[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [lo juin 1791. ] 242 du 12 janvier 1791 leur a ôté toute espèce de foi ; et il est certain que ceux qui ont été faits précé-dement conservent, même pour les contestations non encore jugées ou à, naître, le degré d’autorité plus ou moins grande que les coutumes, les statuts et les i ègles observées dans chaque lieu leur avaient ci-devant accordée. « Avant de terminer cette instruction, il est du devoir de l’Assemblée nationale d’éclairer encore les citoyens des campagnes sur une prétention élevée par plusieurs d’entre eux relativement au champart ou terrage. A les entendre, ils ne sont plus tenus d’avertir les préposés à la perception des droits de champart ou terrage, pour calculer et arrêter la quantité de la récolte de chacun des héritages qui en sont chargés ; et dans les lieux où ce droit est portable, ils ne sont plus obligés de voiturer, dans les granges ou dans les pressoirs du propriétaire du champart, la portion des fruits qui lui appartient. « L’Assemblée nationale le déclare hautement, cette prétention est aussi mal fondée que le pré= texte qui y a donné lieu. « Ce prétexte est que les servitudes personnelles ont été abolies par l’Assemblée nationale. « Sans doute, elles ont été et elles sont abolies : mais ce n’est pas une servitude personnelle que ia charge dont il s’agit. On entend par servitude personnelle une sujétion qui a été imposée à la personne, qui ne pèse que sur la personne et que la personne est obligée de subir, par cela seul qu’elle existe, qu’elle habite un certain lieu, etc. Or, aucun de ces caractères ne convient à l’assujettissement contre lequel s’élèvent les injustes j réclamations dont ii vient d’être parlé. Ce n’est pas à la personne que cet assujettissement a été imposé, c’est au fonds ; ce n’est pas la personne qui en est grevée, c’est le fonds; et cela est si vrai, qu’on cesse d’y être soumis du moment qu’on cesse de posséder le fonds sujet au champart. « Cet assujettissement est donc, non pas une servitude personnelle, mais une charge réelle ; et par une conséquence nécessaire, il n’a ni cessé ni du cesser par l’effet de l’abolition des servitudes personnelles. j « Ces développements suffiront, sans doute, pour faire cesser toute espèce de difficulté sur le ens et l’objet des lois par lesquelles l’Assemblée nationale a déclaré rachetables et conservé, jusqu’au rachat effectué, les droits qui, par leur nature, sont présumés venir de la concession des fonds. Ainsi, plus de prétexte aux injustes refus de payement; et il faut que celui qui fera un semblable refus s’attende à passer, dans tous les esprits, pour rebelle à la loi, pour usurpateur de la propriété d’autrui, pour mauvais citoyen, pour l’ennemi de tous; il faut, par conséquent, qu’il s’attende à voir se réunir contre lui toutes les classes de propriétaires, justement fondées à craindre que le contre-coup de l’atteinte portée à la propriété des domaines incorporels, ne vienne, un jour ou l’autre, frapper celle des domaines fonciers. Et si, par le plus invraisemblable des effets de sa coupable audace, il parvenait à mettre dans son parti des gens assez téméraires pour troubler par des voies de fait, par des menaces ou autrement, la perception des droits non supprimés ; dans ce cas, les corps chargés des pouvoirs de la nation n’oublieront pas les devoirs qui leur sont imposés par les décrets des 18 juin et 13 juillet 1790. Les municipalités se rappelleront qu'en cas d’attroupement pour empêcher ladite perception, l’article 3 du premier de ces deux derniers décrets leur ordonne de | mettre à exécution les articles 3, 4 et 5 du décret du 23 février, concernant la sûreté des personnes, celle des propriétés , et la perception des impôts, sous les peines y portées. Elles raDDelle-ront encore, et les tribunaux se souviendront aussi, que, par le second décret, il a été ordonné aux juges ordinaires d’informer, non seulement « contre les infracteurs du décret du 13 juin. « concernant le payement des champarts et au-« très droits fonciers ci-devant seigneuriaux, mais <: même contre les officiers municipaux qui au-« raient négligé, à cet égard, les fonctions qui « leur sont confiées, sauf à statuer à l’égard des-« dits officiers ce qu’il appartiendra. » Enfin, les diretoires de département et de district n’oublieront pas que c’est sur leurs réquisitions, aussi bien que sur celles des municipalités, qu’il est enjoint par le même décret, aux commandants des troupes réglées de seconder les gardes nationales pour le rétablissement de V ordre clans les lieux où il aurait été troublé. « Sans doute, ces mesures seront rarement nécessaires, et l’Assemblée nationale a droit d’espérer que les citoyens des campagnes, sachant apprécier ce qu’elle a fait pour leur bonheur, s’empresseront partout d’acquitter des droits dontiln’a pas été en son pouvoir de les affranchir. Ils n’oublieront pas que c’est pour la prospérité de l’agriculture qu’ont été abolies la dîme, les corvées, les banalités, la gabelle, et cette foule incalculable d’autres droits aussi avilissants par leur origine que pénibles par leur poids journalier. Ils ne feront pas repentir l’Assemblée nationale de bienfaits aussi signalés, en violant des uroits que la justice la plus impérieuse l’a forcée de maintenir jusqu’au rachat; et ils sentiront tous que, puisqu’ils sont devenus égaux en droit à leurs ci-devant seigneurs, ceux-ci doivent, par cela seul, jouir paisiblement, comme chacun d’eux, de leurs propriétés. » L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de Code pénal . M. Sje Pelletier-Salnt-F'argeaii, rapporteur. Messieurs, vous avez renvoyé à vos comités diverses observations de M. Malouet relatives aux crimes contre la sûreté extérieure de l’État (1). Voici les dispositions que nous vous présentons, telles que nous les avons arrêtées avec M. Malouet; elles formeraient les articles 6 et 7 de ia lre section du titre Ier de la deuxième partie du projet : Art. 6. « Tout fonctionnaire public chargé du secret d’une négociation, d’une expédition ou d’une opération militaire, qui sera convaincu de l’avoir livrée méchamment et traîtreusement aux agents d’une puissance étrangère, ou, en cas de guerre, à l’ennemi, sera puni de mort. Art. 7. « Tout fonctionnaire public chargé, à raison des fonctions qui lui sont confiées, du dépôt des plans, soit de fortifications ou d’arsenaux, soit de ports ou de rades, qui sera convaincu d’avoir méchamment et traîtreusement livré lesdits plans aux agents d’une puissance étrangère, ou, en cas de guerre, à l’ennemi, sera puni de la peine de 20 années de gène. » (1) Voy. ci-dessus, séance du 8 juin 1791, page 63. 243 [Assemblée nationale, j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 juin 1191.] (Ces deux articles sont successivement mis aux voix et adoptés.) M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Vous avez également renvoyé à vos comités une observation de M. Malouet relative aux crimes contre la Constitution (1). Voici l’article que nous vous proposons, d’accord avec lui, pour devenir l’article 2 de la troisième section du titre 1er de la deuxième partie : Art. 2 (nouveau). « Quiconque sera convaincu d’avoir, par force et violence, écarté ou chassé un citoyen actif d’une assemblée primaire, sera puni de la peine de la dégradation civique. » (Cet article est mis aux voix et adopté.) M. Le Pelletier-Saiiit-Fargean, rapporteur. Vous avez enfin. Messieurs, renvoyé à la rédaction de vos comités les articles 7, 8 et 9 de la troisième section du titre Ier (1), relatif à l’usurpation du pouvoir législatif qui pourrait être faite par les agents du pouvoir exécutif, ou à la supposition d’une loi, ou à la falsification d’une loi, ou enfin à l’établissement d’un impôt sans les formes déterminées par la Constitution. Ces dispositions n’étaient pas énoncées d’une manière assez précise dans la première rédaction; les comités ont pensé éclaircir davantage la matière en proposant les articles suivants, qui deviendraient les articles 8, 9, etc..., en raison de l’article 2 nouveau qui vient d’être adopté. Voici ces articles : « Art. 8. Si quelque acte était publié comme loi sans avoir été décrété par le Corps législatif, et que ledit acte soit extérieurement revêtu d’une forme législative différente de celle prescrite par la Constitution, tout ministre qui l’aura contresigné sera puni de mort. « Tout agent du pouvoir exécutif, commandant ou ofticier militaire ou civil qui l’aura fait publier ou exécuter, sera puni de la peine de la dégradation civique. « Art. 9. Si quelque acte, extérieurement révêtu de la forme législative prescrite par la Constitution, était publié comme loi, sans toutefois que ledit acte ait été décrété par le Corps législatif, le ministre qui l’aura contresigné, s’il est convaincu d’avoir sciemment et à dessein supposé le décret du Corps législatif, sera puni de mort. « Art. 10. En cas de publication d’une loi extérieurement revêtue de la forme législative prescrite par la Constitution, mais dont le texte aurait été altéré ou falsifié, le ministre qui l’aura contresignée, s’il est convaincu d’avoir sciemment et à dessein altéré ou fait altérer, falsifier ou fait falsifier le texte de ladite loi, sera puni de mort. « Dans le cas porté au présent et au précédent article, le ministre seul sera responsable. « Art. 11. Si quelque acte, portant établissement d’un impôt ou emprunt national, était publié sans que ledit impôt ou emprunt ait été décrété par le Corps législatif, et que ledit acte soit extérieurement revêtu d’une forme législative différente de celle prescrite par la Constitution, le ministre qui, sciemment et à dessein, aura contresigné ledit acte, donné ou contresigné des ordres pour percevoir ledit impôt ou recevoir les fonds dudit emprunt sera puni de mort. (1) Voy. ci-dessus, séance du 8 juin, pages 70 et 71. « Tous agents quelconques du pouvoir exécutif qui auront exécuté lesdits ordres, soit en percevant ledit impôt, soit en recevant les fonds dudit emprunt, seront punis de la peine de la dégradation civique. « Art. 12. Si ledit acte, extérieurement revêtu de la forme législative prescrite par la Constitution, était publié sans toutefois que ledit impôt ou emprunt ait été décrété par le Corps législatif, le ministre qui, sciemment et à dessein, aura contresigné ledit acte, donné ou contresigné des ordres pour percevoir ledit impôt ou recevoir les fonds dudit impôt, sera puni de mort. « Dans le cas porté au présent article, le ministre seul sera responsable. » M. Moreau. Les mots sciemment et à dessein me paraissent ne devoir pas être insérés dans ces articles. En effet, dans le cas des délits prévus dans les dispositions qui viennent de vous être lues, la nation serait obligée de prouver que le ministre a signé ou contresigné sciemment et à dessein, si on laissait subsister ces deux mots dans la rédaction, tandis que ce doit être au ministre de prouver le contraire. Je demande la radiation des mots sciemment et à dessein. M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Dans notre première rédaction, nous n'avions pas inséré les mots sciemment et à dessein par les considérations qui vous sont exposées par le préopinant. Nous avons cru cependant devoir les ajouter dans Ja seconde, parce qu’il est facile de surprendre une signature du ministre, lorsqu’il néglige d’examiner l’acte qui lui est présenté, et qu’il ne serait pas juste de le punir d’une négligence comme d’un délit prémédité. M. ©oupil-Préfeln. Je propose de substituer aux mots sciemment et à dessein la disposition additionnelle suivante : « Les ministres pourront être admis à prouver que leurs signatures ont été surprises; et en conséquence, les auteurs de la surprise seront poursuivis et punis. » M. Régnier. J’appuie la motion de M. Moreau; les mots sciemment et à dessein ne peuvent subsister dans la loi sans la rendre illusoire. Gomment veut-on que le juré lise dans le cœur du ministre pour savoir s’il a agi sciemment et à dessein? J’appuie donc ce retranchement. Quant à l’amendement de M. Goupil, je le considère comme inutile. La preuve qu’il propose est de droit, et un crime n’est réputé tel qu’au-taot qu’il a été commis avec une volonté déterminée. M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Je m’oppose à la radiation demandée par M. Moreau et je citerai pour exemple, à l’appui de mon opinion, ce qui est arrivé il y a peu de jours au ministre de la justice. Une loi a été oubliée et affichée, et le sens en a été altéré. Cette faute n’a été commise que par distraction. Ce n’était la faute ni du ministre, ni de ses commis. Il n’aurait pas été juste de les en punir. M. Régnier. L’exemple rapporté par M. Le Pelletier ne détruit pas la nécessité d’effacer de cet article les mots : sciemment et à dessein; car, dans le cas d’un délit de l’espèce posée, l’accu-