136 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [États généraux.] [19 juin 1789.] daction, s’occupera de la rédaction des motifs de la délibération du 17, et des divers mémoires et adresses qui seront ordonnés par l’Assemblée. « Le quatrième, sous le titre de comité de règlement, s’occupera des règlements nécessaires pour l’ordre et l’expédition des affaires de l’Assemblée. » M. Barrère. Messieurs, la disette des grains afflige la capitale et les provinces ; les cris de la misère se font entendre d’un bout du royaume à l’autre ; et cependant l’on assure que la France recèle encore dans son sein des subsistances en blé pour plus de six mois. Faut-il donc périr au milieu de l’abondance ? Faut-il encore ménager les hommes qui trafiquent de la misère publique? Des ordres sages sans doute dans leurs motifs, mais funestes par leurs conséquences, ont enchaîné la circulation des blés au préjudice des droits des citoyens et des possesseurs des terres : on nous assure de toutes parts qu’un grand nombre de propriétaires, dans différentes provinces, ont de grandes provisions de grains et ne peuvent les vendre dans les lieux de leur résidence, la circulation étant interrompue ; ainsi, d’un côté, les peuples sont réduits h se nourrir d’aliments grossiers, malsains et insuffisants; de l’autre, les propriétaires ressentent le besoin au milieu des richesses. Les commissaires départis dans les provinces ont fait, il est vrai, des perquisitions chez les fermiers, les laboureurs et les marchands de blé : ces démarches ont été nécessaires, mais elles sont insuffisantes. Pourquoi ne ferait-on pas des recherches exactes et générales dans les couvents, dans les maisons ou communautés considérables, soit dans les villes, soit dans les campagnes, pour faire circuler, dans les marchés, le superflu de leur consommation, en leur laissant des blés jusqu’au mois de septembre ou' d’octobre ? Au premier signal les officiers municipaux peuvent remplir cet objet presque en même temps dans tout le royaume. Cette espèce d’inquisition serait sans doute effrayante si elle était érigée en loi ; mais il est des moments, il est des crises dans lesquelles il faut, pour le salut public, violer un instant les lois générales. Pourquoi le ministre du département de la guerre n’emploierait-il pas les mêmes procédés dans les villes de garnison, où de grands abus dans ce genre sont couverts d’un nom respectable? Pourquoi l’Assemblée nationale, en s’occupant du rétablissement de la circulation des grains, n’accorderait-elle pas des primes d’encouragement à ceux qui approvisionneraient les différents marchés du royaume, sous l’inspection des officiers municipaux ? Pourquoi ne pas renouveler le prononcé des peines contre les accapareurs et contre toutes personnes convaincues de recéler des blés morts au commerce, ou d’avoir fait de fausses déclarations de la quantité de grains qui sont dans leurs magasins ou dans leurs greniers? Pourquoi n’ajouterait-on pas à ces injonctions, à ces peines nécessitées par les besoins instants des peuples, des avertissements pressants aux diverses compagnies chargées de la partie des grains, atin qu’ils les fassent moudre sans délai et sans interruption, avant les chaleurs qui dessèchent les rivières ? Les approvisionnements des farines manquent partout, et cependant l’on assure que nous consommerons encore au printemps prochain les blés de 1788. Mettons-nous donc, Messieurs, dans une infatigable activité pour découvrir , déconcerter et punir les projets désastreux des ennemis du peuple, des ennemis de l’humanité. Montrons-nous dignes d’être ses vrais défenseurs, ses libérateurs légitimes. Nommons à l’instant des commissaires chargés d’examiner les causes de la disette, les moyens d’y pourvoir, et le genre de secours que l’Assemblée nationale peut et doit donner à la France indigente. La nomination de ces commissaires est, je le répète, l’unique et le premier objet qui doit nous occuper: il faut donner du pain au peuple avant de lui donner des lois. Ainsi, Messieurs, unissons nos travaux aux sollicitudes du Roi, affligé de la situation malheureuse des provinces et de la capitale. Oui, Mes-i sieurs, nous trouverons des moyens pour effrayer I le monopole, encourager le commerce, rétablir lai circulation des grains, et flétrir ces hommes) avides et cruels qui veulent, s’il est permis de parler ainsi, qui veulent vivre de la mort des peuples. Ma motion tend à ce qu’il soit procédé à l’instant à la nomination de commissaires qui iront, dès leur nomination , examiner les véritables causes de la disette, et aviser aux moyens de la détruire ou de l’adoucir. Les commissaires indiqueront le genre de secours et les moyens provisoires que l’Assemblée nationale peut employer dans le moment actuel, jusqu’à ce que les produits de la nouvelle récolte aient rétabli le prix ordinaire du pain, et assurer les peuples sur leurs subsistances, soit en constatant dans tout le royaume la quantité des grains qui s’y trouve, soit en donnant des injonctions aux officiers municipaux d’en pourvoir les marchés, soit en punissant les monopoleurs, accapareurs et autres personnes convaincues d’avoir fait de fausses déclarations sur la quantité des grains qu’elles ont, soit en donnant plus de liberté au commerce, et des encouragements aux pourvoyeurs des marchés, et des secours d’argent et de blé, au nom de l’Assemblée nationale qui fera un emprunt pour cet objet. Cette motion est renvoyée au comité des subsistances. L’Assemblée a arrêté que les deux comités de subsistance et de vérification des pouvoirs, seraient formés chacun de trente-deux de ses membres, pris dans chaque généralité du royaume, et présentés par les députés réunis de chaque généralités; que les deux autres seraient composés de vingt de ses membres, pris dans chacun des vingt bureaux ci-devant établis provisoirement, dont l’Assemblée confirme, quant à présent, l’existence, ét qui se réuniront, à l’effet de présenter chacun un de ses membres pour commissaire. L’Assemblée s’étant successivement divisée par généralités et par bureaux, ont été présentés : Par les généralités de Alsace. Aix. Alençon. Amiens. Auch et Pau, Franche-Comté. Bretagne. Berri. Bourgogne. Champagne. Caen. Pour le Comité des subsistances, MM. De Turckheim. Lemaréchal. Roussier. Pincepré de Buire. Sentez. Lapoule. Laville-le-Roulx. Boéry. Volfius. Dubois de Crancé. Lamy. Pour le Comité de vérification et contentieux, MM. Rewbel. Bouche. Goupil de Prefeln. Dumetz. Barrière de Vieuzac. Cochard. Gleizen. Thoret. Bouchotte. Prieur. Ango. [20 juin 1789.) 137 [États généraux.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |Par les généralités de Dauphiné. Flandre et Artois. Guyenne. flaynault et Cambr. Lyon. Lorraine. Limousin. La Rochelle. Metz. Muntauban. Moulins. Montpellier. Orléans. Pour le Comité des subsistances, MM. Béranger. Brassart. Nairac. Hennet. De Rostaing. Duquesnoy. Montaudon. Garesché. Dupré de Ballay. Gouges Carton. Goyard. Monneron. Bouvet. Pour le Comité de vérification et contentieux, MM. Chabroud. Merlin. Garat l’aîné. Delambre. Delandine. Regnier. Delort de Puymalie. Bonegen. Claude. Pons de Soulages. Grellet de Beanregard. Verny. Salomon. Ce qui a été approuvé par l’Assemblée. M. le Président a ouvert un paquet adressé à l’Assemblée nationale, contenant un mémoire manuscrit de projet d’utilité publique, avec une lettre d’envoi de M. Milon, conseiller au Châtelet de paris. L’Assemblée a arrêté que ce mémoire fera partie de la distribution du travail de l’Assemblée. M. Vigner, portant la parole au nom de MM. du binquième bureau, a dit que MM. les députés de Bourg en Bresse avaient remis sous les yeux le procès-verbal de leur élection, dont l’Assemblée dvait ordonné le rapport, et qu’il avait été trouvé sans contradiction, et régulier. L’Assemblée a déclaré les pouvoirs de MM. de Bourg en Bresse définitivement vérifiés. M. le Président a remis la séance à demain huit heures pour neuf heures du matin. ÉTATS GÉNÉRAUX. Séance du satnedi 20 juin 1789. COMMUNES. A neuf heures du matin, heure indiquée pour la séance de l’Assemblée nationale, le président et les deux secrétaires se sont présentés à la porte de l’entrée principale ; ils l’ont trouvée gardée par des soldats, et ils ont vu un grand nombre de députés qui ne pouvaient entrer : M. le président a demandé l’officier de garde. M. le comte de Vassan s’est présenté, et a dit qu’il avait ordre d’empêcher l’entrée de la salle, par rapport aux préparatifs qui s’y faisaient pour une séance Royale. M. le Président lui a dit qu’il protestait contre l’empêchement mis à l’ouverture de la séance indiquée le jour d’hier à l’heure présente, et qu’il la déclarait tenante. M. le comte de Vassan ayant, ajouté qu’il était autorisé à laisser entrer les officiers de l’Assemblée, pour prendre les papiers dont ils pouvaient avoir besoin, M. le président et les secrétaires sont entrés, et ont vu en effet que la plus grande partie des bancs de la salle étaient enlevés, et que toutes les avenues étaient gardées par un grand nombre de soldats. Us ont remarqué dans la cour et à la porte extérieure plusieurs affiches conçues en ces termes: « Etats généraux. De par le Roi. Le Roi ayant résolu de tenir une séance royale aux Etats généraux, lundi 22 juin, les préparatifs à faire dans les trois salles qui servent aux Assemblées des ordres exigent que ces Assemblées soient suspendues jusqu’après la tenue de ladite séance. Sa Majesté fera connaître par une nouvelle proclamation l’heure à laquelle elle se rendra lundi à l’ Assemblée des Etats. A Versailles, de l’imprimerie Royale, 1789. » M. le Président et les deux secrétaires étant sortis, ils se sont transportés dans le jeu de paume de la rue du Jeu de Paume, où les membres de l’Assemblée se sont successivement réunis. — Si-. gné, Bailly, président ; Camus, secrétaire; Pison du Galland fils, secrétaire. Séance du jeu de Paume. Du même jour, dix heures et dçmie du matin, dans la salle du Jeu de Paume, rue du Jeu de Paume. L’Assemblée étant formée, M. le Président a rendu compte de deux lettres qu’il a reçues ce matin de M. le marquis de Brézé, grand-maître des cérémonies. La première est de la teneur suivante : « Versailles, ce 20 juin 1789. « Le Roi m’ayant ordonné, Monsieur, de faire publier par des hérauts l’intention dans laquelle Sa Majesté est de tenir, lundi 22 de ce mois, une séance royale, et en même temps la suspension des Assemblées que les préparatifs à faire dans les trois salles des ordres nécessitent; j’ai l’honneur de vous en prévenir. Je suis avec respect, Monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur, le marquis de Brézé. « P. -S. Je crois qu’il serait utile, Monsieur, que vous voulussiez bien charger MM. les secrétaires du soin de serrer les papiers, dans la crainte qu’il ne s’en égare. « Voudriez-vous bien aussi, Monsieur, avoir la bonté de me faire donner les noms de MM. les secrétaires, pour que je recommande qu’on les