318 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 49 DU BARRAN : La présence des représentants du peuple devient nécessaire dans le département des Vosges et dans celui de la Nièvre. Le comité de Sûreté générale ne vous proposera pas de les prendre parmi les membres qui actuellement se trouvent dans votre sein. Mais il a pensé que la Convention nationale doit déléguer une extension de pouvoirs au citoyen Michaud, pour le département des Vosges, contigu à celui de la Meurthe où il est en mission ; et que, quant au département de la Nièvre, il en faut charger le citoyen Musset, que vous avez envoyé dans le Puy-de-Dôme (70). Sur la proposition du comité de Sûreté générale, La Convention nationale décrète que les pouvoirs précédemment accordés au représentant du peuple Michaud, s’étendront sur le département des Vosges; Que pareille extension aura lieu sur le département de la Nièvre, relativement aux pouvoirs dont a été investi le représentant Musset. Le présent décret sera inséré dans le bulletin de correspondance (71). 50 Un rapporteur du comité des Secours [MENUAU] rend compte des six pétitions qui lui ont été précédemment renvoyées. Sur la demande de secours réclamés par les pétitionnaires, il propose, et la Convention décrète les projets de décrets suivants (72) : a MENUAU : Citoyens, depuis que les républicains français combattent contre la tyrannie pour la cause sacrée de la liberté, nous n’avons plus besoin de chercher dans l’histoire ancienne des modèles de courage, de désintéressement et de bravoure. Parmi le nombre infini des belles actions qui honorent notre révolution, celles de la citoyenne Bourgès méritent une place distinguée. Cette citoyenne s’est trouvée en personne à toutes les affaires et attaques que la colonne de Tilly a faites sur les brigands de la Vendée, et particulièrement au Mans et à Sa-venay. Elle a rendu les services les plus importants à la république ; tantôt elle a découvert des blés et des farines cachés, qui ont servi à (70) Moniteur, XXII, 161. (71) P.-V., XLVI, 290. C 321, pl. 1331, p. 10, minute de la main de Barbeau Du Barran, rapporteur. Débats, n° 745, 247 ; J. Fr., n' 740; J. Perlet, n° 742; Mess. Soir, n° 778; M. U., XLIV, 217; Rép., n * 15. (72) P.-V., XLVI, 290. la subsistance de l’armée, tantôt elle a eu le courage de porter sur son dos plusieurs blessés, pour les déposer dans les voitures d’ambulance. Enfin, citoyens, cette femme, sensible autant que courageuse, a ajouté à ces actes d’humanité celui de se joindre aux officiers de santé pour les aider à panser les blessés; elle a fait plus, citoyens, elle s’est dépouillée de sa propre chemise pour le pansement des blessés, dans des moments où le manque absolu de linge s’est fait sentir. Ces faits, citoyens, sont consignés dans des certificats bien honorables et bien authentiques. Mais la femme Bourgès, riche en vertu et en patriotisme, est dans le besoin, et il est de la justice nationale de ne pas laisser plus longtemps en souffrance une républicaine aussi prononcée. D’après des motifs aussi puissants, votre comité des Secours publics m’a chargé de vous proposer d’accorder à cette citoyenne un secours provisoire de 600 livres (73). La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Secours publics sur la pétition de la citoyenne Bourgès, qui s’est trouvée à plusieurs affaires dans la Vendée, et qui a rendu des services à la République en soulageant les défenseurs de la patrie blessés, en les portant sur son dos jusqu’aux voitures d’ambulance, décrète ce qui suit : La Trésorerie nationale paiera, sur le vu du présent décret, à la citoyenne Bourgès, la somme de 300 L, à titre de secours. Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (74). b MENUAU : Citoyens, je viens, au nom du comité des Secours, présenter à la Convention nationale un nouvel exemple des sentiments généreux que peut produire l’amour sacré de la liberté dans l’âme d’un bon républicain. Le citoyen Dupuy a commencé à servir dans les armées françaises en 1759. Son premier grade fut celui de soldat dans les carabiniers; mais son intelligence et sa bravoure lui méritèrent bientôt de l’avancement, et cet avancement fut tel qu’il parvint au grade de capitaine. Il fut réformé en 1788, avec une pension de 1 800 L. En 1789 un nouvel ordre de choses se prépare, la patrie a besoin de défenseurs : Dupuy, ami chaud de la liberté, se présente pour la défendre ; on connaît bientôt ses talents militaires, et il mérite l’honneur d’être choisi pour commander une compagnie dans le 55e régiment d’infanterie. Comme, d’après la loi, il ne pouvait conser-(73) Moniteur, XXII, 163; Débats, n 745, 243-244. (74) P.-V., XLVI, 291. C 321, pl. 1331, p. 11, minute de la main de Menuau. Décret anonyme selon C* II 21, p. 5. Bull., 15 vend, (suppl.); Débats, n' 745, 244. SÉANCE DU 14 VENDÉMIAIRE AN III (5 OCTOBRE 1794) - N° 50 319 ver sa pension de 1 800 L et le traitement attaché à son grade, il ne balance pas de renoncer à cette pension, qui était toute sa fortune, et dont il pouvait jouir tranquillement au sein de sa famille, pour concourir avec ses frères d’armes à la défense de sa patrie. Depuis 1789 Dupuy s’est trouvé à plusieurs combats, et les certificats les plus authentiques prouvent qu’il s’y est conduit avec distinction. Mais, citoyens, malgré le zèle qu’il a mis dans l’exercice de ses fonctions, et quoiqu’il ait toujours été éloigné de toute espèce d’intrigues et de vues ambitieuses, il n’a pu échapper aux traits de la calomnie. Son amour extrême pour le bon ordre et la discipline militaire devaient nécessairement lui faire des ennemis; aussi, après le déblocus de Landau, place importante, où il a été chargé de missions de confiance, dont il s’est acquitté avec bien de l’intelligence, il a été arrêté et conduit à la maison d’arrêt de Pélagie, le 18 nivôse, et il y est resté oublié jusqu’au 23 thermidor. Il n’a pu encore parvenir à connaître les motifs de cette injuste détention, quelques démarches qu’il ait faites à cet égard : tout ce qu’il peut soupçonner avec quelque fondement, c’est que, témoin pendant le blocus de Landau, de bien des menées de beaucoup de perfidie, les auteurs de tant d’intrigues avaient un intérêt sensible à le tenir en chartre privée pour le forcer au silence. Mais, citoyens, une chose qu’il est bien essentiel de connaître pour l’entière justification du citoyen Dupuy, c’est que ses dénonciateurs, ceux-là même qui avaient provoqué son arrestation, ceux-là même qui avaient le plus à redouter les éclaircissements qu’il était dans le cas de donner sur la conduite des chefs de la garnison de Landau, ceux-là même, citoyens, ont été forcés de rendre justice au brave Dupuy. Il est essentiel que je donne lecture à la Convention nationale des certificats des généraux Laubadère et d’Auxon... Cependant, citoyens, malgré tant de preuves de bonne conduite, telle est l’affreuse position où se trouve Dupuy. Il ne possède plus sa pension de 1 800 livres, à laquelle il a renoncé si généreusement, pour voler au secours de la patrie en danger; Il se trouve destitué par le fait de son arrestation. Il demande à être employé de nouveau pour servir encore dans les armées de la république, ou bien il redemande sa pension; mais, en attendant, il est de la justice nationale de venir au secours de ce brave homme (75). La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Secours publics, sur la pétition du citoyen Jean-Mathieu Dupuy, de la commune de Dax, département des Landes, qui a servi dans les armées françaises pendant trente-quatre ans, avec autant de courage que d’intelligence, décrète ce qui suit : (75) Moniteur, XXII, 162-163. Article premier. - Sur le vu du présent décret, la Trésorerie nationale paiera au citoyen Jean-Mathieu Dupuy, la somme de 1 200 L, à titre de secours provisoire. Art. II. - Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspon dance (76). c La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Secours publics, sur la pétition du citoyen Henri Grégoire, maître canonnier de fusils, père de quatre enfants en très-bas âge, et que le travail excessif qu’il a fait dans les ateliers de la République, a mis dans un état de maladie, tel qu’il y a danger pour sa vie, décrète ce qui suit : Article premier. - Sur le vu du présent décret, la Trésorerie nationale paiera au citoyen Henri Grégoire la somme de 300 L, à titre de secours. Art. II. - Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (77). d La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Secours publics, sur la pétition du citoyen Hébert, habitant de la commune de Vaux, district de la Montagne-du-Bon-Air [Seine-et-Oise], déjà père de six enfans, et dont la femme vient d’accoucher de trois autres, décrète ce qui suit : Article premier. - La Trésorerie nationale fera passer sans délai à l’agent national provisoire du district de la Montagne-du-Bon-Air la somme de 300 L, pour être remise, à titre de secours, au citoyen Hébert, de la commune de Vaux. Art. II. - Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (78). e La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Secours publics, sur la pétition du citoyen (76) P.V., XLVI, 291. C 321, pl. 1331, p. 12, minute de la main de Menuau, rapporteur. Bull., 15 vend, (suppl.). (77) P.V., XLVI, 292. C 321, pl. 1331, p. 13, minute de la main de Menuau, rapporteur. Bull., 16 vend, (suppl.). (78) P. V., XLVI, 292. C 321, pl. 1331, p. 14, minute de la main de Menuau, rapporteur. Bull., 16 vend, (suppl.); Ann. Patr., n° 643 ; Ann. R. F., n° 14; C. Eg., n° 778; J. Fr., n° 740; M. U., XLIV, 217.