(États gé£ 1789. Cahiars.l ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Forcalqnier. 379 lancau, greffier ; Joseph Plesant, député; Joseph Chapenel, député. Paraphé, e varietur, l’assemblée tenant. DOLÉ4NCES particulières De la communauté du Lauzet. La communauté du Lauzet est la plus petite, la plus pauvre et la moins favorisée, par sa situation, de toutes celles de la vallée de Barcelonnette; son terroir, partout escarpé et précipiteux, occupé par les torrents et la rocaille , est traversé dans la longueur de deux lieues par le chemin royal, d’où dépend toute la communication avec le reste du royaume. Il n’est point d’années où les eaux pluviales et la fonte des neiges ne causent les plus grands ravages et rendent l’entretien de ces chemins d’autant plus onéreux qu’il en est plus fréquent. Souvent on a vu le commerce intercepté et le reste de la vallée affamé de tous les comestibles de première nécessité que son sol ingrat lui refuse ; aussi regarde -t-on avec raison cet entretien comme une des causes qui retiennent cette communauté dans l’état de misère et d’appauvrissement qui la distingue; Dans tous les temps elle a réclamé un secours, ou tout au moins le concours des autres communautés de la vallée, pour l’aider à supporter cette charge. L’utilité générale et l’absolue nécessité de ces chemins et l’excessive disproportion de ses dépenses annuelles pour cet objet, et ses forces combinées avec les dépenses que sont en cas de faire plusieurs communautés, qui, quoique la moitié plus considérables, n’ont, par leurposition, pas la dixième partie des chemins à entretenir, à son impuissance généralement reconnue, sont les titres de sa réclamation. Enfin, déjà soumise à l’entretien de trois ponts en pierre, ou en bois jetés sur la rivière d’Hubaye pour son utilité particulière, lui continuer le fardeau entier de ses chemins, c’est lui rendre sa ruine inévitable, c’est l’anticiper • enfin, c’est inviter ses habitants à l’abandon d’un sol sur lequel on est déjà étonné qu’ils aient pu s’arrêter silongtemps. Signé Régnier, député; Vigne, député. Paraphé, ne varietur, rassemblée tenant. Signé Cu-rault. DOLÉANCES PARTICULIÈRES De Revel. Les députés de Revel, chargés de dresser les réclamations de leur communauté, Disent que d’après la connaissance qu’ils ont eue des doléances dressées par les commissaires de la municipalité de Barcelonnette, qui portent sur tous les objets qui intéressent en général la vallée, ils bornent leurs réclamations à un objet qui leur est particulier et prennent la liberté de le mettre sous les yeux de Sa Majesté dont ils implorent la justice. La communauté de Revel remontre qu’il a été accordé par Sa Majesté à la vallée de Barcelonnette la somme de 180,000 livres en dédommagement des fournitures faites aux dernières guerres, et comme il fut ordonné que cette somme fût employée aux réparations des chemins et autre utilité publique à l’avantage du pays, la communauté de Revel avait lieu d’espérer d’être traitée comme le reste de la vallée dans les réparations ordinaires aux chemins publics ; elle a été frustrée dans ses attentes et a eu la douleur de se voir privée d’une propriété commune entre elle et la communauté de Méolans qui serait devenue très-considérable. Un particulier a fait offre de réparer le chemin de l’étroit de Revel, en lui accordant la concession du gravier qu’il gagnerait sur la rivière d’Habaye en y établissant les digues nécessaires pour contenir la rivière et le chemin, La demande de ce particulier a été accueillie par M. l’intendant, sous le droit de préférence pour les communautés de Méolans et de Revel qui, après avoir bien examiné la dépense à faire et Davantage qu’elles pourraient en retirer, se sont déterminées à abandonner leur terrain dans le temps qu’elles avaient lieu d’espérer que les dépenses occasionnées par cette répartition se raient prises sur les 180,000 livres accordées, comme l’ont été celles faites aux communautés du Lauzet, Méolans, Barcelonnette et Chatelard, La communauté de Revel observe qu’elle est obligée, avec la communauté de Méolans, à l’entretien de leur pont, qui traverse )a rivière d’Habaye le long de la grande route, que le pont a besoin d’être refait à neuf, que les communautés qui sont obligées à son entretien sont dans l’impuis-r sance de fournir à la dépense qu’exige sa réfection, qui ne pourra être faite qu’en pierre, attendu qu’on ne trouvera qu’avec peine et à une distance très-considérable le bois qui y serait nécessaire, ce qui rendrait la dépense presque aussi considérable d’une façon que d’autre. La communauté de Revel espère des bontés de Sa Majesté qu’attendu le droit qu’elle a sur les 18(>,000 livres accordées à la vallée dont elle n’a encore ressenti aucun bienfait, elle voudra bien ordonner la réfection de ce pont sur cette somme, qui, par sa chute et l’impuissance des communautés a le rétablir, intercepterait le chemin royal et toute communication dans la vallée. Signe Maurin, Anticq, consuls et députés. Paraphé, ne varietur , Rassemblée tenant. DOLÉANCES PARTICULIÈRES De Tournoux et Gleisolles, La communauté de Sain t-Pauly divisée en quatre paroisses, aune municipalité composée de quatre consuls et de deux défenseurs auxquels est attribuée la juridiction de lapoliceetde Pobserva-tion des statuts municipaux. La paroisse de Tournoux et Gleisolles, éloignée d’une lieue de Saint-Paul , forme Une partie considérable de cette communauté ; elle ma que ses communaux particuliers , que leur position sépare de ceux de la communauté, et qui néanmoins se trouvent soumis à la même loi municipale dont l’observance est le thermomètre de leur existence. L’éloignement en été, et la grande quantité de neige qui couvre le terroir en hiver, en interceptent souvent la communication, dérobent toujours à la connaissance des consuls, seuls chargés d’y veiller, les contraventions qui se commettent dans les quartiers les plus précieux à conserver, et la licence targuée de l’impunité, en produisant la destruction des bois qui dominent les maisons et les fonds , ne laisse entrevoir que leur ruine la plus prochaine par les coulées de neige pendant l’hiver et l’irruption des eaux pluviales pendant l’été. L’attention journalière d’un consul pris chaque année dans leur sein, dont sa conscience et son 380 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée, de Forcalquier.] intérêt personnel lui imposerait ce devoir indispensable, serait le remède le plus efficace et le seul que ses habitants réclament de la bonté du monarque. C’est à Tournoux et Gleisolles que fut établi le camp général de Sa Majesté aux guerres de 1744;. à cette occasion, les bois, les maisons, les denrées, tout fut sacrifié au service des troupes et à la formation des magasins. Les habitants de cette contrée malheureuse n’ont cessé depuis lors de réclamer le payement des fournitures qu’ils avaient faites et des dommages qu’ils avaient soufferts, sur les états de liquidation dressés par M. Sercy, chargé de cette partie dans le mois d’août 1751. Mais leur faible voix n’a pu encore parvenir aux pieds du trône. Si leur local fut, dans les dernières guerres, jugé le plus propre pour l’établissement d’un camp général, la conservation de ses habitants en devient d’autant plus précieuse à l’Etat, qu’en les abandonnant à leur infortune, ils seraient, dans le cas d’une nouvelle rupture, privés d’un avantage qu’ils ne pourraient se procurer ailleurs. Le village de Tournoux, situé sur une élévation, est privé de l’eau nécessaire à son usage domestique; depuis longtemps les habitants ont épuisé leurs forces et leurs ressources pour se procurer une fontaine, mais la dépense excessive qu’ils sont obligés de faire a rendu iusqu’à présent leurs efforts impuissants, et ne leur laisse d’espoir d’y parvenir que dans l’iudemnité qu’ils réclament de la justice du souverain. Signé à l’original : Pierre Gavien. Paraphé, ne varietur, l’assemblée tenant. Signé Gurault. DOLÉANCES PARTICULIÈRES Des habitants du vallon de Fours. Par-devant nous, les députés de la ville et communauté de Barcelonnette, nommés par délibération prise au conseil de ladite communauté, dans l’église du collège de Saint-Maurice de ladite ville tenue le 25 du présent mois de mars pour procéder à la rédaction du cahier de plaintes, doléances et remontrances des quartiers, paroisses, hameaux et particuliers de ladite ville et communauté de Barcelonnette, est comparu sieur Alexis-Armand Ménager, habitant de la paroisse et vallon de Fours, syndic et procureur fondé de ladite paroisse et vallon, lequel nous a représenté qu’en suite des lettres de Sa Majesté du 2 mars 1789 pour la convocation des Etats généraux à Versailles le 27 avril prochain et règlement y annexé, et de l’ordonnance de M. le préfet de Barcelonnette, tout quoi a été publié et affiché audit lieu le 22 du courant, il se rendit, mercredi dernier, 25 du présent mois de mars, au conseil convoqué à Barcelonnette, ledit jour, dans ladite église du collège de Saint-Maurice, pour y procéder, conjointement avec les autres habitants de ladite ville et communauté de Barcelonnette, d’abord à la rédaction du cahier de plaintes, doléances et remontrances à faire à Sa Majesté, et présenter les moyens de pouvoir subvenir aux besoins de l’Etat, ainsi qu’à toutee qui peut intéresser la prospérité du royaume et celle de tous et chacun des sujets de Sa Majesté ; qu’en conséquence la paroisse et vallon de Fours ayant plusieurs plaintes à porter et plusieurs réclamations à faire, il aurait voté et demandé à pouvoir en fairearticledans ledit cahier de plaintes, doléances et remontrances. Que MM. les consuls / lui répondirent que ce n’était point le jour ni le moment, et qu’il n’aurait pour cela qu’à s’adresser à MM. les députés qu’on allait nommer et choisir, et qui seraient chargés de recevoir les plaintes de chacun et de rédiger ledit cahier de doléances, ce qui est cause que ledit comparaissant s’adresse à nous pour nous prier et requérir, au nom de tous les habitants de ladite paroisse et vallon de Fours, d’insérer et de faire un article exprès, dans notre cahier de plaintes, doléances et remontrances des réclamations, et pétitions desdits habitants de Fours qui sont ainsi que suit. Le lieu de Fours est un village assez considérable, dépendant de la communauté de Barcelonnette, ayant paroisse et succursale; il est composé decentcinquantedeux habitations, formant en tout neuf cent trente individus; sa situation se trouve au fond de quatre montagnes escarpées, dans le climat le plus froid de la vallée, les abords sont inaccessibles plus de six mois de l’année par la quantité de neige qui tombe en hiver, et par le défaut de chemins. Ce village est éloigné de six heures de marche de la ville de Barcelonnette dont il fait la quinzième partie de l’afflorinement du cadastre. Cette position désagréable et pénible laisse les habitants exposés à manquer des secours nécessaires en cas de maladie : ils n’ont sur les lieux ni chirurgien ni notaire ; aussi arrive-t-il souvent que les malades périssent faute de soulagement et que des familles se détruisent faute de disposition de la part de leurs chefs ; on a presque toujours vu les pupilles dépouillés de leurs principales ressources, lorsque les pères sont morts sans disposer de leurs biens. Il ne se passe pas d’année qu’il n’y ait des morts par accident, soit en hiver par les coulées de neige, soit en été pour faire paître les troupeaux à travers les montagnes escarpées qui dominent le village; dans ces événements malheureux, il est arrivé souvent que les cadavres ont pourri sur la place, faute de justice sur les lieux, ou qu’ils sont restés trois mois ensevelis sous la neige. Ce tableau, tout effrayant qu’il est, n’est point exagéré; l’éloignement du cher-lieu et la difficulté des chemins rendent le hameau de Fours isolé, et comme séparé du reste de la vallée. Les habitants gémissent depuis longtemps dans ce désordre ; jamais le corps de la communauté n’a rien fait pour leur hameau : ponts, chemins, répartition publique, tout a toujours été à leur charge, jamais on ne les a admis à aucune charge municipale, ils n’ont jamais eu ni consuls, ni défenseurs , ni conseillers ; jamais aucun habitant n’a participé à l’administration; cependant la ville a toujours été attentive à les surcharger d’impôts; quelque misérable que soit le hameau par sa position et son peu de produit, les habitants ont toujours supporté les plus fortes charges. On ne craint pas de dire que la ville a toujours abusé de son pouvoir à leur égard ; aussi, avant de succomber sous le joug accablant qu’ils portent ils ont pris la résolution de profiter dans ces temps heureux de la justice du Roi bienfaisant qui les gouverne, et de faire leurs derniers efforts pour se soustraire, s’il estpossible, à l’administration du chef-lieu. Dans cette vue, ils ont pris une délibération le 24 juin dernier, par-devant M. Tirau (notaire, après avoir obtenu permission de M. le préfet de Barcelonnette de s’assembler), par laquelle les habitants ont unanimement nommé des préposés pour traiter toutes les affaires qui les intéressent, former le plan le plus avantageux, prendre avis et agir auprès des puissances qui pourront connaî-