les balustrades en cuivre des églises et les marteaux des portes cochères, presque tous de ce métal; les cloches arrivent de toutes parts pour être converties en canons. « Dans notre tournée à Aix, nous avons requis tous les armuriers, serruriers, etc., de se rendre aux ateliers révolutionnaires de Marseille. Nous avons trouvé à Aix, en nous portant nous-mêmes, suivant notre usage, dans les endroits qu’on nous avait indiqués, 800 fusils, que nous avons fait filer sur-le-champ pour Marseille, d’où ils partiront pour l’armée sous Toulon, dès qu’il seront réparés. « Nous avons ordonné que sous trois jours les tombeaux, inscriptions, épitaphes des rois, comtes et comtesses de Provence, qu’on voyait encore dans les églises d’Aix, disparaîtraient de la terre de l'égalité et que les ossements ou les cendres seraient jetés dans la fosse du cimetière commun à tous les citoyens. Cette démolition est faite; nous faisons exécuter la même mesure à Marseille et dans les départements du Var et des des Bouches-du-Rhône. « De tous côtés, les châteaux 4 créneaux et à fossés s’écroulent sous le marteau patriotique; mais, amis des arts, et non pas stupides imita¬ teurs des Sarrazins qui ont plusieurs fois dévasté ces belles contrées, nous avons excepté de cet arrêté de proscription tous les monuments an¬ tiques construits par les Romains, tels que l’amphithéâtre de Fréjus, les arcades de son aqueduc, un petit temple de Vulcain et une tour bâtie par César dans le village des Arcs, ainsi que les antiquités de Mies, monuments échappés à toutes les espèces de barbarie, et que pourrait détruire sans pitié un faux zèle, plus expéditif que les siècles qui en ont respecté la masse. Nous sommes entrés à cet égard dans les vues de la Convention. « Nous vous avions déjà marqué qu’à l’effet de pourvoir d’une manière prompte à l’habille¬ ment de l’armée d’Italie, qui, depuis longtemps, parce qu’elle est la plus éloignée, n’a que le rebut