(Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {'3? �tobre�wia H 99 défenseur]|des malheureux, il s’est présenté à votre barre pour y demander la liberté provi¬ soire d’un' citoyen arrêté dans son département en vertu d’un ordre des représentants du peuple, mais la Convention n’a pas regardé sa pétition comme indiscrète puisque son président lui a accordé les honneurs de la séance. C’est dans ce moment que le citoyen Fabre d’Églantine l’a dénoncé (1) comme un ami de Necker et de Delessart, comme défenseur des boulangers en 1789 et qu’il a demandé qu’il fût renvoyé au comité de sûreté générale pour y être entendu. « Le citoyen Rutledge s’y est rendu, son dé¬ nonciateur l’y a suivi. Il avait heu de s’attendre qu’il pourrait répondre à ses inculpations puis¬ qu’un décret ordonnait qu’il serait entendu. Mais il n’a pu obtenir cette faveur. Il a eu la douleur de voir entrer successivement ses enne¬ mis, et, après dix heures d’attente et de déten¬ tion, il a été conduit à la Force sans avoir pu articuler un seul mot pour sa défense, sans pou¬ voir même deviner ce qui lui attirait un pareil traitement. « C’est ainsi, législateurs, que l’on a violé toutes les lois et toutes les formes envers un homme que la malveillance seule pourrait at¬ teindre ; c’est ainsi que par cette violation on lui a interdit tout moyen de se justifier. « Si le citoyen Rutledge eût été coupable de quelque crime, votre comité de sûreté générale l’aurait renvoyé devant un tribunal quelconque ; mais on ne l’a même pas regardé comme sus¬ pect, car on a négligé de mettre les scellés sur ses papiers parce que l’on était assuré de n’y trouver que des preuves de son patriotisme et de sa haine pour la tyrannie. Mais si le citoyen Rut¬ ledge n’est coupable d’aucun crime, si même il n’est pas dans la classe des hommes suspects, il est donc la victime de quelque haine person¬ nelle... Et ce seraient des représentants du peu¬ ple que l’on aurait surpris au point de les faire servir d’instruments à des ressentiments par¬ ticuliers... Cette idée est accablante, elle nous interdit toute réflexion. « Cependant, législateurs, il serait inhumain de laisser périr un innocent dans un cachot ré¬ servé pour le crime. Je demande donc que la Convention veuille bien ordonner à son comité de sûreté générale de lui faire le rapport séance tenante des motifs qui ont déterminé l’arresta¬ tion du citoyen Rutledge, et de donner des ordres sur-le-champ pour qu’il soit transféré du cachot où il est malade, à l’infirmerie de la Force et traité avec les égards et les soins que la justice et l’humanité prescrivent. « Lesueur. » Compte rendu du Journal du Matin (2), Le citoyen Rutti (sic), d’extraction noble ir¬ landaise, et arrêté comme étranger et suspect, se plaint, par l’organe de son défenseur officieux, de cette arrestation. Il a, dit-il, effacé la tache originelle de sa naissance par un long séjour en France. Il invoque encore l’article du décret qui porte exception en faveur de ceux qui ont (1) Voy. Archives parlementaires, lre série, t. LXXVI, séance du 20e jour du 1er mois, p. 362), la dénonciation de Fabre d’Églantine. (2) Journal du Matin, n° 929, p. 1 et 2. donné des preuves constantes de leur civisme, depuis le commencement de la Révolution; il en appelle au témoignage de ses concitoyens pour attester de son patriotisme. Cependant, il languit dans les fers, réduit au pain et à l’eau, et couche sur la paille comme un coupable. Il termine en demandant que le comité de sûreté générale soit invité à faire demain un rapport sur les motifs de son arrestation. Renvoyé au comité de sûreté générale. VII. PÉTITION DES FERMIERS DE LA. CITOYENNE Montecler POUR DEMANDER QUE CETTE CI¬ TOYENNE SOIT AUTORISÉE A RÉSILIER LA PRO¬ MESSE SOUS SEING PRIVÉ QU’ELLE A FAITE au citoyen Fleury, régisseur du fer¬ mier GÉNÉRAL DE LA TERRE DE BûNNÉTA-BLE, DÉPARTEMENT DE LA SARTHE (1). Suit le texte de cette pétition d'après un docu # ment des Archives nationales (2). Aux citoyens représentants du peuple à la Convention nationale. « Représentants, « Assez et trop longtemps les fermiers géné¬ raux de grandes terres écrasent le cultivateur; assez et trop longtemps les sueurs que répand cet être respectable continuellement ne servent qu’à lui faire supporter une augmentation telle¬ ment forte qu’elle réduit souvent à la misère; le fermier général est une sangsue avide, peu lui importe que son sous-fermier cultive avec in¬ térêt, pourvu qu’il soit payé; peu lui importe encore que les denrées augmentent ou dimi¬ nuent, il sait demander le prix de sa ferme, et le fermier qui prie pour obtenir six mois de crédit, est saisi et exécuté. « Quoi ! citoyens représentants, votre sagesse vous a dicté des milliers de choses sublimes, et vous oublierez la plus essentielle, la culture? « Un fermier peut-il être à son aise lorsque tous les jours il voit ses démarches épiées par l’ava¬ rice d’un homme jaloux de son profit; peut-il être à son aise quand huit jours avant le terme échu cet homme lui dit, ou lui fait dire : « Aie ta ferme en bourse, sans quoi tu seras saisi », et le malheureux qui se voit ainsi traité, vend sa mar¬ chandise à vil prix, pour payer son ennemi. L’année suivante, il est forcé d’en faire autant, il se décourage, laisse sa terre inculte, la misère l’abat, et il sort ruiné. « Bientôt il aura un successeur, mais saura-t-il mieux que lui se tirer d’affaire? » 1° il payera un pot de vin énorme à son soi-disant maître, pot de vin qui l’empêchera, comme son prédécesseur, d’avoir le bétail nécessaire pour bien faire valoir; 2° connaîtra-t-il l’embla-vement de sa nouvelle terre déjà épuisée? il passera trois ans à faire des essais, à faire des (1) La pétition des fermiers de la citoyenne Mon¬ tecler n’est pas mentionnée au procès-verbal d© la séance du 10 brumaire an II; mais en marge de l’original qui se trouve aux Archives nationales, on lit : « Renvoyé au comité d’agriculture le 10 du 2e mois, IIe année républicaine. » (2) Archives nationales, carton F10 284, 3« dossier. 100 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j ™rel793 11 démi-récoltes, il végétera, sa terre se dénaturera, et il ne pourra payer; ses meubles seront vendus et il subira le même sort du premier. L’exemple n’est pas rare de voir trois fermiers se succéder au même lieu dans l’espace de 9 ans. Que résulte-t-il de ces abus? Perte particulière pour les fai¬ sant valoir, perte générale pour la société, car le germe du commerce rural étant altéré dans son principe, toutes les autres branches de com¬ merce qui y sont liées doivent absolument en souffrir. « Le vrai moyen d’encourager l’agriculture est de supprimer les fermiers généraux ; presque tous les propriétaires prisent leurs fermiers, sa¬ vent attendre qu’ils puissent les payer et rare¬ ment leur font des frais; c’est alors que les fer¬ miers redoublent de courage et d’activité, ils bé¬ nissent leurs bienfaiteurs et ils les payent. « Un exemple frappant de ce que l’on vient de dire se fait sentir dans un sous-seing surpris à la citoyenne Montecler, demeurant à Paris, rue Cherehe-Midi, faubourg Saint-Germain, section du Luxembourg, par le citoyen Fleury, régis¬ seur du fermier général de fa terre de Bonnétable, sous-seing que cette citoyenne voudrait bien voir résilier, parce qu’elle sait aimer ses fermiers et parce qu’elle voit leur ruine s’avancer à grands pas. « Par cet écrit, la citoyenne promet donner à bail général 45 corps d’héritages, qui contien¬ nent un immense espace de terrain dans les communes de Tuffé, Beillé, Saint-Hilaire, le Lierru, Prevelles et autres paroisses, toutes du canton de Tuffé, district de la Ferté -Bernard, département de la Sarthe; ces 45 objets, occupés par autant de familles, leur sont affermés de¬ puis environ vingt ans par un fermier général (le bail duquel ainsi que de ceux de ses sous-fermiers finissent à la Toussaint 1794). Et l’on sait à quel point celui-ci a porté ses fermages. « Aujourd’hui, le citoyen Fleury, qui n’a qu’une promesse de bail, et qui feint d’ignorer les considérations que l’on doit avoir pour le vrai cultivateur, vient néanmoins d’affermer verba¬ lement différents objets, en exigeant des pots de vin énormes, en doublant le prix des fermages, auxquels le fermier général son prédécesseur les avait portés, et en expulsant des pères de fa¬ mille qui, depuis 20, 30, 60 jusqu’à 130 années, les faisaient valoir. « Il résultera de ces maux, si la Convention n’y apporte remède, que ces 45 malheureux pères de famille, dont l’existence est précieuse à l’État, vont, dans un aussi court délai, se trouver sans asile, et sans terres pour subsister. « Il en résultera, comme on l’a déjà dit, que les étrangers qui les remplaceront, ne connais¬ sant pas le sol de leurs nouvelles terres, le dé¬ rangeront, s’y ruineront et prépareront la ruine de leurs successeurs. « Les fermiers de la citoyenne Montecler, désirant profiter du moment que le bail n’est pas encore passé, réclament donc avec justice la sollicitude des citoyens représentants, com¬ posant les comités d’agriculture et de com¬ merce, pour autoriser la citoyenne à résilier la promesse qu’elle a donnée au citoyen Fleury. Le bonheur de la société semble exiger impérieu¬ sement la défaite entière des fermiers généraux; des clameurs, des plaintes se font entendre de toutes parts, les propriétaires eux -mêmes, indi¬ gnés de la conduite que ces vautours tiennent à l’égard du pauvre laboureur, veulent mettre un terme aux maux qu’ils causent indirectement. « Que n’est-il permis aux fermiers de la ci¬ toyenne Montecler de réclamer leur maîtresse; quel bonheur pour eux si elle pouvait quitter Paris pour venir passer quelques jours à Tuffé, ses bontés et son cœur sont assez connus, pour être assurés qu’elle ferait les plus grands sacri¬ fices pour réussir à résilier le sous-seing qui lui a été surpris par Fleury, et leur assurer une existence aisée en renouvelant leurs baux. « Citoyens représentants, pesez dans votre sagesse ce que l’on vient de vous exposer, vous avez fait des heureux, faites maintenant le bonheur de la société en brisant les entraves données à la culture des terres; que la réclama¬ tion des fermiers de Tuffé et des autres com¬ munes ci-dessus dénommées ne soit pas vaine, leur sort est entre vos mains; en vous ils s’at¬ tendent de trouver des protecteurs, des pères; seront-ils trompés? Non. » (Suivent 41 signatures.) VIII. PÉTITION DE LA SOCIÉTÉ POPULAIRE DE PRO¬ VINS POUR DEMANDER QUE LES FONCTION¬ NAIRES PUBLICS DÉPOURVUS DES RESSOURCES NÉCESSAIRES A L’EXISTENCE, SOIENT SALARIÉS dans toute la République (1). Suit le texte de cette 'pétition d’après un docu¬ ment des Archives nationales (2). « Représentants du peuple, « C’est toujours avec une nouvelle confiance que la Société populaire de Provins porte de¬ vant vous la cause sacrée de l’humanité et de la justice. Ces deux vertus sacrées qui sont la base fondamentale de toute société qui veut être heureuse, de toute république qui veut consoli¬ der sa robuste existence, ont encore besoin de l’appui des lois. Nous en demandons une qui, déjà plus d’une fois, a été proposée dans le sein de la Convention nationale et des autres Assem¬ blées qui l’ont précédée, en faveur des officiers municipaux et autres fonctionnaires publies non salariés. Cette loi, venant au secours des vrais sans-culottes, patriotes purs, que le choix libre et réfléchi du peuple aurait élevés à la plus belle, à la plus importante magistrature, écarterait enfin pour toujours cette caste de riches cons¬ tamment égoïstes, constamment en contradic¬ tion plus ou moins notoire avec les sublimes principes de l’égalité. « Il est temps que l’heureuse bascule de l’ordre actuel place' l’orgueilleux, l’incorrigible oppres¬ seur, sinon au-dessous, du moins derrière le citoyen probe, jusqu’alors opprimé. (1) La pétition de la Société populaire de Pro¬ vins n’est pas mentionnée au r procès-verbal de la séance du 10 brumaire an II; mais en marge de l’original qui se trouve aux Archives nationales , on lit : « Renvoyé aux comités de législation et des finances le 10 du 2e mois, 2e année de la Répu¬ blique. » En outre, on trouve un extrait de cette pétition dans le Bulletin de la Convention du 10e jour de la lre décade du 2e mois de l’an II (jeudi 31 oc¬ tobre 1793). (2) Archives nationales, carton G 277, dossier Pro¬ vins.