(Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (14 février 1791.] raisonnable avec ce prétendu délit, surtout quand on l’applique aux docteurs agrégés, dont elle reconnaît la capacité et l’expérience. « Un des premiers vices de cette loi, c’est d’éteindre l’émulation, qui, dans la concurrence aurait animé les professeurs. Par cette loi, dans la plupart de nos facultés de droit, les classes sont désertes; par cette loi, les docteurs agrégés gémissent d’être dans l’impossibilité d’expliquer aux citoyens la nouvelle Constitution, dont tous les bons Français, même avant la Révolution, avaient entrevu le principe, mais dont tous désirent qu’on leur explique la théorie : c’est par la liberté, dont nous réclamons l’exercice, que le public apprendra insensiblement à saisir l’ensemble de ce grand ouvrage, qui, Messieurs, vous assure un rang élevé parmi les législateurs. « Ainsi nous venons vous prier d’abroger l’article 5 de l’édit du mois d’avril 1679, portant règlement pour l’étude du droit canonique et civil, quant à la défense faite aux docteurs agrégés des facultés de droit, de donner, sur les lois, des leçons publiques. « Nous allons, si vous le permettez, remettre sur le bureau l’édit du roi et l’arrêt du parlement. « Pour ne point borner l’utilité de ces leçons, mais l’étendre de plus en plus dans tout le royaume, nous saisissons, Messieurs, l’instant où vous allez poser les bases des études publiques, pour avoir l’honneur de vous présenter un plan général d’enseignement de droit public et privé. Nous avons lieu d’espérer qu’il se liera aisément avec les idées qui dirigent le comité de Constitution : le droit public y tient le premier rang : son enseignement y est réparti graduellement, et pour les localités, et pour la manière de l’expliquer, à commencer par les villes des départements qui doivent l’inspecter, jusque dans ces divisions des campagnes, qui touchent aux premiers éléments de la représentation du peuple français. L’utilité des différentes espèces de droit privé y est aussi discutée, tant relativement aux matières dont il est composé, qu’aux diverses époques où elles doivent être enseignées ou abandonnées. « Si vous daignez, Messieurs, l’admettre pour être examiné, votre amour pour le bien public agréera le sacrifice de nos intérêts particuliers, et la patrie reconnaîtra que les docteurs agrégés de la Faculté de droit de Paris sont au nombre de ses plus zélés défenseurs. » Signé : Berthelot, homme de loi, docteur agrégé de la Farulté de droit de Paris, au nom des docteurs agrégés de cette Faculté. M. le Président répond : « Messieurs, c’est parmi les maîtres éclairés de l’art, que les productions humaines trouvent leurs meilleurs juges; sous ce point de vue, notre nouvelle Constitution mérite une estime particulière de la part dosjurisconsultes, comme elle a des droits à votre attachement, en vous considérant seulement comme citoyens. L’Assemblée nationale reçoit avec intérêt l’expression de vos sentiments à ce double égard. « Nous approchons de l’instant où la plus grande partie du droit public et privé, qui nous a régis jusqu’à ce jour, sera mêlée dans ces vastes ruines dont nous nous voyons environnés. Il ne restera plus guère à notre usage, de l’ancienne jurisprudence, que ces vérités éternelles, qui, prises dans la nature de l’homme et de la société, voient tout changer autour d’elles, 181 sans jamais changer elles-mêmes, et qui sont le principe de toute régénération durable. « Le droit naturel a été le tronc primitif de toutes les tiges de cette science générale, qu’on appelle Droit : mais des branches parasites ont fini par étouffer l’arbre. Il a fallu les abattre; il faudra descendre jusqu’aux racines pour faire pousser partout des rejetons sains et vigoureux. (. Applaudissements .) « Beaucoup de choses sont faites sur cette matière; beaucoup soDt à faire. Notre droit particulier n’exige pas de moindres réformes, que notre droit public n’en a éprouvé. Nous avons déjà fourni une assez ample matière à l’enseignement général. Hommes de loi, vous êtes désignés, par votre état même, pour faire connaître et chérir nos lois. « La justice a toujours eu pour tous les peuples quelque chose de sacré. Nous venons d’élever partout de nouveaux temples à son honneur: vous êtes comme les prêtres de ces temples ; vous en enseignerez le culte, vous en écartirez les fausses doctrines, vous empêcherez que la religion de la justice ne se souille, avec le temps, par des coutumes insensées, par des interprétations infidèles. « Avant toutes les facultés du royaume, il existait une grande faculté, celle de la réunion de tous les citoyens qui, chaeun dans leurs divers genres, ont le droit de donner l’essor à leurs talents, et de se rendre utiles à lenr patrie. « Si l’esprit des corporations a été de tout resserrer, de tout arrêter, celui de la Constitution actuelle est de tout développer, de tout étendre : elle s’applique à rouvrir les canaux qui peuvent rendre libre et facile toute espèce d’utile com munication, et surtout celle de l’esprit et de la pensée. « Ne doutez point que cette Assemblée ne con sidère votre demande dans ses rapports avec les principes de liberté et de sagesse qui l’ont dirigée jusqu’à présent : elle accepte l’hommage que vous lui faites de votre projet d’enseignement du droit public et privé, en consentant à la remise sur son bureau des pièces que vous lui avez annoncées, et elle vous invite à assister à sa séance. » ( Applaudissements .) M. de Saint-Martin. Je demande l’impression du discours et surtout de la réponse. (L’Assemblée ordonne l’impression du discours des docteurs agrégés et de la réponse du Président et renvoie à l’examen du comité de Constitution la pétition concernant l’article 5 de l’édit de 1679 et le plan général d’enseignement de droit public et privé.) M. le Président. Messieurs, le résultat du scrutin pour la nomination du président et de trois secrétaires a donné le résultat suivant ; Pour la présidence, M. Duport a obtenu 230 voix et M. Tronchet 141 voix. Pour les fonctions de secrétaires, M. Pétion de Villeneuve a obtenu 224 voix; M. Voulland, 219 voix, et M. de Sillery, 204 voix. En conséquence, sont élus : président, M. Duport; secrétaires, MM. Pétion de Villeneuve, Voulland et de Sillery, en remplacement de MM.Voidel, Goudard et Jacquemart. L’ordre du jour es* un rapport du comité des domaines sur l'aliénation du domaine de Féné-tranges.