SÉANCE DU 26 MESSIDOR AN II (14 JUILLET 1794) - Nos 42-44 147 42 Le citoyen Piette-François, de Rumigny, département des Ardennes, fait don de la pension à laquelle il a droit en qualité de commis aux ci-devant aides, ayant 33 ans d’exercice. Mention honorable, insertion au bulletin et renvoi au comité de liquidation (l). 43 Un membre, au nom du comité de législation, propose d’autoriser les agens nationaux des districts à déléguer leurs fonctions : après une courte discussion, cette proposition est renvoyée au comité de salut public (2). 44 Un membre [BARÈRE], au nom du comité de salut public, fait un rapport sur la fabrication du salpêtre; la Convention en ordonne l’impression (3). BARÈRE : Citoyens, c’est au milieu des richesses d’une belle récolte que l’agriculteur prévoyant prépare ses terres et ses engrais pour produire une nouvelle moisson; c’est aussi au milieu des triomphes obtenus par les armées de la République que nous devons préparer de nouveaux éléments pour la victoire. Quelles circonstances plus favorables pourrions-nous saisir, pour vous parler de poudre et de salpêtre, que celle où la Belgique est reprise par nos armées, où l’Autrichien vaincu à Fleurus est en déroute, et demande asile à des fortifications étrangères ? Quelle époque plus analogue aux circonstances actuelles que celle qui nous rappelle la prise de la Bastille ? et n’est-il pas digne de l’anniversaire que nous célébrons de vous présenter à pareil jour de nouveaux moyens de combattre et de vaincre les tyrans ? Un rapport fait aujourd’hui à cette tribune doit ressembler à un tocsin et raviver les citoyens pour faire des poudres et des armes, comme il les rassembla le 14 juillet 1789 pour s’en servir avec courage. Passionné pour la gloire et pour la liberté, le républicain français à montré la même activité et la même constance dans les travaux publics et dans les batailles, dans les ateliers et dans les camps, dans fl) P.V., XLI, 239; Mess. Soir, n°694. (2) P.V., XLI, 240. Voir même séance, n° 60. (3) P.V., XLI, 240. Bin, 27 mess. (ler et 2e suppl1); J. Univ., nos 1694-1696; J. Matin, n°718; J. Sablier, n° 1437 ; J. Fr., n°658; -J. Paris, n° 561 ; Ann. patr., n° DLX; Ann. R.F., n° 226 ; M.U., XLI, 426 ; C. Eg„ n° 695 ; Audit, nat., n° 659 ; -J.S. Culottes, n° 516 ; F.S.P., n° 375 ; J. Perlet, n°660; Rép., n° 207 ; C. Univ., n°926; Mess, soir, n° 694. Mentionné par J. Mont., n° 79 ; Débats, n° 662 ; J. Lois, n°654. Voir ci-après, même séance, n° 58. les fabriques et dans les armées ; avide de s’instruire et de vaincre, il a fait à la fois l’exercice militaire et la recherche du salpêtre; il a fabriqué ses fusils et fait un siège. Partout où il peut multiplier les moyens de battre les ennemis de ses droits, c’est là où il se porte en affluence; c’est là qu’il voit sa patrie. Ils n’ont pu lui refuser leurs hommages, ces hommes qu’une île jalouse et barbare arma toujours contre nous; et l’éloge des salpêtriers sans-culottes est sorti du sein même de ce parlement britannique que les poudres fabriquées par la liberté doivent finir par abattre. Entendez Stanhope parlant devant les hautes seigneuries du parlement anglais, dans la séance du 4 avril : « On a répandu les bruits les plus exagérés sur le manque de munitions qui devaient empêcher les Français de soutenir une seconde campagne; et au contraire, il est arrivé que ce peuple ingénieux a su se fournir lui-même de la poudre à canon. Les chimistes ont mis à la portée du peuple l’art de fabriquer le salpêtre, et déjà les mains empressées des citoyens en ont fait plus qu’il n’en faut pour la campagne. La facilité avec laquelle ils ont tiré du salpêtre des entrailles de la terre prouve et leurs ressources et la fécondité de leur génie; de pareils hommes portent le joug hors de chez eux, mais ne le reçoivent pas. » Qu’aurait-il dit au parlement du roi Georges, si les faits que je suis chargé de vous faire connaître lui eussent été rapportés ? Les voici : Depuis le 13 ventôse, où il a été fait un rapport sur la fabrication des armes et poudres, et sur la formation de la commission des armes et poudres, le comité n’a pas perdu de vue un seul instant cette importante fabrication. Il vient rendre compte à la Convention de ce qui a été fait depuis cette époque. Ses idées et ses vues se sont agrandies, et ont été secondées par tous les républicains. Les ateliers de salpêtre commençaient à s’élever lors du rapport du 13 pluviôse, et déjà la république en est couverte. Les sections de Paris ont fourni près de 600 milliers de salpêtre depuis cette époque, leur travail n’est pas encore à sa moitié pour la plupart d’entre elles. Que sera-ce lorsque la perfection des procédés, l’habitude du travail et la facilité des moyens vont se combiner ? Il y a plus de 60 ateliers d’extraction à Paris; chacun fournit au moins 800 livres de salpêtre par décade (terme moyen), c’est près de 50 000 livres par décade. Nous aurions de quoi renverser tous les trônes et incendier tous les royalistes de l’Europe, et détruire leurs hordes scélérates, si les autres parties de la république répondaient au zèle et à l’activité des travaux de Paris sur les salpêtres. Outre les 50 000 livres de salpêtre fournies à Paris par décade, et sorties des nouveaux ateliers révolutionnaires, les salpêtriers anciens en fournissent encore au moins à Paris 40.000 livres par décade, et il est possible en les réunissant aux nouveaux de multiplier encore ces divers produits. Les ateliers sont très multipliés dans les districts; il y en a plus de 6.000 dans toute la République. La plupart commencent à fournir, et bientôt, tous étant en activité, l’abondance du salpêtre surpassera les espérances conçues. SÉANCE DU 26 MESSIDOR AN II (14 JUILLET 1794) - Nos 42-44 147 42 Le citoyen Piette-François, de Rumigny, département des Ardennes, fait don de la pension à laquelle il a droit en qualité de commis aux ci-devant aides, ayant 33 ans d’exercice. Mention honorable, insertion au bulletin et renvoi au comité de liquidation (l). 43 Un membre, au nom du comité de législation, propose d’autoriser les agens nationaux des districts à déléguer leurs fonctions : après une courte discussion, cette proposition est renvoyée au comité de salut public (2). 44 Un membre [BARÈRE], au nom du comité de salut public, fait un rapport sur la fabrication du salpêtre; la Convention en ordonne l’impression (3). BARÈRE : Citoyens, c’est au milieu des richesses d’une belle récolte que l’agriculteur prévoyant prépare ses terres et ses engrais pour produire une nouvelle moisson; c’est aussi au milieu des triomphes obtenus par les armées de la République que nous devons préparer de nouveaux éléments pour la victoire. Quelles circonstances plus favorables pourrions-nous saisir, pour vous parler de poudre et de salpêtre, que celle où la Belgique est reprise par nos armées, où l’Autrichien vaincu à Fleurus est en déroute, et demande asile à des fortifications étrangères ? Quelle époque plus analogue aux circonstances actuelles que celle qui nous rappelle la prise de la Bastille ? et n’est-il pas digne de l’anniversaire que nous célébrons de vous présenter à pareil jour de nouveaux moyens de combattre et de vaincre les tyrans ? Un rapport fait aujourd’hui à cette tribune doit ressembler à un tocsin et raviver les citoyens pour faire des poudres et des armes, comme il les rassembla le 14 juillet 1789 pour s’en servir avec courage. Passionné pour la gloire et pour la liberté, le républicain français à montré la même activité et la même constance dans les travaux publics et dans les batailles, dans les ateliers et dans les camps, dans fl) P.V., XLI, 239; Mess. Soir, n°694. (2) P.V., XLI, 240. Voir même séance, n° 60. (3) P.V., XLI, 240. Bin, 27 mess. (ler et 2e suppl1); J. Univ., nos 1694-1696; J. Matin, n°718; J. Sablier, n° 1437 ; J. Fr., n°658; -J. Paris, n° 561 ; Ann. patr., n° DLX; Ann. R.F., n° 226 ; M.U., XLI, 426 ; C. Eg„ n° 695 ; Audit, nat., n° 659 ; -J.S. Culottes, n° 516 ; F.S.P., n° 375 ; J. Perlet, n°660; Rép., n° 207 ; C. Univ., n°926; Mess, soir, n° 694. Mentionné par J. Mont., n° 79 ; Débats, n° 662 ; J. Lois, n°654. Voir ci-après, même séance, n° 58. les fabriques et dans les armées ; avide de s’instruire et de vaincre, il a fait à la fois l’exercice militaire et la recherche du salpêtre; il a fabriqué ses fusils et fait un siège. Partout où il peut multiplier les moyens de battre les ennemis de ses droits, c’est là où il se porte en affluence; c’est là qu’il voit sa patrie. Ils n’ont pu lui refuser leurs hommages, ces hommes qu’une île jalouse et barbare arma toujours contre nous; et l’éloge des salpêtriers sans-culottes est sorti du sein même de ce parlement britannique que les poudres fabriquées par la liberté doivent finir par abattre. Entendez Stanhope parlant devant les hautes seigneuries du parlement anglais, dans la séance du 4 avril : « On a répandu les bruits les plus exagérés sur le manque de munitions qui devaient empêcher les Français de soutenir une seconde campagne; et au contraire, il est arrivé que ce peuple ingénieux a su se fournir lui-même de la poudre à canon. Les chimistes ont mis à la portée du peuple l’art de fabriquer le salpêtre, et déjà les mains empressées des citoyens en ont fait plus qu’il n’en faut pour la campagne. La facilité avec laquelle ils ont tiré du salpêtre des entrailles de la terre prouve et leurs ressources et la fécondité de leur génie; de pareils hommes portent le joug hors de chez eux, mais ne le reçoivent pas. » Qu’aurait-il dit au parlement du roi Georges, si les faits que je suis chargé de vous faire connaître lui eussent été rapportés ? Les voici : Depuis le 13 ventôse, où il a été fait un rapport sur la fabrication des armes et poudres, et sur la formation de la commission des armes et poudres, le comité n’a pas perdu de vue un seul instant cette importante fabrication. Il vient rendre compte à la Convention de ce qui a été fait depuis cette époque. Ses idées et ses vues se sont agrandies, et ont été secondées par tous les républicains. Les ateliers de salpêtre commençaient à s’élever lors du rapport du 13 pluviôse, et déjà la république en est couverte. Les sections de Paris ont fourni près de 600 milliers de salpêtre depuis cette époque, leur travail n’est pas encore à sa moitié pour la plupart d’entre elles. Que sera-ce lorsque la perfection des procédés, l’habitude du travail et la facilité des moyens vont se combiner ? Il y a plus de 60 ateliers d’extraction à Paris; chacun fournit au moins 800 livres de salpêtre par décade (terme moyen), c’est près de 50 000 livres par décade. Nous aurions de quoi renverser tous les trônes et incendier tous les royalistes de l’Europe, et détruire leurs hordes scélérates, si les autres parties de la république répondaient au zèle et à l’activité des travaux de Paris sur les salpêtres. Outre les 50 000 livres de salpêtre fournies à Paris par décade, et sorties des nouveaux ateliers révolutionnaires, les salpêtriers anciens en fournissent encore au moins à Paris 40.000 livres par décade, et il est possible en les réunissant aux nouveaux de multiplier encore ces divers produits. Les ateliers sont très multipliés dans les districts; il y en a plus de 6.000 dans toute la République. La plupart commencent à fournir, et bientôt, tous étant en activité, l’abondance du salpêtre surpassera les espérances conçues. 148 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Les grandes exploitations actuelles de salpêtre avancent en même temps les connaissances sur sa nature et sa formation, et influent fortement sur tous les arts qui y tiennent; en sorte que jamais occasion pareille d’observer et de prendre la nature sur le fait ne s’est présentée aux hommes. La république française laissera sur ce point, comme sur beaucoup d’autres, les nations voisines loin d’elle. Des cours révolutionnaires sur l’extraction du salpêtre ont été faits dans le mois de ventôse, et vous en avez vu les progrès. Des élèves ont été appelés des districts; leur ardeur, leur zèle ont favorisé singulièrement leur instruction, qui a été aussi solide que prompte. Cette grande expérience des cours révolutionnaires a fait connaître un nouveau mode d’instruction, qui donne au comité un instrument nouveau dont il tirera un grand parti pour plus d’un genre. De là le camp des Sablons, pour l’Ecole de Mars, en attendant une école révolutionnaire sur l’agriculture et l’éducation des troupeaux. Deux canonniers par district ont été appelés; neuf professeurs leur ont fait six cours, trois sur le salpêtre et la poudre, et trois sur les canons. En répandant rapidement l’instruction, ces cours ont donné beaucoup d’hommes instruits à la république. Les élèves casernés, admis dans la Société populaire des Amis de la Liberté et de l’Egalité, y ont en même temps puisé l’esprit public ; ils se sont élevés à la hauteur des révolutionnaires, en même temps qu’ils préparaient des armes à la révolution. A mesure que les élèves s’instruisaient, l’activité des ateliers des sections augmentait ; on commençait la raffinerie révolutionnaire de l’Unité et la poudrerie de Grenelle ; deux établissements les plus beaux, les plus étonnants de ce genre qu’il y ait en Europe. Après leurs cours, une partie des élèves a été confiée aux commissaires des salpêtres des sections, et y ont appris les procédés pratiques. Une autre partie a été mise dans les ateliers de fonderie de canons, chez Perier et Brezin ; d’autres ont été employés dans la raffinerie, d’autres dans la poudrerie; et cette distribution de talents les a déjà propagés à un point difficile à concevoir si l’on ne connaissait l’influence de la chaleur révolutionnaire sur toutes les opérations morales et sur les arts. La Convention a reçu l’hommage de ces élèves. Ils sont venus déposer dans son sein le fruit de leurs premiers travaux. On se rappelle la fête du salpêtre, une des plus gaies et des plus simples, une des plus républicaines qui aient été célébrées. Vous vous rappelez avec quel enthousiasme chaque section apportait devant vous le tribut de ses terres salpê-trées; c’est un impôt territorial que la liberté y avait mis, et dont le patriotisme a fait la perception avec usure. C’est le véritable gâteau des rois que chaque section venait offrir à ceux qui ont juré de les détruire. Après leur instruction complète ; ces ouvriers patriotiques ont été répartis sur les différents points de la république, pour y porter cette instruction et l’activité convenable. L’agence révolutionnaire des salpêtres et poudres a trouvé un grand nombre d’agents parmi ces élèves. Plusieurs, en rentrant dans leurs foyers, y ont porté l’énergie révolutionnaire et les lumières nécessaires à la fabrication du salpêtre; en sorte qu’ils ont communiqué le mouvement excité ici dans tous les points de la république. Le lieu de vos séances est le plateau électrique : les districts sont les anneaux de la chaîne, et la commotion a été faite jusqu’au bout. Tous les élèves ont été bien choisis et doués de toutes les qualités convenables à des républicains. Ce mode révolutionnaire de cours public, est devenu pour le comité un type d’instruction qui lui servira utilement pour toutes les branches des connaissances humaines utiles à la république; et vous ne tarderez pas à en sentir le besoin au milieu d’une ligue vandale ou visigothe qui veut encore proclamer l’ignorance, proscrire les hommes instruits, bannir le génie et paralyser la pensée. L’établissement de la raffinerie est devenu une des plus belles et des plus utiles manufactures de la République. Les procédés y sont simples et faciles; leur durée est courte; on a en quelques jours ce qui ne s’obtenait dans l’ancien raffinage qu’en deux mois de travaux. On raffine aujourd’hui 30 milliers de salpêtre par jour. La plus active raffinerie ancienne a bien de la peine à atteindre 3 milliers ; la raffinerie de Paris ira jusqu’à 40 milliers par jour. Le représentant du peuple Frécine y a mis un zèle et une activité qui en ont opéré le succès, et nous lui devons ici un témoignage public pour l’activité de ses opérations. La poudrerie révolutionnaire a éprouvé d’abord de grandes difficultés dans son établissement. Les expériences particulières qui avaient été faites étaient encore éloignées du succès d’une grande manufacture. Celle-ci, une fois montée, a éprouvé quelques retardements ; de nouvelles expériences ont été faites rapidement pour déterminer la fabrication en grand. On a obtenu des succès au-dessus de toute espérance. On fabrique aujourd’hui plus de 25 milliers de poudre par jour. Le représentant du peuple Niou, a rendu de grands services à la République dans ce genre, depuis qu’il est à la tête de la poudrerie de Grenelle, et le comité trouve une grande jouissance à lui rendre cette justice publique au milieu de ses collègues. En même temps on a perfectionné l’ancien procédé de la poudre dans les moulins. Au lieu de battre la poudre en 12 heures, comme on faisait, le comité a ordonné des expériences pour réussir en 3 heures; il a obtenu le succès qu’il désirait, en sorte que par suite on fera dans les anciens établissements quatre fois plus de poudre qu’on n’en faisait. Mais ces exploitations ne sont rien vis-à-vis de la poudre révolutionnaire : c’est ici que le génie de la liberté s’est fait le plus sentir : toutes les routines ont été abandonnées. Des procédés nouveaux et des citoyens enthousiastes de l’objet de leur travail ont porté les efforts à un maximum qui a étonné même les inventeurs. Chaque jour a vu augmenter les résultats, et la Belgique a été soumise avec la poudre révolutionnaire produite par ces infatigables sans-culottes. La machine à poudre de Grenelle a tellement réussi, elle a un si immense succès, que les nouveaux établissements dont on avait cru nécessaire de multiplier le nombre, deviennent inutiles. Il en est de même de la grande raffinerie de Paris, et toutes celles que le comité avait cru nécessaire d’établir dans les districts deviennent également inutiles. 148 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Les grandes exploitations actuelles de salpêtre avancent en même temps les connaissances sur sa nature et sa formation, et influent fortement sur tous les arts qui y tiennent; en sorte que jamais occasion pareille d’observer et de prendre la nature sur le fait ne s’est présentée aux hommes. La république française laissera sur ce point, comme sur beaucoup d’autres, les nations voisines loin d’elle. Des cours révolutionnaires sur l’extraction du salpêtre ont été faits dans le mois de ventôse, et vous en avez vu les progrès. Des élèves ont été appelés des districts; leur ardeur, leur zèle ont favorisé singulièrement leur instruction, qui a été aussi solide que prompte. Cette grande expérience des cours révolutionnaires a fait connaître un nouveau mode d’instruction, qui donne au comité un instrument nouveau dont il tirera un grand parti pour plus d’un genre. De là le camp des Sablons, pour l’Ecole de Mars, en attendant une école révolutionnaire sur l’agriculture et l’éducation des troupeaux. Deux canonniers par district ont été appelés; neuf professeurs leur ont fait six cours, trois sur le salpêtre et la poudre, et trois sur les canons. En répandant rapidement l’instruction, ces cours ont donné beaucoup d’hommes instruits à la république. Les élèves casernés, admis dans la Société populaire des Amis de la Liberté et de l’Egalité, y ont en même temps puisé l’esprit public ; ils se sont élevés à la hauteur des révolutionnaires, en même temps qu’ils préparaient des armes à la révolution. A mesure que les élèves s’instruisaient, l’activité des ateliers des sections augmentait ; on commençait la raffinerie révolutionnaire de l’Unité et la poudrerie de Grenelle ; deux établissements les plus beaux, les plus étonnants de ce genre qu’il y ait en Europe. Après leurs cours, une partie des élèves a été confiée aux commissaires des salpêtres des sections, et y ont appris les procédés pratiques. Une autre partie a été mise dans les ateliers de fonderie de canons, chez Perier et Brezin ; d’autres ont été employés dans la raffinerie, d’autres dans la poudrerie; et cette distribution de talents les a déjà propagés à un point difficile à concevoir si l’on ne connaissait l’influence de la chaleur révolutionnaire sur toutes les opérations morales et sur les arts. La Convention a reçu l’hommage de ces élèves. Ils sont venus déposer dans son sein le fruit de leurs premiers travaux. On se rappelle la fête du salpêtre, une des plus gaies et des plus simples, une des plus républicaines qui aient été célébrées. Vous vous rappelez avec quel enthousiasme chaque section apportait devant vous le tribut de ses terres salpê-trées; c’est un impôt territorial que la liberté y avait mis, et dont le patriotisme a fait la perception avec usure. C’est le véritable gâteau des rois que chaque section venait offrir à ceux qui ont juré de les détruire. Après leur instruction complète ; ces ouvriers patriotiques ont été répartis sur les différents points de la république, pour y porter cette instruction et l’activité convenable. L’agence révolutionnaire des salpêtres et poudres a trouvé un grand nombre d’agents parmi ces élèves. Plusieurs, en rentrant dans leurs foyers, y ont porté l’énergie révolutionnaire et les lumières nécessaires à la fabrication du salpêtre; en sorte qu’ils ont communiqué le mouvement excité ici dans tous les points de la république. Le lieu de vos séances est le plateau électrique : les districts sont les anneaux de la chaîne, et la commotion a été faite jusqu’au bout. Tous les élèves ont été bien choisis et doués de toutes les qualités convenables à des républicains. Ce mode révolutionnaire de cours public, est devenu pour le comité un type d’instruction qui lui servira utilement pour toutes les branches des connaissances humaines utiles à la république; et vous ne tarderez pas à en sentir le besoin au milieu d’une ligue vandale ou visigothe qui veut encore proclamer l’ignorance, proscrire les hommes instruits, bannir le génie et paralyser la pensée. L’établissement de la raffinerie est devenu une des plus belles et des plus utiles manufactures de la République. Les procédés y sont simples et faciles; leur durée est courte; on a en quelques jours ce qui ne s’obtenait dans l’ancien raffinage qu’en deux mois de travaux. On raffine aujourd’hui 30 milliers de salpêtre par jour. La plus active raffinerie ancienne a bien de la peine à atteindre 3 milliers ; la raffinerie de Paris ira jusqu’à 40 milliers par jour. Le représentant du peuple Frécine y a mis un zèle et une activité qui en ont opéré le succès, et nous lui devons ici un témoignage public pour l’activité de ses opérations. La poudrerie révolutionnaire a éprouvé d’abord de grandes difficultés dans son établissement. Les expériences particulières qui avaient été faites étaient encore éloignées du succès d’une grande manufacture. Celle-ci, une fois montée, a éprouvé quelques retardements ; de nouvelles expériences ont été faites rapidement pour déterminer la fabrication en grand. On a obtenu des succès au-dessus de toute espérance. On fabrique aujourd’hui plus de 25 milliers de poudre par jour. Le représentant du peuple Niou, a rendu de grands services à la République dans ce genre, depuis qu’il est à la tête de la poudrerie de Grenelle, et le comité trouve une grande jouissance à lui rendre cette justice publique au milieu de ses collègues. En même temps on a perfectionné l’ancien procédé de la poudre dans les moulins. Au lieu de battre la poudre en 12 heures, comme on faisait, le comité a ordonné des expériences pour réussir en 3 heures; il a obtenu le succès qu’il désirait, en sorte que par suite on fera dans les anciens établissements quatre fois plus de poudre qu’on n’en faisait. Mais ces exploitations ne sont rien vis-à-vis de la poudre révolutionnaire : c’est ici que le génie de la liberté s’est fait le plus sentir : toutes les routines ont été abandonnées. Des procédés nouveaux et des citoyens enthousiastes de l’objet de leur travail ont porté les efforts à un maximum qui a étonné même les inventeurs. Chaque jour a vu augmenter les résultats, et la Belgique a été soumise avec la poudre révolutionnaire produite par ces infatigables sans-culottes. La machine à poudre de Grenelle a tellement réussi, elle a un si immense succès, que les nouveaux établissements dont on avait cru nécessaire de multiplier le nombre, deviennent inutiles. Il en est de même de la grande raffinerie de Paris, et toutes celles que le comité avait cru nécessaire d’établir dans les districts deviennent également inutiles. SÉANCE DU 26 MESSIDOR AN II (l4 JUILLET 1794) - N" 44 149 Il résulte de là que tout est presque fini pour une immense exploitation de raffinerie de salpêtre, pour une immense fabrication de poudre, pour plus qu’il n’en faut à la république, plus qu’aucun peuple de l’univers n’en a jamais fait. Il en résulte que l’on pourra diminuer plusieurs établissements qui existent actuellement, détruire ceux qui sont près des frontières, mis à la disposition de l’ennemi par les traîtres ou les malheurs de la guerre. C’est ainsi que nous parviendrons à faire l’unité de la République même avec les ateliers de poudres et de salpêtre. Il faut faire préparer dans les diverses parties de la république toutes les matières d’armes, ou de guerre, ou de tous les autres besoins publics; mais il faut finir, il faut fabriquer; il faut fabriquer au centre. La centralisation est dans toutes les opérations de la nature, qui a aussi son unité et son indivisibilité; faisons passer ce principe fécond et conservateur dans la politique. C’est à Paris que nous devons placer les grands établissements, les ateliers les plus importants. C’est ici la clef de la voûte républicaine. En mettant dans le centre de la république et du gouvernement les grands ateliers de raffinage de salpêtre et de poudrerie, on constate de plus en plus la force révolutionnaire, et on rattache en un seul point toute la puissance active; on ne dépend plus d’une foule d’événements et l’approvisionnement est sûr; on n’est plus sous la dépendance de quelques comploteurs obscurs, de quelques fédéralistes impunis, des trahisons qui livrent les frontières, ou des représentants qui cèdent trop facilement aux sollicitations locales. Pour approvisionner ces grandes manufactures, qui consomment deux fois plus en un jour que ne consommaient autrefois tous les moulins à poudre de la République, il faut que l’exploitation du salpêtre ne se refroidisse point, que la chimie du peuple continue son travail utile. Il suffit d’offrir cette vérité aux républicains pour qu’ils en sentent toute l’importance. L’intérêt de la république et de la liberté y est lié, et le sort de nos armées, lancées avec impétuosité sur les royaumes de l’Europe, en dépend. Le même approvisionnement des grands ateliers de Paris exige que le salpêtre fabriqué ne séjourne point dans les magasins, et qu’il arrive en circulant facilement et promptement partout. Les agents du district doivent surtout avoir l’œil ouvert sur cette circulation. Ils sont reponsables de l’exécution des arrêtés du comité de salut public. Jusqu’à présent peut-être trop d’indulgence ou des considérations inutiles ont amené des lenteurs; mais les procédés étant plus connus et les besoins plus impérieux, le temps des ménagements est passé, et toute inexécution des arrêtés du comité sera sévèrement punie. Pour assurer l’approvisionnement de la raffinerie et de la poudrerie de Paris, le comité a donné des ordres pour faire arriver le salpêtre dans des centres déterminés pour chaque district, et pour le faire verser de là à Paris. Cette mesure bien exécutée ne pourra jamais exposer les ateliers de Paris au chômage; c’est là le point le plus important; d’un côté 1500 pères de famille subsistent tous les jours par les travaux de Grenelle, et de l’autre nos armées sont tous les jours alimentées par les produits de cette fabrique révolutionnaire; quel district, quelle commune voudrait donc ruiner des citoyens, désapprovisionner nos armées et paralyser la victoire ! D’après des états exacts, le comité, connaissant la production de salpêtre dans tous les districts, a cru devoir fixer le minimum de cette production à 1000 livres par décade, pour chaque district, ce qui fera plus d’un million 500 000 de salpêtre par mois, et au moins 20 000 000 de salpêtre par an. Cette quantité exigée par un arrêté du comité surpasse près de 10 fois l’ancienne production. On n’a donc pas trop dit dans les premiers rapports, en annonçant qu’on décuplerait le produit du salpêtre. Le zèle républicain peut aller au-delà. On peut juger du fondement des espérances du comité sur la production du salpêtre, et du peu d’exagération qu’il y a dans ses assertions, quoi qu’en aient dit des ignorants ou des contre-révolutionnaires, par ce qui est relatif au département d’Indre-et-Loire. Des données exactes et portées au minimum prouvent qu’il y a plus de 12 000 000 de salpêtre à exploiter dans ce seul département, que la nature a favorisé plus particulièrement de cette production. Bien assuré de ce fait par le rapport d’habiles chimistes, le comité a pris une mesure particulière pour ce riche département. Il y a envoyé le représentant du peuple Nioche, avec trois chimistes, pour faire extraire avec rapidité ce salpêtre, ou au moins une grande partie, et contribuer ainsi à alimenter Paris et le Ripault, autre manufacture située près de Tours, et qui, par sa position au centre de lieux richement salpêtrés, doit recevoir bientôt, par les soins du comité, un accroissement tel qu’au lieu de trois milliers de poudre par jour il en sera fabriqué dix milliers. Le commissariat nommé à cet effet par le comité, et sous la surveillance active du représentant Nioche, est parti il y a 8 jours, et est en pleine activité aujourd’hui. La lenteur et la difficulté de l’extraction du salpêtre dans plusieurs districts de la République provenait du manque de la potasse, matière que la France tirait autrefois de l’étranger. Le comité a proposé une loi adoptée par la Convention sur la fabrication de la potasse, et rendue le 20 germinal dernier (l). Elle est déjà mise en activité par les soins de l’administration révolutionnaire des salpêtres, et sera exécutée avec une grande promptitude dans le département d’Indre-et-Loire et dans les districts boisés du voisinage. Ce lieu promet à cet égard une abondante récolte. En même temps qu’on va procurer de la potasse à la République, et de son propre fonds, le comité s’occupe des moyens de diminuer la consommation de ce sel dans les verreries, les lessives, et tous les arts où on en emploie beaucoup. Cette diminution d’emploi aura lieu en substituant à la potasse la soude, que l’art chimique saura extraire du sel marin. Un travail considérable sur cet art nouveau, si important pour la république, a été ordonné par le comité : il est terminé, et des manufactures vont être sur-le-champ consacrées à sa pratique par les soins et les encouragements que le comité s’empresse d’y donner. On enlèvera ainsi à l’Espagne et à d’autres nations, ennemies de la liberté, un commerce qui rendait la France tributaire, et ce sera encore un grand service que la Convention aura rendu à la patrie. (l) Voir Arch. pari. T. LXXXIX, séance du 29 germ., n° 52. SÉANCE DU 26 MESSIDOR AN II (l4 JUILLET 1794) - N" 44 149 Il résulte de là que tout est presque fini pour une immense exploitation de raffinerie de salpêtre, pour une immense fabrication de poudre, pour plus qu’il n’en faut à la république, plus qu’aucun peuple de l’univers n’en a jamais fait. Il en résulte que l’on pourra diminuer plusieurs établissements qui existent actuellement, détruire ceux qui sont près des frontières, mis à la disposition de l’ennemi par les traîtres ou les malheurs de la guerre. C’est ainsi que nous parviendrons à faire l’unité de la République même avec les ateliers de poudres et de salpêtre. Il faut faire préparer dans les diverses parties de la république toutes les matières d’armes, ou de guerre, ou de tous les autres besoins publics; mais il faut finir, il faut fabriquer; il faut fabriquer au centre. La centralisation est dans toutes les opérations de la nature, qui a aussi son unité et son indivisibilité; faisons passer ce principe fécond et conservateur dans la politique. C’est à Paris que nous devons placer les grands établissements, les ateliers les plus importants. C’est ici la clef de la voûte républicaine. En mettant dans le centre de la république et du gouvernement les grands ateliers de raffinage de salpêtre et de poudrerie, on constate de plus en plus la force révolutionnaire, et on rattache en un seul point toute la puissance active; on ne dépend plus d’une foule d’événements et l’approvisionnement est sûr; on n’est plus sous la dépendance de quelques comploteurs obscurs, de quelques fédéralistes impunis, des trahisons qui livrent les frontières, ou des représentants qui cèdent trop facilement aux sollicitations locales. Pour approvisionner ces grandes manufactures, qui consomment deux fois plus en un jour que ne consommaient autrefois tous les moulins à poudre de la République, il faut que l’exploitation du salpêtre ne se refroidisse point, que la chimie du peuple continue son travail utile. Il suffit d’offrir cette vérité aux républicains pour qu’ils en sentent toute l’importance. L’intérêt de la république et de la liberté y est lié, et le sort de nos armées, lancées avec impétuosité sur les royaumes de l’Europe, en dépend. Le même approvisionnement des grands ateliers de Paris exige que le salpêtre fabriqué ne séjourne point dans les magasins, et qu’il arrive en circulant facilement et promptement partout. Les agents du district doivent surtout avoir l’œil ouvert sur cette circulation. Ils sont reponsables de l’exécution des arrêtés du comité de salut public. Jusqu’à présent peut-être trop d’indulgence ou des considérations inutiles ont amené des lenteurs; mais les procédés étant plus connus et les besoins plus impérieux, le temps des ménagements est passé, et toute inexécution des arrêtés du comité sera sévèrement punie. Pour assurer l’approvisionnement de la raffinerie et de la poudrerie de Paris, le comité a donné des ordres pour faire arriver le salpêtre dans des centres déterminés pour chaque district, et pour le faire verser de là à Paris. Cette mesure bien exécutée ne pourra jamais exposer les ateliers de Paris au chômage; c’est là le point le plus important; d’un côté 1500 pères de famille subsistent tous les jours par les travaux de Grenelle, et de l’autre nos armées sont tous les jours alimentées par les produits de cette fabrique révolutionnaire; quel district, quelle commune voudrait donc ruiner des citoyens, désapprovisionner nos armées et paralyser la victoire ! D’après des états exacts, le comité, connaissant la production de salpêtre dans tous les districts, a cru devoir fixer le minimum de cette production à 1000 livres par décade, pour chaque district, ce qui fera plus d’un million 500 000 de salpêtre par mois, et au moins 20 000 000 de salpêtre par an. Cette quantité exigée par un arrêté du comité surpasse près de 10 fois l’ancienne production. On n’a donc pas trop dit dans les premiers rapports, en annonçant qu’on décuplerait le produit du salpêtre. Le zèle républicain peut aller au-delà. On peut juger du fondement des espérances du comité sur la production du salpêtre, et du peu d’exagération qu’il y a dans ses assertions, quoi qu’en aient dit des ignorants ou des contre-révolutionnaires, par ce qui est relatif au département d’Indre-et-Loire. Des données exactes et portées au minimum prouvent qu’il y a plus de 12 000 000 de salpêtre à exploiter dans ce seul département, que la nature a favorisé plus particulièrement de cette production. Bien assuré de ce fait par le rapport d’habiles chimistes, le comité a pris une mesure particulière pour ce riche département. Il y a envoyé le représentant du peuple Nioche, avec trois chimistes, pour faire extraire avec rapidité ce salpêtre, ou au moins une grande partie, et contribuer ainsi à alimenter Paris et le Ripault, autre manufacture située près de Tours, et qui, par sa position au centre de lieux richement salpêtrés, doit recevoir bientôt, par les soins du comité, un accroissement tel qu’au lieu de trois milliers de poudre par jour il en sera fabriqué dix milliers. Le commissariat nommé à cet effet par le comité, et sous la surveillance active du représentant Nioche, est parti il y a 8 jours, et est en pleine activité aujourd’hui. La lenteur et la difficulté de l’extraction du salpêtre dans plusieurs districts de la République provenait du manque de la potasse, matière que la France tirait autrefois de l’étranger. Le comité a proposé une loi adoptée par la Convention sur la fabrication de la potasse, et rendue le 20 germinal dernier (l). Elle est déjà mise en activité par les soins de l’administration révolutionnaire des salpêtres, et sera exécutée avec une grande promptitude dans le département d’Indre-et-Loire et dans les districts boisés du voisinage. Ce lieu promet à cet égard une abondante récolte. En même temps qu’on va procurer de la potasse à la République, et de son propre fonds, le comité s’occupe des moyens de diminuer la consommation de ce sel dans les verreries, les lessives, et tous les arts où on en emploie beaucoup. Cette diminution d’emploi aura lieu en substituant à la potasse la soude, que l’art chimique saura extraire du sel marin. Un travail considérable sur cet art nouveau, si important pour la république, a été ordonné par le comité : il est terminé, et des manufactures vont être sur-le-champ consacrées à sa pratique par les soins et les encouragements que le comité s’empresse d’y donner. On enlèvera ainsi à l’Espagne et à d’autres nations, ennemies de la liberté, un commerce qui rendait la France tributaire, et ce sera encore un grand service que la Convention aura rendu à la patrie. (l) Voir Arch. pari. T. LXXXIX, séance du 29 germ., n° 52. 150 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Nous étions tributaires des pays étrangers pour le salpêtre, la poudre et la potasse : dans peu de jours nous leur offrirons notre excédant; et la France fournira aux peuples qui, à son exemple, voudront être libres, le fer et la poudre nécessaires pour conquérir leur liberté. Que les arts continuent leurs produits; que les artistes perfectionnent leurs procédés, et que les citoyens ne se découragent pas un instant : ils remplissent aujourd’hui la plus belle fonction; ils forgent la foudre qui doit détrôner les rois; leur vocation est digne d’envie. Du blé, du salpêtre et du fer, tels sont les premiers besoins de l’homme libre. La ligue infernale des rois a vainement tenté de nous ravir ces ressources territoriales : ils nous affamaient de subsistances ; ils paralysaient nos fabrications de salpêtre et de poudre; ils accaparaient nos fers et arrêtaient ceux qui venaient de l’étranger. Mais le ciel, la liberté et l’industrie républicaines ont déjoué ces criminelles combinaisons; et nous devons aux efforts et aux intrigues qu’ils ont faits pour bloquer, pour affamer la république, plusieurs genres d’industrie que nous n’aurions peut-être jamais songé à nous approprier. Barbares Anglais ! lâches auteurs de ces complots de famine et de destruction ! vous qui avez ameuté par vos infâmes et audacieux émissaires tant de gouvernements faibles ou trompés; vous qui avez accaparé, avec des vaisseaux et de l’or, les rois et leurs satellites, comme vous accaparez les nègres en Afrique et le commerce dans l’Inde; vous qui avez soulevé des hommes contre un peuple paisible et ami de la liberté, chez lequel vous avez salarié des traîtres domestiques et des hordes militaires; le fer à la main d’un côté, et la torche de l’autre, vous qui pressurez l’Europe et la couvrez de sang et de ruines, pour dicter des lois à un peuple libre et généreux, pour éteindre chez les hommes le sentiment de leurs droits éternels; vous qui, comme l’a dit un de vos orateurs, Stanhope, couvrez le monde de destruction pour forcer Brutus à s’agenouiller devant Tarquin, entendez aujourd’hui les promesses sacrées que vous fait la France et les moyens terribles qu’elle peut employer sous le règne des lois. Presque tout le salpêtre qu’on convertissait en poudre venait de l’Inde; nos nombreux ateliers répandus sur la surface de la France ne pouvaient fabriquer que 8 milliers au plus de livres de poudre ; et dans ce moment le seul atelier révolutionnaire de Grenelle en fabrique 25 milliers par jour. Ainsi, un seul atelier fabrique sous les yeux de la Convention nationale deux fois plus de poudre qu’il ne s’en fabriquait dans toute l’étendue de ce que les Capets appelaient leur royaume. Les arts et les sciences sont constitués ouvriers dans les ateliers nombreux : leurs procédés sont sûrs; ils mettent les ouvriers à l’abri des accidents, puisque les matières sont broyées séparément, et que leur mélange s’opère dans les tonneaux, sans secousse, sans choc, sans buttage. Les procédés sont prompts; car, en un jour, les matières sont broyées, mélangées, grainées et prêtes à être employées. Nous avons donc des moyens assurés pour faire partout, et en très peu de temps, toute la poudre que peuvent réclamer les besoins des armées de la République. Nous pourrions aisément porter la fabrication de chacune des deux poudreries qu’on établit près de Paris à 20 milliers, ce qui nous produirait 12 à 14 millions de livres de poudre chaque année, c’est-à-dire 4 a 5 fois plus que toute la puissance réunie des rois de l’Europe n’aurait pu en fabriquer. Apprenez surtout quelle espèce d’hommes travaille à faire les poudres. Le jour où ils ont appris la bataille de Fleurus, gagnée par les républicains, ils ont voulu dépasser les heures destinées au travail; et, malgré les grandes chaleurs, ils ont prolongé leurs travaux, et produit des milliers de plus de poudre, pour rétablir dans les magasins celle que les républicains ont si bien employée. Niou, le représentant du peuple, qui surveille la fabrique de Grenelle, leur apprend que la poudre révolutionnaire a conquis la Belgique, et qu’elle a été employée aux derniers triomphes. Aussitôt leur émulation n’a plus de bornes. « Nous crèverons ici plutôt, s’écriaient-ils, que de cesser un instant un travail aussi utile à nos braves défenseurs ». J’ai rapporté à la Convention leurs cris de joie à la nouvelle de nos succès, leur redoublement de travaux en voyant triompher la liberté; et déjà les républicains à cette tribune, les bons citoyens, les pères de famille ont reçu leurs récompenses. Le comité a levé beaucoup d’entraves sur la fabrication du salpêtre. Il a empêché quelques déprédations et vexations, auxquelles les malveillants l’avaient de leur côté consacrée. Il a publié des instructions sur la nécessité de replacer les terres lessivées dans les lieux d’où on les avait extraites, sur l’existence du salpêtre dans des terres où l’on disait qu’il n’y en avait point, et sur plusieurs autres points aussi utiles. Le comité ne borne point ses vues au présent, il s’occupe également de l’avenir. Quoique le sol de la France paraisse inépuisable en salpêtre, quoique ce sel doive manifestement être reproduit avant que toutes les terres d’où on extrait actuellement soient épuisées, le comité fait faire des recherches sur la construction et l’établissement des nitrières artificielles, sur le nombre qu’il conviendra d’en former pour la république; cet art une fois assuré, le travail des citoyens sera diminué, les besoins journaliers satisfaits sans peine, et la récolte proportionnée non-seulement aux besoins de la république, mais portée bien au delà. Huit inspecteurs, nommés par le comité, continuent à parcourir tous les départements, à activer la fabrication du salpêtre, à éclairer et à échauffer les citoyens sur cette fabrication. Ils correspondent immédiatement avec le comité, et lui rendent un compte exact de l’état général de la fabrication. Ils surveillent toutes les opérations et tous les agents des deux administrations, et dénoncent les abus au comité, qui les détruit sur-le-champ. Le comité a adjoint deux élèves a chaque inspecteur. Ce que la force des circonstances a exigé au commencement de l’exploitation révolutionnaire du salpêtre, pour la création d’une nouvelle administration, ne devient que plus nécessaire aujourd’hui que tous les établissements sont montés et en pleine activité. Et c’est ici que la Convention doit porter un regard sévère sur le projet fédératif qui tend à diviser les fabrications et à décentraliser l’administration la plus active, la plus féconde qui 150 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Nous étions tributaires des pays étrangers pour le salpêtre, la poudre et la potasse : dans peu de jours nous leur offrirons notre excédant; et la France fournira aux peuples qui, à son exemple, voudront être libres, le fer et la poudre nécessaires pour conquérir leur liberté. Que les arts continuent leurs produits; que les artistes perfectionnent leurs procédés, et que les citoyens ne se découragent pas un instant : ils remplissent aujourd’hui la plus belle fonction; ils forgent la foudre qui doit détrôner les rois; leur vocation est digne d’envie. Du blé, du salpêtre et du fer, tels sont les premiers besoins de l’homme libre. La ligue infernale des rois a vainement tenté de nous ravir ces ressources territoriales : ils nous affamaient de subsistances ; ils paralysaient nos fabrications de salpêtre et de poudre; ils accaparaient nos fers et arrêtaient ceux qui venaient de l’étranger. Mais le ciel, la liberté et l’industrie républicaines ont déjoué ces criminelles combinaisons; et nous devons aux efforts et aux intrigues qu’ils ont faits pour bloquer, pour affamer la république, plusieurs genres d’industrie que nous n’aurions peut-être jamais songé à nous approprier. Barbares Anglais ! lâches auteurs de ces complots de famine et de destruction ! vous qui avez ameuté par vos infâmes et audacieux émissaires tant de gouvernements faibles ou trompés; vous qui avez accaparé, avec des vaisseaux et de l’or, les rois et leurs satellites, comme vous accaparez les nègres en Afrique et le commerce dans l’Inde; vous qui avez soulevé des hommes contre un peuple paisible et ami de la liberté, chez lequel vous avez salarié des traîtres domestiques et des hordes militaires; le fer à la main d’un côté, et la torche de l’autre, vous qui pressurez l’Europe et la couvrez de sang et de ruines, pour dicter des lois à un peuple libre et généreux, pour éteindre chez les hommes le sentiment de leurs droits éternels; vous qui, comme l’a dit un de vos orateurs, Stanhope, couvrez le monde de destruction pour forcer Brutus à s’agenouiller devant Tarquin, entendez aujourd’hui les promesses sacrées que vous fait la France et les moyens terribles qu’elle peut employer sous le règne des lois. Presque tout le salpêtre qu’on convertissait en poudre venait de l’Inde; nos nombreux ateliers répandus sur la surface de la France ne pouvaient fabriquer que 8 milliers au plus de livres de poudre ; et dans ce moment le seul atelier révolutionnaire de Grenelle en fabrique 25 milliers par jour. Ainsi, un seul atelier fabrique sous les yeux de la Convention nationale deux fois plus de poudre qu’il ne s’en fabriquait dans toute l’étendue de ce que les Capets appelaient leur royaume. Les arts et les sciences sont constitués ouvriers dans les ateliers nombreux : leurs procédés sont sûrs; ils mettent les ouvriers à l’abri des accidents, puisque les matières sont broyées séparément, et que leur mélange s’opère dans les tonneaux, sans secousse, sans choc, sans buttage. Les procédés sont prompts; car, en un jour, les matières sont broyées, mélangées, grainées et prêtes à être employées. Nous avons donc des moyens assurés pour faire partout, et en très peu de temps, toute la poudre que peuvent réclamer les besoins des armées de la République. Nous pourrions aisément porter la fabrication de chacune des deux poudreries qu’on établit près de Paris à 20 milliers, ce qui nous produirait 12 à 14 millions de livres de poudre chaque année, c’est-à-dire 4 a 5 fois plus que toute la puissance réunie des rois de l’Europe n’aurait pu en fabriquer. Apprenez surtout quelle espèce d’hommes travaille à faire les poudres. Le jour où ils ont appris la bataille de Fleurus, gagnée par les républicains, ils ont voulu dépasser les heures destinées au travail; et, malgré les grandes chaleurs, ils ont prolongé leurs travaux, et produit des milliers de plus de poudre, pour rétablir dans les magasins celle que les républicains ont si bien employée. Niou, le représentant du peuple, qui surveille la fabrique de Grenelle, leur apprend que la poudre révolutionnaire a conquis la Belgique, et qu’elle a été employée aux derniers triomphes. Aussitôt leur émulation n’a plus de bornes. « Nous crèverons ici plutôt, s’écriaient-ils, que de cesser un instant un travail aussi utile à nos braves défenseurs ». J’ai rapporté à la Convention leurs cris de joie à la nouvelle de nos succès, leur redoublement de travaux en voyant triompher la liberté; et déjà les républicains à cette tribune, les bons citoyens, les pères de famille ont reçu leurs récompenses. Le comité a levé beaucoup d’entraves sur la fabrication du salpêtre. Il a empêché quelques déprédations et vexations, auxquelles les malveillants l’avaient de leur côté consacrée. Il a publié des instructions sur la nécessité de replacer les terres lessivées dans les lieux d’où on les avait extraites, sur l’existence du salpêtre dans des terres où l’on disait qu’il n’y en avait point, et sur plusieurs autres points aussi utiles. Le comité ne borne point ses vues au présent, il s’occupe également de l’avenir. Quoique le sol de la France paraisse inépuisable en salpêtre, quoique ce sel doive manifestement être reproduit avant que toutes les terres d’où on extrait actuellement soient épuisées, le comité fait faire des recherches sur la construction et l’établissement des nitrières artificielles, sur le nombre qu’il conviendra d’en former pour la république; cet art une fois assuré, le travail des citoyens sera diminué, les besoins journaliers satisfaits sans peine, et la récolte proportionnée non-seulement aux besoins de la république, mais portée bien au delà. Huit inspecteurs, nommés par le comité, continuent à parcourir tous les départements, à activer la fabrication du salpêtre, à éclairer et à échauffer les citoyens sur cette fabrication. Ils correspondent immédiatement avec le comité, et lui rendent un compte exact de l’état général de la fabrication. Ils surveillent toutes les opérations et tous les agents des deux administrations, et dénoncent les abus au comité, qui les détruit sur-le-champ. Le comité a adjoint deux élèves a chaque inspecteur. Ce que la force des circonstances a exigé au commencement de l’exploitation révolutionnaire du salpêtre, pour la création d’une nouvelle administration, ne devient que plus nécessaire aujourd’hui que tous les établissements sont montés et en pleine activité. Et c’est ici que la Convention doit porter un regard sévère sur le projet fédératif qui tend à diviser les fabrications et à décentraliser l’administration la plus active, la plus féconde qui SÉANCE DU 26 MESSIDOR AN II (14 JUILLET 1794) - N° 44 151 ait encore existé sur le sol de la république. L’agence ancienne, ci-devant régie des poudres, et l’agence nouvelle ou révolutionnaire s’entravent réciproquement dans leurs travaux; les ateliers de l’agence ancienne récoltent souvent le salpêtre révolutionnaire qui devait approvisionner les fabriques de l’agence révolutionnaire; celles-ci, employant plus de matières que les fabriques de l’agence ancienne, sont souvent sur le point d’en manquer. Si le comité n’avisait dans ce moment les moyens de centraliser les opérations, les ateliers révolutionnaires deviendraient peu à peu des ateliers de l’agence ancienne, et l’ouvrage s’y ralentirait comme chez les salpêtriers, dont l’intérêt est de ne retirer que lentement le salpêtre. Il n’est plus question aujourd’hui que de hâter la fabrication du salpêtre et d’organiser l’administration des poudres d’une manière digne de l’importance de l’objet qui lui est confié. Le mouvement révolutionnaire que la Convention a voulu imprimer à toute la France pour l’exploitation du salpêtre n’a pas été le même partout. On a vu des hommes faibles, ignorants ou malintentionnés, seconder faiblement l’extraction de ce sel. Ici c’étaient des chaudières qui manquaient; là c’étaient des hommes instruits qu’on réclamait; partout on semblait ignorer qu’un républicain doit surmonter tous les obstacles ; que le mot impossible est rayé de son vocabulaire; que la révolution ne se nourrit, depuis le 14 juillet, que d’efforts et de prodiges ; et que ceux-là qui nous parlent sans cesse d’obstacles, de difficultés, ne sont pas nés, ni appelés à la conquête de la liberté ! Quelques hommes, voulant se faire un état de l’exploitation du salpêtre, se font commissionner par l’agence nationale, et, devenus salpêtriers, ils entravent les exploitations particulières, et modèrent la leur pour avoir de l’ouvrage et un produit successif et lent. Oh ! combien ce hideux intérêt personnel a livré de combats à la république ; il faut être sans cesse armé pour le combattre, tant il est exigeant, importun, protée, opiniâtre et universel. Les agents ou commissaires de l’agence nationale placés et connus depuis longtemps dans les établissements disséminés dans les différents points de la république ont toutes les facilités possibles pour attirer à eux les ateliers révolutionnaires, les hommes qui y travaillent, le salpêtre qui s’y fabrique, et privent ainsi l’agence révolutionnaire d’une grande partie de son produit. Les potasses sont, par la même cause, presque toutes livrées à l’agence ancienne, et employées par elle, de manière que l’agence révolutionnaire en est privée. Est-ce aveuglement, est-ce intérêt personnel, est-ce influence des localités, est-ce malveillance ? c’est ce que le comité doit examiner sévèrement; mais, dans tous les cas, les inconvénients sont majeurs; il faut les faire disparaître par une administration une et centrale; c’est une condescendance meurtrière de ménager un établissement parce qu’il existe; il ne doit subsister que ce qui est utile à la république. Presque partout les anciens salpêtriers commissionnés entravent l’exploitation révolutionnaire des salpêtres par l’opposition de leur arrondissement; ils usent de toute la rigueur de la loi, et n’en saisissent l’esprit qu’à leur propre avantage, sans l’appliquer comme il devait l’être à l’extraction prompte et rapide du salpêtre. C’est ainsi qu’un génie malfaisant semble s’attacher à contre-révolu-tionner toutes les lois, et à ne saisir dans leur disposition que les armes ou les moyens qui lui conviennent. En un mot, les deux agences se gênent, se fatiguent, rivalisent avec perte et danger perpétuel pour la république. Nous vous proposerons donc la réunion de l’agence nationale, ci-devant régie des poudres, et de l’agence révolutionnaire. Le service des deux administrations s’entrave, se contrarie; l’une a une origine révolutionnaire, l’autre a pris naissance dans l’ancien régime; ces deux filles de deux lits différents pourraient nuire à la paix domestique, et détruire le patrimoine national au lieu de l’augmenter. Nous n’avons pas proposé d’abord cette réunion, parce que nous ne voulions pas risquer les produits assurés de l’ancienne méthode avant d’être bien assurés du plein succès des procédés nouveaux. C’est ainsi que marche la sagesse à côté de la révolution. Aujourd’hui l’expérience a justifié entièrement la bonté, l’efficacité de ces procédés modernes; le moment est venu de former une organisation générale, qui donnera plus d’extension au produit en conciliant les moyens économiques qui naissent de la régularité et de l’unité des opérations. Nous avons passé rapidement de l’invention la plus hardie à l’exécution la plus positive; nous sommes arrivés dans quelques mois à des résultats grands et même inattendus. Communément il faut un siècle pour passer de l’invention à la manœuvre routinière; ici nous avons passé subitement de l’invention à l’exécution mécanique et facile pour tous les citoyens, car nous avons formé un peuple de salpêtriers et de fabrica-teurs de poudre. En vous faisant part des moyens employés, nous avons espéré d’exciter de nouveau le zèle des citoyens, d’activer les travaux des sections, de ranimer le patriotisme des ouvriers, et d’obtenir de nouveaux produits de salpêtre. Pour obtenir de la poudre, il y avait trois grandes opérations à faire : 1° extraire du salpêtre brut en très grande quantité; 2° raffiner le salpêtre; 3° fabriquer la poudre. Pour obtenir le salpêtre, la Convention nationale a, par son décret du 14 frimaire (l), invité tous les citoyens à lessiver les terres de leurs caves. Lors de l’invention du nouveau procédé pour le raffinage du salpêtre et la fabrication de la poudre, on croyait aussi qu’il fallait des établissements nombreux de ce genre pour toute la république; mais les premiers établissements formés à Paris ont donné les moyens de perfectionner les détails des procédés, tellement qu’il est évident aujourd’hui que les grands établissements de Paris suffiront pour le travail actuel, pour les besoins de la république, à quelque degré d’extension qu’ils se portent. Ainsi, la seule difficulté qui reste aujourd’hui est de redoubler l’extraction du salpêtre brut dans toutes les communes, et de le faire affluer sur les établissements de Paris, afin de les alimenter abondamment. Le fédéralisme, qui se glisse partout où il ne trouve pas des patriotes ardents qui le pourchas-(1) Voir Arch.parl, T. LXXX, séance du 14 frimaire, p. 616. SÉANCE DU 26 MESSIDOR AN II (14 JUILLET 1794) - N° 44 151 ait encore existé sur le sol de la république. L’agence ancienne, ci-devant régie des poudres, et l’agence nouvelle ou révolutionnaire s’entravent réciproquement dans leurs travaux; les ateliers de l’agence ancienne récoltent souvent le salpêtre révolutionnaire qui devait approvisionner les fabriques de l’agence révolutionnaire; celles-ci, employant plus de matières que les fabriques de l’agence ancienne, sont souvent sur le point d’en manquer. Si le comité n’avisait dans ce moment les moyens de centraliser les opérations, les ateliers révolutionnaires deviendraient peu à peu des ateliers de l’agence ancienne, et l’ouvrage s’y ralentirait comme chez les salpêtriers, dont l’intérêt est de ne retirer que lentement le salpêtre. Il n’est plus question aujourd’hui que de hâter la fabrication du salpêtre et d’organiser l’administration des poudres d’une manière digne de l’importance de l’objet qui lui est confié. Le mouvement révolutionnaire que la Convention a voulu imprimer à toute la France pour l’exploitation du salpêtre n’a pas été le même partout. On a vu des hommes faibles, ignorants ou malintentionnés, seconder faiblement l’extraction de ce sel. Ici c’étaient des chaudières qui manquaient; là c’étaient des hommes instruits qu’on réclamait; partout on semblait ignorer qu’un républicain doit surmonter tous les obstacles ; que le mot impossible est rayé de son vocabulaire; que la révolution ne se nourrit, depuis le 14 juillet, que d’efforts et de prodiges ; et que ceux-là qui nous parlent sans cesse d’obstacles, de difficultés, ne sont pas nés, ni appelés à la conquête de la liberté ! Quelques hommes, voulant se faire un état de l’exploitation du salpêtre, se font commissionner par l’agence nationale, et, devenus salpêtriers, ils entravent les exploitations particulières, et modèrent la leur pour avoir de l’ouvrage et un produit successif et lent. Oh ! combien ce hideux intérêt personnel a livré de combats à la république ; il faut être sans cesse armé pour le combattre, tant il est exigeant, importun, protée, opiniâtre et universel. Les agents ou commissaires de l’agence nationale placés et connus depuis longtemps dans les établissements disséminés dans les différents points de la république ont toutes les facilités possibles pour attirer à eux les ateliers révolutionnaires, les hommes qui y travaillent, le salpêtre qui s’y fabrique, et privent ainsi l’agence révolutionnaire d’une grande partie de son produit. Les potasses sont, par la même cause, presque toutes livrées à l’agence ancienne, et employées par elle, de manière que l’agence révolutionnaire en est privée. Est-ce aveuglement, est-ce intérêt personnel, est-ce influence des localités, est-ce malveillance ? c’est ce que le comité doit examiner sévèrement; mais, dans tous les cas, les inconvénients sont majeurs; il faut les faire disparaître par une administration une et centrale; c’est une condescendance meurtrière de ménager un établissement parce qu’il existe; il ne doit subsister que ce qui est utile à la république. Presque partout les anciens salpêtriers commissionnés entravent l’exploitation révolutionnaire des salpêtres par l’opposition de leur arrondissement; ils usent de toute la rigueur de la loi, et n’en saisissent l’esprit qu’à leur propre avantage, sans l’appliquer comme il devait l’être à l’extraction prompte et rapide du salpêtre. C’est ainsi qu’un génie malfaisant semble s’attacher à contre-révolu-tionner toutes les lois, et à ne saisir dans leur disposition que les armes ou les moyens qui lui conviennent. En un mot, les deux agences se gênent, se fatiguent, rivalisent avec perte et danger perpétuel pour la république. Nous vous proposerons donc la réunion de l’agence nationale, ci-devant régie des poudres, et de l’agence révolutionnaire. Le service des deux administrations s’entrave, se contrarie; l’une a une origine révolutionnaire, l’autre a pris naissance dans l’ancien régime; ces deux filles de deux lits différents pourraient nuire à la paix domestique, et détruire le patrimoine national au lieu de l’augmenter. Nous n’avons pas proposé d’abord cette réunion, parce que nous ne voulions pas risquer les produits assurés de l’ancienne méthode avant d’être bien assurés du plein succès des procédés nouveaux. C’est ainsi que marche la sagesse à côté de la révolution. Aujourd’hui l’expérience a justifié entièrement la bonté, l’efficacité de ces procédés modernes; le moment est venu de former une organisation générale, qui donnera plus d’extension au produit en conciliant les moyens économiques qui naissent de la régularité et de l’unité des opérations. Nous avons passé rapidement de l’invention la plus hardie à l’exécution la plus positive; nous sommes arrivés dans quelques mois à des résultats grands et même inattendus. Communément il faut un siècle pour passer de l’invention à la manœuvre routinière; ici nous avons passé subitement de l’invention à l’exécution mécanique et facile pour tous les citoyens, car nous avons formé un peuple de salpêtriers et de fabrica-teurs de poudre. En vous faisant part des moyens employés, nous avons espéré d’exciter de nouveau le zèle des citoyens, d’activer les travaux des sections, de ranimer le patriotisme des ouvriers, et d’obtenir de nouveaux produits de salpêtre. Pour obtenir de la poudre, il y avait trois grandes opérations à faire : 1° extraire du salpêtre brut en très grande quantité; 2° raffiner le salpêtre; 3° fabriquer la poudre. Pour obtenir le salpêtre, la Convention nationale a, par son décret du 14 frimaire (l), invité tous les citoyens à lessiver les terres de leurs caves. Lors de l’invention du nouveau procédé pour le raffinage du salpêtre et la fabrication de la poudre, on croyait aussi qu’il fallait des établissements nombreux de ce genre pour toute la république; mais les premiers établissements formés à Paris ont donné les moyens de perfectionner les détails des procédés, tellement qu’il est évident aujourd’hui que les grands établissements de Paris suffiront pour le travail actuel, pour les besoins de la république, à quelque degré d’extension qu’ils se portent. Ainsi, la seule difficulté qui reste aujourd’hui est de redoubler l’extraction du salpêtre brut dans toutes les communes, et de le faire affluer sur les établissements de Paris, afin de les alimenter abondamment. Le fédéralisme, qui se glisse partout où il ne trouve pas des patriotes ardents qui le pourchas-(1) Voir Arch.parl, T. LXXX, séance du 14 frimaire, p. 616. 152 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE sent; le fédéralisme, chassé des administrations départementales et des magasins de subsistances, s’était réfugié dans les caves où se font les salpêtres, et avait trouvé un asile dans les matières mêmes destinées à le détruire. C’est un dernier effort, c’est un effort de courte durée qu’on demande; mais il doit être général, et il ne contrariera point les travaux si précieux de la récolte. Quand les citoyens auront épuisé leurs terres, en les replaçant dans les mêmes lieux d’où elles ont été tirées, elles se rechargeront de nouveau d’une plus grande quantité de salpêtre qu’auparavant, et en très-peu de temps. Pour y suppléer encore, s’il était nécessaire, le comité prend dans ce moment des mesures pour établir, dans plusieurs points de la république, des nitrières artificielles qui seront très-faciles à former et à entretenir, et qui finiront par être l’aliment habituel de nos salpêtreries, lorsque les grandes circonstances révolutionnaires seront passées, et sans occasionner aucune gêne aux citoyens. Ainsi nous préparons de longue main le meilleur ordre de choses possible à cet égard, et nous y trouvons aussi un moyen de correction à nos calculs, au cas où ils ne répondraient pas aux espérances en quelque partie. Les machines de l’ancienne régie, lentes comme la tyrannie et grossières comme elle, ont été révolutionnées; et, sans nous vanter des moyens qu’il est inutile de faire connaître à la Convention, nous pouvons assurer que ces machines suppléeront et aideront la machine révolutionnaire. Il est donc instant de faire cesser cette rivalité et de n’avoir plus qu’une seule administration pour les salpêtres et les poudres de la république. 1° Alofs il y aura unité dans les mesures. 2° On connaîtra à chaque instant l’état du salpêtre, du salin, etc. 3° La répartition égale et convenable des matières dans les divers ateliers se fera avec exactitude et célérité. 4° Il n’y aura plus de stagnation nulle part. 5° Des plans suivis pour la fabrication du salpêtre, du salin, de la potasse, pour le raffinage du salpêtre et la fabrication de la poudre, pourront être faits et exécutés. 6° Tous les agents et employés marcheront d’un pas égal vers l’amélioration de toutes les fabrications. 7° Les commissaires des poudres, les inspecteurs et autres agents continueront leurs travaux et les perfectionneront par des intructions. 8° Les préposés de la nouvelle agence seront liés par des rapports de travaux et par un concours heureux avec les anciens commissaires. 9° Tout partira du seul centre administratif placé à Paris; et l’impulsion étant homogène, le mouvement communiqué à toute la machine sera uniforme dans toute la république. Le comité crut devoit confier l’exécution de toutes ces mesures a des têtes révolutionnaires, et il appela, pour composer cette nouvelle administration, les personnes que leurs lumières et leur activité avaient fait distinguer jusqu’à ce jour. Le comité crut encore faciliter et assurer le succès de ces établissements en en confiant la surveillance à des représentants également distingués par leurs connaissances et leur amour pour la chose publique. Le succès a répondu à nos espérances : un atelier de fabrication de poudre qui ne devait fournir que cinq milliers par jour en fournit en ce moment de douze à quinze milliers. La raffinerie de l’Unité purifie journellement quatorze milliers de salpêtre, et en fournira incessamment quarante milliers. Il n’est donc plus question de projets; c’est d’établissements formés qu’on vient vous parler; c’est encore d’un prodige de la révolution qu’on vient vous entretenir. C’est à vous à exciter le zèle de nos départements pour la fabrication du salpêtre; c’est à vous à leur dire que la foudre tyrannicide se forge à Paris sous les yeux de la Convention, et ils brigueront la gloire de préparer et de fournir un des éléments qui la composent; c’est à la Convention elle-même à dire à tous que ceux-là seraient bien criminels, qui, foulant une terre riche en salpêtre, laisseraient languir la fabrication de la poudre, faute de l’en extraire. Le comité de salut public, en créant une seconde administration pour les salpêtres, n’a pas pu se dissimuler les inconvénients inséparables de cette organisation; mais il a pensé que c’était le seul moyen d’assurer les mesures révolutionnaires sans ralentir la marche des établissements anciens. Ce qu’il a fait alors par le sentiment du besoin, il a dû le revoir en ce moment, et chercher à raccorder le tout aux principes qui le dirigent; il a senti la nécessité de remettre dans des mains habiles tous les fils de cette grande machine; il a senti qu’il était urgent de donner à cette partie du gouvernement cet ensemble, cette unité qu’ont reçue toutes les autres parties. Nous aurions pu vous rendre compte de la nombreuse fabrication des canons pour les armées et pour la marine; nous aurions pu vous dire que les travaux de cette partie présentent pour résultat mille vingt canons par mois pour la marine ; c’est le résultat des travaux des représentants du peuple Romme, Frécine, Deydier et Noël [Pointe], qui sont envoyés dans les départements qui produisent du fer de bonne qualité. Il suffira de vous dire que les citoyens de Paris, qui, depuis l’origine de la révolution, fournissent de si beaux exemples à la république, ont encore mérité de servir de modèle aux autres communes par le zèle qu’ils ont mis et les succès qu’ils ont obtenus dans les travaux des salpêtres; mais aussi il est utile d’avertir dans ce rapport les citoyens et les communes d’économiser la poudre, de ne pas prodiguer à du bruit, dans des fêtes civiques, les matières que la liberté doit prodiguer à la mort des esclaves dans les combats. La liberté et les armées ont une hypothèque privilégiée sur les salpêtres et les poudres de la république. La Convention n’a pas ordonné des feux d’artifice ridicules pour célébrer la vigoureuse insurrection du 14 juillet 1789 ; ce sont des chants guerriers et des arts utiles qu’elle emploie. Continuons donc de révolutionner nos caves et nos terres; qu’une seule fabrique centrale prépare la poudre destructrice des tyrans, et imitons la nature : c’est elle qui a organisé les révolutions et qui les fait sans cesse sur l’univers; elle vient de se coaliser avec nous il y a quelques jours, pour accélérer la maturité des récoltes; elle s’est coalisée de plus fort avec nos armées pour effrayer les roitelets 152 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE sent; le fédéralisme, chassé des administrations départementales et des magasins de subsistances, s’était réfugié dans les caves où se font les salpêtres, et avait trouvé un asile dans les matières mêmes destinées à le détruire. C’est un dernier effort, c’est un effort de courte durée qu’on demande; mais il doit être général, et il ne contrariera point les travaux si précieux de la récolte. Quand les citoyens auront épuisé leurs terres, en les replaçant dans les mêmes lieux d’où elles ont été tirées, elles se rechargeront de nouveau d’une plus grande quantité de salpêtre qu’auparavant, et en très-peu de temps. Pour y suppléer encore, s’il était nécessaire, le comité prend dans ce moment des mesures pour établir, dans plusieurs points de la république, des nitrières artificielles qui seront très-faciles à former et à entretenir, et qui finiront par être l’aliment habituel de nos salpêtreries, lorsque les grandes circonstances révolutionnaires seront passées, et sans occasionner aucune gêne aux citoyens. Ainsi nous préparons de longue main le meilleur ordre de choses possible à cet égard, et nous y trouvons aussi un moyen de correction à nos calculs, au cas où ils ne répondraient pas aux espérances en quelque partie. Les machines de l’ancienne régie, lentes comme la tyrannie et grossières comme elle, ont été révolutionnées; et, sans nous vanter des moyens qu’il est inutile de faire connaître à la Convention, nous pouvons assurer que ces machines suppléeront et aideront la machine révolutionnaire. Il est donc instant de faire cesser cette rivalité et de n’avoir plus qu’une seule administration pour les salpêtres et les poudres de la république. 1° Alofs il y aura unité dans les mesures. 2° On connaîtra à chaque instant l’état du salpêtre, du salin, etc. 3° La répartition égale et convenable des matières dans les divers ateliers se fera avec exactitude et célérité. 4° Il n’y aura plus de stagnation nulle part. 5° Des plans suivis pour la fabrication du salpêtre, du salin, de la potasse, pour le raffinage du salpêtre et la fabrication de la poudre, pourront être faits et exécutés. 6° Tous les agents et employés marcheront d’un pas égal vers l’amélioration de toutes les fabrications. 7° Les commissaires des poudres, les inspecteurs et autres agents continueront leurs travaux et les perfectionneront par des intructions. 8° Les préposés de la nouvelle agence seront liés par des rapports de travaux et par un concours heureux avec les anciens commissaires. 9° Tout partira du seul centre administratif placé à Paris; et l’impulsion étant homogène, le mouvement communiqué à toute la machine sera uniforme dans toute la république. Le comité crut devoit confier l’exécution de toutes ces mesures a des têtes révolutionnaires, et il appela, pour composer cette nouvelle administration, les personnes que leurs lumières et leur activité avaient fait distinguer jusqu’à ce jour. Le comité crut encore faciliter et assurer le succès de ces établissements en en confiant la surveillance à des représentants également distingués par leurs connaissances et leur amour pour la chose publique. Le succès a répondu à nos espérances : un atelier de fabrication de poudre qui ne devait fournir que cinq milliers par jour en fournit en ce moment de douze à quinze milliers. La raffinerie de l’Unité purifie journellement quatorze milliers de salpêtre, et en fournira incessamment quarante milliers. Il n’est donc plus question de projets; c’est d’établissements formés qu’on vient vous parler; c’est encore d’un prodige de la révolution qu’on vient vous entretenir. C’est à vous à exciter le zèle de nos départements pour la fabrication du salpêtre; c’est à vous à leur dire que la foudre tyrannicide se forge à Paris sous les yeux de la Convention, et ils brigueront la gloire de préparer et de fournir un des éléments qui la composent; c’est à la Convention elle-même à dire à tous que ceux-là seraient bien criminels, qui, foulant une terre riche en salpêtre, laisseraient languir la fabrication de la poudre, faute de l’en extraire. Le comité de salut public, en créant une seconde administration pour les salpêtres, n’a pas pu se dissimuler les inconvénients inséparables de cette organisation; mais il a pensé que c’était le seul moyen d’assurer les mesures révolutionnaires sans ralentir la marche des établissements anciens. Ce qu’il a fait alors par le sentiment du besoin, il a dû le revoir en ce moment, et chercher à raccorder le tout aux principes qui le dirigent; il a senti la nécessité de remettre dans des mains habiles tous les fils de cette grande machine; il a senti qu’il était urgent de donner à cette partie du gouvernement cet ensemble, cette unité qu’ont reçue toutes les autres parties. Nous aurions pu vous rendre compte de la nombreuse fabrication des canons pour les armées et pour la marine; nous aurions pu vous dire que les travaux de cette partie présentent pour résultat mille vingt canons par mois pour la marine ; c’est le résultat des travaux des représentants du peuple Romme, Frécine, Deydier et Noël [Pointe], qui sont envoyés dans les départements qui produisent du fer de bonne qualité. Il suffira de vous dire que les citoyens de Paris, qui, depuis l’origine de la révolution, fournissent de si beaux exemples à la république, ont encore mérité de servir de modèle aux autres communes par le zèle qu’ils ont mis et les succès qu’ils ont obtenus dans les travaux des salpêtres; mais aussi il est utile d’avertir dans ce rapport les citoyens et les communes d’économiser la poudre, de ne pas prodiguer à du bruit, dans des fêtes civiques, les matières que la liberté doit prodiguer à la mort des esclaves dans les combats. La liberté et les armées ont une hypothèque privilégiée sur les salpêtres et les poudres de la république. La Convention n’a pas ordonné des feux d’artifice ridicules pour célébrer la vigoureuse insurrection du 14 juillet 1789 ; ce sont des chants guerriers et des arts utiles qu’elle emploie. Continuons donc de révolutionner nos caves et nos terres; qu’une seule fabrique centrale prépare la poudre destructrice des tyrans, et imitons la nature : c’est elle qui a organisé les révolutions et qui les fait sans cesse sur l’univers; elle vient de se coaliser avec nous il y a quelques jours, pour accélérer la maturité des récoltes; elle s’est coalisée de plus fort avec nos armées pour effrayer les roitelets SÉANCE DU 26 MESSIDOR AN II (14 JUILLET 1794) - Nos 44-45 153 de l’Italie anglisée; et tandis que l’armée d’Italie et des Alpes les menacent sur les monts Cenis et Saint-Bernard, la nature, du haut du Vésuve, vient de commander à Naples de ne point faire sortir la flotte. qui allait se réunir à celle des Anglais sur les côtes de la Méditerranée. L’éruption de ce volcan vient d’être plus forte que jamais; les faubourgs de Naples ont été brûlés par la lave, la ville et le port couverts pendant trois jours de cendres et de fumée, et la révolution de cette autre montagne retarde les projets des gouvernements italiques. Citoyens, cette coalition de la liberté et de la nature, la foudre du mont Cenis et la lave du Vésuve valent bien le traité de Pilnitz ; c’est à nous de les ratifier par notre union, notre courage et notre constance (l). [Vifs applaudissements]. 45 MENUAU, au nom du comité des secours publics : Offrir à vos yeux le spectacle touchant d’une famille patriote, victime de la barbarie des brigands; mettre en évidence un trait d’héroïsme et un grand exemple de piété filiale qui eussent honoré les plus beaux jours de la Grece, c’est servir à la fois l’humanité et la révolution, c’est inspirer l’amour des vertus républicaines, et rendre hommage au pays qui les a vus naître. La famille Beconnais, originaire de Rochefort-sur-Loire, district d’Angers, se signala dès 1789 par son attachement à la cause de la liberté. La fille Beconnais, pour laquelle je réclame en ce moment votre bienfaisante justice, fonda dans cette commune, en 1790, une Société populaire de femmes patriotes, et la soutint dans les temps les plus orageux par des discours pleins d’énergie. En 1793 éclata la fameuse guerre de la Vendée; les deux fils Beconnais prirent les armes, et jurèrent de ne les quitter qu’après la destruction totale des brigands, l’un est lieutenant dans le 1er bataillon des tirailleurs de Maine-et-Loire, et l’autre est volontaire sur un vaisseau de la république. Au mois de ventôse, les brigands ayant disparu de cette contrée, tous les habitants de Rochefort-sur-Loire abandonnèrent les îles Lombardières, où ils s’étaient retirés pour se soustraire à la fureur de ces scélérats, et rentrèrent dans leurs foyers. Mais à peine furent-ils quelques heures dans leurs maisons qu’on vint leur annoncer l’arrivée des brigands, et la nécessité de prendre encore la fuite. La fille Beconnais, au lieu de se sauver avec ses concitoyens, songe que son père, qui travaille dans sa vigne, est dans le plus grand danger. Elle court pour le prévenir, mais en vain : ils aperçoivent ces scélérats sur des hauteurs; la frayeur saisit le vieillard et sa fille; ils marchent l’un et l’autre vers le rivage de la Loire, dans le dessein de retourner aux îles Lombardières; mais le bateau qui avait transporté les habitants de Rochefort était sur l’autre bord de la rivière. Dans cette affreuse situation, le père et la fille se jettent à l’eau, espérant gagner l’autre rive : soins inutiles ! le passage est impraticable. Les bri-(l) Mon., XXI, 218-224. gands, arrivés sur le rivage, crièrent à ces deux infortunés de se rendre, et qu’ils auraient la vie. « Non, leur répond la fille Beconnais, la mort est moins affreuse que la grâce que vous nous offrez ». Au même instant une grêle de coups de fusil se dirige sur eux. La fille tenait son père. entre ses bras et lui servait de rempart; une balle l’atteint et lui perce la cuisse, une autre lui casse la jambe; ses forces l’abandonnent, et le père est obligé à son tour de soutenir sa fille. C’est alors que cette citoyenne sent toute la rigueur de sa position ; elle ne voit plus que le danger de son père, elle veut attendrir ses bourreaux: «Ah! malheureux, s’écrie-t-elle; c’est mon père, respectez sa vieillesse ». Mais c’est en vain; tant de vertus, tant de courage ne servent qu’à redoubler la rage de ces forcenés; un coup mortel atteint le vertueux vieillard qui tombe au pied de sa fille. Les tigres ne sont pas encore assouvis ; ils tirent de nouveaux coups sur la fille Beconnais; deux lui brisent l’épaule, un troisième la main gauche; enfin, blessée de cinq coups de feu, ayant sous les yeux le spectacle déchirant de son père assassiné, affaiblie par la perte de son sang qui coulait de toute parts à grands flots, elle perd connaissance et tombe le visage dans la vase et dans l’eau ; ses bourreaux la croient morte et se retirent. Les habitants de Rochefort avaient été les témoins de ces horribles massacres, et n’avaient pu secourir leurs concitoyens, leurs amis. Voyant cependant les brigands éloignés, ils hasardèrent de venir avec un bateau pour voir s’ils pourraient encore donner quelques secours à deux malheureuses victimes. Ils s’aperçoivent que la fille Beconnais respire encore; ils redoublent de soins, et, après les plus sages précautions, ils parviennent à transporter la fille Beconnais à Angers, pour y recevoir les secours de l’art. C’est là où, sur un lit de douleurs, depuis plus de 6 mois, seule avec sa mère, âgé de 65 ans, et une amie qui ne l’a point abandonnée, cette fille intéressante raconte ses malheurs, bénit la République, et souffre encore avec un courage sans exemple les opérations les plus douloureuses, qui la mettent pour jamais dans l’impossibilité de gagner sa vie. Mais, citoyens, si les patriotes d’Angers ont jusqu’à ce moment pourvu aux premiers besoins de cette famille malheureuse, c’est à vous maintenant à la secourir avec votre justice et votre générosité ordinaires. Vous ferez plus : un exemple si touchant de piété filiale annonce les vraies vertus républicaines; on ne saurait trop lui donner de publicité, et vous ordonnerez que celui que vient de donner la fille Beconnais sera mentionné honorablement dans le recueil des actions héroïques et patriotiques. Voilà le projet de décret que je suis chargé de vous présenter au nom de votre comité des secours publics : [adopté] (l) « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [MENUAU, au nom de] son comité des secours publics sur la pétition de la citoyenne Beconnais, de la commune de Rochefort, district d’Angers, département de Maine-et-Loire, âgée de vingt ans, qui a exposé sa vie pour chercher à sauver celle de son père, assas-(1) Mon., XXI, 258. SÉANCE DU 26 MESSIDOR AN II (14 JUILLET 1794) - Nos 44-45 153 de l’Italie anglisée; et tandis que l’armée d’Italie et des Alpes les menacent sur les monts Cenis et Saint-Bernard, la nature, du haut du Vésuve, vient de commander à Naples de ne point faire sortir la flotte. qui allait se réunir à celle des Anglais sur les côtes de la Méditerranée. L’éruption de ce volcan vient d’être plus forte que jamais; les faubourgs de Naples ont été brûlés par la lave, la ville et le port couverts pendant trois jours de cendres et de fumée, et la révolution de cette autre montagne retarde les projets des gouvernements italiques. Citoyens, cette coalition de la liberté et de la nature, la foudre du mont Cenis et la lave du Vésuve valent bien le traité de Pilnitz ; c’est à nous de les ratifier par notre union, notre courage et notre constance (l). [Vifs applaudissements]. 45 MENUAU, au nom du comité des secours publics : Offrir à vos yeux le spectacle touchant d’une famille patriote, victime de la barbarie des brigands; mettre en évidence un trait d’héroïsme et un grand exemple de piété filiale qui eussent honoré les plus beaux jours de la Grece, c’est servir à la fois l’humanité et la révolution, c’est inspirer l’amour des vertus républicaines, et rendre hommage au pays qui les a vus naître. La famille Beconnais, originaire de Rochefort-sur-Loire, district d’Angers, se signala dès 1789 par son attachement à la cause de la liberté. La fille Beconnais, pour laquelle je réclame en ce moment votre bienfaisante justice, fonda dans cette commune, en 1790, une Société populaire de femmes patriotes, et la soutint dans les temps les plus orageux par des discours pleins d’énergie. En 1793 éclata la fameuse guerre de la Vendée; les deux fils Beconnais prirent les armes, et jurèrent de ne les quitter qu’après la destruction totale des brigands, l’un est lieutenant dans le 1er bataillon des tirailleurs de Maine-et-Loire, et l’autre est volontaire sur un vaisseau de la république. Au mois de ventôse, les brigands ayant disparu de cette contrée, tous les habitants de Rochefort-sur-Loire abandonnèrent les îles Lombardières, où ils s’étaient retirés pour se soustraire à la fureur de ces scélérats, et rentrèrent dans leurs foyers. Mais à peine furent-ils quelques heures dans leurs maisons qu’on vint leur annoncer l’arrivée des brigands, et la nécessité de prendre encore la fuite. La fille Beconnais, au lieu de se sauver avec ses concitoyens, songe que son père, qui travaille dans sa vigne, est dans le plus grand danger. Elle court pour le prévenir, mais en vain : ils aperçoivent ces scélérats sur des hauteurs; la frayeur saisit le vieillard et sa fille; ils marchent l’un et l’autre vers le rivage de la Loire, dans le dessein de retourner aux îles Lombardières; mais le bateau qui avait transporté les habitants de Rochefort était sur l’autre bord de la rivière. Dans cette affreuse situation, le père et la fille se jettent à l’eau, espérant gagner l’autre rive : soins inutiles ! le passage est impraticable. Les bri-(l) Mon., XXI, 218-224. gands, arrivés sur le rivage, crièrent à ces deux infortunés de se rendre, et qu’ils auraient la vie. « Non, leur répond la fille Beconnais, la mort est moins affreuse que la grâce que vous nous offrez ». Au même instant une grêle de coups de fusil se dirige sur eux. La fille tenait son père. entre ses bras et lui servait de rempart; une balle l’atteint et lui perce la cuisse, une autre lui casse la jambe; ses forces l’abandonnent, et le père est obligé à son tour de soutenir sa fille. C’est alors que cette citoyenne sent toute la rigueur de sa position ; elle ne voit plus que le danger de son père, elle veut attendrir ses bourreaux: «Ah! malheureux, s’écrie-t-elle; c’est mon père, respectez sa vieillesse ». Mais c’est en vain; tant de vertus, tant de courage ne servent qu’à redoubler la rage de ces forcenés; un coup mortel atteint le vertueux vieillard qui tombe au pied de sa fille. Les tigres ne sont pas encore assouvis ; ils tirent de nouveaux coups sur la fille Beconnais; deux lui brisent l’épaule, un troisième la main gauche; enfin, blessée de cinq coups de feu, ayant sous les yeux le spectacle déchirant de son père assassiné, affaiblie par la perte de son sang qui coulait de toute parts à grands flots, elle perd connaissance et tombe le visage dans la vase et dans l’eau ; ses bourreaux la croient morte et se retirent. Les habitants de Rochefort avaient été les témoins de ces horribles massacres, et n’avaient pu secourir leurs concitoyens, leurs amis. Voyant cependant les brigands éloignés, ils hasardèrent de venir avec un bateau pour voir s’ils pourraient encore donner quelques secours à deux malheureuses victimes. Ils s’aperçoivent que la fille Beconnais respire encore; ils redoublent de soins, et, après les plus sages précautions, ils parviennent à transporter la fille Beconnais à Angers, pour y recevoir les secours de l’art. C’est là où, sur un lit de douleurs, depuis plus de 6 mois, seule avec sa mère, âgé de 65 ans, et une amie qui ne l’a point abandonnée, cette fille intéressante raconte ses malheurs, bénit la République, et souffre encore avec un courage sans exemple les opérations les plus douloureuses, qui la mettent pour jamais dans l’impossibilité de gagner sa vie. Mais, citoyens, si les patriotes d’Angers ont jusqu’à ce moment pourvu aux premiers besoins de cette famille malheureuse, c’est à vous maintenant à la secourir avec votre justice et votre générosité ordinaires. Vous ferez plus : un exemple si touchant de piété filiale annonce les vraies vertus républicaines; on ne saurait trop lui donner de publicité, et vous ordonnerez que celui que vient de donner la fille Beconnais sera mentionné honorablement dans le recueil des actions héroïques et patriotiques. Voilà le projet de décret que je suis chargé de vous présenter au nom de votre comité des secours publics : [adopté] (l) « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [MENUAU, au nom de] son comité des secours publics sur la pétition de la citoyenne Beconnais, de la commune de Rochefort, district d’Angers, département de Maine-et-Loire, âgée de vingt ans, qui a exposé sa vie pour chercher à sauver celle de son père, assas-(1) Mon., XXI, 258.