SÉNÉCHAUSSÉE DE NIMES. INSTRUCTIONS Et pouvoirs que la chambre ecclésiastique de la sénéchaussée de Nimes donne à ses députés aux Etats généraux (1). PREMIÈRE PARTIE. ARTICLES QUI REGARDENT LE BIEN DE LA RELIGION. La chambre ecclésiastique de la sénéchaussée de Nimes charge ses députés de demander : 1° Que le Roi emploie son autorité pour arrêter les progrès de l’irréligion et de la corruption des mœurs, en perfectionnant l’éducation publique de la jeunesse, et en ordonnant, de plus fort, l’observation des règlements de police sur la sanctification des dimanches et fêtes, et sur la prohibition des livres pernicieux. 2° Que les conciles provinciaux, qui ont toujours été regardés comme le nerf de la discipline ecclésiastique, soient rétablis. 3° Que la dotation commune des curés soit déterminée par un nombre de setiers de blé, mesure de Paris, correspondant à une-somme de 1,200 livres, quittes de toutes charges, autres que les impositions communes à tous les "citoyens, sans préjudice d’une plus forte dotation pour certaines cures privilégiées, suivant le règlement qu’en fera le synode diocésain qui sera tenu immédiatement après les Etats généraux : MM. les curés offrant de renoncer à toute perception de casuel exigible, dès qu’ils seront en pleine jouissance de leur dotation. 4° Que l’honoraire des vicaires soit de six cent livres. 5° Que, dans chaque diocèse, il y ait une caisse de secours pour donner des pensions de retraite aux curés et vicaires que l’âge ou les infirmités auront mis hors d’état de continuer les fonctions de leur ministère. 6° Que lorsque les décimateurs ne seront pas en état de supporter ces nouvelles charges, on y pourvoie par l’union et la suppression de bénéfices simples, sans en excepter ceux qui sont de nomination royale ; qu’à cet effet, les formes des unions et suppressions soient simplifiées, et que les bénéfices simples ne puissent être résignés qu’après que l’amélioration des cures aura été effectuée. 7° Qu’en attendant que l’union des bénéfices simples soit opérée, les économats pourvoient à l’amélioration des portions congrues, et que les revenus des bénéfices de nomination royale y soient spécialement affectés. 8° Que les curés de l’ordre de Malte jouissent des mêmes avantages que les autres, et qu’ils ne soient plus amovibles. 9° Qu’il plaise au Roi de protéger les propriétés de l’Eglise, et notamment les dîmes, conformément à l’ordonnance de Blois. 10° Que les collateurs ne pourront être préve-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de V Empire. nus qu’un mois après la vacance des bénéfices. 11° Que les réparations à faire dans les bénéfices consistoriaux, comme dans les autres, soient assurées par le scellé ordinaire apposé sur les effets de la succession des bénéficiers. 12° Que les séminaires soient agrégés aux universités ecclésiastiques, en sorte que les études faites dans les séminaires soient comptées pour l’obtention des grades. 13° Qu’on procure des secours aux maisons des religieuses qui sont dans l’indigence, et qu’on les empêche de sortir de leur couvent pour mendier. 14° Que le Roi continue d’accorder sa protection aux ordres religieux, si utiles à l’Eglise, et qu’il veuille bien dissiper les alarmes et les inquiétudes où ils peuvent être sur leur état. 15° Que les agents généraux du clergé soient appelés pour être membres de la chambre ecclésiastique des Etats généraux. SECONDE PARTIE. ARTICLES QUI REGARDENT LE BIEN DE L’ÉTAT. 1° La chambre ecclésiastique de la sénéchaussée de Nîmes estime que, lorsqu’il s agira d’établir une forme de délibération, ses députés doivent s’en tenir, autant qu’il sera possible, à voter par ordre, cette manière de délibérer étant la plus usitée, la moins exposée à la séduction, et la seule propre à conserver l’indépendance réciproque des ordres et l’égalité d’influence qui leur appartient dans les Etats généraux. 2° Elle charge ses députés de remercier le Roi des vues de justice et de bienfaisance qu’il a manifestées en reconnaissant le droit qu’a la nation de s’imposer elle-même, en assurant le retour successif des Etats généraux, qui sera demandé par lesdils Etats généraux , et en promettant à une époque fixe , rapprochée et déterminée, de garantir la liberté des citoyens de tout usage des lettres de cachet, dispositions précieuses qu’il ne reste plusqu’à consacrer par une loi solennelle qu’ils demanderont expressément, et dont la nation sera la gardienne et les cours souveraines dépositaires. 3° Ladite chambre donne pouvoir à ses députés de consolider la dette nationale, après en avoir reconnu l’étendue et les causes ; elle les charge de vérifier, régler et fixer les dépenses de chaque département, en supprimant toutes celles qui ne sont pas nécessaires, et d’aviser aux moyens les plus efficaces pour empêcher le retour du désordre et de la déprédation dans les finances ; le tout, de concert avec les autres ordres. 4° En se conformant aux vues de Sa Majesté, ladite chambre donne pouvoir à ses députés de consentie à rétablissement des subsides qui seront jugés nécessaires aux besoins de l’Etat, et ce pour un temps limité, et jusqu’à la prochaine tenue des Etats généraux, en les établissant, autant qu’il se pourra, sur les objets de luxe. 5° En conséquence de la délibération du 20 mars [États gén. 4789. Cahiers. 1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Nimes.] 237 courant, la chambre charge ses députés de consentir à ce que les biens ecclésiastiques supportent toutes les impositions royales, provinciales et locales, proportionnellement à leurs revenus, sans exemption pécuniaire quelconque, dans la juste contiance où est ladite chambre, que le clergé, se soumettant à supporter les dettes nationales, provinciales et locales, sa dette particulière sera regardée, dès ce moment, comme dette de l’Etat. 6° Les députés de la chambre demanderont que, dans la répartition de l’impôt, l’artisan qui n’a ni garçon ni compagnon, et en général, tout ma-nouvrier qui, dénué de propriétés, ne vit que du travail de ses mains, soit exempt de toute contribution. 7° Ils demanderont qu’en supprimant les impôts d’une perception difficile et compliquée, ainsi que ceux qui sont funestes aux mœurs, à l’agriculture, au commerce, à l’industrie, on les remplace par d’autres moins onéreux et d’une perception plus simple et plus facile; et que si la position de l’Etat ne permet pas, dans le moment, une si importante réforme, on la prépare, du moins, pour être exécutée par degrés, et lorsque les circonstances pourront le permettre. 8° Les députés de la chambre demanderont qu’il soit donné à la province de Languedoc une telle constitution, que le clergé, la noblesse, et le tiers-état y soient bien et dûment représentés par l’élection libre de leurs députés respectifs. 9° iis demanderont que les petites causes civiles et criminelles, dont l’objet n’excédera pas la somme de 10 livres, soient jugées souverainement sur les lieux par les consuls de la communauté, lesquels y procéderont sommairement et sans frais, en prenant pour assesseurs quatre des plus anciens de ceux qui composent le conseil politique, ou qui y ont été déjà admis. 10° Ils demanderont qu’on s’occupe des moyens de perfectionner la justice civile et criminelle, etque tout ce qu’il y a de gens éclairés dans les cours et dans le royaume, soient invités à concourir, par leurs lumières, à un si grand ouvrage, qui ne eut être fait qu’avec beaucoup de réflexion et e maturité. 11° Entin, ladite chambre donne pouvoir à ses députés de proposer, remontrer, aviser, et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de la religion et de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume, et le bien de tous et chacun des sujets du Roi. Le présent cahier a été lu, approuvé et arrêté dans la chambre ecclésiastique delà sénéchaussée de Nimes, le 28 mars 1789, dans la séance du matin. En foi de quoi, nous, Pierre-Marie-Magde-laine Gortois de Balore, évêque de Nîmes et président de la chambre, et nous, commissaires nommés pour la rédaction dudit cahier, avons signé de notre seing ordinaire et manuel avec le secrétaire de ladite chambre. j-P., évêque de Nîmes; l’abbé Giraud, commissaire; de La Boissonnade, commissaire; Dornas, commissaire ; Beau , commissaire ; Desroches , commissaire ; Benoît, commissaire; l’abbé de Rey, commissaire; Gas, commissaire; F.-Jos.-Thom. Jac, commissaire; Canne, commissaire; Boyer, commissaire; l’abbé de Goriolis, commissaire; Mérée, commissaire; Ramel, commissaire; Bé-rage, commissaire ; Trétis, commissaire; Madon, commissaire; Prat, commissaire ; Baldit, commissaire; Laborie, commissaire; Troucard, commissaire; Moureau, commissaire; Espérandier, commissaire; Pougnadoresse, commissaire; Audibert, commissaire; Giraud, curé de Saint-Etienne d’Uzès, secrétaire de l’assemblée, signés. CAHIER, - Mandat et instructions de l’ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Beaucaire et Nimes , à ses députés aux prochains Etats généraux du royaume (1). MANDAT. Art. Ie'-. 11 est spécialement enjoint aux députés de l’ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Beaucaire et Nîmes de se retirer des Etats généraux, si, sous quelque prétexte que ce soit, des personnes qui n’auraient pas été élues par les bailliages ou sénéchaussées de la province de Languedoc se présentaient pour y voter et y étaient admises. Art. 2. L’assemblée, ainsi librement et légalement constituée, lesdits députés demanderont et voteront pour obtenir une constitution qui établisse, d’une manière invariable , les droits du monarque et de la nation. Art. 3. Que la personne des députés aux Etats généraux soit inviolable et sacrée, tant pendant la durée desdits Etats, que quinze jours avant et quinze jours après leur tenue. Art. 4. La liberté individuelle, qui entraîne l’entier abolissement des lettres de cachet, et que nul ne puisse être arrêté qu’en vertu d’un décret dé-I cerné par les juges ordinaires. Que, dans le cas où les Etats généraux jugeraient que l’emprisonnement provisoire peut être • quelquefois nécessaire, il soit ordonné que toute personne, ainsi arrêtée, soit remise, dans les vingt-quatre heures, entre les mains de ses juges naturels, et que ceux-ci soient tenus de statuer sur ledit emprisonnement dans un délai prélix ; que, de plus, l’élargissement provisoire soit toujours accordé en fournissant caution, excepté dans le cas où le détenu serait prévenu d’un délit qui entraîne une peine corporelle. Art 5. La liberté de la presse, sous les restrictions jugées indispensables pour en prévenir la licence. Art. 6. La sûreté des lettres, et qu’à cet égard la foi publique ne puisse être violée dans aucun cas. Art. 7. La garantie de toute espèce de propriété pour les citoyens de toutes les classes, de manière qu’on ne puisse y porter atteinte , et que les propriétaires, dans le cas où le bien public exigerait quelque changement qui leur serait préjudiciable, soient assurés d’une indemnité proportionnée, juste et effective. Art. 8. Que nul impôt ne soit légal et ne puisse être perçu qu’autant qu’il aura été accordé parla nation, dans l’assemblée des Etats généraux ; et que lesdits Etats n’en puissent accorder aucun que d’une tenue d’Etats à l’autre, en sorte que la première, venant à n’avoir pas lieu, tout impôt cesse. Art. 9. Que le retour périodique des Etats généraux soit fixé pour l’avenir, au terme le plus court ; et que, dans le cas d’un changement de règne, ils soient extraordinairement assemblés dans le délai et de la manière déterminés par les prochains Etats généraux. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.