486 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 mai 179ft.| « Que les désordres et l'anarchie que l’imagination des auteurs de la délibération se plaît à créer ou à exagérer, n’a d’autre source que les efforts connus des ennemis de la Révolution, qui seuls aspirent à troubler le royaume, et toujours sans succès; « Que le résultat de l’assemblée illégale de Nîmes, fomentée et dirigée par des moteurs cachés et dangereux, paraît n’être qu’un des moyens de scission et d’anarchie, cruellement mais inutilement combinées à la trop fameuse époque du 13 avril dernier ; « Que la délibération du conseil général de la commune de Nîmes, du 22 avril dernier, aurait dû. dessiller les yeux aux citoyens catholiques illégalement assemblés, leur faire rétracter leurs demandes inconsidérées et leur rendre l’esprit de paix, de patriotisme, de respect pour l’Assemblée nationale, de fraternité et de concorde (sans distinction de culte) dont cette délibération présente des leçons si touchantes: « Par toutes ces considérations, le conseil général delà commune déclare unanimement, que bien loin d’adhérer à la délibération de l’assemblée illégale de Nîmes, il improuve formellement ladite délibération comme séditieuse, tendant à renverser la Constitution, à rappeler le pouvoir arbitraire, à soulever le peuple, à semer le trouble et le désordre dans le royaume, comme attentatoire aux pouvoirs législatif et exécutif, comme insultant aux vertus et surtout à 1$ droiture de notre monarque. « 11 a de plus unanimement arrêté qu’extraits de la présente seront, dans le jour, envoyés à l’Assemblée nationale; à M. le marquis de La Fayette, avec prière de la présenter au roi; à M. le maire de Paris, et à la municipalité de la ville de Nîmes, et qu’elle sera imprimée pour en être adressé, sans délai, des exemplaires aux principales municipalités du royaume. Signé, Payan fils, maire; Berard, J. J. Craisson, Delubac, d’Autane, Ansillion, officiers municipaux; Rocher, procureur de la commune \ Guynet, Castellane, Saint-Maurice, Chautard, Payan, Voile, Gourjon, Siron, Deville, André Favier, Berard, Merîsaîné,Mourard, notables; Gheysson, secrétaire-greffier. » Un de MM. les secrétaires lit ensuite une adresse du club des amis de la Constitution, composé de quatre cents citoyens actifs de la ville de Nîmes : « Notre ville est en proie aux dissensions intestines : déjà le sang coule, et les amis de la Constitution sont alarmés. Le 17 avril, quelques légionnaires de la ville de Nîmes ont substitué la coçarrie blanche à la cocarde nationale. Le lendemain ils ont fait de cette marque de ralliement une interprétation criminelle; ils se sont permis des propos indécents contre la nation, en cherchant à la mettre en opposition avec le roi. Une feuille infâme, sous le titre d'avis à l'armée française, circulait dans la ville et augmentait le trouble. La vigilance des officiers municipaux aurait dû arrêter ces désordres, et cependant elle a négligé de le faire. La discorde s’est accrue. Le 1er du mois de mai, deux compagnies de la garde nationale avaient planté un mai à la porte. de M* le baron de Marguerittes, maire de la ville,' et député à l’Assemblée nationale; il les invita à un déjeûner pour le lendemain dimanche, où ils se trouvèrent, la plupart avec des cocardes blanches. M. de Marguerittes fit quelques observations poqr la formej et les cocardes furent conservées. Dans i’après-dmer un légionnaire étant à se promener au Cours avec une cocarde blanche, un sergent du régiment de Guienne l’invita à la quitter. « Non, lui dit le légionnaire, je suis aristocrate. » A ces mots, le soldat lui arrache la cocarde et la foule aux pieds. Aussitôt des légionnaires se réunirent; des soldats du régiment de Guienne vinrent à la défense de leur camarade. Les sabres furent tirés. On courut avertir le corps municipal : il était occupé à signer une délibération contre la cocarde blanche. Les officiers municipaux se transportèrent au lieu du combat, et le firent heureusement cesser. La nuit il fallut veiller à la sûreté de la ville. Les patrouilles furent doublées; mais on ne vit point sans peine la compagnie du n° 31, la même qui le matin avait déjeuné chez le maire, être choisie pour garde, quoique ce ne fût pas son tour de service. De3 hommes armés de piques et de bâtons, éclairés par des torches, ont parcouru la ville, et y ont répandu l’alarme, sans que la municipalité parût s’en occuper. Les troupes n’ont point été requises, et ce n’est qu’à la sollicitation réitérée du respectable commandant du régiment de Guienne, que la loi martiale vient enfin d’être publiée. Nous vous envoyons la proclamation des officiers municipaux; vous verrez le peu d’importance qu’ils attachent aux calamités qui nous désolent. Notre ville est en proie aux deux aristocraties politique et religieuse, hautement avouées par les uns, bassement déguisées par les autres. Il n’est pas inutile de vous faire remarquer, Messieurs, que ces faits se passent à la veille des asssemblées primaires. Fait à Nîmes, ce 4 mai. » (Suivent quatre pages de signatures.) M. Charles de Cameth. Tout, dans cette affaire, annonce un délit. Je demande le renvoi des pièces au comité des recherches, et que M-le baron de Marguerittes soit mandé à la barre pour rendre compte de sa conduite. ( Murmures de la partie droite). J'observe que le congé de M. de Marguerittes est expiré; j’ignore ce qui a pu prolonger son séjour dans la ville de Nîmes : par le résultat, il y a lieu de croire que ce n’est pas son amour pour le bien public. ( Nouveaux murmures) Si quelqu’un blâme la hardiesse de mon opinion, je lui réponds que j’ai déjà pour moi les délibérations des villes voisines, qui nous dénoncent la conduite d’une municipalité dont il est le chef. J’ai droit de m’inquiéter sur la conduite d’un maire qui, membre de l’Assemblée nationale, a dû avoir beaucoup d’influence sur l’esprit des citoyens. Ce n’est point comme membre de l’Assemblée nationale que je demande qu’il soit mandé à la barre, c’est comme chef de la municipalité. Cette démarche sur laquelle on se récrie n’a rien d’humiliant ; pour moi, j’avoue que je tiendrais à honneur de venir déposer dans le sein de l'Assemblée mes inquiétudes, et d’y prouver moD innocence. M. de Marguerittes, après avoir subi la responsabilité, qu’exige sa qualité de maire, rentrera parmi nous comme membre de l’Assemblée {S'il en est digne! s’écrie-t-on de la partie gauche). Plus le peuple nous accorde de confiance, plus nous lui sommes comptables; qu’on ne parle pas de l’inviolabilité des membres de cette Assemblée ; elle est en raison de l’estime publique qu’ils se sont conciliée. S’ils se comportent mal on leur doit moins d’égards qu’aux derniers des citoyens. L’état inquiétant de la ville de Nîmes ne peut être l’effet d’une cabale ordinaire : depuis que nous voyons les aristocrates prendre de la confiance, ils n’ont point encore été si loin qu’aujourd?hui {Des murmures inter-