BAILLIAGE D’AVAL DOLÉANCES DU CLERGÉ DU BAILLIAGE D’AVAL (1). Pétitions générales. Art. 1er. Les députés aux Etats généraux seront chargés d’exprimer au Roi notre vénération et notre reconnaissancepour sa personne sacrée, et de renouveler la profession de notre attachement inviolable à la constitution monarchique et à la maison régnante. Art. 2. D’applaudir à la convocation du tiers-état, en nombre égal à celui des deux autres ordres réunis; demander que les opinions soient recueillies par tête et non par ordre, de telle sorte que, désormais, le tiers-état ait toujours moitié des voix aux Etats généraux, le clergé un quart, et la noblesse l’autre quart, et que cette forme soit constitutionnelle, et reçoive la sanction de Sa Majesté. Art. 3. De demander que les Etats généraux soient assemblés périodiquement au terme préfix que l’assemblée qui sera tenue aura déterminé. Art. 4. Que, dans l’assemblée des Etats généraux, le tiers-état n’y paraisse plus dans cette attitude humiliante qui précédemment était d’étiquette. Art. 5. Que, dans chaque province on établisse des Etats provinciaux formés à l'instar des généraux. Art. 6. Que, dans ceux de cette province, tous les ecclésiastiques, abbés, prieurs, curés, chanoines, familiers, chapelains et les réguliers choisis par leur ordre, soient représentés en raison directe de leur nombre et contribution; que la môme proportion s’observe dans la convocation des villes et des campagnes. Art. 7. Que nulle loi générale n’ait vigueur qu’après avoir été consentie par les Etats généraux, et nulle loi particulière n’ait d’exécution qu’après avoir été consentie par les Etats provinciaux; ce consentement, soit à l’égard des lois générales, soit à l’égard des lois particulières, étant constaté, les cours souveraines n’en pourront refuser �enregistrement. Art. 8. Que nul citoyen, de quelque ordre qu’il soit, ne puisse être jugé en son honneur, sa fortune et sa vie, que par les tribunaux avoués par la nation; et dès lors, plus de commissions, plus-d’évocations, à moins que les parties n’aient des raisons pour les demander. Art. 9. Que les lettres de cachet soient à jamais abolies, à moins qu’elles ne soient nécessaires pour le salut de l’Etat et l’honneur des familles; on prendra des précautions de crainte que, sous ces prétextes, on ne puisse en abuser. Art. 1 0. Que:l’impôt soit consenti etdivisé entre les provinces par les Etats généraux, et perçus par les Etats de chaque province; que toutes personnes, sans distinction ni d’état ni de sang, (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l9empire, payent à proportion de leurs biens et facultés. Les sommes perçues ne sortiront des provinces que préalablement le payement de toutes les dépenses intérieures n’ait été assuré pour en éviter les frais de retour. Art. 11. Que, comme tous privilèges et exemptions en matière d’impôts sont abolis, le clergé, tant séculier que régulier, les nobles et tous autres soient imposés dans les communautés où leurs biens sont situés, où ils perçoivent des droits et revenus, au moyen de quoi la chambre ecclésiastique, devenant inutile, sera supprimée, et rendra compte des deniers qui peuvent et doivent à ce moment rester entre les mains des receveurs. Art. 12. Qu’aucun emprunt ne puisse être ouvert, aucun impôt ne puisse être perçu, que du iour de leur octroi librement consenti, et que ledit impôt ne dure que jusqu’au temps indiqué pour la tenue suivante des Etats. Art. 13. Que, conformément à ce qui s’est passé aux Etats de 1484, les députés soient appelés au conseil du Roi, lorsqu’on examinera leurs cahiers, et qu’ils s’y trouvent dans la proportion dans laquelle ils ont été convoqués aux Etats généraux, moitié du tiers, un quart du clergé, un quart de la noblesse. Art. 14. Que les Etats ne puissent être dissous que lorsque les cahiers auront été répondus. Art. 15. Les députés ne pourront -passer outre que tous les articles n’aient été reconnus, consentis et rédigés dans une charte scellée, signée et publiée de la manière la plus authentique ; charte dont les rois, à leur sacre, jureront l’observation. Art. 16. Ensuite, ils prendront connaissance des dettes et des besoins de l’Etat; ils assureront la dette nationale, et prendront les moyens convenables pour en diminuer l’intérêt sans manquer à la foi publique. Art. 17. Ils voteront pour le rétablissement de l’ordre et de l’économie dans toutes les parties de l’administration, n’y ayant que ce moyen pour faire face à tout. En conséquence, ils solliciteront vivement la suppression des places inutiles, la réduction des traitements trop avantageux, la diminution des pensions, la suppression même de celles qui seraient obtenues sans titres. Art. 18. Ils voteront sur les affaires de domaines, de gabelles, de droits d’aide, pour en supprimer la plupart, ou en réformer les abus. Art. 19. Sur la nécessité de faire incessamment un tarif des droits de contrôle dans les bureaux laïques et ecclésiastiques, qui soit clair et public. Art. 20. Sur le reculement des barrières, afin que, s’il est jugé nécessaire, ils obtiennent, pour ceux chez qui elles seront placées, un dédommagement et la liberté de lever et commercer les objets provenant du revenu territorial ou de leur industrie, sans être assujettis à aucun acquit-à-caution, ni à aucun autre droit. 138 {États gên. 1789. Cahiers.] ARCHIVES Art. 21. Sur l’utilité de faire des lois somptuaires, capables de réprimer le luxe. Art. 22. Sur l’abolition des loteries. Art. 23. Les domaines étant le patrimoine de la couronne, et par Là-même inaliénables, les députés insisteront pour que les domaines aliénés rentrent au Roi en propriété ; que les échanges, où ses droits ont presque toujours été lésés, soient déclarés nuis; que celui, en particulier, avec monseigneur le comte de Montbéliard, soit examiné de nouveau, et que, sur J’avantage ou le désavantage qu’il présenterait, tant pour l’intérêt du fisc que pour celui de la religion, il soit tenu ou désavoué; que les contrats faits avec les en-gagistes soient dissous, attendu que les engagées ne payent point, à beaucoup près, ce que produiraient au Roi les domaines, s’ils étaient affermés; en conséquence, ils voteront pour que, dans chaque province, ils soient affermés par ses Etats qui régleront la durée des baux, et qui chargeront les preneurs de toutes réparations. Art. 24. Ils porteront la même attention sur les forêts du Roi, dont Sa Majesté relire peu de chose; ils seront d’avis de les amodier pour vingt-cinq ans, en chargeant les officiers des lieux de marquer les assiettes, les pieds de réserve par chaque arpent, de faire le réeollemen des coupes de chaque année, le tout conformément à l’ordonnance des eaux et forêts : par ce procédé on épargnerait une somme considérable, les frais de régie. Art. 25. Comme il est impossible de tout réformer dans une première et seule tenue, et qu’il est indispensable néanmoins de préparer des réformes pour la suite, ils concourront à la no-mipation d’une commission qui s’occupera de la réforme des lois civiles et criminelles, qui simplifiera la forme judiciaire trop onéreuse actuellement, qui avisera à la quantité et au régime des greniers publics qui seront établis (précaution sage pour prévenir les accaparements clandestins et les misères de la disette), et qui portera son travail aux Etats généraux suivants. Sur tous ces objets, le clergé du bailliage d’Aval s’en rapporte aux lumières et au patriotisme de ses députés, les autorisant à opiner en conséquence, comme il leur paraîtra plus convenable, n’entendant pas néanmoins que leur pouvoir puisse s’étendre jusqu’à nommer une commission intermédiaire des Etats généraux; cette commission serait dangereuse, un petit nombre d’individus pourrait en abuser contre les intérêts de la nation. Art. 26. Ils demanderont en outre qu’il y ait un plan général et une forme d’instruction et d’éducation dans tout le royaume. Art. 27. Qu’il y ait des bureaux de charité suffisamment multipliés, qui procureront de l’ouvrage aux valides indigents, des ressources aux infirmes nécessiteux : ces établissements étant une des plus puissantes barrières contre la mendicité. A cet effet, ils demanderont qu’il soit permis aux communautés de recevoir en dons, les bâtiments, fonds et rentes qui leur seront offerts jusqu’à la concurrence de la somme qu’arbitreront Rs Etats provinciaux, relativement aux localités, sans que, pour ces objets, ni lettres d’amortissement, ni d’autres formalités que celles prescrites pour une donation, soient nécessaires. Art. 28. Que les communautés soient également autorisées à acquérir et recevoir les fonds nécessaires pour l’entretien des maîtres et maîtresses d’écoles. Art. 29. Que, dans les perceptions et économies _ provinciales, on ménage des fonds pour pen-PARLEMENTAIRES. [Bailliage d'Aval.J sionuer des chirurgiens qui seront envoyés et domiciliés où besoin sera. Art. 30. Que, pour obviera toute dilapidation, las ministres et tontes personnes qui manieront les deniers publics, soient comptables et responsables des fonds qui auront été remis entre leurs mains. Art. 31. Que toutes les personnes qui ont des intérêts sur le Roi et sur l’Etat, soient payées sans retenue quelconque par le receveur le plus à portée de leur bailliage et de leur domicile. Pétitions relatives à la religion et a la province. Art. 32. Les députés solliciteront de Sa Majesté une charte qui assurera l’état particulier des Francs-Comtois, et qui leur maintiendra tous ceux de leurs privilèges dont le sacrifice dans les Etats généraux n’aurâ point été jugé nécessaire pour le bien dn royaume; n’enteniiant pas qu’on puisse, en aucune “manière, déroger à l’article spécial de la capitulation conçue en ces termes : « Que la « religion catholique, apostolique et romaine sera « conservée et maintenue dans la Frauche-Gomté, « sans qu’aucune hérésie, secte ou liberté de « conscience y puisse être entrée, permise ou tolé-« rée; et sur le fait de la religion seront inviola-« blement observés les ordonnances de la Franche-« Comté, édits et anciens usages, conformément à « la capitulation du 14 février 1668, à quoi lesou-« verain répondit accordé ; il n’y aura aucune li-« berté de conscience permise. » Art. 33. Ils demanderont qu’il � ait dans tout le royaume une même liturgie et même culte ; que tous les vingt-cinq ans on assemble un concile national, tous les cinq ans un concile provincial, et tous les ans un synode diocésain composé des membres que le concile de Trente y appelle, et nommément du clergé du second ordre, comparant par ses députés librement élus. Art. 34. Qu’on fasse exécuter les lois du même concile contre la pluralité des bénéfices. Art. 35. Qu’indépendamment des publications déjà ordonnées, les bans de mariage soient publiés dans le lieu d’origine, et qu’il en soit tenu un registre. Art. 36. Que, sans blesser les droits des intéressés, on érige en cures les vicariats et dessertes. Art. 37. Que, dans toutes les paroisses, où les reconstructions, réparations, entretien des chœurs et des clochers, ainsi que des sacristies, ornements, etc., tombent à la charge des décimateurs,il soit fixé une certaine quotité de dîmes, que percevront annuellement les procureurs de fabrique, pour employer auxdites charges, au moyen de quoi lesdits décimateurs en soient totalement libérés, après, toutefois, une rendue préalable et l’assurance du prix redu pour le passé ; bien entendu que les curés, qui jouissent de la dîme, ne seront assujettis à cette règle que pour Fexcédant de la portion congrue. Art. 38. Qu’on détermine avec précision, s’il est possible, le nombre des vicaires commenceaux qu’on doit accorder relativement à la population et à la localité, un, par exemple, pour cinq cents communiants, ou pour une paroisse qui a double office, deux pour une paroisse de mille six cents communiants s’il n’y a pas de hameaux, ou mille quatre cents communiants, s’il y a plusieurs villages, ou enfin un tel nombre que la difficulté de la desserte sollicite raisonnablement. Art. 39. Que, pour obvier à l’impuissance où se trouvent nombre de pasteurs de vivre avec la décence convenable à leur état, et de soulager les nécessiteux de leurs paroisses, Sa Majesté sera sup- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Aval.] 139 plié d’améliorer leur sort, pris égard aux circonstances locales et à l’abandon du casuel qu’il conviendrait de supprimer. Art. 40. Qu’il soit libre aux curés qui feront l’option de portion congrue, de conserver leurs fonds estimés à l’amiable ou par experts tous les dix ans ; que ceux abandonnés dans les options déjà faites, rentrent en leur pouvoir, ainsi que les novales dont iis ont été privés. Art. 41. Que, pour prévenir les variations qui rendraient les portions congrues tantôt insuffisantes, tantôt au-dessus de la valeur perçue, elles soient fixées par le nombre d’une certaine quantité de mesures de blé, dont le prix réglé sera celui du marché qui se tiendra dans la ville bail-liagère, immédiatement après la Saint-Martin, et sera remis en argent. Art. 42. Le clergé, tant séculier que régulier, s’étant soumis aux impositions, soit royales, soit locales, pour tous les biens qu’il possède, demande que, dans la construction ou réparation de ses maisons, dans leur remplacement, des remboursements dans les échanges, dans l’emploi de tous fonds (les hôpitaux compris dans la même demande), ils ne soient assujettis à aucune lettre d’amortissement. Les curés demandent, en particulier, qu’on leur accorde grangeage, portion de sel et de bois, et autres aisances nécessaires, soit pour la culture, soit pour l’ébergeage. Art. 43. Il demande egalement, comme il n’a concouru en rien aux dettes du clergé de France, que même il a payé exactement son don, gratuit, il ne soit point compris dans lesimpositions qu’on lèverait pour l’acquittement de cette dette. Art. 44 Que le droit de responsion et autres droits semblables soient abolis. Art. 45. Dans les envois en possession, on s’assimilera aux usages des autres provinces. Art. 46. Tous pasteurs ou autres ecclésiastiques auront une retraite dont les émoluments seront réglés d’après leur âge, leurs services, leurs infirmités. Art. 47. Dans la tenue des Etats provinciaux, on établira une commission intermédiaire qui aura la police du commerce des grains, qui en autorisera ou défendra 1 exportation, suivant les circonstances, sans être obligée de recourir au conseil. Art. 48. Il y aura un cours public d’instruction, où seront formées au métier de sage-femme, celles que les paroisses enverront, et qui seront ensuite pensionnées par les communautés où elles travailleront exclusivement. Art. 49. Les biens des ex -Jésuites seront attribués aux différents collèges destinés à l’éducation ; et les ci-devant régisseurs desdits biens rendront compte. Art. 50. Les sujets du tiers-état ne seront plus exclus des charges, emplois ou bénéfices, fermés ci-devant à leurs talents et émulation. Art. 51. Lorsqu’une place de judicature vaquera, ou la donnera, s’il est bon de la conserver, à l’un des trois sujets présentés, qui aura au moins trente ans, et qui, pendant seize ans, aura fréquenté le barreau avec assiduité et distinction. Art. 52. Les officiers municipaux seront pris dans lesdifférenfes classes des citoyens et serontélectifs. Art. 53. Dans toutes les paroisses, on établira un tribunal de paix composé de cinq ou six personnes de la meilleure réputation, qui autoriseront ou défendront la poursuite des affaires litigieuses, del’avis, s’il était nécessaire, d’un conseil. Art.. 54. Gomme M. le marquis de Marnesia, mon seigneur l’é vêque de Saint-Claude, et Messieurs les chanoines de son chapitre noble, ont renoncé à leur droit de main-morte, et que ces derniers, selon que l’a annoncé M. de Poulmie, leur procureur fondé, n'ont jamais refusé un abonnement, pour ôter tous vestiges d’une macule si odieuse,. la main morte personnelle, droit de retour et tous autres droits y assimilés seront supprimés, la mainmorte réelle sera abonnée. Art. 55. Les corvées pour chemins seront abolies, et les communautés auront la liberté de faire, par elles-mêmes, ou d’amodier la portion à leur charge, sans qu’on puisse les assujettir à une adjudication, soit générale, soit particulière. Art. 46. Dans toutes constructions ou réparations de chemins, les riverains lésés seront dédommagés. Art. 57. Gomme la milice avec tous ses accessoires est un des poids qui pèsent le plus sur les habitants des campagnes, on délibérera pour la supprimer, si ce parti est avantageux, ou du moins pour en diminuer les inconvénients et les frais. Art. 58. Dans le cas où on ne croirait pas nécessaire de supprimer les salines en totalité, on rendra marchand et le sel marin et celui de la province , qui sera distribué en grain, et on supprimera, dès ce moment, toutes impositions jetées sur cette denrée de première nécessité, et qui grèvent singulièrement la classe la plus indigente. Art. 59. Les bois des communautés affectés aux salines leur seront rendus. La réformation et la maîtrise, trop onéreuses, seront supprimées, et leurs fonctions attribuées aux officiers des justices locales, qui devront se conformer aux ordonnances. Art. 60. Les revenus des communautés seront à leur libre administration; elles les retiendront devers elles, sans cependant pouvoir les employer à d’autres fins et objets que ceux approuvés par la commission intermédiaire. Art. 61. Toute adjudication de revenus communaux, de construction et de réparation, se fera aux moindres frais possibles, par-devant les officiers de justice locale. Art. 62. Tous les sujets auront la liberté -de se rédimer de la banalité. Art. 63. Les pouvoirs confiés aux gardes, étant, par leur abu�, une des plaies les plus constantes et des plus désastreuses, on avisera au moyen de fixer, limiter ces pouvoirs, et de les rendre moins calamiteux. CÂHÎÊR Des remontrances de l'ordre de la noblesse du bailliage d’Avai [en Franche-Comté ) (1). L’assemblée de la noblesse de Franche-Comté, convoquée au bailliage d’Avai, empressée d’adresser au Roi le témoignage de son amour, de son éespect et de sa reconnaissance pour le bienfait signalé que Sa Majesté procure à la nation par la tenue de ses Etats généraux, a pensé qu’elle devait s’occuper, dans son travail, du soin de consacrer les droits imprescriptibles de l’homme, les droits essentiels et constitutifs de la nation française, et les droits particuliers de la province qu’elle représente, afin que l’heureux accord de tous ces titres comprît à la fois les devoirs de l’homme, du citoyen et du sujet libre ; en conséquence, elle a déterminé ce qui suit : CHARTE NATIONALE Par laquelle il sera établi parla nation et reconnu par le Roi: Art. 1er. Que la nation est libre, l’Etat monar-(I) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la bibliothèque du Corps Législatif.