444 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Paris hors les murs. ron; Pillon ; G. Sàudrin; J. Fauboir; J. F. Mornat; Bafard, Claude Auboin, et Minard. CAHIER Des doléances de la paroisse de Chatou (1). Les syndics, notables et autres habitants de la paroisse de Chatou, assemblés, le 12 avril 1789, en exécution des ordres du Roi et de M. le prévôt de Paris, en date du quatrième jour d’avril 1789 ; Les habitants de Chatou, pénétrés de la plus vive et de la plus sincère reconnaissance pour toutes les bontés paternelles de Sa Majesté, qu’ils ont éprouvées en diverses occasions, s’empressent avec zèle et soumission de répondre à ses ordres en adressant aux Etats généraux leur cahier de doléances relativement aux maux dont iis sont accablés, soit par les impôts à charge publique, soit par la disette des vivres, soit entin par des incommodités locales, et supplient les Etats généraux de les prendre en considération. Art. 1er. Que tout ce qui concerne le casuel de l’église soit fixé invariablement; qu’il soit établi dans les églises un tableau où les prix dudit casuel soient tixés, et par ce moyen les disputes qui arrivent fréquemment entre les habitants et MM. les cures qui font payer leurs droits comme ils s’avisent et ne finissent point de les augmenter, cesseront d’avoir lieu. Art. 2. Enfin que la reconstruction, ouïes trop fortes réparations des églises et presbytères, soient portées sur les fonds ecclésiastiques", les villages déjà chargés d’impôts n’étant pas en état de supporter de pareilles dépenses. Art. 3. Que les biens vendus et mis aux hypothèques du sceau soient affichés à la porte de l’église et celle de la juridiction, afin que ceux qui ont quelques droits dessus les revendiquent. Art. 4. Que les droits de contrôle et d’insinuation soient fixés d’une manière invariable; qu’ils ne soient plus arbitraires. Art. 5. Qu’il ne soit pas permis de retenir dans les prisons un homme passé vingt-quatre heures, et instruire la justice du lieu, et que l’on soit autorisé à donner caution, excepté dans les affaires criminelles. Art-6. Enfin que la forme des procédures, surtout celles des campagnes, soit réformée et abrégée ; que le plus petit procès n’y occupe plus pendant plusieurs années ceux qui sont obligés de le soutenir; que les juges soient plus instruits, qu’ils aient des appointements autres que les amendes qui leur en tiennent lieu, et que, pour cette raison, ils portent au delà de leurs droits. Qu’il soit établi une espèce d’arbitrage choisi par les habitants, dont ils seront obligés de prendre l’avis avant que de s’engager dans un procès, qui souvent ruine les parties avant que le procès soit fini et les met hors d’état de subsister. Art. 7. La suppression des aides et des droits qu’ils entraînent, principalement le trop bu ; et si • on ne peut l’obtenir, qu’il soit établi un seul impôt par pièce de vin. Art 8. La suppression des tailles, de l’industrie, du vingtième, de la capitation et autres, seront de même substitués en un seul impôt qui, comme le précédent sur les vins, sera également supporté, et sans aucune distinction, par les trois ordres de l’Etat et perç�u dans la môme forme. Art. 9. Celle de la milice, si à charge aux villages, qui n’en verseront pas moins leur sang pour la défense de la patrie, le soutien de l’autorité (1) Archives de l'Empire, royale, comme ils l’ont toujours fait jusqu’à présent avec plus de profusion qu’aucun autre ordre et sans intérêt. Art. 10. Enfin la suppression du centième denier et des lods et ventes. Art. 11. La suppression des capitaineries, la destruction du gibier dans les champs, surtout celle du lapin en général qui détruit tout et absorbe le tiers des récoltes. Art. 12. Qu’il ne soit plus permis aux gardes d’entrer dans les enclos entourés de palis, à tous les chasseurs de traverser à cheval dans les moissons avec leurs chiens, de chasser dans les vignes aux approches des vendanges. Art. 13. De faire des règlements pour les gardes des seigneurs, et que leurs gardes ne soient plus crus sur leurs rapports simples sans un témoin. Art. 14. La suppression de l’épinage qui devient à charge aux laboureurs; qu’il soit ordonné que les pigeons soient renfermés pendant les semences et le mois de juillet, jusqu’à la fin des moissons. Art. 15. Les habitants de Chatou réclament le chemin que M. Bertin, seigneur de ladite paroisse, vient de leur enlever, par un arrêt du conseil du Roi qu’il vient d’obtenir par supercherie et sur de faux exposés, pour ne rien dire de plus, qu’il est parvenu, pour compléter l’injustice souveraine, à obtenir l’arrêt rendu en sa faveur au conseil du Roi, c’est-à-dire qu’il eu la finesse de ne le faire rendre que contre dix-huit ou dix-neuf particuliers de Chatou, en déclarant formellement qu’il ne pouvait reconnaître le corps des . habitants pour ses adversaires, et qu’il ne défendrait pas d’une manière juridique à leur requête, tandis que la communauté en corps est intervenue, en vertu et conformément aux délibérations desdits habitants ; que, malgré sa déclaration, il a eu le secret de faire prononcer contre eux les mêmes condamnations que porte l’arrêt, sans cependant avoir fait recevoir leur intervention qui d’ailleurs, rendait les autres sans qualité, puisque le général des habitants paraissait en corps. Les habitants seraient peut-être bien fondés à se pourvoir par la voie de l’opposition contre ce même arrêt; mais iis ont l’honneur de représenter aux Etats généraux qu’il leur est surtout impossible de suivre cette voie de droit, supposé qu’elle leur soit ouverte, vu les frais qu’elle leur occasionnerait et auxquels ils sont incapables de subvenir ; d’ailleurs l’effet de la protection inouïe de leur seigneur pourrait encore, comme par le passé, la rendre infructueuse. Ce sont, Messieurs, ces deux motifs qui ont déterminé les habitants de Chatou à recourir directement à la justice de Sa Majesté, pour lui présenter leurs réclamations contre les vexations de leur seigneur. Sa Majesté a daigné accueillir favorablement leurs démarches. Les habitants de Chatou ne peuvent vous exprimer, Messieurs, d’une manière plus claire la triste situation où les réduisent les vexations de leur seigneur, qu’en vous observant que s’ils venaient malheureusement à être les tristes victimes définitives de la protection et du crédit de leur seigneur, iis se trouveraient entièrement hors d’état, tant pour le présent que pour l’avenir, de payer au Roi un liard de subsides, puisque le projet de leur seigneur, en leur enlevant un chemin dont ils sont de tout temps en possession, dont ils ont toujours joui, et qui leur est d’une nécessité absolue pour la culture de leurs terres, leur donnerait au moins 6,000 livres de charges annuelles , leur ôterait en même temps le moyen de pouvoir 415 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] avoir du pain pour eux et leur famille, et les réduirait par ce moyen à la dernière misère. Art. 16. La suppression' de la banalité du four qui règne dans cette paroisse, qui cause une charge très-considérable aux habitants, attendu qu’elle détruit la population. En voici les causes: ce sont les femmes qui font la pâte chez elles pour leur pain et sont obligées de la porter au four, qui souvent se trouve éloigné de leur demeure, et d’en rapporter le pain après qu’il est cuit ; il arrive très-souvent que les femmes sont grosses; étant obligées de porter leur pâte sur leur dos et rapporter le pain, elles se trouvent blessées, deviennent malades, et souvent perdent leur fruit, ce qui cause un tort notable à leur famille, et souvent en perdent la vie. Art. 17. Les habitants de Chatou ont été forcés de construire un mur le long de la forêt du Vé-sinet, pour la clôture de leur terroir, afin d’arrêter les dégâts considérables causés à leurs biens par le gibier de ladite forêt. Ce mur de clôture est actuellement fini, l’adjudication est de 32,000 livres, la paroisse n’a pas encore pu en payer un sou à l’entrepreneur, ce qui donne aux habitants une inquiétude considérable pour trouver les moyens de pouvoir payer cette somme, dans un temps où ils ne peuvent'pas se donner du pain, à cause de la grande cherté où il est porté actuellement. S’il était possible qu’on puisse trouver des moyens pour leur aider à payer cette somme, on leur ferait unegrande charité; joint à cela, il faut qu’ils payent 2,000 livres de frais pour le soutien du malheureux procès que leur a suscité leur seigneur, et encore une somme de 1,700 livres qu’il leur demande pour les frais qu’il a faits de son côté, pour laquelle il leur a déjà fait des commandements, et en outre le fléau de la grêle qui a ravagé la moitié de leur terroir, le 13 juillet dernier. Vous voyez. Messieurs, que la paroisse de Ghatou se trouve bien affligée. Les habitants de Ghatou bornent ici l’exposé de leurs doléances , ne voulant pas entrer dans ce qui regarde l’administration, les règlements à faire pour la sûreté des personnes et des propriétés, la stabilité ou le retour prochain des Etats généraux, objets sur lesquels ils s’en rapportent à la bonté dû Roi et à la prudence de l’assemblée de la nation, donnant à cet égard tous pouvoirs à leurs députés, s’ils ont le bonheur d’y êire admis. Fait en l’assemblée, le 12 du présent mois d’avril 1789, et ont signé. Signé P. -P. Levanneur, Nicolle, Larue, Monget, N. Malet-Guiard, Jean-Etienne Pierre, G.-P. Huché , Taillandier , J.-L--M. Arnould , Charles Bidard, Soi mié, Jean Barthélemy, Mallet, Louis-François Grais, Jean-Pierre Dreux, François Papillon, Adrien Duclos, Antoine Rateau, Nicolas Pied, J. -J. Grais, Denoyers, de Ghassau et Jean-Pierre Rateau. CÂ.HIER Des demandes , doléances et remontrances du village de Chartres en Brie , bailliage de Paris (1). Art. 1er. Que le pouvoir législatif appartient à la nation, pour être exercé avec le concours de l’autorité royale. Art. 2. Qu’aucune loi ne puisse en éonséquence être promulguée, qu’après avoir été consentie par la nation représentée par l’assemblée des Etats généraux. Art. 3. Que la liberté individuelle soit assurée à (1) Archives de l'Empire* tous les Français, savoir, celle de vivre où l’on veut sans aucun empêchement ; le droit naturel de n’être arrêté qu’en vertu d’un décret décerné par les jugesordinaires ;que, surles emprisonnements provisoires, si les Etats généraux les jugent nécessaires dans quelques circonstances , il sera ordonné que le détenu soit remis dans vingt-quatre heures entre les mains de son juge naturel; que, de plus, l’élargissement provisoire soit toujours assuré en fournissant caution, hors le cas de délit qui entraîneraitpeineeorporelle; qu’il soit défendu sous peine de punition corporelle, à toutes personnes qui prêtent main-forte à justice, d’attenter à la liberté d’aucun citoyen, si ce n’est sur ordonnance de justice, et enfin que toute personne qui aura sollicité ou signé cequ’on appelle lettre de cachet, ordre ministériel ou autre ordre semblable de détention, sous quelque dénomination que ce. puisse être, pourra être prise à partie par-devant les juges ordinaires. Art. 4. La liberté de la presse, sauf les dommages et intérêts eoutre l’imprimeur et l’auteur. Art. 5. La plus entière sûreté pour toute lettre confiée à la poste. Art. 6. L’assurance du droit de propriété; que nul citoyen ne puisse en être privé, même à raison de l’intérêt public, qu’il n’en soit dédommagé au plus haut prix et sans délai. Art. 7. Que nul impôt ne soit regardé comme légal, qu’aulant qu’il aura été consenti dans l’assemblée des Etats généraux, et qu’ils ne le consentent que pour un temps limité, jusqu’à la prochaine tenue des Etats, en sorte que cette tenue n’ayant pas lieu tout impôteessât. Art. 8. Que le retour périodique des Etats soit fixé à cinq ans pour plus long terme, et que, dans le cas d’un changement de règne ou d’une régence ils soient assemblés extraordinairement dans le délai de six semaines ou deux mois. Art. 9. Que les ministres soient comptables aux Etats de l’emploi des fonds qui leur seront confiés, et responsables de leur conduite en tout ce qui sera relatif aux lois du royaume. Art. 10. Que la dette de l’Etat soit consolidée. Art. 11. Qu’aucun impôt ne soit consenti qu’après que les Etats généraux auront vérifié et réglé les dépenses de l’Etat. Art. 12. Que tout impôt consenti soit généralement et légalement réparti sur chaque citoyen, de quelque rang et de quelque ordre qu’il soit, à proportion de ses facultés foncières ou industrielles. Art. 13. Qu'il soit procédé incessamment à la réforme de la législation civile et criminelle; que surtout l’instruction criminelle soit publique, et qu’il soit donné un défenseur aux accusés. Art. 14. Qu’il soit statué définitivement sur les mariages mixtes. Art. 15. Abrogation des arrêts de surséance. Art. 16. Abrogation des évocations et d’une grande partie des committimus. Art. 17. Suppression des intendants dont l’administration est dispendieuse à l’Etat et inquiète les citoyens. Art. 18. Suppression de tous les tribunaux d’exception, attribution de leurs droits aux bailliages royaux, qui seront alors composés d’un plus grand nombre de juges. Art. 19. Extension des droits de présidiaux à 4,000 livres. Art. 20. Suppression des droits d’échanges, banalités, péages, pontonages, minage en nature, corvées de toute espèce , champarts et autres servitudes� sauf les indemnités dues aux propriétaires, réglées d’après les produits.