[Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 mars 1790.] 189 M. le comte de Toulouse-Lautrec demande par écrit un congé pour rétablir sa santé. Il termine sa lettre à M. le président, en disant : « Si, pendant mon absence, on rapporte à l’As-« semblée ce que je dirai d’ellé, elle sera con-« tente, même votre côté gauche. > On rit beaucoup de tous les côtés de l’Assemblée et le congé est accordé. M. d’André, député de la sénéchaussée d’Aix, absent depuis quelques mois comme commissaite du roi en Provence, demande à prêter le serment patriotique. De nombreux applaudissements font connaître à M. d’André les regrets qu’avait causés son absence, et la satisfaction qu’éprouve l’Assemblée des services qu’il a rendus dans l’exercice des fonctions dont le roi l’avait chargé. M. Rewbell, député d’Alsace , à qui sa santé n’avait pas permis de paraître à l’Assemblée depuis le 4 février, est admis à prêter le serment civique. M. le comte de Pardieu demande un congé qui lui est accordé sans opposition. M. le Président annonce qu’il a eu l’honneur de porter au roi, et de présenter à sa sanction : 1° Le décret par lequel Sa Majesté est suppliée de donner des ordres pour que les intendants et les commissions intermédiaires des assemblées provinciales fassent parvenir dans les paroisses les commissions nécessaires pour la confection du rôle des tailles ; 2° Le décret qui autorise la municipalité de Mouzon à faire un emprunt de dix mille livres; 3° Le décret qui autorise la municipalité de Langres à toucher les termes échus ou à échoir du prix de l’adjudication, faite en 1788, des bois du chapitre; 4» Le décret qui autorise la municipalité de Gray à faire un emprunt de 22,000 livres ; 5° Le décret qui autorise la ville de Poitiers à imposer la somme de 12,000 liv. sur les habitants qui payent trois livres d’imposition et au-dessus. M. le Président dit qu’il a aussi rappelé au roi que l’Assemblée nationale l’a chargé de supplier Sa Majesté de hâter la sanction du décret à elle présentée le premier mars, et rendu le 28 février sur l’organisation militaire. Il ajoute que le roi lui a répondu qu’il s’en occuperait incessamment, et qu’il avait même déjà ordonné l’exécution de plusieurs dispositions de ce décret. M. l’abbé ISéhln, député d’Artois, demande un congé pour cause de maladie. Le congé est accordé. M. l’abbé Gouttes, au nom du comité des finances, propose un projet de décret pour autoriser la ville de Toulouse à faire un emprunt. M. Roussillon, député de Toulouse . La nouvelle municipalité de Toulouse qui demande l’autorisation de contracter un emprunt, a été formée sans trouble ; c’est une des mieux composées du royaume ; ses membres sont de bons citoyens et c’est justement qu’ils ont réuni la grande” majorité des suffrages; ils méritent, de plus, la confiance de l’Assemblée, par leurs sentiments patriotiques aussi bien que par leur amour éprouvé de la liberté. Le projet de décret du comité des finances est mis aux voix et adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale autorise la nouvelle municipalité de la ville de Toulouse à faire un emprunt de trois cent mille livres, portant intérêt de 5 0/0, pour rembourser la somme de soixante mille livres, déjà empruntée, et le surplus être employé à l’entretien des ateliers de charité. » M. l’abbé iVlassieii, curé de Sergy, membre du comité des pauvres, demande à rendre compte des secours accordés sur la demande du maire de Paris. Dette affaire est renvoyée à la séance du soir. M. 1© Président. L’Assemblée passe à son ordre du jour et reprend la suite de la discussion sur le projet de décret pour le remplacement de la gabelle. L’article 3 est ainsi conçu: Art. 3. Une contribution de2 millions, formant les deux tiers seulement du revenu que le Trésor national retirait des droits de traite de toute espèce, établis sur le transport du sel destiné à la consommation des départements et des districts qui formaient les provinces franches et rédimées, sera répartie sur ces départements et ces districts, en raison de la consommation que chacun de ces départements et de ces districts faisait du sel soumis à ces droits. M. Malouet (I). Messieurs, la répartition de 2 millions d’impôt sur les pays rédimés pour tenir lieu des deux tiers des droits de traite sur les sels a été l’objet des réclamations de plusieurs députés de ces provinces; et quoiqu’elles n’aient Sas été favorablement accueillies, je présume, Lessieurs, que vous ne leur refuserez pas même un soulagement plus considérable s’il n’en résulte aucun désavantage pour les pays de grandes et petites gabelles. Je ne peux développer mon opinion sur cet article sans traiter complètement du mode de remplacement de la gabelle qui vous est proposé par le comité des finances. Je trouve cette opération vicieuse et insuffisante. Je crois voir les moyens de mieux faire, et je commence par prévenir deux objections. La première est qu’il ne s’agit point ici d’une opération générale sur les impôts, mais seulement du remplacement provisoire de celui que vous supprimez. La seconde, que le mode le plus prompt, le plus facile, est celui qu’il faut préférer en ce moment-ci. A cette seconde objection, Messieurs, je réponds que c’est par cette facilité funeste que les impôts directs se sont accrus à un point intolérable; c’est parce qu’il était tout simple d’imposer addition-nellement deux sols, quatre sols pour livre, qu'on a attaqué tout à la fois l’aisance et l’industrie du peuple. Lorsque les impôts ne portent pas uniquement sur le superflu des contribuables, ce n’est que par de sages combinaisons qu’on peut en prévenir les funestes effets. Quant à la première objection que j’entends même à présent répéter dans l’Assemblée, il n’est point question d'une opération générale, il s’agit de prononcer sur la répartition de la somme imposée en remplacement de la gabelle. Je dis, Messieurs, que la conversion d’un impôt de 60 millions est un objet assez important pour que le système général des impositions en soit modifié eu bien ou en mal suivant le parti que vous prendrez, et il n’est pas moins essentiel que la (1) Le Moniteur ne donne qu’une analyse du discour; de M. Malouet.