466 | Assemblée D&tionale.j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |30 avril 1191.1 neur de vous dire, Messieurs, 1° que 59 communautés du Gomtat ont pris, depuis le mois de juin 1790 jusqu’au mois de février 1791, des délibérations authentiques pour se réunir à la France ; 2° Que, depuis le 14 janvier jusqu’au 20 du même mois, toutes les communes du Gomtat, excepté Valréas, ont, à l’exemple de Carpentras, arboré les armes de France, et manifesté leur vœu pour la réunion ; 3° Que, dans le mois de février, Avignon ayant invité toutes les communes du Comtat à se rassembler pour former un pacte fédératif, les ennemis du b:en public cherchèrent à dissuader les communes d’y envoyer des députés, et parvinrent à former le camp de Saint-Cécile, d’où sont sortis ceux qui ont commis à Vaison les horreurs dont on a déjà rendu compte; 4° Qu’il n’existe aucun acte portant révocation des délibérations des 59 communes citées ci-dessus, ou émanant des 39 autres, pour manifester un vœu contraire à la réunion; d’où je conclus avec tous les départements environnants, que le vœu de la majorité des habitants du Comtat est en faveur de la réunion. RÉSUMÉ GÉNÉRAL. J’ai prouvé qu’avant les années 1229, 1274 et 1348, Avignon et le Gomtat Venaissin avaient toujours fait, quoique séparés entre eux, partie inlgérante du Comté de Provence; Qu’en 1229, de l’aveu même du pape Grégoire IX, le Comtal ne lui avait été cédé qu’à titre de dépôt; Qu’en 1235, ce comté avait été restitué au comte de Toulouse; Qu’en 1274, Philippe le Hardi, auquel il n’appartenait pas, n’avait pu le céder légitimement au pape Grégoire X; Qu’en 1125, 1308 et 1343, ces deux états avaient été grevés de substitutions, avec défense expresse d’aliéner ; Que, d’après ces substitutions et ces défenses d’aliéner, et à défaut de majorité, Jeanne n’avait pu vendre Avignon en 1348 ; Que, en conséquence, la venteou cession absolue de ces deux Etats était de toute nullité et ne pouvait tout au plus être considérée que comme un simple engagement ; Que, en vertu du droit d’hérédité, les rois de Naples, comtes de Provence, ont continué d’être les vrais propriétaires de ces deux états ; Qu’en vertu du testament de Charles IV, dernier comte de Provence, Louis XI, roi de France, ses successeurs et aujourd’hui la nation française sont devenus les légitimes propriétaires d’Avignon et du Comtat Venaissin, domaines inaliénables dépendant de la Provence; Que la possession des papes n’a jamais été paisible et que tous ceux qui ont eu droit à la chose ont fait des actes soit conservatoires, soit révo-catoires ; Que même quelques-uns d’entre eux ont joui de toute la plénitude de leurs droits en prenant possession de ces deux pays. J’ai également prouvé que, en supposant que les Avignonais et les Comtadinsétaieni autrefois deux peuples libres et indépendants, ils ont nécessairement conservé ce caractère de liberté et d’indépendance ; Que si, de leur pleine et entière volonté, ils se sont autrefois soumis au gouvernement du pape, ils ont le droit d’eu changer aujourd’hui et, conséquemment, celui de se réunir à la nation fran çaise, s’ils y trouvent leur avantage ; Qu’il est de l’intérêt de la France, soit d’ordonner cette réunion, en vertu de son droit, soit de l’accepter en vertu de celui des Avignonais et Comtadins ; Qu’il serait également désavantageux pour la France et pour les Comtadins et Avignonais, que cette réunion n’eût pas lieu; que cette mesure ne peut raisonnablement causer ni inquiétude, ni jalousie, aux peuples et princes étrangers. J’ai également prouvé que, en ordonnant cette réunion, la France ne contrevenait à aucun de 33S décrets ; Que le vœu des Comtadins et Avignonais était suffisamment exprimé. Je conclus, en conséquence, à la réunion d’Avignon et du Comtat Venaissin à l’Empire français. ( Applaudissements à gauche.) Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités diplomatique et d’Avignon, décrète ce qui suit : « i° Le Comtat Venaissin et la ville d’Avignon, avec leurs territoires et dépendances, font parties intégrantes de l’Empire français. « 2° Le roi sera prié de nommer, le plus promptement possible, 3 commissaires chargés de se rendre à Avignon et dans le Gomtat Ve-naissiu, avec pleins pouvoirs pour consoramerla réunion, faire cesser toutes voies de fait et hostilités, requérir, s’il est besoin, les troupes de ligne et gardes nationales des départements environnants, afin d’y rétablir le bon ordre et la tranquillité. <> Leroi est prié défaire négocier avec la cour de Rome sur les indemnités et remboursements qui pourront lui être légitimement dus. « 3° Le Président présentera dans le jour le présent décret à l’acceptation et sanction du roi. « L’Assemblée nationale charge ses comités de Constitution, diplomatique et d’Avignon, de lui présenter incessamment et d’après le compte qui sera rendu par les commissaires du roi, un projet de décret sur les moyens ultérieurs d’exécution pour effectuer l’incorporation de la ville d’Aviguon et duComtat Venaissin à l’Empire français. » M. de Clermont-Tonnerre. Avant d’entamer la discussion, je demande à faire une question à M. le rapporteur. J’ai l’honneur de lui demander si, parmi les traités existants et dont le comité diplomaiique doit avoir et a certainement connaissance, il en est dans lesquels la possession de la cour de Rome ait été garantie par les puissances de l’Europe. M. de Menou, rapporteur. Si l’Assemblée me l’ordonne, Monsieur, je m’en vais lui faire la lecture d’un mémoire qui répondra positivement à cette question-là, et qui m’a été remis par le ministre des affaires étrangères. Plusieurs membres : Lisez ! lisez 1 M. de Menou, rapporteur , lisant : « Pièce sortant du dépôt des affaires étrangères , pour être remise au comité de l'Assemblée nationale. « Sur la demande faite par l’Assemblée natio- [Assemblée nationale.) AllCIllYfiS PARLEMENTAIRES. [30 avril 1791.) nale, s’il y a des traités qui garantissent au Saint-Siège la possession de la ville d’Avignon et duComtat Venaissin, dans aucun de3 traités conclus entre la France et la cour de Rome, on ne voit pas que la France lui ait garanti la ville d’Avignon et le Comtat Venaissin. Nos registres de cette cour ont été consultés ainsi que les recueils diplomatiques. Si la France eût donné cette garantie par des traités ou autrement, la cour de Rome l’aurait fait valoir dans quelques circonstances; et l’on n’en trouve nas d’exemple. D’ailleurs cette garantie aurait dû être renouvelée et rappelée toutes les fois que nos rois, après s’être emparés d'Avignon et du Com-lat Venaissin, les ont restitués. On voit, au contraire, par les différentes lettres patentes données, pour cette restitution, en 1664, 1689, 1774, que nos rois, par une clause réservatoire, se sont conservés leurs droits sur Avignon. Cette clause doit éloigner toute idée de garantie, et annuler même les actes très anciens dans lesquels cette garantie aurait été stipulée. Différents mémoires sur Avignon disent encore que la possession des papes n'a jamais été paisible, et qu’il y a eu souvent des réclamations de la part de nos souverains. » M. de Clermont-Tonnerre. La réponse de M. le rapporteur est incomplète, ne résout qu’en partie la difficulté. 11 a répondu à une question que je n’avais pas faite et j’en ai fait une à laquelle il ne répond pas. Je demandais en effet si la possession du pape ue lui avait pas été garantie non pas par la France, mais par quelques puissances de l’Europe. Cette question est motivée par une réflexion de M. le rapporteur : il s’est demandé au cas où Avignon appartiendrait à quelque grande puissance, s’il serait de la politique de prononcer cette réunion et il a pensé que non. Le cas doit rester le même si la possession du pape a été garantie par quelque grande puissance; cette objection nulle en justice n’est point sans fondement en politique. M. de Menou, rapporteur. Il n’existe que deux traités entre les rois de France et les papes relativement à Avignon et au Comtat Venaissin. Plusieurs membres : Ce n’est pas cela. M. de Menou, rapporteur. Il faut au moins me donner le temps d’achever ma phrase. Dans ces deux traités, on ne trouve aucune trace qu’un prince étranger, qu’un monarque de l’Europe soit intervenu pour garantir au pape la possession d’Avignon et du Comtat. ( Vifs applaudissements à gauche et dans Les tribunes.) Dans les traités du roi de France avec les autres puissances, il n’en est nullement fait mention ; et s’il y avait eu des actes de garantie, lorsque Louis XIV et Louis XV s’emparèrent de ce pays, les puissances garantes n’auraient pas manqué de faire des réclamations; or, il n’en a été fait aucune. ( Applaudissements à gauche.) Tout ce qu’on trouve, ce sont deux conventions et même plusieurs conventions entre les cours d’Espagne, de France et de Rome relativement au passage des troupes dans les Etats d’Avignon et du Comtat Venaissin. Si l’Assemblée l’ordonne, je vais lui en faire lecture; mais cela n’a aucun rapport avec la garantie. Plusieurs membres : Non 1 non ! 467 M. de Menon, rapporteur. Je terminerai, en observant que, s’il existe des traités entre le pape et les princes étrangers pour la garantie de ses possessions, ces traités sont extrêmement secrets. La France n’en a eu nulle connaissance. M. de Traey. Je demande à M. le rapporteur si le Comtat Venaissin et Avignon n’ont pas été traités anciennement comme faisant partie du corps germanique. C’est un doute que j’ai dans la tête et sur lequel je voudrais bien qu’on m’éclairât. M. de Menou, rapporteur. J’observe à l’Assemblée que le préopiuant vient de proposer une des questions les plus difficiles à résoudreetsur lesquelles les historiens ne sont nullement d’accord. Il est certain qu’il a existé autrefois une espèce de suprématie de la part des empereurs, sur une partie de la Provence et de toutes les provinces environnantes {Murmures.) tantôt à cause du rovaume d’Arles,tantôten qualité de suzerain de la Bourgogne; mais ce royaume d’Arles est une espèce de problème dans l’histoire.... {Rires à droite.) Plusieurs membres à gauche : Oui ! oui ! M. de Menou, rapporteur.... car les historiens contemporains ne sont nullement d’accord; ce qu’il y a de certain, c’est que de temps en temps les empereurs ont accordé des diplômes, des investitures. Enfin, Charles IV, empereur, est le dernier qui soit venu en Provence prendre possession du royaume d’Arles, qui semble avoir fini au commencement