(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 août 1791.] 295 Oq ne doit donc considérer comme pétitionnaires, que ceux qui ont apposé leur signature, autrement nous verrions bientôt les assemblées primaires et électorales s’ériger en corps délibérants; nous verrions de grandes villes, assemblées en communes, faire despétitioDS qu’elles appelleraient bientôt délibérations, et nous verrions sans retard, avec ce funeste système de pétitions collectives, la destruction même du gouvernement représentatif. Je demande donc que la seule chose qu’il y ait de constitutionnelle dans l’article, c’est-à-dire la signature individuelle, soit consignée dans la Constitution. (Applaudissements.) Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! M. Tronchet observe qu’il est utile d’opposer à la motion de M. Biauzat la question préalable, et il demande que celle-ci soit mise aux voix. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu de délibérer sur l’amendement de M. Gaul-tier-Biauzat.) M. Guillaume. L’amendement que j’ai l’honneur de proposer porte sur la dernière disposition additionnelle proposée il y a un instant par M. le rapporteur. Vous savez comment elle est conçue ; M. le rapporteur propose de dire : « Le pouvoir législatif ne pourra porter aucune atteinte aux droits ci-dessus énoncés. » Mon amendement consiste à proposer le retranchement de cette disposition. En voici le motif : si vous placez dans un article quelconque cette réserve spéciale que le Corps législatif ne pourra porter atteinte à certains droits, il en résultera nécessairement que le Corps législatif pourra porter atteinte à tous les autres droits. Je demande donc le retranchement. M. Prieur. Je demande la question préalable sur l'amendement de M. Guillaume. M. Ce Chapelier. Il n’y a aucun douté que les articles, qui sont décrétés comme articles constitutionnels, ne peuvent pas êtrë changés par les législateurs ; et ce sera dans la loi qui établira la Convention nationale que sera exprimée, encore plus fortement qu’elle ne l’est, crtte interdiction de sa part dans l 'article final du projet que nous vous avons proposé. Mais quant aux droits naturels et civils, il importe que les principes éternels de la liberté; de l’égalité, sans lesquels aucune association ne peüt exister, soient garantis très positivement et de là manière la plus formelle. Aussi avons-nous reconnu à cet égard que l’intention que nous avions toujours eue au comité n’âvait pas été suffisamment exprimée par la rédaction que nous avions d’abord adoptée. Et voilà pourquoi nous vous avons proposé Une rédaction positive contre la-qu lie on rie peut objecter aucune raison solide : car de ce que vous garantissiez spécialement en termes très absolus la loi naturelle et civile des hommes, il ne s’ensuit pas que voüs affaiblissiez votre acte constitutionnel qui met ainsi sous la sauvegarde du Corps législatif toutes les institutions que voüs établissez comme constitutionnelles. Je demande donc que 16s législatures lisent dans l’acte de la Constitution, l’obligation de ne Faire aucune espèce de loi qui, par ses dispositions ou ses conséquences, puisse nuire à la liberté et à l’égalité des citoyens. M. Pierre Dedelay (ci-devant Delley-d’A-gier). Lorsqu’on examine attentivement la disposition que le comité de Constitution noua a proposé d’ajouter à l’article, l’on se persuade et l’on est convaincu que cette addition n'a point pour objet de dire que les législatures suivantes ne pourront attaquer aucun des objets constitutionnels décrétés dans ces actes et nommément les trois dispositions qui suivent, mais seulement d’avertir les législatures que dans les lois subséquentes et de purs règlements qu’elles pourraient faire pour réprimer la liberté de la presse, elles doivent avoir l’attention de ne donner à ces lois que le caractère nécessaire pour réprimer ce qui peut gêner les droits d’autrui, et point du tout pour gêner la liberté aocordée par ces lois. Ainsi l’on peut placer cètte addition-ià, sans que jamais on puisse en induire que là où elle n’est pas placée, elle permet aux législatures d’attaquer. Je suis donc de l’avis du comité. M. Guillaume. Je retire mon amendement. M. Briols-Beanmet*. Il y aune partie delà réflexion de M. Guillaume qui doit subsister. Effectivement après le paragraphe qu'il attaque, se trouve encore un paragraphe que la Constitution doit garantir. En conséquence, le mot ci-dessus qui s’y trouve pourrait n’être pas parfaitement propre. Je demanderais donc que l’on mît: « aucun des droits constitutionnellement garantis par la Constitution ne pourra être attaqué par les législatures. » M. Tronchet. En adoptant l’esprit de l’amendement de M. Beaumetz, je crois que la rédaction ne peut pas être comme il la propose, mais qu’il s’agit simplement de transposer cela après l’article qui suit, et dire ensuite : « le pouvoir législatif ne pourra porter atteinte auxdroits ci-dessus garantis. » M. Thouret, rapporteur . La transcription proposée par M. Tronchet a Cet inconvénient que la phrase ne së retrouve plus avec ce qui la précède. Mais il est possible de rendre l’amendement de M. Beautnetz d’unë manière qui en établisse tout le sens en disant : « le pouvoir législatif ne pourra porter aucune atteinte à l’exercice deâ droits garantis par le présent titre. » M. Tronchet. J’adopte. M. lie Chapelier. Je propose une rédaction et je demaflde à faire une distinction qùi, dans ce que j’ai dit, n’a pas été assez généralement senti, puisqu’on revient sur l’amendement de M. Guillaume. Je propose pour rédaction de dire : « Le pouvoir législatif ne pourra faire aucune loi qui porte atteinte ou mette obstacle à l’exercice des droits naturels et civils, consigfaés dans le présent titre et garantis par la Constitution. » Je suis attaché à cette expression�/hlra aucune loi , par la raison que le Corps législatif sera plus averti que par aucune disposition législative il ne peut porter atteinte et mettre obstacle aux droits qui doivent essentiellement àpparte-ni|> rl’homme en société. J’observe ensuite qu’il y a dans l'acte constitutionnel deux parties : la première e§t celte qui est garantie, qui exprime� qui détaillé les droits 296 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 août 1791.] naturels et civils. La seconde est celle qui établit la forme du gouvernement. Sur la seconde partie, les législatures ne peuvent pas changer la forme du gouvernement, et comme c’est une loi toujours existante, elles ne peuvent pas faire une loi contraire à celle qui est constitutionnellement établie. Sur la première partie, elles pourraient faire des lois qui, n’ayaot pas l’air de blesser les droits des citoyens, les blesseront cependant. Eh bien 1 voilà pourquoi la précaution prise par la Constitution de garantir positivement ces droits-là, est d’avertir la législature qu’elle n’a aucun droit d’y porter atteiute, doit être séparée de la disposition générale qui suivra leï articles qui forment la Constitution. M. lianjuinals. Je soutiens, Messieurs, que le fondement de la distinction que vient d’établir le préopinant est nul; ce fondement est qu’il est à craindre que le pouvoir législatif ne fasse des lois qui portent atteinte aux droits garantis par la Constitution, sans avoir l’air d’y porter atteinte. Eh bien ! je dis qu’il n’y a rien de plus manifeste à tous les hommes publics que cette vérité, que le pouvoir législatif peut renverser la Constitution, ou peut tendre à la renverser par des lois qui, sans en avoir l’air, la renverseraient effectivement, et c’est là ce qui prouve d’une manière évidente qu’en effet, l’addition présentée par le comité n’est pas bonne; qu’il faut faire une disposition générale, qui s’applique à toutes les dispositions, à toutes les phrases de la Constitution, et qui disent que le pouvoir législatif ne peut porter atteinte à aucune disposition constitutionnelle. M. Boutteville-Dumetz. Je m’étonne que le préopinant ne sente pas la raison qui a déterminé le comité à proposer cette addition qui, je le soutiens, est intiniment nécessaire. 11 est impossible que les législatures ne fassent pas quelques lois sur les abus qui résulteraient de la liberté de la presse. Il est donc infiniment important de les avertir qu’elles ne doivent jamais, dans les lois qu’elles feront, passer les bornes que nous leur traçons. Je demande que l’on adopte l’addition que M. Le Chapelier propose. M. Telller. Je crois, Messieurs, que faisant des articles particuliers pour défendre aux législatures de toucher aux articles constitutionnels, c’est détruire l’énergie même de cette Constitution. Car, qu’est-ce que vous dites ? La Constitution garantit tel ou tel droit. Assurément il n’y a pas de législature qui ose se permettre de détruire ce que la Constitution garantit, je trouve que cet article additionnel ne fait que répéter ce qui est contenu dans un article final de l’acte constitutionnel où il est infiniment mieux placé : « Aucun des pouvoirs institués par la Constitution n’a le droit de la changer dans son ensemble ni dans ses parties. » M. Démeunier. Messieurs, la garantie générale des articles constitutionnels, se t rouvant dans le dernier article qui vient de vous être lu, je veux prouver ou que 1 Assemblée doit adopter l’addition proposée par le comité, en la laissant à la place où on l’a indiquée, ou qu’elle ne doit admettre aucune espèce d'addition ; mais sui-tout que l’Assemblée ne doit adopter ni l’amendement de M. Guillaume, ni le sous-amendement de M. Beaumetz» ni la nouvelle rédaction. de M. Le Chapelier. Il est facile d’établir cette proposition ; le comité, dans sa première rédaction, avait cru laisser la liberté de la presse dans toute son intégrité. Il n’avait pas cru que les législatures pourraient jamais y porter atteinte. C’est donc, après les quatre premiers paragraphes, qu’il faudrait placer l’addition ; et pour prouver contre M. Beau-metz, qu’il serait impossible, j’ose même dire ridicule, de la placer à la fin du titre, j’observe qu’un des articles subséquents delà Constitution garantit l’inviolabilité des propriétés, nous ne disons pas garantir la transmission des propriétés. Il est donc évident qu’il faut l'addition telle qu’elle a été proposée par le comité, et à la place où elle a été indiquée, ou bien, revenant au premier avis du comité, se contenter de la garantie générale de la Constitution de tous les articles constitutionnels. ( Applaudissements . — Oui I oui 1) M. Briois-Beaumetz. Je soutiens que l’amendement de M. Guillaume est utile et même nécessaire, et je prétends que ceux qui le combattent ne s’appuient que sur une confusion d’idées. Ils ne voient pas qu’il y a deux choses très distinctes : les droits de l’homme que la Constitution garantit, et ensuite la Constitution elle-même. Il est absolument indispensable d’énoncer d’abord que la Constitution garantit les droits, et lorsque vos comités vous ont proposé de faire garantir les droits dans la Constitution, ils ont pris la précaution très importante de recueillir cette loi dans une nouvelle rédaction plus complète, plus claire, s’il m’est permis de le dire. Les droits de l’bomme, voilà la base de la Constitution française ; viennent ensuite les moyens que vous avez pris pour garantir ces droits. Il n’y a nul obstacle à ajouter une garantie spéciale après cette énumération des droits qui appartiennent à tous les hommes vivant en société et non pas seulement aux Français. Ensuite, lorsque vous aurez parcouru toute voire Constitution, lorsque vous aurez délégué et distribué tous les pouvoirs, au moyen desquels vous aurez garanti tous les droits de l’homme, vous apposerez une nouvelle clause, par laquelle vous direz qu’aucun de ces moyens, aucune de ces institutions, que vous avez établis par la Constitution, ne pourront être attaqués. (. Applaudissements .) M. Duport. J’ai peu de chose à ajouter à ce que vient de dire le préopinant; mais il me [tarait nécessaire de relever une équivoque sur laquelle il me semble que toute la discussion a roulé. On a prétendu qu’il suffisait d’avoir établi à la fin de la Constitution un article général d’interdiction aux législateurs, de n’y rien changer, et que sous cette interdiction seraient compris tant les articles constitutionnels que les droits civils énoncés dans ce titre. Or, je crois que cela est une erreur, et voici comme je le prouve ; vous allez décréter une Constitution qui renfermera l’étendue, les limites et la division des pouvoirs ; qui dira au Corps législatif ce qu’il peut faire, au roi ce qu’il peut faire, aux juges ce qu’ils peuvent faire, et la manière dont ils peuvent exercer les pouvoirs. Eh bien I il résul-sultera de là, qu’en suivant les formes qui seront déterminées dans cette Constitution, la législation aura le droit de faire toutes les lois qu’elle aura reconnues utiles pour le bonheur public, et qu’ainsi, lorsqu’une loi aura été proposée par le Corps législatif, et sanctionnée par le roi, elle