[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 octobre 1790.] 43 gnons même pas de dire qu’alors l’obéissance serait parfaite. Nous sommes avec respect, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs. Brest, 22 octobre 1790. Les commissaires du roi , Borie, Gandon. Extrait du procès-verbal de la séance de la Société des amis de la Constitution à Brest , du 22 octobre 1790. La séance ouverte, M. le président, chef de la députation nommée pour se transporter à bord des vaisseaux de l’armée navale, a dit : « Messieurs, nousavons rempli la mission aussi flatteuse qu’intéressante dont vous nous avez chargés; heureux si je puis vous peindre les sensations délicieuses que nous avons éprouvées, et si l’excès de ma joie ne laisse rien à désirer à ma mémoire 1 « Conformément à votre délibération du 14 de ce mois, la députation s’est rendue, le 19, à deux heures après-midi, à bord du vaisseau V Auguste, commandant de la rade, nous y avons lu votre adresse ..... Le plus morne silence a répondu à ce premier essai. Nous avons redoublé de zèle et d’efforts ; nous avons employé tout ce que peut suggérer le patriotisme, secondé par la raison; et après trois heures de constance et de fermeté, nous avons convaincu l’équipage de ce vaisseau, et nous lui avons démontré qu’il était d’autant plus indispensable qu’il revînt de son égarement, que son propre intérêt était intimement lié à l’intérêt général. La voix de leurs frères a pénétré leurs coeurs; ils se sont émus; un cri unanime a annoncé à toute l’escadre que le patriotisme triomphait; ils ont promis la plus grande soumission à la loi, à leurs chefs, et nous ont donné pour garants de leurs sentiments des députés pour se joindre à nous, et exprimer, à bord des autres vaisseaux, ce qu’ils venaient de promettre. « Cependant, Messieurs, je ne dois pas vous laisser ignorer que l’équipage du vaisseau l’ Auguste a fortement réclamé contre quelques dispositions du code pénal, qui blessent la délicatesse des marins. J’ai cru interpréter vos sentiments, en lui promettant, en votre nom, de communiquer ces réclamations à MM. les commissaires du roi ; mais je leur ai dit qu’il fallait commencer par obéir à la loi, et que cette obéissance seule pouvait leur mériter l’indulgence des législateurs. Je ne vous dissimulerai pas que cette promesse a beaucoup contribué à nous attirer leur confiance; les applaudissements redoublés, les cris d’allégresse, ont pleinement justifié le succès de notre démarche. « De ce vaisseau, nous nous sommes rendus à bord des Deux-Frères , du Majestueux et du Téméraire; partout le même succès a couronné notre attente. Le déclin du jour ne nous permettant pas de continuer notre mission, nous sommes descendus à terre. « Le lendemain, 20 octobre, à huit heures du matin, nous nous sommes transportés à bord de ÏEole, de YAmérica, du Jupiter et du Patriote ; les équipages de ces vaisseaux ont tous également promis obéissance et subordination. A deux heures après midi, nous nous sommes rendus sur les vaisseaux l 'Apollon, le Superbe et 1 e Duguay-Trouin ; mêmes témoignages, même8 assurances. « Le 21 octobre, à huit heures du matin, nous sommes allés à bord du Tourville , de l Entreprenant , de la Proserpine, de la Bellone, de Y Am-phitrite, de la Fidèle, de la Cybèle et de la Fine; toujours même succès. A deux heures après midi, nous avons passé sur les bâtiments la Réunion, la Danaé, la Surveillante, Y Athalante, la Fauvette , la Perdrix, lé Maréchal de Cas tries, le Rhône, Y Impatient, le Go'èlan et le Cerf. « Je ne vous ferai point ici le détail de ces scènes touchantes dont nous avons été les témoins et les acteurs. Oui, Messieurs, nous avons rencontré partout des Français, des frères : des baisers d'amitié se sont unis aux serments de la plus entière obéissance ; l’air retentissait des cris du patriotisme, et des pleurs délicieuses coulaient de tous les yeux. « Nous sommes rentrés dans le port, formant* avec les députés de chaque bâtiment, un cortège aussi nombreux qu’imposant. Que ne puis-je vous rendre ces cris répétés de vive la nation, vive le roi, qui nous ont accompagnés jusqu’à terre! « Rendus à terre, les députés de tous les bâtiments, ainsi que la députation, se sont mis en marche dans le plus grand ordre; la joie universelle s’est communiquée aux habitants, et tous ensemble nous sommes arrivés à la caserne des marins, où nous avons suivi les mêmes procédés qu’en rade. Quel triomphé, Messieurs! tous ces marins, à l’exemple de leurs camarades, ont juré la plus grande subordination ; tous ont déclaré que désobéir à la loi, c’était être infâme, c’était se rendre indigne du titre de citoyen... Je m’arrête , Messieurs; mais je dois vous observer que ces députés nous ont donné la preuve de la fidélité de leur serment, en s’en retournant à bord de leurs vaisseaux avec autant d’ordre que de décence. » A l’instant on a annoncé que MM. d’Hector, de Souillac, accompagnés d’officiers de la marine, demandaient l’entrée. Une députation les a introduits ; et M. d’Hector, au nom du corps de la marine, a témoigné toute sa reconnaissance de Ja démarche qu’avait faite la société pour rappeler l’armée navale à l’ordre et à la subordination, et a félicité l’assemblée sur ses heureux succès. M. le président, fidèle interprète des sentiments de la Société, a répondu qu’elle étaittrès persuadée que MM. les commandants, secondés de leurs subordonnés, feraient tous leurs efforts pour consolider l’ouvrage des amis de la Constitution et de tous les citoyens de la ville de Brest. A Brest* lesdits jour efan. Pour extrait conforme au registre. Signé : C. Jeffroy, président; Belval, Jullou, E. Le Breton, secrétaires. (La gauche de l’Assemblée applaudit, la droite reste dans un profond silence, et quelques-uns. de ses membres se retirent.) M. IVompère (ci-devant de Champagny). Le comité de marine a partagé l’intérêt que l’Assemblée vient d'éprouver. Il a senti quelle reconnaissance méritait cette Société des amis de la Constitution, quels égards étaient dus à ces commissaires dont la mission s’annonce par des succès ; U a senti que si l’Assemblée avait dû. repousser avec dignité des réclamations tumultueuses, il convenait peut-être à présent de