422 [Convention nationale.] - ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j ® nivôse an il J (28 décembre 1793 « Considérant que la loi du 20 septembre 1792 (vieux style), attribue aux ixibunaux de famille les contestations qui s’élèvent entre les époux, après la prononciation de leur divorce, dans les cas prévus par les articles 7 et 8 du paragraphe 3; que l’article 9 du paragraphe 4 renvoie aussi par-devant ces mêmes tribunaux les contesta¬ tions relatives aux droits des époux d’avoir un ou plusieurs enfante, et celles relatives à l’éducation et aux intérêts de ces enfante; il est de l’esprit de cette même loi d’attribuer aussi aux tribunaux de famille les contestations que des époux divorcés peuvent avoir sur le règle¬ ment de leurs droite, soit par rapport à la com¬ munauté des biens ou à la Société d’acquêts, soit par rapport aux droite matrimoniaux em¬ portant gain de survie; « Considérant qu’il s’élève une foule de ré¬ clamations contre les lenteurs que mettent les tribunaux de famille à terminer les affaires soumises à leur décision par la loi du divorce, et qu’il arrive souvent que, pendant ces délais, celui des époux qui est maître de la commu¬ nauté, en abuse pour la dilapider, et changer de nature les effets qui en dépendent; « Considérant qu’il n’y a pas de raison d’em¬ pêcher un mari divorcé de se remarier immé¬ diatement après le divorce, et une femme, dix mois après, lorsque le divorce n’a pas pour cause l’absence du mari; « Que dans ce dernier cas, si l’absence du mari, de 10 mois avant le divorce est constatée, il n’y a pas non plus de motifs pour empêcher la femme de se remarier immédiatement après le divorce; « Considérant enfin que les dispositions de la loi du 20 septembre 1792, donnent lieu à cet égard à beaucoup de réclamations, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les tribunaux de famille auxquels sont attribués les jugements des contestations entre maris et femmes, après le divorce, dans les cas prévus par les articles 7 et 8 du paragraphe 3 de la loi du 20 septembre 1792 sur le divorce, et dans les cas prévus par l’article 9 du para¬ graphe 4 de la même loi, connaîtront aussi de celles relatives aux règlements des droite des époux dans leur communauté, et de leurs droite matrimoniaux emportant gain de survie. Art. 2. « Ces tribunaux de famille seront obligés de prononcer sur ces contestations, dans le délai d’un mois après leur formation. « Les époux, ou l’un d’eux, pourront porter l’affaire soumise à la décision des arbitres de famille, par-devant le tribunal du district, si ces arbitres ont négligé de prononcer leur jugement pendant ce délai. tement après le divorce. L’épouse divorcée ne peut se remarier que 10 mois après. Art. 4. « S’il est constaté que le mari ait abandonné depuis 10 mois son domicile et sa femme, celle-ci pourra contracter un nouveau mariage aussitôt après le divorce (J). » Suit la 'pétition de la citoyenne Lefebvre (2). « Législateurs, « Après avoir été victime près de vingt années d’un mari que les préjugés, d’accord avec la loi, me contraignaient d’endurer, je me trouvai for¬ cée de toute manière à avoir recours à une sé¬ paration que je tentai il y a quatre ans. En conséquence, je demandai un tribunal de famille, lequel, d’après toutes les instructions prises, dé¬ cida que je serais séparée de corps et de biens, ce qui fut même le sentiment d’un tiers arbitre. « Il ne voulut pas y consentir; il en appela au tribunal du 2° arrondissement qui me jugea suivant la coutume de Paris et lui donna gain de cause, tant sur ma personne que sur mes biens. Ce triomphe emporté, il arriva dans sa maison comme un vrai despote asiatique; il n’y eut sorte de mauvais traitements que je n’eusse à essuyer': les coups, le ton impérieux et inju¬ rieux furent mon partage; dès ce moment, il ne m’accorda plus rien pour ma subsistance. Dans une situation aussi désespérante, je dévorais des larmes, dont je ne présumais voir la fin qu’avec ma vie. Mais lorsque votre sage décret sur le divorce fut porté, je crus apercevoir la fin de tous mes maux; je formai en conséquence ma demande en divorce pour incompatibilité'. Quoi¬ que bien fondée à pouvoir le demander pour ses vexations en tout genre, je l’obtins enfin au bout d’environ huit mois, après avoir essuyé tout ce que la chicane a de ressources pour le retarder ; il fut prononcé le 15 juillet dernier. « A cette époque, j’ai convoqué un tribunal de famille à l'effet d’obtenir la liquidation de mes biens, mais je n’ai pu y réussir dans le cours des 15 assemblées; mes réclamations ont été méconnues et sont restées sans effet; mes arbitres fatigués de tant de délais et d’entraves donnèrent leur démission, surtout voyant qu’un des arbitres du sieur Bellepanne fut mis en ar¬ restation et que malgré la demande qui lui fut faite d’en nommer un autre, il ne voulut jamais y consentir, ce qui fit que ce tribunal de famille se trouva dissous sans avoir pu porter aucune décision, ce qui le rendit nul et sans effet et qui fut jugé tel par un appel au Châtelet où il fut condamné à une amende pour l’injustice de ses demandes. « Depuis, j’ai nommé deux arbitres pour for¬ mer de nouveau le tribunal de famille; il en récuse un sous prétexte d’une plainte qu’il a faite contre lui et contre moi à la municipalité, le lendemain de la prononciation du divorce, que j’ose affirmer dénuée de toute vraisemblance Art. 3. Le mari divorcé peut se remarier immédia-(1) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 141. (2) Archives nationales, carton D III 246. (Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j Je mvoso an II 423 f 40 QwCBinDrc 1 / au et qui n’est qu’une calomnie des plus avérées; il est facile de voir que ce n’est qu’un moyen de plus qu’il emploie pour retarder le tribunal de famille afin d’avoir toujours entre les mains la jouissance entière de mon bien. Cette con¬ duite prend sa source dans l’opinion où il est de n’avoir aucune confiance dans les lois actuel¬ les et l’espoir d’un retour qui pourrait lui être favorable. <( Il a pour conseils les nommés Ozanno et Martinon, son gendre, qui, par leurs ressources chicanières sont généralement connus entre les hommes les plus dangereux pour la société; ils étaient ci-devant procureurs sous l’ancien ré¬ gime et en ont conservé les maximes. « Vous voyez, législateurs, qu’il serait de toute impossibilité que je puisse rien obtenu d’un tribunal de famille qui, par son organisa¬ tion, presque toujours incomplet et qui entraîne des longueurs interminables, surtout, avec des êtres d’aussi mauvaise foi. J’ai donc rempli les formes ordonnées par la loi, puisqu’il en a existé une qui a duré plus de trois mois sans décision. S’il était possible que vous puissiez ordonner que mon affaire fût portée devant le tribunal de district pour en juger en dernier ressort, et que provisoirement il soit ordonné de me rendre mes biens en nature pour n’être pas forcée de vendre jusqu’au dernier de mes effets pour sub¬ venir à ma subsistance, ce dont j’ai grand be¬ soin. « Comme le décret du divorce ne statue pas clairement sur la liquidation des biens des époux divorcés, je souhaiterais savoir : « 1° Si une femme a le droit de reprendre tout ce qu’elle a apporté en dot et en succession; « 2° Si lors de la durée du mariage le mari a exigé la signature de sa femme pour la vente de ses biens elle doit en supporter la perte; « 3° Si lorsqu’il lui a fait contracter quelques engagements, il n’est pas obligé de les rem¬ bourser lorsqu’il y a possibilité afin qu’il ne reste aucun sujet de discussion entre les par¬ ties. « Je vous observe, législateurs, que je m’en tiens uniquement à retirer mes biens tant pour ce que j’ai apporté en dot qu’en succession, renonçant à la communauté et même à un douaire de 800 livres de rente pour pouvoir obtenir ma tranquillité. « D’après ces exposés simples et fidèles, j’at¬ tends, législateurs, de votre justice que vous voudrez bien avoir égard à mes demandes en mettant par votre sagesse un terme aux souf¬ frances non méritées que j’ai supportées avec patience, croyant qu’il arrivera enfin un terme où mon sort pourra devenir plus heureux. « De Paris, ce décadi 20 frimaire, l’an II de la République française, une et indivisible. « J.-M. Lefebvre, femme divorcée d’André-Guillaume Bellepanne. » Compte rendu du Moniteur universel (1). Merlin (de Douai). En décrétant le code civil, la Convention adopta une disposition qui por-(1) Moniteur universel [n° 99 du 9 nivôse an II (dimanche 29 décembre 1793), p. 399, col. lj. D’autre part, le Journal de Perlet [n° 463 du 9 ni¬ vôse an II (dimanche 29 décembre 1793), p. 226] tait relativement au divorce, que l’époux di¬ vorcé pourrait se remarier aussitôt après sa pro¬ nonciation, et l’épouse, dix mois après. Le Code civil est renvoyé à la révision d’une Commission ; mais je crois qu’il ne peut y avoir d’inconvénient à faire exécuter dès à présent cette disposition. Je demande donc, comme il l’a déjà été dé¬ crété, que l’époux divorcé puisse se remarier, aussitôt après la prononciation du divorce, et l’épouse dix mois après. Cette proposition est adoptée. « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport de son comité de législation [Merlin (de Douai), rapporteur (1)], sur un mémoire du président du tribunal criminel du département de Paris, tendant à faire rapporter l’article 8 de la loi du 27 février 1792, et l’ar¬ ticle 8 de la loi du 30 juillet dernier, et à faire déclarer, en conséquence, que les dénonciateurs en matière de faux assignats pourront, ainsi que les agents et préposés de la trésorerie na¬ tionale, être entendus publiquement dans les affaires concernant la fabrication, distribution ou introduction de faux assignats; « Considérant que les articles cités défendent bien d’entendre comme témoins les dénoncia¬ teurs et les agents ou préposés de la trésorerie nationale, mais qu’ils ne défendent nullement, et que par conséquent ils sont censés permettre qu’on les entende comme plaignants ou dénon¬ ciateurs, sauf aux jurés à avoir tel égard que de raison à leurs dires et observations; qu’ainsi les articles 9 et 12 du titre Ier de la seconde partie de la loi du 16 septembre 1791 sur la procédure criminelle, les articles 7, 9 et 18 du titre 7 de la même loi, et les dispositions y cor¬ respondantes de la loi, en forme d’instruction, du 29 du même mois, ont toujours dû et doivent encore être exécutées à l’égard des dénoncia¬ teurs en matière de faux assignats, comme ils le sont à l’égard des parties plaignantes ou dé¬ nonciatrices dans toutes les autres matières; « Déclare qu’il n’y a pas lieu à délibérer. « Le présent décret sera adressé à tous les tribunaux de la République. » (2). Suit le texte du mémoire du citoyen Oudart, prési¬ dent du Tribunal criminel du département de rend compte de la motion de Merlin (de Douai), dans les termes suivants ; « Merlin (de Douai). La promulgation du Code civil pourrait encore être retardée assez longtemps. Cependant la fixation du temps qui doit s’écouler entre la prononciation du divorce et la célébration de nouvelles noces est attendue avec impatience. Je propose l’adoption définitive et la promulgation de l’article déjà décrété à ce sujet, portant que les hommes pourront se remarier aussitôt après la dissolution du mariage par le divorce et les femmes dix mois après seulement. « La Convention décrète que cette partie de la loi aura sur-le-champ son exécution. » (1) D’après la minute du document qui se trouve aux Archives nationales, carton C 287, dossier 851. (2) Procès-verbaux de la Convention, t 28, p. 143.