708 (Assemblée nationale.] traordinaire avancera 800,000 livres à la municipalité de Bordeaux. « Le ministre de la justice transmet à M. le président de l’Assemblée nationale les doubles minutes des décrets ci-dessus, sur chacune desquelles est signé de sa main l’ordre d’expédier et sceller du sceau de l’État. < Paris , le 20 août 1791. « Signé: M.-L.-F. Duport. » L’ordre du jour est la suite de la discussion des articles à ajouter dans l’acte constitutionnel (1). M. Démeunier, rapporteur (en l’absence de M. Thouret). Messieurs, avant de reprendre la suite delà discussion sur l’article présenté hier relativement aux droits politiques qui seraient déterminés dans la Constitution à l’égard des membres de la famille royale, les comités de Constitution et de révision m’ont chargé de présenter succinctement à l’Assemblée les motifs qui les ont déterminés. Je prie d’abord l’Assemblée de ne pas perdre de vue le système d ’ royauté héréditaire qu’elle a adopté dans la Constitution. Du moment où l’on consent à recevoir du hasard de la naissance un roi ou un régent, du momentoù l’on choisit une famille pour exercer exclusivement et héréditairement ces importantes fonctions, il est clair que l’on doit environner cette famille d’un grand éclat, que là dignité du trône doit rejaillir sur toute cette famille, et que ses membres ont des droits que n’ont pas les autres citoyens; il est clair que leur naissauce les range dans une classe distinguée ; non-seulementiis ont un droit éventuel à la couronne, mais aussi un droit éventuel à la régence et un droit éventuel à la garde du roi mineur; et ce principe ne contraste pas avec la déclaration des droits, puisqu’il y est dit uniquement qu’aucune distinction ne peut être établie que pour l’utilité commune. Or, c’est pour Futilité commune que vous avez établi un roi héréditaire; c’est encore pour l’utilité commune que vous avez établi une famille dont tous les membres sont successibles au trône par ordre de primogéniture. C’est donc d’après les principes consacrés dans les droits de l’homme que les membres de la famille du roi forment et doivent former une distinction dans l’Empire. Examinons maintenant si les droits politiques qui leur appartiennent exclusivement aux autres citoyens, peuvent être annulés avec ceux d’éligibilité. D’une part, il est évident que l’influence d’une famille appelée au trône pourrait amener beaucoup d’inconvénients dans les élections. Il est clair que, dans les diverses fonctions déléguées par le peuple, sa prépondérance, son influence dans les temps calmes, son influence très dangereuse dans les temps orageux, doivent empêcher qu’ils ne puissent être admis à la législature. La sévérité du principe irait jusqu’à leur interdire le droit de citoyens actifs, ainsique le comité vous le propose dans le premier article ; mais il est certain que, dans les assemblées primaires l’influence d’un membre de la famille du roi ne serait pas aussi dangereuse que dans une assemblée politique, administrativeetdélibérante. Ainsi vous pourriez, sans vous écarter de la rigueur du principe, réserver aux membres de la famille du roi le droit pur et simple d’aller dans les assemblées primaires, et d’y jouir du droit de citoyens actifs. (Rires.) (1) Voy. ci-dessus, séance du 24 août 1791, page 691 . [25 août 1791] Ce n’est pas là qu’est la difficulté, et j’ose assurer l’Assemblée que les deux comités, se trou-vantaux termes de leurs travaux, croient avoir un devoir à remplir en rendant compte des mo-tils qui les ont déterminés. L’Assemblée nationale prononcera ensuite dans sa sagesse, mais nous n’insisterons pas fortement; la difficulté n|est pas au point qui a paru exciter qm lque difficulté. Il s’agit de savoir si vous conserverez des distinctions particulières aux membres de la famille du roi. Les deux comités insistent de nouveau et appuient de tomes leurs forces la dénomination qui vous a été indiquée hier. Elle convient aux droits politiques qui appartiennent héréditairementaux individus de lafamilleduroi; elle est conforme aux principes de la Constitution représentative et du gouvernement monarchique que vous avez adoptés. C’est d’après ces principes que je discute la question, car s’il fallait la traiter révolutionnai-rement, s’il fallait examiner les circonstances qui vous environnent, il serait aisé de prouver que le point où les principes ont conduit vos comités est aussi d’une utilité évident-dans les circonstances où nous sommes ; que le meilleur moyen s’anéantir toutes les distinctions abusives, c’est de les réserver exclusivement aux membres de. la famille du roi qui peuvent être appelés au trône. Je u 'ajouterai plus que deux mots. Le système du comité peut être combattu par deux classes différentes, et on ne s’aperçoit pasassez, peut-êire, de leurs motifs. Il est clair, d’une part, que ceux qui regrettent des distinctions abusives anéanties, peu\ eut désirer que vous rangiez sur la même ligne qu’eux, les membres de la famille royale, afin de se réserver, par là, quelques espérances, sans doute imaginaires. Il est une au ire classe d’hommes qui sont attachés, il est vrai, par une espèce d’instinct à la royauté héiéditaire, qui ont juré de la maintenir, et qui la maintiendront, mais qui prouvent par leur conduite qu’il est difficile dans une discussion de détail de ne pas se ranger au système qu'on a adopté par opinion, quoi qu’on l’ait rejeté par devoir. Il est évident, par exemple, que ceux qui croient que le sys-îème républicain est préférable, même, à ce système. . . (Murmures.) Un membre : Il n’y en a aucun. M. Lanjuinais. C’est vous qui nous faites haïr la royauté. M. Démeunier, rapporteur. Je suis loin de vouloir inculper persouue;je le dis hautement, j’examine seulement la marche de l’esprit humain, et ce que je dis me paraît clair. Lorsqu’on a intérieurement une opinion différente de celle que l’on a professée publiquement; lorsque l’on désire pour le bonheur de ses semblables, une autre forme de gouvernement, que celle qui a été adoptée, il est certain que, sur les points de détail, on est disposé à préparer à l’avance tout ce qui pourrait assurer aux générations futures le bonheur de la loi. Après ces courtes réflexions, les comités laissent la parole à ceux qui Tout demandée; ils insistent de toute leur force, pour que, sauf l’amendement qu’on pourrait adopter, et qu’ils vous ont proposé, que les membres de la famille du roi aient le nom de prince. L’Assemblée prononcera; les deux comités ont rempli leur devoir. M. GuîElaiiuie. Messieurs, dounerez-vous un ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 août 1791.] 709 titre honorifique aux membres de la dynastie régnante, et les priverez-vous de l’exercice des droits politiques? Telles-sont les deux questions que présente l’article soumis en ce moment à votre discussion. De ces deux problèmes, le premier n’en est pas un pour quiconque tient religieusement à l’esprit et à la lettre de vos décrets. Que, désespérant de déchirer le sein de leur patrie, les membres émigrés de la famille du roi, cherchent à se donner le triomphe de faire rétrograder le c orps constituant de la nation, je conçois ce calcul de l’amour-propre et des préjugés; mais que vous vous prêtiez à de si honteuses compositions en faveur de tels individus, c’est ce qu’il est absurde de supposer de la part d’hommes qui ont tout bravé pour le maintien de leurs principes. D’une part, vous avez décrété en thèse générale, qu’il n’y aura plus pour aucun Français, ni privilège, ni exemption au droit commun de tous; de l’autre, vous avez décidé en particulier, pour les membres de la famille du roi, qu’ils ne porteraient pas le titre de prince, le seul qui pût leur convenir, si vous deviez leur accorder une qualité distinctive. Tout est irrévocablement décidé par ces décrets ; toute qualification donnée aux membres de la dynastie serait désormais inconstitutionnelle. Mais, si les parents du roi ne peuvent avoir aucun titre distinct, il faut qu’ils aient le titre commun dont nous nous honorons, celui de citoyen. Or, pour les maintenir dans cette précieuse qualité, ce sont encore vos voix que j’invoque : « Sont citoyens français, avez-vous dit, ceux qui sont nés en France d’un père français. » Et cette qualité, une fois acquise par la naissance, ne peut plus, suivant vos décrets, se perdre que par la naturalisation en pays étranger, par la condamnation aux peines qui emportent la dégradation civique; c’est-à-dire par des actes qui supposent une renonciation volontaire ou une abdication forcée, et certes, il serait a�sez extraordinaire, d’après de telles dispositions, que les membres de la famille du roi, nés en France, de père français, fussent placés constitutionnellement, ou parmi ceux qui ont renoncé à leur patrie, ou parmi ceux à qui leur patrie a renoncé. En vain, vous dira-t-on, qu’on ne conteste pas aux membres de la famille régnante ks droits de cité, mais seulement les droits politiques, et que si, les premiers appartiennent aux iodividus, les seconds sont à la disposition de la société. Cette distinction est subtile, mais elle n’est que subtile. Je conviens que la nation doit primitivement à ses membres la garantie de leurs droits individuels, et que là doit se borner la prétention de tout homme qui ne remplit pas les conditions prescrites pour l’exercice des droits politiques. Mais, quand un citoyen est propriétaire, quand il partage les charges de l’Etat, quand il remplit tout ce qu’exige de lui le contrat social pour jouir de l’activité, la nation ne lui doit plus seule ueut alors la garantie de ses droits individu Is, elle lui doit de plus celle de ses droits politiques. Appliquez ces principes aux membres delà maison régnante, et dites-rnoi comment vous pourrez les priver des droits de citoyens actifs lorsqu’ils seront Français, âgés de 25 ans, domiciliés, payant la contribution requise, inscrits dans la garde nationale et assermntés? Il faudrait renoncer à tous vos principes constitutionnels pour admettre le nouvel article que vous proposent vos comités. Il faudrait aussi réformer votre code pénal, ou plutôt, il vous en faudrait un particulier à l’usage des parents du roi; car la dégradation civique est la seule peine appliquée à plusieurs délits, et cette dégradation entre, comme élément, dans presque toutes les autres peines; si donc ces délits étaient commis par les parents du roi, la pu-nition en sera donc nulle ou incomplète. Et alors que deviendrait l’article 6 de la déclaration des droits, où l’on trouve que la loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Rejetez, Messieurs, l’article que vous proposent ici les comités, ou rapportez encore l’article 6 de la déclaration des droits; car, assurément avec cet article, la loi ne serait plus la même pour tous, lorsqu’elle punirait. Après avoir traité ces principes d’éternelle justice, on rougit presque de descendre à des considérations politiques, je m’y arrêterai le moins qu’il me sera possible. J’observerai, avant de me livrer à cette discussion, que, s’il était aussi important qu’on veut bien le dire pour la chore publique, que les membres de la dynastie fussent privés de l’exercice des droits politiques, on pourrait s’étonner que les comités n’en eussent pas dit un mot dans leur premier objet, et que ce n’ait été qu’à l’occasion d’une motion incidente qu’ils se soient occupés d’un objet qui, suivant eux, intéresse aujourd’hui si essentiellement le bonheur de l’Empire. Le prétexte dont on se sert, pour faire refuser aux parents du roi les droits de citoyens français, est tiré de la loi qui les appelle éventuellement au trône; et M. le rapporteur en a conclu l’incompatibilité avec toute autre fonction. C’est là ce qu’on appelle des vu' s politiques. Quoiqu’il en soit, puisque c’est sur la possibilité d’un événement que les comités ont combiné leur système, le meilleur moyen rie l’apprécier 'est de chercher, le cas arrivant, quel roi on aurait préparé à la nation, par tant et de si rigoureu-es privations imposées aux membres de la dynastie. Quant à moi, dans cette supposition, "je vpis monter sur le trône un homme jusqu’alors étranger à la Constitution dont il devra être le défenseur et le gardien ; étranger aux intérêts du peuple dont vous l’avez créé le représentant; étranger à l’administration dont il sera le chef ; étranger à toute espèce d’occupation, quand il devra veiller à la sûreté d’un grand Empire et au bonheur de ceux qui l’habitent; étranger enfin à toutes connaissances et des choses et des hommes, quand il devra traiter des plus grands intérêts, et nommer aux emplois les plus importants. Mais, dit-on, les parents du roi auront mille moyens pour influencer les législatures, dans lesquelles ils auront lé droit de siéger. Messieurs, si le Corps législatif peut être influencé, ce sera bien plutôt par les ministres, qui ont constitutionnellement et par eux-mêmes le droit d’assister à vos séances, que par les membres de la famille royale, qui n’y viendront qu’éventuellement et par le vœu du peuple. Si vous supposez, d’ailleurs, dans les membres de la famille régnante des intentions criminelles, croyez-vous qu’étrangers au Corps législatif, ils y auraient moins de moyens d’intrigues, que si, dans le sein de la législature, ils y étaient contenus par les regards des hommes de bien qui y seront toujours en majorité. Ce qui se passe, en ce moment, peut vous éclairer sur l’avenir. Ce n’est 710 lAssemblée nationale.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. i2o août 1191.1 pas le membre patriote de la dynastie qui siège au milieu de nous, qui excite ici la fermentation qui ne se fait que trop sentir dans cette discussion. Ces considérations valent peut-être d’être pesées et comparées à celles que vous présentent vos comités; j’en ai d’autres encore à vous offrir, pour lesquelles je sollicite votre plus sérieuse attention. Ne craindrez-vous pas aussi, Messieurs, que cette apparente dégradation, colorée sous un titre vain, ne cache en effet une distinction généreuse, et que la vanité n’y trouve utie ressource? Partout où se rencontreront des hommes qui ilé seront pas les égaux des autres, il faudra que ceux-là soient au-dessus et au-dessous dé ceux-ci ; or, ceux qui ne seront pas citoyens ne seront pas les égaux des citoyens; cherchons donc quelle place leur assignera l’opinion. Je vois paraître a’abord les parents du roi, et, avec eùx, tous ceux qui auront obtenu l’affiliation à tout ordre au corps étranger qui supposerait des preuves de noblesse ou des distinctions de naissance. Comment ne pas apercevoir dans ces dispositions, le rétablissement d’une caste particulière, hors de la Constitution, il est vrai, mais existante dans l’Etat et par la Constitution ; une caste doet lés racines tiendront au trône, et dont lès branches couvriront encore la surface de l’Empire ; une caste enfin, qui s’honorera de ne pas fournir de citoyens à la patrie, comme jadis elles s’honoraient de ne remplir aucune profession utile. Je livre ces considérations à vos pensées, maië elles me suffisent pour me déterminer à Vous demander de restreindre au pritîce royal et au membre de la dynastie appelé pendant sa minorité à la régence, l’article qui vous est proposé pour tous les membres de cette famillé. Plusieurs membres : La question préalable sur l’article 1 M. Muguet de üfanthou. Si On demande la question préalable, je demande à proposer un amendement. M. lie Chapelier. Nous Soutenons que les membres de la famille du roi ne peuvent être revêtus d’aucune fonction politique, Pour justifier cette proposition, il ne faut s’occuper, ni de ce qui peut être utile aùx personnes, ni de leurs qualités morales, ni des éloges, ni du ressentiment, ni de la bienveillance que leur doit la nation; il ne faut songer qu’à la chose publique, aux besoins et aux avantages de tous les temps. D’abord, les principes veulent que les membres de la famille régnante, destinés â s’asseoir sur le trône et à r< mplir la première dignité, la seule héréditaire de l’Empire, ne puissent pas être choisis pour remplit1 aucun autre emploi politique. Ce n’est pas à un individu, ce n’est pas temporairement qu’est déléguée par la Constitution, la grande fonction dé porter la couronne; c’est une famille que la nation a choisie; c’est pour toujours qu’elle l’a choisie ; c’est jusqu’à l’extinction du dernier mâle qu’elle lui a délégué le haut emploi de régner; en lé lui déférant elle l’a séparé du reste des citoyens; elle lui a donné Une fonction exclusive, inaliénable, incompatible avec toutes les autres fonctions, qui fait que ceux qui en ont l’expectative, comme celui qui en est revêtu, doivent être privés des droits politiques. Toutes les réponses à faire à ceüx qui veulent, après le choix dont leur famille a été l’objet, être revêtus des places que les élections défèrent, s’asseoir et voter dans les élections représentatives, être ministres, ambassadeurs; toutes les réponses sont dans ce mot: ils sont déjà élué pour la plus haute des fonctions politiques; ilà. ont une fonction qui, quoique éventuelle, quoique éloignée d’eux quant à l’exercice, n’en est pas moins réelle, et qui est incompatible avec les autres fonctions, parce que la délégation qu’ils ont reçue, étant perpétuelle, les a mis hors de tout; ils ne sont plus citoyens éligibles; ils sont citoyens élus : c’est à ce dernier titre, c’est après cette élection de leur famille, c’est d’après cette consécration que nous avons faite d’elle, que nous leur donnons de grandes rentes apanagères* qu’ils se partagent entre leurs descendants; c’est parce que nous les avons pris tous pour remplir; l’un à défaut de l’autre, la dignité du trône, que nous leur prodiguons nos trésors. Eh! pourraient-ils en être enrichis et déserter la place que nous leur avons assignée par notre pacte social ! Pourraient-ils, couverts „ d’une honorable élection, en briguer d’autres dans nos assemblées populaires? Pourraient-ils, enfin, quand la Constitution leur a délégué une fonction à laquelle nul autre qu’eux ne peut prétendre, remplir parmi les citoyens des places d’administration ou toute autre? C’est faire une é i range ' théorie de la royauté, et avilir bien scandaleusement la dignité nationale, essentiellement liée à la dignité royale, que de parler des désavantages des membres de la famille du roi, et de présenter comme une dégradation, la haute part que ces individus ont reçue des droiis politiques à l’exclusion de tout autre exercice! Les peuples en créant la royauté, en considérant pour la tranquillité sociale qu’il valait mieux abandonner le choix des rois au hasard de la naissance que de livrer au tumulte des élections le besoin d’un souverain, n’ont sans doute pas entendu faire uniquement l’avantagé et l’illustration d’une famille ; ils ont voulu assUrei la paix parmi eux. Arrivés à ce point de leui* organisation social*, ils ont, suivant l’heureuse expression de Mirabeau, vu un gouffre ouvert devant eux ; une famille l’a comblé; et, pour prix du repos que la société acquérait, elle a donné à celte famile de grandes richesses, elle l’a investie de tout le lustre qui convenait à la dignité à laquelle elle fa appelée. On nomme cette réparation d’une famille faite par la volonté et pour le bonheur du peuple, une dégradation civile; on ambitionne encore quelque chose quand on est membre d’une famille à laquelle la nation a confié la fonction de régner héréditairement , et, dans l’établissement des droits politiques, on ne se trouve pas suffisamment doté par cette immense portion que l’on a reçue ! Sans s’en apercevoir on se réunit ainsi à ceux qui veulent avilir la royauté pour la détruire, et qui, dans leur incivique délire, placent un citoyen éligible au-dessus du représentant héréditaire de la nation et des citoyens élus pour le suppléer ! Est-ce par fidée de pouvoir opérer l’anéantissement d’un pouvoir constitué, d’un pouvoir salutaire auquel est attaché le repos d’un grand Empire; ou est-ce par un sentiment d’amour-propre qui porte à désirer les élections populaires; ou est-ce, enfin, pour pouvoir plus ariistement se former un parti et pour avoir une existence plus forte quand elle sera composée des droits au trône et de l’exercice des autres fonctions politiques? Il nous est défendu de nous prêter à cés divers sentiments; c’efet la chose [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 août lîPi.J "fl 4 publique qui nous est confiée; c'est un bon gouvernement qu’il nous faut établir ; c’est entre des dangers et des avantages que nous avons à opter; les citoyens élus pour régner héréditairement sont, sous cette qualité, très avantageux à la nation ; rendez compatibles la délégation dont ils sont investis et les autres délégations sociales, ils deviennent extrêmement dangereux. Parcourez les diverses fonctions qui pourraient être liées avec la fonction éventuelle à laquelle ils sont appelés; vous ne vous attendez pas qu’ils seront juges, administrateurs ; croyez qu’ils se rappelleront la grande dignité que la nation leur a départie pour mépriser en quelque sorte ces honneurs populaires, quand même ils seraient en état de mériter la confiance qu’on leur accorderait. Mais ils pourront être élus représentants du peuple ; peut-être ne dédaigneront-ils pas d’être les chefs d’une commune; peut-être même ils solliciteront des ambassades; ils seront peut-être minisires... Ai-je besoin de m’étendre sur les inconvénients que présente la délégation possible de ces fonctions dans les élections? Un homme qui peut parvenir au trône, qui est désigné pour y parvenir héréditairement, est quelquefois sans caractère, sans mœurs, sans capacité, et cependant un homme très subjuguant; il est aperçu non par ses talents, mais par sa seule personne; il attire à lui tous les suffrages sans être estimé ; il porte presque sur son front la distinction que la nation a donnée à sa famille: cherche-t-il à la faire oublier par son air populaire, il se rend plus séducteur; semble-t-il se la rappeler, il n’offre aux citoyens que des moyens d’obtenir leurs suffrages dans les assemblées représentatives. Prenez à votre choix pour y placer le membre de la famille du roi le moins propre à se créer un parti; il y en aura un, oü, ce qui est quelquefois la même chose, et ce qui plus souvent qu’on ne pense a de l’influence sur la chose publique, il passera pour en avoir un; il est remarqué; il a nécessairement du crédit; et il ne faut pas se le dissimuler, les hommes qui ont tout cela font cercle autour d’eux; et si cet homme avait du talent, et s’ils sont deux ou trois parents qui forment une coalition, pensez-vous que l’Assemblée législative ne sera pas extrêmement influencée par eux? Croyez-vous que la liberté et le gouvernement soient bien en sûreté dans les ambassades? Ils vous feront à loisir des pactes de famille et non des traités nationaux, des contrats :-er:rets portant échecs aux intérêts généraux. Dans le ministère, ils auront leur influence éventuelle et toutes celles de leurs fonctions, tous les moyens de crédit de leur place éventuelle et tous ceux de leurs parents; ils affaibliront, par là, la responsabilité à laquelle ils seront assujettis en sortant du ministère; suivis d’une minorité courageuse, ils ne reviendront pâs hommes privés; ils auront encore assez de puissance pour nuire à leurs adversaires. Même comme chefs de quelques communes, ils seront encore dangereux; il y aura des circonstances où il pourra leur importer d'être maire de Paris, et je demande si un membre de la famille du roi qui devient chef de la capitale du royaume, après avoir brigué cette place populaire en voulant la faire servir à ses projets, ne sera pas un individu extrêmement menaçant. Après ce tableau que j’abrège, veuillez distinguer de quel côté sont les principes de liberté et de gouvernement, et regardez bien ce qui est préférable, oü de rendre compatible avec la fonction éventuelle de régner, l'exérciCe dëd 4utN§ fonctions politiques, au péril devoir l’égalité détruite, et des factions sans Cesse renaissantes daiis les assemblées représentatives, et une usurpation de pouvoirs dans les places diplomatiques ét ipi-nistérielles; ou de laisser les membres de la famille du roi à la haute place que l’Assembléë nationale leur a assignée. Là, ils sont à leur! postes et n’en doivent, point cherche!* d’autres* ils sont assez remarqués de la nation pour avoir quelque intérêt â se montrer, par leurs Verttii, dignes delà fonction qu’ils pourront aVoif à remplir : là, il leur sera possible d’illustrer leu? jeune âge par des actions louables et de mérite? des couronnes civiques. Pour i’intérét de votre Constitution, pour jâ conservation de la fonction royale, repousse� loin né vous cette idée de dégradation qu’on vêtit attacher à la dignité héréditaire de votre Constitution ; faites respecter les basés de votre organisation sociale, et indiquez bien la hâuteur à laquelle vous avez placé la royauté et cëiix qui f sont appelés 1 C’est ce qui me fait Opiner poüruti titre politique, pour un titre connu dans l’Europe, qui ne soit pas repoussé par sa nouveauté et comme susceptible de ne pas remplir l’objet que vous devez vous proposer. Le décret que nous vous proposons est-il contraire â quelques-Uns de vos decrets? Je poëë éh fait que non. Plusieurs membres : Il y a un décret de question préalable. M. Martineau . J’en demande ie rapport, M. La Réveillère-Lépaux. Il est affreux qu’on vienne ainsi détruire la Constitution) par la versalité des avis des comités I M. Le Chapelier. Le décret que nous vous proposons est-il contraire à ceüx que vous avea rendus? Voix diverses : Oui ! oui ! — Non I non l M. Le Chapelier. Sur cela, Messieurs* je dis qu’il n’y a pas, quoi qu’on l’ait prétehdu* un seul décret qui S’oppose à la disposition que nous vous proposons; ce n’est pàs sûrement le décret qu’oft vous a cité, par lequel il est dit qu’il né peut ÿ avoir aucune distinction entre tous les citoyens } car, en raisonnant comme ceux qui vous ont cité ce décret, il faudrait dire aussi qu’il tie peut ÿ avoir de royauté. M. Lanjtiinals. C'ëst Une exception» M. Le Chamelier».., car c’ëst véritablement lé dire en d’autres termes. . Ou soutient que les membres de là famille du roi ne doivent t pas être exclus des fdpctiqni politiques (examinez que jè ne traite pas là qtièS-tion aü fond)* parce qü’ii eSt, écrit datlë VQtré Constitution qu’il ne peut exister aucune ..disk-tiuetion entre aucün citoyen, et que cë serait une distinction pour eux-Je réponds dtie même droit qui les appelle au trôné est lë draiç qui y a placé Louis Xvl; qu’âinsi, c’est précisément la même distinction, et qu’en leur .répondant: vous êtes déjà élus à une fonction poUthJijè» c’est leur faire la même réponse pour repousser leur prétendu argument résultant dés djftmctiûpf que si je disais : là royauté éât ühé aistmétiôn 712 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 août 1791. J dans l’ordre social; mais cette distinction politique a été jugée nécessaire à notre organisation ; comme nous croyons aussi, nous membres des comités, qu’il est nécessaire à notre sysième d’organisation sociale que vous ne remplissiez pas d’autre fonction politique que la fonction qui vous est déléguée de parvenir au trône, le réponds aussi : cela n’est pas plus contraire au décret qu’on vous a cité, et qui a été rendu lorsque nous avons discuté la résidence des fonctionnaires publics, lorsque nous avons interdit à quelques membres de la famille royale de sortir du royaume sans la permission du Corps législatif, et que nous les avons obligés de rentrer après une proclamation, sous peine d’être censés avoir abdiqué les fonctions auxquelles ils sont appelés. C’est alors que voulant séparer les membres de la famille du roi qui ne sont pas appelés si prochainement à remplir la fonction qui leur est déléguée par la Constitution nous avons proposé et l’Assemblée a décrété que ces autres membres de la famille du roi seraient soumis aux lois communes aux autres citoyens. Ce n’a pas été, comme je prie l’Assemblée de se le rappeler, une discussion sur les droits politiques des membres de la. famille du roi, ça été uniquement une disposition relative à la résidence des membres de la famille du roi dans le royaume; ainsi, cela n’a rien décidé sur la question ; ainsi l’objection ne me paraît pas solide : la question est toute neuve dans l’Assemblée. Je réponds ensuite à l’objection qu’on vient de faire, et qui, j’en conviens, a plus de solidité apparente, c’est la question préalable mise sur le titre de prince; je prie à cet égard de se rappeler que le comité de Constitution a dit qu’il eût désiré, pour obéir au décret de l’Assemblée, trouver un autre titre désignatif de la fonction à laquellesont appelés les individus de la famille du roi, mais que cela lui avait été impossible. 11 s’agit donc encore de savoir si l’on peut trouver un titre désignatif de cette fonction héréditaire à laquelle nous attachons un très grand intérêt pour nous, et, je le répète, nous n’en avons pas vu d’antre que celui que, par un premier mouvement, vous avez rejeté. Les comités n'ont pas pensé que jamais l’Assemblée pût se regarder liée autrement que par un décret positif et libellé; ils ont pensé que dans un ouvrage, dans la suite d'une loi, et dans une Assemblée délibérante, une loi n’est finie, n’est arrêtée définitivement que quand elle est parfaite; car, comme un article d’une loi ou d’un acte peut changer tellement les autres articles qu’il soit besoin d’v faire des modifications, si un article avait été adopté qui exigeât ces modifications-là, il ne serait pas raisonnable que l’Assemblée y vît une fin de non-recevoir résultant d’une décision qu’elle aurait prise avant de prendre sa détermination sur l’acte même. Le titre que nous proposons de donner aux membres de la dynastie n’est pas un titre féodal, mais bien un titre politique; il n’est pas dangereux, car le meilleur moyen d’empêcher des distinctions anéanties de se rétablir c’est de les déplacer; il ne blesse pas plus la liberté ni l’égalité que ne les blesse le titre de président donné à un membre d’un corps délibérant. On a prétendu que ce titre était une transaction avec quelques émigrants : je ne le sais pas, je ne le crois pas, ruais je le voudrais; je désirerais que ce titre politique, non féodal, non dangereux, pût ramener la paix et la tranquillité publique, et qu’à ce prix on voulût finir la Révolution 1 (Applaudissements dans quelques parties de V Assemblée ; murmures dans les tribunes publiques.) Je crois donc que la question préalable établie sur le titre de prince par un premier mouvement de l’Assemblée n’est pas une véritable fin de non-recevoir et c’est, ce me semble, une opinion partagée par quelques membres de l’Assemblée. Je dois dire encore, pour terminer mon opinion, que je suis cependant d’avis d’apporter une modification ..... Plusieurs membres : Ah! ah! M. he Chapelier ..... à l’avis des comités. Je crois avoir établi d’une manière irrésistible qu’il est contre les principes et contre l’utilité sociale que les membres de la famille du roi figurent dans les assemblées politiques et soient chargés d’autres fonctions politiques que celle à laquelle ils sont appelés; cependant ils peuvent avoir la qualité de citoyen actif. Je crois bien, et l’on pourrait appuyer ce système par beaucoup de raisons, que, dans la délégation même qui leur est faite, le droit de cité leur est donné, et comme ce droit de citoyen actif est un droit politique, on pourrait encore, si l’avantage de la nation le prescrivait, leur interdire les assemblées primaires ; mais, cependant, il faut convenir qu’ils doivent avoir non-seulement l’exercice du premier droit politique, mais même qu’ils en ont le devoir, et qu’ainsi ils doivent être assujettis à prêter le serment civique; d’ailleurs, s’ils sont exclus des fonctions politiques, ils ne doivent cependant pas être exclus d< s emplois qui ne sont pas exclusivement des fonctions politiques , comme par exemple de servir dans l’armée... Plusieurs membres : Ah ! ah ! M. l<e Chapelier... Ils doivent parvenir au commandement ou par leur ancienneté on par leurs talents, et pour cela il faut qu’ils aient le titre de citoyen actif. Je ne vous dis pas que je n’aperçoive encore quelques inconvénients attachés à l’accord que je fais du droit de citoyen actif aux membres de la famille du roi; je les vois encore dans une assemblée primaire faisant élire ceux qui leur sont attachés ; mais je crois le danger trop peu considérable pour nous occuper beaucoup, et je pense que, pour qu’ils prêtent le serment civique, afin qu’ils puissent entrer dans les armées et commander sur les vaisseaux, il faut leur accorder le droit de citoyen actif, et je prie que l’on conçoive le décret de manière que, quand ils seront citoyens actifs , et quand il sera reconnu qu’ils n’ont d’autre charge que la fonction qui leur est déléguée par la Constitution, non-seulement toutes les fonctions qui sont données par le peuple ne puissent pas être données aux membres de la famille royale, mais qu’aussi ils ne puissent être ni ministres, ni ambassadeurs, ce qui était compris dans la privation de la qualité de citoyen actif, pour laquelle les comités avaient d’abord opiné; car on ne peut prendre les ambassadeurs et les ministres que parmi les citoyens actifs, du moment qu’ils n’avaient pas cette qualité, ils ne pouvaient être ministres ou ambassadeurs. Hé bien, je demande qu’en leur accordant les droits de citoyen actif, et en disant qu’ils n’ont d’autres fonctions politiques que celle de succéder à la couronne, il leur serait également interdit d’être ambassadeurs et ministres. Voilà mon avis. M. Voldel. Messieurs, la demi*confidence que [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]25 août 1791.] 713 vous a faite hier le rapporteur du comité du révision, dans l’importante question qui s’alite, a été pour moi un trait de lumière qu’il est de mon devoir de vous communiquer. J’avais examiné avec une scrupuleuse attention le projet de l’acte constitutionnel, avant qu’il fût soumis à la discussion, et j’y avais remarqué avec surprise des changements importants sur plusieurs objets; tels que l’interdiction aux membres de l’Assemblée d’occuper, avant 4 années, aucune place à la nomination du gouvernement, l’obligation de choisir dans chaque département le nombre de représentants attribué à ce département, les réflexions sur la rééligibilité. Un esprit défiant aurait soupçonné dans cette marche rétrograde des vues d’ambtion, des projets de fortunes particulières; mais moi qui ai peine à penser que l'on puisse sacrifier à un vil intérêt personnel 2 années de travaux et de gloire, moi qui ne connais aucun dédommagement à la perte de l’estime publique, qui compte le devoir pour tout, la fortune pour ri< n , et qui, sur ces sentiments, juge des sédiments des autres ( Murmures au centra; applaudissements à gauche ), je me plaisais à ne voir dans les changements proposés ou médités que le désir d’améliorer, de porter même à la perfection, si elle était possible, la Constitution de l’Empire français et de la proposer avec orgueil à tous les peuples de la terre comme le plus Peau modèle de régénération. ( Rires à droite.) Ces changements d’ailleurs ne blessaient pas la morale, ils n’attaquaient ni les droits naturels et civils des citoyens, ni la gloire de la nation; et, dans la balance des inconvénients et des avantages qu’ils présentent, le comité aurait pu croire que ceux-ci remportaient sur ceux-là. Mais, dans l’article que le comité propose et qu’il soutient aujourd’hui, toutes les règles sont violées, toutes les convenances sacrifiées; je n’y vois que honte et danger sans nulle espèce de profit pour la nation. On cherche en vain à nous effrayer par le tableau des dangers que courrait la liberté publique, si les parents du roi, introduits dans nos assemblées politiques, y apportaient l’influe!: ce de leur droit éventuel; je ne crains qu’une chose dans ces assemblées, c’est l’abus des grands talents, joints à une grande ambition. Le prestige de la naissance s’est évanoui sans retour; un citoyen vraiment libre ne verra jamais, quoi que vous fassiez, dans un membre de la famille royale, que ce qu’il est lui-même; jusqu’à ce que ce membre soit arrivé au poste dont la Constitution a fermé l’entrée à tout autre, on ne verra dans le parent du roi que l’homme, que le citoyen; et il sera jugé avec d’autant plus de sévérité, que sa proximité du trône lui imposera plus qu’à tout autre le devoir d’aimer la patrie. Mais, ce me semble, Messieurs, ce n’est pus là le véritable état de la question; le comité ne craint pas, ou craint fort peu l’influence des parents du roi dans les assemblées nationales. Et la meilleure preuve qu’il ne la craint pas, c’e�t que, dans son premier projet, il n’v avait pas pensé. S’il donne actuellement une grande importance à cette question, il nous a laissé entrevoir les motifs, et je vais achever sa confidence. La plus grande partie des parents du roi sont sortis du royaume; on veut leur donner un moyen honnête pour eux d’y rentr r; la question tout entière est là, et elle n’est que là. {Applaudissements.) Je n’appuierai pas cette opinion par des nouvelles de société, par le bruit vrai ou faux d’une négociation entamée avec les fugitifs; je ne veux rien hasarder, je cherche et je trouve des preuves dans l’article même du comité, comparé avec l’intérêt de ceux pour lesquels il est fait. Personne en France ne croit sérieuement que les parents fugitifs du roi s’intéressent beaucoup à la prospérité de la nation; dans tout ce qu’ils font ou veulent faire, ils ne cherchent que leur intérêt personnel. ( Exclamations à droite. — A gauche: Oui ! oui 1) Payez leurs dettes, dispensez-les du serment civique, et rendez-leur le titre de prince, et certainement, ils seront bientôt de retour. ( Applaudissements dans les tribunes; murmures dans l'Assemblée.) Vous avez déjà dit, par un décret, que la nation ne payerait jamais les dettes d’aucun individu; mais vous avez dit aussi, par un autre décret, que les parents du roi ne porteraient pas le titre de prince; on vous propose de révoquer celui-ci, bientôt on vous proposerait de révoquer l’autre. Il est si vrai que l’article ne tient qu’au titre, que si vous le refusez constamment, comme je crois que vous le devez, l’article sera abandonné par le comité lui-même. A l’égard du serment, ils en sont affranchis par l’exclusion du droit de citoyen actif, et voilà le motif de l’exclusion... M. Démeunier, rapporteur. Je demande à interrompre un moment l’opinant pour déclarer : 1° que les comités n’ont jamais proposé ni songé de proposer qu’on payât les dettes des membres de la famille du roi ..... Un membre : Gela viendra! M. Démeunier, rapporteur. 2° qu’aucun membre des comités n’a jamais prétendu affranchir les membres de la famille du roi du serment civique. Je ne parle pas d’autres insinuations. M. Voidel, qui est du comité des recherches, devrait bien faire part à l’Assemblée des secrets qu’il a pu découvrir, au lieu de n’employer que des insinuations perfides contre les comités. {Applaudissements à droite et au centre.) M. de Croix. Je prie M. Voidel de nous donner les renseignements qu’il a obtenus. M. Voidel. Examinez, Messieurs, la conduite des fugitifs et voyez quel prix vous accorderiez à leur révolte : l’un d’eux a désobéi à votre sommation et vous ne l’avez pas puni; tous, depuis 2 ans, vous cherchent des assassins.... {Murmures et applaudissements.) M. Canjuinais. On enrôle ces assassins! M. Voidel... et vous les récompensez de la manière qui seule peut leur plaire, en leur donnant un titre que vous méprisez et qu’ils aiment, et en les privant d’une qualité qui vous e t précieuse et qu’ils détesie t. Depuis 2 ans, ils fatiguent toutes les cours de l’Europe de leurs cris impuissants et de leur haine sanguinaire contre la France; ils commencent à apercevoir l’inutilité de leurs efforts, et vous les craindriez! Mais songez donc que les princes étrangers ont intérêt à vous ménager, et qu’ils vous craignent {Rires à droite.); on ne se garantit pas avec plus de soin de la peste, 714 [Assemblée üaüonale.j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 août 1791.] qu’ils ne le sont de vos papiers : que serait-ce s’ils vous forçaient à y joindre vos armes; ils inoculeraient la liberté dans leur pays, par les moyens même qu’ils emploieraient pour attaquer la vôtie. J’entends sans cesse à la tribune les orateurs chercher des modèles de gouvernement chez nos voisins ; ne serait-il donc pas permis d’aller en chercher de courage et de grandeur chez ies peuples de l’antiquité? Rome ne fut point abattue par les plus grands revers; et la fureur obstinée de quelques rebelles vous ferait sacrifier ce qu’il y a de plus précieux pour une nation, les principes de son gouvernement! Quel exemple à donner à vos successeurs! Quel orgueil vous inspireriez à vos ennemis intérieurs, et extérieurs ! Voilà donc, diraient-ils, ce peuple si fier de sa Constitution ! dans b s premiers transports qu’inspire la liberté naissante, il ne sait pas en défendre les droits! que risquons-nous de l’attaquer? Il craint la guerre; il sacrifiera tout à la paix. Non, Messieurs, que l’Europe apprenne que la France ne compose pas avec des citoyens rebelles, et bientôt ils seront abandonnés. (. Applaudissements dans les tribunes.) Mais, a-t-on dit,, c’est pour affermir les principes de notre Constitution, c’est pour consacrer à perpétuité la destruction de la noîdesse, qu’il faut faire de la famille du roi une caste séparée. Mais on ne voit donc pas que c’est l’infaillible moyen de ressusciter ce corps que vous avez détruit. Si vous déclarez par une loi qu’il est honorable pour les parents du roi de n’être pas citoyens, tous ceux auxquels ce titre est en horreur, se feront une gloire d’y renoncer pour accepter quelqu’une de ces décorations étrangères qui leur seront alors prodiguées, qui les rapprocheront dp ceux que vous aurez voulu illustrer par ce honteux moyen, et qui ne les empêcheront pas de servir dans vos armées. Ainsi vous aurez, sans le vouloir, recréé un corps plus redoutable peut-être que le premier, et vous aurez détruit l’égalité en voulant l’affermir. Je demande donc la question préalable sur l’article du comité, et je propose d’ajouter celui-ci à la 3e section du chapitre 2 du titre 111 : « Le prince royal, son plus proche parent majeur, premier appelé à la régence, et celui auquel sera confié la garde du roi mineur, ne peuvent exercer aucun des droits de citoyen actif. » (Applaudissements.) M. Goupil-Préfeln. La base des difficultés que l’on a présentées hier contre le projet des comités tombe sur la confusion perpétuelle qu’on a faite ou voulu l'aire entre la qualité de citoyen et celle de citoyen actif. Les comités n’ont jamais pensé à ravir aux membres de la famille du roi la qualité de citoyens français: aujourd’hui même ils veulent leur accorder le droit de citoyens actifs. Ainsi, la question précise est de savoir s’il est dans l’ordre de nos convenances politiques, que les membres de la famille du roi, appelés à la succession éventuelle du trône, soient susceptibles des différentes fonctions déférées par l’élection du peuple. Dans cette question, il y a un premier principe qui est de distinguer ies droits politiques et les droits civils. Les uns appartiennent à chaque individu auxquels ils sont garantis par la loi; les autres appartiennent à la corporation nationale qui doit en faire la distribution suivant qu’il est nécessaire pour le bonheur public. Un second principe, c’est que ce n’est pas dégrader un citoyen, que de déclarer les fonctions incompatibles avec l’exercice d’autres dr oits politiques. Vous avez déjà des exemples multipliés de cette vérité dans votre Constitution; en effet, n’avez-vous pas décidé que tous les agents du pouvoir exécutif, révocables à volonté, que les percepteurs des impositions directes, que toutes les personnes attachées, tant à la maison qu’à la garde du roi, ne pourraient avoir place dans la législature? On n’a pas imaginé que vous ayez entendu par là dégrader toutes ces personnes. C’est déjà une réponse assez frappante aux adversaires du comité. Maintenant que la question est bien posée, il s’agit d’examiner s’il est de l’intérêt de la chose publique que les membres de la famille royale pui-sent entrer dans la législature, et qu’ils soient susceptibles des autres fonctions à la nomination du peuple. L’intérêt public nous dicte ici deux considérations : la première, le maintien de la liberté du Corps législatif, principale garantie de la liberté publique; la seconde le maintien de la liberté et de la sûreté du pouvoir exécutif, nécessaire aussi, quoi que quelques personnes en disent, à la liberté nationale. Or, rien ne me paraît plus contraire que de ne pas déclarer l’incompatibilité à l’égard des membres de la dynastie régnante. Pour le prouver, je fais une hypothèse très vraisemblable : Si, de plusieurs membres de la famille royale, l’un pouvait-être choisi maire de Paris, l’antre, commandant de la garde nationale, un troisième, président du département; un quatrième, membre delà législature, j’ose interpeller la conscience des membres de l’Assemblée, je vous demande si, ainsi distribués et coalisés ensemble par leurs vues ambitieuses et antipatriotiques, ils ne pourraient pas renverser la liberté du Corps législatif et la sûreté du trône, cette garantie essentielle de la liberté nationale. (Applaudissements.) Pardonnez-moi un moment de chaleur involontaire, je ne puis pas être insensible aux intérêts de la i atrie et aux dangers qui la menacent. Et vous nous dites après cela qu’on dégrade les membres de la famille royale. Comment, nous dégradons cette famille, quand nous la consacrons au service et au bonheur de la nation! Quelle idée avez-vous donc de la nation, de la dignité attachée à l’honneur de la servir, vous qui nous tenez un pareil langage? On vous uit que les membres de la famille royale ne seront jamais vos ennemis, et qu’en les mettant dans une classe à part, ils ne pourront rien faire de leurs talents, de leurs vertus. Et pourquoi, nous dit-on, ne seraient-ils pas employés par le pouvoir exécutif à toutes les fonctions dont il a la disposition? Quelles seraient les conséquences de ce système? Pourquoi ne verrions-nous pas de nouveau M. d’Orléans à la tête de nos flottes? (Rires et applaudissements à droite.) Pourquoi ne le reverrions-nous pas, dis-je, honoré de la confiance du roi, employé de nouveau à quelques négociations importantes en Angleterre et ailleurs? (Rires ironiques à droite. — Applaudissements au centre.) Pour répondre à ces objections, il faut se faire une idée juste du véritable état des personnes de la famille royale ; c’est ce que je dois approfondir. La distinction des pouvoirs est un des principes capitaux, et le principe le plus essentiel de votre Constitution ; mais s’il faut, d’un côté, que ces pouvoirs soient distincts, il faut qu’il y ait entre ces pouvoirs une correspondance, qu’ils aient des forces suffisantes poür leur conservation et leur [Assemblée natibhalè.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [â5 août 1791.] 715 maintien, pour Rüë chàcüu d’eux puisse rëpoüB-ser et réprimer les abus que l’autre pouvoir pourrait commettre. Tel le èst, Messieurs, là seule bûünë théorië d’ün gouvernement libre. Vous l’avez cette théorie : lé pouvoir exécutif est investi d’üri pouvoir; d’une surveillance sür leB écarts qui pourraient arriver au Corps législatif, c’est ce qui résulte du droit de sanction; le pouvoir législatif doit avoir aüssi une autorité nécessaire polir se maintenir, pour se rendre respectable, pour rendre son action efficace, pour réprimer les abus, les icarts du pouvoir exécutif à tél degré qüe ce soit. Ainsi les membres du Corps législatif doivent être continuellement destinés à surveiller le pouvoir exécutif et ses agents, et à conserver l’intégrité de la liberté nationale. Quelle est donc, d’après cela, la vocation politique que la Constitution donne «aux membres de la famille royale? Ils ne doivent pas abandonner la caüse du pouvoir auquel ils appartiennent pour siéger dans le Corps législatif. Ils sont faits pour être les défenseurs, les conseillers ét les assistants du pouvoir exécutif ; qu’ils s’attachent donc à bien remplir cette vocation, ils peuveht y trouver de grandes occasions de servir la patrie; ils n’auront pas besoin pour cela d'être environnés d’une troupe d’adulateurs, d’une tourbe de factieux, ni d’obtenir l’assentiment de nombreux clubs. ( Murmures à l'eictrême gauche. Ils peuvent éclairer le roi sür les manœuvres des ministres : c’est ainsi qu’ils peuvent Servir là nation dans ses intérêts les plüs précieux, et ils ne seront pas dégrâdés pour Cela. Un profond politique anglais à dit que, quand une ihondrchie héréditaire était établie chez une nation libre, la famille royale était sacrifiée à la conservation de la liberté de toutes les autres familles qui composent la nation. (Applaudissements.) Et l’on croit éluder cette obligation par une déclaràiion que je né qualifie pas de rénonciation. Eh bien, qu’on apprenne de moi, puisqu’on a voulu l’ignorer, que cette renonciation ne pouvait pas être faite, qu’elle ne pouvait être acceptée, parce que l’on né peut renoncer, en droit public, non plüs qu'en droit privé, à un droit qui n’est pas oüvërt. (Murmures.) D’ailleurs une telle renonciation, si elle n’était pas impossible, serait immorale. Et qü*o;l réfléchisse surtout que, s'il était possible que Cette renonciation fût autre chose qu’üné vaine chimère par laquelle but vèüt capter quelqües minutes de popularité, on vous aurait dit franchement : « C’est parce que ma naissance m’appelait à être le conseiller du trôné que j’ai reçu de la munificence de la nation des rentes apanagères, que je suis comblé de grâces et de fortuné: mais je préfère le litre de citoyen fiançais à tout autre, je renonce à tout ce que le hasard de la naissance m’attribue comme membre de là famille régnante, je ne Veux plus d’un palais qui appartient à la nation; je ne veux plus de 4 millions pour payer mes créanciers particuliers. (Rires et applaudissements à droite.) Ceci me conduit à examiner si vous ne devez pas donner aux membres de la famille du roi qui peuvent être appelés à succéder à la couronne, un titre qui caractérise la distinction que vous leur donnez par la Constitution, et quel sera le titre qu’il convient de leur donner. Or, sur la première notion qui est indubitable, et et j’ose dire de la sphère de sens commun, c’est que partout où il existe une chose importante et remarquable, il faut nécessairement Un mot pour ëxprimëf bette chose. On üe me disputera pâli non plüs que le droit de Succéder à la couronne ne soit une chose bien remarquable et bien importante. Il faut donc guelfes pérsbiineé qüi ébiit appelées à la succession àü trône soient distinguées. Il faut doric leur donner un titre. JelitiU (Rires ironiques à l'extrême gauche) ëii proposant des amendements âu projet de décl’étel* la question qiii vous est soürhise ëii bes terthëé : « Les membres de jà lamillë du roi,, étant seuls appelés à Une dignité héréditaire, formeront une classe distinguée de citoyëris... Un membre : Àh ! üne classé ! M. Goiipil-Préfelit. « Lë droit de |eür naissance leur donnera, târit qü’ils seront doùiiciliëé dans le royaume, (a quali té de citoyëbs actifs J néanmoins, ils ne seront (Rires.) pas susceptibles de toutes les fonctions, places et emplbis dépën-dant de l’éleelion du peuple. « Les actes par lesquels seront légàlëpîënt constatés leur naissance, inariagô où décès, seront présentés au Cbrps législatif, qüi eh ordonnera le dépôt dans ses archivés. « lis porteront lë tilre de... ce qu’il voué plaira. » (Rires.) M. Rewbëll. Aux voix l’amendemënt : ce qû'il vous plaira ! M. Robespier�fe. Je remarque qüé l’on s’occupe trop des intérêts particuliers et hon p;ià assez de l’intérêt national; je crois que, pbur donner une basé certaine à cëtte délibération, Si faut bien saisir l’ësprit de là loi gui vous ëtt proposée. Il n’est pas vrai qu’on vëbilie dégradèf les parents dli roi ; mais l’effet de là loi, pal rapport aux parents du roi, doit être nécessairement différent suivant leurs principes et léüb màniêrë de voir: il est évident que ceux qui estiment exclusivement les titres dont l’orgueil des grands së nourrissait jusqu’ici ne peuvent voir une dégradation dans üüë loi qui les dispense dë ië ranger dans la classe commune des citoyens, qüi les élève au-dessus de la qualité de citoyen ; là privation de la qualité de citoyen ne peut être considérée comm ■ une peine que par celui qui sait en sentir la dignité et en apprécier les droite Je ne crois pas non Plus, Messieurs, que l’intention de l’article soit d’écartet I’inflüënce dangêreusë des parents du roi : la preuve ën est que l’article tout entier est évidemment fait pour eux; là preuve en est qu’on n’appuie point les motifs pour lesquels on les prive du droit dë citoyen actif sur les dangers dont ils pourraient menacer la chose publique, mais sür là distànce honorifique qui sénare la famille du roi de toutes lés autres familles; la preuve ën est qu’on Veüt pouf les parents du foi un titre extraordinairement distingué, qui les séparedë toUS tescitdÿëfiS. L’article ainsi conçu, il est question de le rapprocher de l’inté êt public et de la Constitution. Messieurs, dans tout État, il n’y a qu’un seul prince ; c’est le chef du gouvernement : en France il n’y a qu’un prince, le roi. Un membre : Et le prince royal? M. Rewbell. Il est son suppléant. M. Robespierre, je dis que le mot prince dans cë sens n’a qu’une sigmiicatioü raisbnUablé ét ànàloguë àvëc l'é prideipé général, très éütn- 716 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 août 1791.) patible par conséquent avec les principes de la liberté et de l’égalité : an contraire, si vous l’appliquez dans un autre sens, ce n’est plus l’expression d’une fonction publique; ce n’est plus un titre national ; c’est un titre de distinction particulière; et parmi vous ce titre rappellerait l’esprit féodal, puisque jusqu’ici parmi nous le titre de rince et autres appartenant aux ci-devant noies avaient la même origine et étaient fondés sur le même préjugé. Pour moi, Messieurs, je ne puis m’étonner assez de l’embarras que trouvent les comités à nommer les parents ou roi ; je ne puis concevoir qu’ils attachent assez d’importance à cet objet pour vous engager à révoquer vous-mêmes un décret que vous avez rendu à une grande majorité ; pour moi, il me semble qu’il n’y a rien de si aisé, et que les parents du roi sont tout simplement les parents du roi. (Rires.) Je ne conçois pas non plus comment les comités, dans leurs principes, ont pu croire qu’il existât un nom au-dessujs de celui-là ; car d’après les hautes idées qu’ils ont pu se former de tout ce qui touche à la royauté et au roi, il est évident qu’ils ne peuvent pas reconnaîlre de titre plus éminent que celui de parents du roi. Jecrois donc que ( Assemblée peut se dispenser de délibérer longtemps sur cet objet ; je crois même que l’Europe sera étonnée d’apprendre que, dans cette époque de sa carrière, l’une des délibérations de l’Assemb'ée à laquelle on ait attaché le plus d’importance, a eu pour objet de donner aux parents du roi le titre de princes. Les comités vous proposent d’élever les parents du roi au-dessus des autres citoyens en leur ôtant l’exercice des droits de citoyens. Messieurs, dès qu’un homme est retranché de la classe des citoyens actifs, précisément parce qu’il fait partie d’une caste distinguée, alors il v a dans l’Etat des hommes au-dessus des citoyens, alors le titre de citoyen est avili, et il n’est plus vrai pour un tel peuple que la plus précieuse de toutes les qualités soit celle de citoyen ; alors tout principe d’énergie, tout principe de respect pour les droits de l’homme et du citoyen est anéanti, et les idées dominantes sont celles de supériorité, de distinction, de vanité et d’orgueil. Ainsi, sous ce rapport, la proposit on des comités avilit la nation, et il n’est pas vrai qu’elle honore le trône ; il ne peut pas avoir une gloire, un éclat fondé sur les préjugés, mais sur la nature même des choses ; l’éclat du trône c’est la puissance légale et constitutionnelle dont il est investi; c’est le devoir imposé au monarque de faire respecter les lois; c’est ensuite et secondairement les vertus et les talents du monarque : toute autre illustration est fondée sur les préjugés; elle est indigne d’occuper l’Assemblée nationale ou plutôt elle ne peut s’en occuper que pour la prescrire avec dédain. (Applaudissements à l'extrême gauche.) Si j’examine la base sur laquelle les comités appuient celle disiinction à la l'ois imm orale et impolitique, il n’est pas difficile d’apercevoir qu’elle ne porte absolument sur rien. Lescomit s vous ont dit : les par nts du roi ont des droits qui n’appartiennent à aucune autre famille; donc il faut déclarer que la famille du roi forme une classe distincte de citoyens ; donc il faut l’élever au-dessus des autres citoyens nar un ti're particulier qui exprime leur distinction et leur grandeur. Je dis, Messieurs, que le motif de la loi ne peut entraîner de pareilles conséquences. La famille du roi est distinguée des autres, mais sous le seul rapport de l’intérêt général, qui vous a paru exiger que la loi désignât un s�ule famille dont les membres succéderaient à leur tourau trône pourprévenir ledangerdesélections. Voilà où se trouve la distinction de la famille royale; elle n’est pas dans une loi particulière qui n’est point un privilège pour elle, mais dans une loi établie pour l’intérêt général, et c’est violer à la fois et l’objet et l’e-prit de la loi que de vouloir fonder sur celte distinction particulière une distinction générale qui ferait considérer la famille royale, comme une caste distinguée �ous tous les rapports de toutes les autres familles ; les principes de l’égalité et de la Constitution exigent au contraire que cette distinction soit renfermée très strictement dans les termes précis de la loi. D’ailleurs, Messieurs, il est une observation importante qui tient au premier principe de cette question; c’est qu’il n’estpas possible de regarder les membres de la famille du roi, qui n’exercent point actuellement les fonctions auxquelles ils sont appelés éventuellement par la Constitution, comme des fonctionnaires publics déjà revêtus d’une autorité spéciale; ce droit est incertain, il est éventuel, il n’existe point pour eux; il n’existe point jusqu’à ce que le moment fixé par la loi soit arrivé; jusque-là ils sont des citoyens qui peuvent être un jour appelés à la royauté; mais jusqu’à ce que ce jour soit arrivé, ils ne sont pas des fonctionnaires publies, ne sont point des magistrats suprêmes; ils ne sont que de simples citoyens. Or, comment voudriez-vous, sur cette distinction éventuelle, qui est aux yeux des lois et des principes comme si elle n’existait pas tant qu’elle n’est pas réalisée par l’événement; comment, dis-je, sur cette faculté future et incertaine, voudriez-vous établir une exclusion actuelle et permanente à l’exercice des droits de citoyens? J’ai déjà dit qu’une pareille distinction avilissait en général la nation. Il est facile d’apprécier cette réflexion par une considération particulière. Quoi qu’on ait dit, il est certain qu’on ne peut pas impunément déclarer qu’il existe en France une famille quelconque élevée au-dessus des autres; vous ne pouvez pas le faire sans réchauffer pour ainsi dire le germe de la noblesse, détruit par vos décrets, mais qui n’est point encore détruit da is les esprits, et que beaucoup de personnes, comme vous ne pouvez l’ignorer, désireraient voir revivre; il me paraît évident que, lorsque nous serons accoutumés à voir l’éga'ité des familles et des citoyens violée en un point, nous serons beaucoup moins révoltés de la voir violée dans un autre point; il me semble que, lorsque nous serons familiarisés avec l’idée que la famille qui occupait le premier rang dans l’ordre de la noblesse conserve une distinction si extraordinaire, nous serons moins choqués de voir des familles distinguées par leur naissance et leur grandeur prétendre aussi à être distingués, nous serons moins étonnés de les voir reprendre hauteme >t les litres honorifiques proscrits par la Constitution. Ainsi nous verrons cette famille unique rester au milieu de no, s co : me la racine indestrncti-be de la noblesse, s'attacher aux nobles, s'allier avec eux, caresser leur orgueil, au point que bientôt i! se formera entre toutes les famill; s, qui regrettent leurs anciennes prérogatives, un : ligue formidable contre l’égalité et contre les vrais principes de la Constitution, dont l’altération, augmentant graduellement en proportion de la diminution de l’influence de l’opinion pu- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIKES. [25 août 1791.] 71 7 blique, et à mesure qu’on verra augmenter l’in-flence du gouvernement et de c»ux qui tenaient jadis le premier rang dans l’Etat, ramènera bientôt la noblesse et les autres distinctions au milieu de nous p esque sans que nous nous en fussions aperçus, mais d’une manière si formidable qu’il serait impossible d’arrêter les progrès de ces dépravations des principes de notre Constitution. Il est si vrai, Messieurs, que le maintien de l’égalité politique et civile exige qu’il n’exi>te point dans l’Etat de familles distinguées, que, chez les peuples modernes mêmes où il y a eu quelque idée d’égalité, on s’est appliqué constamment à empêcher une pareille institution; je vous citerai l'Angleterre. En Angleterre, les membres de la famille du roi forment-ils, comme on veut vous le faire décréter, une famille distinguée des autres citoyens? (Murmures.) Je ne parle point du titre de priuce, car c’est là une de ces mauvaises intitutions, que je combats; je parle d’une loi plus importante, qui existe en Anglerre; je dis que les membres de la famille du roi sont, comme les autres nobles, membres de la Chambre des pairs. (Murmures.) Un membre : Ils sont donc nobles, puisqu’ils sont de la Chambre des pairs? Plusieurs membres : Vous n’y connaissez rien 1 M. Démeunier, rapporteur. Je demande à répondre. Plusieurs membres : Non ! non ! M. Robespierre. Je citerai un exemple plus frappant. Dans le pays où la noblesse, jouissant, exclusivement du droit politique, forme à elle seule la nation, elle n’a pas voulu la distinction de famille; je citerai la Bohême et la Hongrie, parce qu’elles ont senti que, si une famille était distinguée des autres, l’égalité des membres du souverain était violée, et qu'elle serait le germe d’une aristocratie nouvelle au sein de l’aristocratie même... (Murmures.) Un membre s’approche du ministre de l’intérieur et lui parie quelques instants. M. l’abbé Colaud de La Salcette. Je demande une motion d’ordre : c’est que MM. les ministres ne viennent pas ici tenir leur audience. (Murmures. Applaudissements à gauche.) Je dis que les députés ne doivent pas profiter du moment où les ministres sont dans l’Assemblée pour solliciter. (Applaudissements.) M. le Président. J’exhorte les membres de cette Assemblée à s’abstenir de parler aux ministres pendant la séance. M. Robespierre. Ce que je viens de dire au sujet de la Bohême et de la Hongrie s’applique évidemment à la France. Les comités, s’ils avaient conçu cette crainte, auraient cherché à en tarir la source; ils ne peuvent ignorer que le moyen de donner lieu à toutes les iufluenes dangereuses c’est d’attaquer les principes de l’égalité: c’est de porter un coup funeste à la Constitution ; ils devaient, par conséquent, s’abstenir de proposer à l’Assemblée une loi qui distingue une famille de tontes les autres. (Violents murmures.) Je renonce donc au projet de développer mon opinion. (Violents murmures .) Je suis fâché de voir que je n’ai pas eu la liberté de vous l’énoncer... (Bruit.) Un membre : Il y a une heure que vous parlez; concluez. M. Robespierre. Je suis fâché aussi de* l’avoir développée d’une manière qui a pu offenser quelques personnes, mais je prie l’Assemblée de considérer avec quel désavantage ceux qui soutiennent les principes que j’ai défendus émettent leurs opinions dans cette tribune. Je crois que l’amour de la paix, motif dont on s'est servi pour l’émouvoir, doit engager à désirer, du moins, que ceux qui ont adopté des opinions contraires à la mienne et à celle d’une partie des membres de cette Assemblée veuillent bien se dispenser de présenter toujours nos opinions comme tendant à avilir la royauté, comme étrangères au bien public, comme si, dans le moment actuel, il ne nous était pas permis, sans être malintentionnés, de professer encore les opinions que nos adversaires ont eux-mêmes soutenues dans cette Assemblée 1 (Applaudissements à l’extrême gauche.) M. Rwderer. Il y a 2 questions qu’il faut séparer. Les membres de la famille royale porteront-ils le litre de prince? Ensuite, aiiront-ils le droit de citoyens français?... M. Lanjuinais. Ou, si vous voulez : rétablira-t-on la noblesse, oui ou non ? Voilà la véritable question. M. Rœderer. Il est important de séparer ces 2 questions et d’émettre un vœu distinct sur chacune d’elles. Il ne faut pas s’engager, ce me s mble, dans de très longues discussions pour parvenir à un résultat conforme à 3 de vos décrets constitutionnels. Le premier est celui d’abord qui déiruit la qualité de prince; le second est celui qui dit qu’il n’y aura plus de titre sans fonction, et qui détruit toute dénomination féodale; le troisième est celui qui détermine qu'il y aura égalité, unité parfaite entre tous les citoyens. Le titre de prince ne peut être applicable qu’aux fonctions du roi ; tout autre titre est un titre sans fonction, un titre féodal, supprimé par vos propres décrets. D’un autre côté, nous n’avons qu’un homme dans la monarchie qui soit déclaré inviolable: c’est le roi; tous les autres doivent donc être punis des mêmes peines. (Murmures.) Je demande qu’on achève de discuter la première question, celle de savoir si les parents du roi seront appelés princes ou non et qu’ensuite 00 aille aux voix sur cette question. (Applaudissements.) M. Rarnave. Lorsque j’examine cette question et une partie des moyens qui ont été jusqu’à présent proposés pour la refondre, il me semble que la Constitution se ferait bien mieux et bien plus rapidement, si elle ne se faisait pas dans un temps de révolution ; car si on avait retranché de cette discussion tout ce qui y est essentiellement étranger, tout ce qui ne porte pas sur l’intérêt constitutionnel, mais sur l’intérêt du moment, et sur celui des personnes; on l’aurait infiniment abrégée : c’est aussi ce que je me propose de faire exclusivement; car, s’il le fallait, je ne manquerais pas de moyens pour prouver ÎJB {Àsseipafch't ü�oqftte.] �|\GHIVE8 PARLEMENTAIRES. (2S août 1791.1 que, dans l’ordre révolutionnaire, il existe des réponses à toutes les attaques. Si quelques opinants, qui connaissent fort bien ta fausseié de ce qu’ils avancent, disent que c’est pour faire rentier certaines personnes que les comités proposent le décret, on peut leur répondre, avec au moins autant de vraisemblance, que c’est pour empêcher certaines personnes de rentrer que l’on s’oppose au décret, (4pplaudis§emertts.) 11 est donc reconnu par cela seul que c’est abstraction faite de toutes circonstances, que c’est dans la Constitution, dans l'intérêt permanent et nqu dans l’intérêt actuel de la nation et non dans ses passions momentanées, qu’il faut chercher la solution de la question. On a dit que les principes constitutionnels déjà posés et les articles décrétés s’opposaient à la proposition des comités : 1° parce que nous gavons pas le droit d’ôter les droits politiques | quelques membres d’une famille; 2Q parce que nous pe pouvions pas établir une inégalité qui répugnait à nos principes consacrés. L’une et ï’àutre de ces objections s’anéantit du moment qu’on veut bien les considérer d’un coup d’œil impartial* ( Murmtives à l'extrême gauche.) Je ne m’étendrai pas dans des discussions aussi fécondes que démonstratives pour prouver que les droits politiques appartiennent à la société et non à des individus; je prends la règle de l’Assemblée nationale dans son propre exemple, dans ses décrets. Il s’ayit exclusivement, car j’embrasse l’opinion déjà proposée par M. Le Chapelier, il s’agit de jpger une question d’éligibilité ; savoir, si une qualité déjà existante dans un individu, et à lui attribuée par la Constitution, le rend ou ne le rend pas inéligible. Or, comme déjà vous avez prononcé de ces incompatibilités, que vous avez toujours pensé que c’était l’intérêt national qui devait nous guider à cet égard, et non l’intérêt de quelques individus éligibles ou non éligibles, et que dans les cas où vous avez prononcé l’inégibilité, elle était beaucoup moins importante et beaucoup moins nécessaire que dans Je cas actuel, il me semble qu’il n’y a point inconséquence à la Constitution, mais conséquence à la Constitution, à la décréter dans le cas actuel. Quant à la distinction qu’on nous reproche, on PC considère pas que ce n'est pas ta chose qu’on nous reproche, car elle est déjà faite, c’est la dénomination. Qn a déjà décrété que le gouvernement était monarchique, qu’il passerait héréditairement à tous les membres d’une famille, que celui par conséquent qui aurait un droit éypqmelà la couronne, serait appelé parla Constitution à remplacer le roi, dans certaines données; donc on a établi en eux cette qualité inhérente et constitutionnelle que l’on peut bien appeler, si l’on veut, une distinction, mais qui est déjà déclarée inhérente au gouvernement, qui n’est pas aristocratique, qui est politique, qui n’est point féodale, car tout ce qui est féodal est jlhoii, qui est monarchique, inhérente et inséparable de la monarchie. Qù est donc actuellement la question? Est-ce dans la chose? Non, car la qbose est décidée ; c’est donc dans la dénomination. U est parfaitement reconnu que les membres de la famille royale ont un droit éventuel au trône ; c’est une quaJité en eux, c’est une qualité importante, c’est une qualité constitutionnelle : il faut un mot pour l’exprimer, cette qualité-là. Nous avions cru que le mot que nous avions présenté était Je meilleur; vous l’avez rejeté par une question préalable. C’est à vous de décider aujourd’hui si la fin de non-recevoir qui résulte de cette question préalable, doit l’emporter sur l’évidence de la chose et alors vous mettrez un autre nom, ou bien si vous voulez révoquer le décret et rétablir ce mot-là. Ces fragiles arguments détruits, voici la véritable question; et remarquez que, de quelques grands mots qu’on environne les questions politiques, le véritable but est toujours l’intérêt national; c’est toujours là, en définitive, le grand régulateur de ceux qui font la loi. Or, je soutiens qu’il y a un très grand intérêt national, pour la paix publique et pour la liberté, à ce que les membres de la famille royale ne soient pas éligibles. Je pose deux hypothèses : tous les membres de la famille du roi qui seront élus, seront pour le roi, ou ils seront contre le roi. Je commence par déclarer que je crois qu’ils seront presque toujours pour le roi ; car si, dans des troubles, il se forme facilement des combinaisons différentes, en général dans les temps paisibles, il y a un intérêt immense pour les membres de la famille du roi, à agrandir sa prérogative, à augmenter le pouvoir royal. Je ne parle pas de la succession à la couronne, qui est irès éloignée ettrès peu vraisemblable pour quelques-uns d’entre eux; mais c’est que plus la couronne acquiert d’éclat, plus les membres de la famille royale acquièrent de puissance et de grandeur; plus le gouvernement est despotique, plus les princes du sang sont grands seigneurs, plus ils ont de facilité d’acquérir des richesses par leur crédit à la cour, plus ils sont environnés de considération à raison de la plus grande étendue du pouvoir qu’ils peuvent un jour exercer, et auquel au moins ils participent par les liens du sang. Il est donc vrai qu’il y a un très grand intérêt pour les membres de la famille royale à cette grande prérogative, et qu’aucun autre intérêt, même dans les temps ordinaires, ne peut être mis par eux à côté de celui-là. Ils ont intérêt à agrandir la prérogative contre la liberté; auront-ils les moyens, auront-ils la facilité de le Ldre? Je demande ici si quelqu’un en doute sérieusement; je demande si l’on ignore que, dans les temps paisibles, où ce ne sera plus l’impétuosité de la liberté qui régnera sur les esprits, comme aujourd’hui, et où bien d’autres passions plus molles et plus séductrices viendront se mêler; je demande si les membres de la famille royale, avec l’éclat de leur naissance, tout le crédit qui les environne, et une très grande fortune en général, ne sont pas à peu près certains de se faire élire, quand its le voudront, aux places populaires; je demande si, portés par l’élection à ces places, ils n’y exerceront pas le double pouvoir de la place et de l’homme, s’ils n’ajouteront pas à l’influence que ces places leur donneront pour servir leur intérêt dominant, l’intérêt de la royauté, tout ce pouvoir que leur donnera l’homme, c’est-à-dire l’atmosphère dont ils sont environnés, c’est-à-dire tous les moyens d’aGqué-rir les partisans que donnent aux hommes de marque un grand pouvoir actuel et un grand pouvoir à venir. 11 est donc vrai que, dans les places publiques, ils exerceront une très grande influence, qu’ils auront une très grande facilité à s’y faire porter, qu’ils les occuperont en graüd nombre. Alors, coalisés entre eux et coalisant par conséquent le pouvoir dont ils seront dépositaires, coalisés de plus avec la puissance royale qui ne i fera qu’un avec eux, parce qu’ils n’auront qu’un [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARl>El)IENTAIRES> [25 aot*t 1794,] ||0 même intérêt, je demande s’ils seront ou s’ils ne seront pas redoutables pour la liberté? Remarquez, Messieurs, que ces réunions-là sont dangereuses, parce qu’elles sont établies, parce qu’elles se portent sur un intérêt permanent et qui ne change pas ; que d’autres individus, indépendamment de ce qu’ils n’auraient jamais la puissance de prince, réunissent entre eux mille intérêts qui les divisent sans cesse, mais que ceux-là seront toujours unis, parce que l’intérêt sera toujours commun, et la ligue sera toujours réunie au pouvoir exécutif, parce que cet intérêt commun sera le même que celui du pouvoir exécutif. Il est donc parfaitement clair que cette influence-là deviendra dangereuse. Et quand on dit : s’ils sont hors des places, ils exerceront une autre influence secrète et corruptrice; d’abord cette influence secrète n’est pas la plus grande dans un pays où tout est public, et où la popularité est toujours la première base de la puissance; ensuite cette influence secréte, ils l’auront toujours, et même plus grande, quand ils seront dans les places électives, à raison des moyens plus grands qu’ils auront pour faire du bien ou du mal. A l’influence personnelle des richesses et de l’intrigue, se réunit l’influence plus étendue des grandes places, de plusieurs grands personnages qui ont intérêt à les diriger vers le même but. Il est certain que tous les moyens se trouvent en eux pour étendre la prérogative royale, et par conséquent avancer la chute de la liberté. Voyons donc si ces dangers-là sont compensés par les avantages qu’on espère de la part des princes qui pourraient se ranger dans le parti contraire à la cour. Je nie que ces avantages -là existent; je dis que le parti du peuple est beaucoup plus fort et beaucoup moins suspect, quand il, ne paraît à toute la nation porter que sur des intérêts généraux et purs, et que le parti du peuple s’affaiblit, qu’il peut même se dégrader en apparence, et qu’il se dégrade toujours aux yeux du plus grand nombre ; qu’il prend toute l’apparence d’une faction, quand il se trouve mêlé avec des intérêts qui, tenant à la personne, sont toujours plutôt l’objet de l’attention et des réflexions particulières, que des intérêts généraux auxquels on n’aime p is beaucoup à croire. Je dis donc que, quand la Constitution est faite, le parti du peuple ne se fortifie pas de l’influence des princes. Ce n’est pas eux qui soutiennent le parti du peuple, mais bien le peuple qui soutient leur parti; et, à cet inconvénient, se joint celui-ci, c’est que, véritablement, sous le nom de parti du peuple, se mêlent des intérêts privés tendant aux plus grands dangers pour le gouvernement, au mal que la Constitution monarchique est essentiellement déterminée à prévenir, je veux dire au changement dans les dynasties, au changement dans l’occupation de la première place. Le principe fondamental du gouvernement monarchique, c’est la stabilité, c’est la tranquillité. La nation a voulu, pour cet avantage-là, renoncer aux avantages possibles qui pourraient résulter des vertus personnelles, de la capacité personnelle d’un petit nombre de personnnes, et de même que, par notre gouvernement, on n’a pas besoin que des qualités éminentes résident dans la personne qui occupe la première place, de même on aime mieux, dans notre Constitution!, la paix et la stabilité, que les services que peut-être on pourrait recevoir dans quelques assemblées populaires d’un petit nombre de membres de la famille royale. Il faut toujours en revenir aux principes de la Onn-ditutiqn,* à la manière dont la Constitution veut rendre le peuple heureux; car quand on cherche à rendre le peuple heureux par d’autres moyens, il est extrêmement à craindre qu’il ne perde les moyens plus réels que la Constitution avait choisis, fl me semble donc que, loin que dans les assemblées publiques la popularité de quelques princes pût balancer, pour la nation, le monarchisme de quelques autres, ceux-là seraient presque toujours aussi menaçants pour la paix publique que les autres pour la liberté, En général il ne faut pas remettre les intérêts com? muns entre les mains de ceux qu’uu grand intérêt personnel paraît devoir animer plus puissamment que l'intérêt national. Vous avez prononcé, Messieurs, diverses incompatibilités ; vous avez établi que toutes les places du pouvoir exécutif étaient incompatibles avec la législature : or, je demande s’il est une seule de ces places-là qui constitue un intérêt personnel aussi réel que celui de membre de lq famille royale ; car, enfin tout homme qui exerce un pouvoir exécutif, s’il était dans le Corps iégisr lalif, aurait l’idée qu’en se faisant une réputation il acquerra quelque chose de supérieur à la place de pouvoir exécutif, et par-là il serait choqué d’un petit intérêt par un grand intérêt ; mais le membre de la famille royale ne peut pas çon-- naitre un autre intérêt supérieur pour lui à celui de l’agrandissement et de l’augmentation des pouvoirs de la place que la Constitution lui a attribuée, et de celle que la Constitution lui a fait attendre. Il est donc vrai que, si rincpmpatibilité était raisonnable dans les cas où vous l’avez prononcée, elle est absolument indispensable dans le cas actuel, et qu’encore une fois cela n’aurait pas pu être une question, si nous n’étions pas dans un moment de révolutiou, et où les motifs qu’on a et ceux qu’on suppose aux autres viennent toujours se jeter à travers la discussion. A une chose semblable, avant qu’on eût traduit le mot Dauphin en celui de prince royal , tous les arguments que l’on a faits aujourd’hui pouvaient être proposés; mais, du moment qu’on a voulu que la qualité de premier suppléant au trône fût exprimée par le mot prince, je ne vois pas où la Constitution peut être blessée, si la qualité dé second suppléant est également exprimée par le mot prince, si la qualité de troisième suppléant est également exprimée par le mot prince. ( Applau ? dissements.) 11 n’y a rien de plus conforme à la Constitution et à l’analogie grammaticale que de donner les mêmes noms aux mêmes choses; et, puisqu’il est évident que les suppléants à la royauté ne sont qu’un meme ordre d’hommes, seulement placés à la suite les uns des autres, à raison du rang qui les appelle au trône, il me parait que, sans la raison qu’on y oppose du décret rendu par l'Assemblée, il y aurait pleine évidence à leur donner le même nom, parce qu’ils put la mêpne qualité. Je réponds que toute qualité politique n’établit pas une inégalité, parce que tout ce qui est porté comme portion du gouvernement pour la nation, émane essentiellement, pour ainsi dire, d’une fonction publique, et par là u’est pas. inégalité telle que la féodalité, mais seulement une portion du gouvernement. Il n’y a en France qu’une seule fonction héréditaire : U n’y a donc qu’une seule famille qui soit appelée, par sa naissance, à une dignité et à une fonction ; cela n’est donc pas (Assemblée nationale. J 720 une disposition générale et redoutable par son exten-im; car c’est le gouvernement qui a placé cette qualité exclusive dans une seule famille, et cela est conforme à vos décrets rendus, qui disent qu’il ne peut y avoir de distinction que celle qui résulte des fonctions publiques. Or, celle-là est essentiellement une émanation d’une fonction publique, puisqu’elle n’est donnée qu’à ceux qui sont appelés par la Constitution à cette fonction. (Murmures.) La question serait donc entièrement résolue par la seule circonstance que l’Assemblée a donné le nom de prince royal au Dauphin, s’il n’y avait pas un décret de question préalable. Je laisse absolument à l’Assemblée à apprécier la valeur de cet obstade-là; tuais je demande que ceux qui en excipentet qui paraissent dans un si grand effroi devant un mot qu’ils ont déjà admis sans contradiction pour le premiersuppléant, nous proposent, pour ceux qui le suivent, un mot raisonnable à mettre à la place de celui-là. Pour conclure, je crois, comme un des préo-pinants, que la délibération doit être divisée; mais il faut suivre cet ordre-ci : délibérer d’abord si les membres de la famille royale sont ou non éligibles; première question qui, je crois, doit être décidée par non. Quelle sera la dénomination qui leur sera donnée: seconde question. Je demande qu’on aille successivement aux voix sur ces 2 propositions. ( Applaudissements .) M. de Sillery. Monsieur le Président, je demande la parole. Plusieurs membres : La discussion fermée! (L’Assemblée, consultée, ferme la discussion.) M. Lanjuinais. Il y a un ordre de délibération antérieur à celui qu’on nous propose, c’est la question préalable sur un système contraire à ce que vous av«.z décrété et soutenu pendant 2 ans ( Applaudissements à l'extrême gauche.), en nommant dans vos décrets M.de Coudé : « Louis Coudé »; sur un système qui nous ramènerait la noblesse avec tout' s ses prétentions ( Murmures au centre.), qui créerait une ca>te privilégiée et nous pousserait bu ntôi vers la République ; car on nous ferait haïr la royauté (Exclamations.) si la royauté ne pouvait exister qu’avec des princes, c’est-à-dire avec d�s hommes corrompus ou corrupteurs, plus ou moins. Je demande la question préalable sur le projet le plus pernicieux, le plus perfide. A l’extrême gauche : Aux voix la question préalable ! M. Lavie. Je demande la division des 2 propositions faites par M. Rœderer et appuyées par M. Barnave, c’est-à-dire que la question préalable soit posée sur l’autre et sur l’une de ces 2 propositions séparément. M. IB u guet de Nauthou. On demande la question piéalable sur l'article : l’effet de cette question préalable serait d’accorder aux membres de la famille royale les droits de citoyen actif. J* soutiens cette proposition; je crois que... (Murmures à l’extrême gauche.) Je suis, comme un autre, partisan de l’égalité; mais je ne veux pas qu’elle soit imaginaire; il faut qu’elle soit réelle et avantageuse pour la nation. Je veux que les membres de la famille royale, outre le cas éventuel de la succession au trône, (25 août 1791.J jouissent des droits de citoyen; je veux qu’ils n’aient pas d’autres privilèges; je veux que, comme les autres citoyens, ils ne reçoivent de bienfait de la nation que lorsqu’ils auront rendu des services, et ici on voit que j’attaque les rentes apanagères. M. Démeunier, rapporteur. Je demande qu'on passe à l’ordre du jour. M. le Président. Monsieur Muguet, voulez-vous bien conclure. M. Fréteau-Saint-Just. Je vous prie, Monsieur le Président, de ne pas presser de conclure, parce que si l’opinant n’avait pas fait cette distinction, je l’aurais faite. M. Muguet de Nanthou. Je demande donc, et voici mon amendement, que les membres de la famille royale jouissent des dro ts des au' res citoyens, mais qu’ils ne puissent, sous aucun prétexte, recevoir de la nation des sommes pour payer leurs dettes ou des rentes apanagères, ou bien que l’Assemblée nationale déclare que les membres de la famille royale qui seront stipendiés par la nation ne puissent jouir des droits de citoyens actifs. M. Démeunier, rapporteur. Il s’agit simplement de poser la question et non l'amendement qui est proposé. Vous devez d’abord délibérer sur la question d’éligibilité, et sur les droits politiques de la famille royale, attendu que c’est la seule que vous ayez renvoyée aux comités. Nous examinerons ensuite s’ils auront une dénomination particulière. M. Buzot. C’est pour un mot d’ordre que j’ai demandé la parole. Lorsqu’il s’est agi du décret contre MM. Coudé et d’Artois, lorsqu’il s’est agi du décret sur le départ de Mesdames pour l’Italie, M. de Mirabeau proposa dans cette tribune les mê ries raisons que viennent de soutenir les comités. M. Charles de Lameth y répondit par les mêmes raisons qu’on oppose aujourd'hui au comité. Il lit bien sentir que nous ne connaissions plus de prince, et que ce mot devait être à jamais banni de notre Constitution. M. Charles de Lameth se lève pour répondre. M. de Menou. Ou s’éclaire par la discussion. M. Barnave. Je démens formellement ce que dit M. Buzot. (Murmures à gauche.) M. Buzot. Ce n’est point une personnalité que j’introduis ici. M. Alexandre de Lameth. C’est une fausseté. M. Buzot. Je crois qu’il faut se borner à ceci : ou d’après vos principes, les membres de la famille royale ne doivent être regardés que comme de simples citoyen-, ou il faut revenir sur les décrets que vous avez rendus dans ce sens; et alors puisqu’ils forment une caste particulière, il y a une foule de détails à régler. En conséquence, je demande le renvoi au comité. Si l’on ne veut pas décréter le renvoi, voici un ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. août 1791*] 721 amendement que je propose : c’est qu’ils ne puissent exercer aucun droit de citoyen actif, ni commander l’armée. M. Camus. Je demande que l’on pose la question telle qu’elle e-t dans le projet des comités, telle qu’elle a été discutée. Aujourd’hui les comités proposent de faire des parents du roi, des citoyens actifs, pour tout ce qui leur sera avantageux, pour tout ce qui plaira aux comités ; mais ici il n’y a pas de milieu : il faut tout un ou tout autre; il faut être citoyen actif, supporter tonies les charges des citoyens, participer à toutes leurs prérogatives, ou n’être pas citoyen. Les comités eux-mêmes avaient reconnu d’abord que les membres de la famille du roi ne peuvent exercer aucun des droits de citoyen actif. Je demande la priorité pour cette proposition, sinon j“ demande une nouvelle discussion. {Murmures au centre. Applaudissements à gauche.) Je demande que l’on nous explique quels sont les droits dont ces personnes jouiront et ceux dont elles ne jouiront pis; car on pose en question : seront-ils éligibles ou non : éligibles à quoi ? Plusieurs membres : A (ouïes les places. M. Camus. Je maintiens qu’il n’est pas convenable qu’il ne soit appelé qu’aux emplois que le roi pourra donner. Je crois qu’il est aussi dangereux de voir un prince, puisque vous voulez l’appeler ainsi, à la tête des armées, que de le voir dans l’Assemblée législative. {Applaudissements à V extrémité de la gauche.) Je demande que la question préalable soit posée sur les questions, comme elles sont rédigées par le comité, ou qu’il nous présente un ou plusieurs articles qui disent expressément ce que seront les parents du roi, quels sont les droits dont ils jouiront et ceux dont ils ne jouiront pas. M. Ce Chapelier. Nous adhérons volontiers au mode proposé par M. Camus, de mettre en question si l’on donnera la priorité à l’avis du comité, tel qu’il a été imprimé, oui ou non. Mais nous avons cru remarquer dans l’Assemblee, et ona mêmedemandé que, pour que tout le monde opinât selon sa manière de penser, il y eût des divisions de questions ; or, il me paraît qu’il y a trois questions distinctes dans l’article : La première est celle de savoir si les princt s... je vous demande pardon, si les membres de la famille royale seront citoyens actifs ; La deuxième, de savoir si, quoiqu’ils aient le droit de citoyen actif, il y aura incompatibilité entre l’élection déjà faite de leur famille pour parvenir au trône et l’éligibilité aux places que le peuple donne ; La troisième question est de savoir si un titre quelconque leur sera déféré, et enfin quel sera le titre. Je demande que cet ordre de délibération soit adopté. M. Rewbell. Je soutiens que, si on allait aux voix sur cet ordre de questions, il faudrait incessamment en ajouter une quatrième; car, si vous allez aux voix sur la question de savoir si un membremle la famille royale peut être utile au peuple, il faut aller aux voix sur celle de savoir s’il peut lui être nuisible eQ commandant les armées, en allant en ambassade. On doit poser la question générale telle qu’elle est proposée par les comités. ite Série. T. XXIX. M. Populus. La proposition de M. Camus est la seule véritable. M. Eté Chapelier. J’observe à l’Assemblée que M. Rewbell a eu raison de dire qu’il y aurait une quatrième question dans le cas où vous décideriez que les princes sont citoyens actifs ; car, si vous ne décidez pas qu’ils sont citoyens actifs, il n’y a pas lieu «à la question proposée. Il faut donc mettre aux voix d’abord cette question-ci : les membres de la famille du roi auront-ils les droits de citoyens actifs ? Plusieurs membres demandent la priorité pour l’ordre de délibération proposé par M. Le Chapelier. (L’Assemblée consultée accorde cette priorité.) M. le Président. Je mets aux voix la première question en ces termes ; « Les membres de la famille du roi jouiront-ils des droits de citoyen actif? (L’Assemblée, consultée, décrète que les membres de la famille du roi youiront des droits de citoyens actifs.) M. le Président. Je vais mettre aux voix la seconde question. M. Démeunier, rapporteur. La seconde question a deux branches : la première concerne les fonctions publiques qui sont à l’élection du peuple ; la seconde, les places et emplois qui sont à la nomination du roi. Il faut distinguer ces deux genres de fonctions: je demande donc qu’on aille aux voix, d’abord sur les emplois à la nomination du peuple et nous passons ensuite aux emplois à la nomination du roi qui font l’objet de la proposition de M. Rewbell. {Marques d'assentiment.) Je pose ainsi la question sur la première partie de la proposition : « Les membres de la famille du roi sont-ils éligibles aux fonctions et emplois qui sont à la nomination du peuple? » M. Pétion de Villeneuve. Je demande la parole. A gauche : Non ! non! Aux voix! aux voix! M. le Président. Je consulte l’Assemblée sur la première partie de la question telle qu’elle vient d’être proposée par M. le rapporteur. (L’épreuve a lieu.) M. le Président. Il n’y a que 4 secrétaires au bureau : 2 pensent qu’ils ne sont pas éligibles, 2 ont du doute et moi je pense qu’ils ne sont pas éligibles. Je vais consulter une seconde fois l’Assemblée. A l'extrême gauche : L’appel nominal ! (Une seconde épreuve a lieu.) M. le Président. L’opinion de MM. les secrétaires et la mienne étant comme la première fois, je prononce que l’Assemblée nationale a décrété que les membres de la famille du roi ne sont pas éligibles aux fonctions et emplois qui sont à la nomination du peuple. A l'extrême gauche: 11 y a doute, l’appel nominal ! Quelques membres : A bas le Président! 46